Portrait d'Antonin Carême en citations | L’Histoire en citations
Portrait d'Antonin Carême en citations
Portraits en citations des Personnages de l’Histoire

 

« La gastronomie marche en souveraine à la tête de la civilisation ; mais elle végète en temps de révolution. »

Antonin Carême, L’Art de la cuisine française au XIXe s. (1833)

Comme tout grand cuisinier, Marie-Antoine Carême dit Antonin Carême (1783-1833) entra dans l’histoire de la gastronomie – par la petite porte.

Sous la Révolution, abandonné à huit ans sur le trottoir de Paris par un père trop pauvre pour nourrir toute sa famille, il est recueilli par un cabaretier qui l’engage – faute de lois sociales, les enfants travaillaient à l’usine et dans les mines.

Attiré par la pâtisserie, il entre à 13 ans « Chez Bailly », rue Vivienne, ouvre sa première boutique rue de la Paix : La Pâtisserie. La bonne société du Directoire apprécie son talent précoce et son élégance - visible dans tous ses portraits. Passionné par son métier plus que par l’argent et la gloire, sensible au contact humain, mais épuisé à la tâche, il meurt à 49 ans.

Signe particulier, Carême fut le seul de tous les « chefs » à entrer dans l’Histoire de France – par la grande porte.

Au service de Talleyrand pendant douze ans, il rencontre les grands de ce monde. Le couple s’illustre en 1814 au Congrès de Vienne qui danse la valse, mais travaille à redessiner la carte de l’Europe après la chute de Napoléon… et se régale à la table française, d’un luxe et d’un raffinement sans pareil.

Carême servira ensuite le prince régent d’Angleterre, le tsar de Russie, l’empereur d’Autriche… avant de retourner à Paris au service du baron de Rothschild, l’homme le plus riche de France (avec le roi Louis-Philippe).
Auteur, Carême publie pour transmettre l’amour de l’art culinaire qu’il met au rang des Beaux-Arts, « l’architecture (ayant) pour branche principale la pâtisserie » avec les spectaculaires « pièces montées » de son invention.

Bref, vous allez vous régaler en compagnie de ce chef cuisinier au nom prédestiné : un destin exceptionnel pour un surdoué éminemment sympathique.

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1. De la Révolution au Congrès de Vienne (1814).

« Le Palladio de la cuisine… artisan laborieux » [issu d’] « une des familles les plus pauvres de France qui compta vingt-cinq enfants. »

Antonin CARÊME (1784-1833), Souvenirs écrits par lui-même (inédits)

Les Classiques de la table, petite bibliothèque des écrits les plus distingués publiés à Paris sur la gastronomie et la vie élégante (1845).

Un récit qu’il veut « rapide et simple », pudique aussi, malgré le rapprochement avec Andrea Palladio, illustre architecte de la Renaissance italienne, auteur d’un traité (Les Quatre Livres de l’architecture) qui inspira son art culinaire à Carême.

Une dizaine de ses frères et sœurs sont morts en bas âge et le gamin parisien fut « littéralement jeté à la rue » par son père, ouvrier de chantier vivotant avec sa famille (15 enfants survivants) dans une baraque près de la rue de Sèvres. Il souhaite épargner la misère au plus prometteur…

Dans ses écrits, Carême ne donne aucun souvenir d’enfance et certains biographes ont apporté des détails romanesques dignes du Sans famille d’Hector Malot. Reste l’aveu du manque et de la souffrance insurmontable d’avoir été privé de famille et d’éducation.

À la même époque, Talleyrand, homme de l’Ancien Régime à jamais nostalgique de cette époque : « Qui n’a pas vécu dans les années voisines de 1780 n’a pas connu le plaisir de vivre. » Le Diable boiteux (affligé d’un pied bot de naissance ou victime très jeune d’un accident… et réputé pour sa redoutable habilité à servir différents maîtres) a su traverser habilement la Révolution pour s’enrichir, missionné diplomatique outre-Manche en 1792, puis auto-entrepreneur « successful » outre-Atlantique. Toujours critique et fin gourmet.

« En France nous avons 300 sauces et 3 religions. En Angleterre, ils ont 3 sauces mais 300 religions. »1

TALLEYRAND (1754-1838), Mémoires et Correspondance du prince de Talleyrand (posthume, 1891)

Quels que soient les pays où il exercera ses talents diplomatiques, il restera un homme de goûts et de plaisirs pluriels, particulièrement attentif à la qualité des repas qu’il partage avec ses convives et collègues. « Pendant toute l’effroyable année 1793 », Talleyrand vit à Londres dans le quartier chic de Kensington, fréquente les prêtres constitutionnels émigrés, noue des relations anglaises qui lui seront plus tard utiles. Mais il apprend que le roi George III va l’expulser au nom de l’Aliens Act (« loi sur les étrangers »). Il anticipe et part pour un exil plus lointain, outre-Atlantique.

« J’y ai trouvé un pays avec trente-deux religions, mais une seule sauce. »2

TALLEYRAND (1754-1838), Mémoires et Correspondance du prince de Talleyrand (posthume, 1891)

Réfugié aux États-Unis pendant deux ans, il découvre un nouveau continent, une jeune république riche de promesses et de libertés, après la guerre d’Indépendance (1775-1783). Avec ses relations toujours bien placées et des lettres de mission venues de banques européennes, il pourrait faire fortune : spéculation sur les terrains, prospections dans les forêts du Massachusetts, commerce en projet avec l’Inde… Mais le prince en exil s’ennuie de la France, la gastronomie d’Outre Atlantique est pauvre, la chute de Robespierre annonce la fin de la Révolution avec le nouveau gouvernement du Directoire. Tous les espoirs politiques lui sont permis. Il va devenir le plus grand diplomate de l’Histoire, au service de Napoléon Bonaparte comme ministre des Relations extérieures.

