La naissance de la monarchie absolue donne ses fondements à la France de l’Ancien régime. Pour ce faire, il fallait deux rois, aidés par deux Premiers ministres - à commencer par Henri IV dûment conseillés par Sully. L’incarnation royale du pays se précise en termes savoureux et imagés, au détriment de la référence chrétienne. Les historiens notent aussi la naissance d’un vrai nationalisme populaire.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Pardonnez un mot à vos fidèles serviteurs, Sire. Ces amours si découvertes, et auxquelles vous donnez tant de temps, ne semblent plus de saison. Il est temps que vous fassiez l’amour à toute la chrétienté et particulièrement à la France. »551
(1549-1623), juillet 1583
Histoire des Français (1821-1844), Simonde de Sismondi.
Qu’en termes galants ces choses-là sont dites au Vert-galant ! Son ambassadeur et principal conseiller s’inquiète auprès d’Henri, encore roi de Navarre et toujours bon vivant. La France et les chefs de partis ont un bref répit entre la septième guerre de Religion et la huitième, déclenchée par un événement inattendu, 10 juin 1584 : la mort par tuberculose du quatrième fils de Catherine de Médicis, François d’Alençon, 29 ans. Henri III n’ayant pas d’enfant, à sa mort, la couronne d’une France catholique doit revenir à Henri de Navarre, chef du parti protestant. La Sainte Ligue se réveille (…)
« Vive Roi, Vive France. »556
Cri poussé à Marseille en 1585, contre la Ligue. L’État royal : de Louis XI à Henri IV, 1460-1610 (1987), Emmanuel Le Roy Ladurie
Ces mots résonnent pour la première fois de notre histoire : « Incontestablement, la synthèse nationale est en marche », selon cet historien fondateur de la « Nouvelle Histoire ». Malgré l’affaiblissement du pouvoir royal depuis la mort d’Henri II et un gouvernement hésitant toujours entre tolérance et répression ; malgré le renforcement des princes, des grandes familles et des partis comme au temps de la féodalité ; malgré le déchaînement des ambitions pour l’enjeu d’une couronne à prendre ; malgré l’ingérence des pays voisins, Espagne et Angleterre profitant de l’occasion pour ralentir l’ascension de la future grande puissance européenne ; malgré la foi devenue ferment de division (…), il fallait une France déjà profondément unie, pour résister aux trente-huit années de guerre civile où la religion n’est que prétexte !
« Qui aurait dormi quarante ans penserait voir non la France, mais un cadavre de la France. »586
Étienne PASQUIER (1529-1615), Les Recherches de la France (1633)
Avocat, humaniste et poète à ses heures, considéré comme « le premier historien de la France » (dictionnaire Le Robert). Son œuvre est un témoignage d’autant plus précieux qu’il a vécu très vieux (86 ans) et rédigé neuf livres de Recherches. Au terme de trente-huit années de guerres de Religion, en 1598, on voit les terres en friches, la baisse de la production céréalière (indispensable pour nourrir une France très peuplée), une chute de moitié dans la fabrication des draps et des toiles. Les épidémies menacent villes et campagnes (pire que tout, la peste bubonique). Brigands et pillards font la loi sur les routes et gênent le commerce, tandis que les « croquants » contestent l’impôt royal.
« Rendre à la France les frontières que la nature lui a assignées, confondre la Gaule avec la France et, partout où fut la Gaule antique, la reconstituer. »601
Cardinal de RICHELIEU (1585-1642), Testament politique
C’est l’expression de la politique des « frontières naturelles » qui revient périodiquement dans l’histoire de France. Pas systématique à l’époque, elle demeure à l’état latent dans les consciences. Au début du XVIIe siècle, les frontières à l’est sont trop voisines de Paris, de sorte que la capitale est menacée en cas de conflit. Richelieu veut surtout occuper des points stratégiques importants, pour bloquer les routes de communication de l’adversaire et prévenir l’invasion.
« La France et moi avons besoin de reprendre haleine. »642
HENRI IV (1553-1610), 2 mai 1598. Les Grandes Crises de l’histoire de France (1945), Robert Lacour-Gayet
Année heureuse, pour la France enfin pacifiée ! Après la paix faite avec les protestants, le roi signe la paix de Vervins avec Philippe II d’Espagne (…) Les troupes espagnoles, si souvent alliées aux ligueurs et autres ennemis de la couronne, quittent le territoire. Paris, reconquis et libéré depuis quatre ans, se reconstruit (pont Neuf, place des Vosges), se repeuple et se remet au travail étonnamment vite. Alors que le pays est dans un triste état.
« Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée et les vrais mines et trésors du Pérou. »649
Duc de SULLY (1560-1641), Économie royale (1594-1597)
(…) Au tournant du siècle, Sully peut enfin réorganiser l’agriculture française, établir un programme de routes, ponts et canaux. Henri IV l’a nommé surintendant des Finances : il récompense sa fidélité de toujours, sa sagesse politique, et reconnaît ses talents de gestionnaire et d’administrateur grâce auxquels il fait honnêtement fortune – l’homme est pourtant peu sympathique et le ministre impopulaire, à l’opposé du roi. Deux autres protestants sont d’une grande aide pour Henri IV dans le domaine économique : premier agronome français, Olivier de Serres répand la culture du mûrier et l’élevage du ver à soie ; Barthélemy de Laffemas, contrôleur général du commerce, favorise l’établissement de nombreuses manufactures. Ainsi, la France fabrique de précieuses soieries, au lieu de les importer. Pour la première fois dans son histoire, la France a une politique économique cohérente et globale. Richelieu, puis Colbert, suivront cet exemple.
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