Il prend à son service le jeune Carême devenu un pâtissier réputé - il a remarqué à la vitrine de son pâtissier-traiteur  « Chez Bailly » une de ses pièces montées. Selon d’autres sources, ce nouveau chef lui est recommandé par Bonaparte Premier Consul. Quoi qu’il en soit, Talleyrand le met au défi de le régaler d’un diner différent pendant les 365 jours d’une année. Pari gagné, voilà Carême engagé ! Il va connaître un fabuleux destin et une complicité culinaire historique de douze ans avec Talleyrand.

Le Diable boiteux doit aussi faire la conquête de Bonaparte, revenu vainqueur de sa (première) campagne, séduit par ce personnage dont il pressent le destin, voyant en lui l’homme ferme et droit capable de diriger la France.

La table est le meilleur moyen, surtout avec le meilleur des nouveaux chefs.

« Au milieu des prodigalités du Directoire, Carême avait préparé le luxe délicat et l’exquise sensualité de l’Empire. »

Alexandre DUMAS (1802-1870), Le Grand Dictionnaire de cuisine (posthume, 1873)

Dès le début du XIXe siècle paraissent un grand nombre de livres consacrés à l’alimentation. Fin gourmet, c’est le dernier manuscrit remis à l’éditeur par Dumas, en mars 1870 - il meurt le 5 décembre. Texte publié après sa mort, signé d’un fin connaisseur : « Alexandre Dumas partageait son temps entre la littérature et la cuisine ; lorsqu’il ne faisait pas sauter un roman, il faisait sauter des petits oignons. » (Charles-Pierre Monselet, Alexandre Dumas en tablier blanc, 2001)

Dans le concert des culinographes et des gastrolâtres, Carême occupe une place à part. Parfait artisan, il parle en praticien et sans effets littéraires de la cuisine et du statut de cuisinier - premier « chef » de l’histoire, il instaure aussi la « toque » blanche en 1821, lors de son séjour à Vienne au service de lord Charles Stewart. Nostalgique et novateur, il incarne à la fois le dernier officier de bouche à la façon de l’Ancien Régime inspiré par le goût italien de Catherine de Médicis et le premier cuisinier artiste de la culture bourgeoise au XIXe. Son obsession du décor et sa manie du dessin caractérisent également la culture et la sensibilité de l’époque. Rappelons qu’il a commencé comme pâtissier rue Vivienne, chez Bailly, révolutionnant cet art délicat, exquis et sensuel qui l’inspire.

« Les Beaux-Arts sont au nombre de cinq, à savoir : la peinture, la sculpture, la poésie, la musique et l’architecture, laquelle a pour branche principale la pâtisserie. »3

Antonin CARÊME (1784-1833), Le Pâtissier pittoresque (1815)

Faute d’être l’architecte dont il rêvait, Carême cultive sa passion pour l’architecture en fréquentant assidûment le cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale – peinant à lire, il est fasciné par les planches et autres images et ce lieu béni est proche de « Chez Bailly », le pâtissier où il travaille en apprenti la nuit. Il expose bientôt ses premières œuvres littéralement inspirées : série de réalisations pittoresques, ruine de Babylone, pavillon chinois ou Hermitage suédois. Dès ses premières créations, il recherche l’élégance et l’harmonie des proportions et des couleurs : pas plus de trois couleurs « tendres dans leurs nuances ».

Il fera bientôt des prodiges défiant l’imagination et les lois de la pesanteur : « pièces montées » colossales, de nature à flatter les bourgeois, sculptures baroques et phalliques faites de croquantes meringues à base d’amandes et de miel, gros nougats et pâte d’amande multicolore.

Sans oublier le « vol-au-vent », charcuterie pâtissière composée d’une croûte cylindrique faite de pâte feuilletée et d’une garniture liée d’une sauce - sans doute pas inventé par Carême (attribué à La Varenne en 1651), mais assurément renouvelée… L’un de ses maîtres raffolait de tartes et de tourtes (tartes en croûtes), mais les trouvait trop lourdes à digérer. Le fidèle Antonin se lança à la recherche d’une pâte légère et enfourna deux cercles de pâte réunis par un ruban de pâte feuilletée dont il maîtrisait parfaitement la cuisson. Celle-ci monta toute droite, boursoufla et s’éleva dans les airs. Son fournier, émerveillé, s’écria : « Antonin, ta tourte vole au vent »…

Autre acrobatie gourmande plusieurs fois revue et corrigée, le « mille-feuille », inventé et décrit par La Varenne dans son Cuisinier François (en 1651). Le nom fait référence au nombre élevé de feuillets de pâte. Carême crée une « dernière » version de cette viennoiserie devenu un classique de la pâtisserie française. Traditionnellement fourré d’une crème pâtissière à la vanille et aromatisé au rhum, le « mille-feuille » est également décliné en diverses versions parfumées.

Le nom (prédestiné) de Carême reste dans l’Histoire de la cuisine. La plus grande chance de sa vie fut la rencontre avec Talleyrand son maître et ami qui, plus âgé de trente ans, mourra cinq ans après lui, célèbre, admiré autant que détesté… y compris par Napoléon dont il deviendra l’indispensable ministre. 

Au retour d’Amérique, Talleyrand s’était mis en tête de séduire le futur chef de la France dont il décernait les qualités exceptionnelles d’intelligence, de volonté, mais aussi le caractère déjà impérial.

« Il faut le faire dîner avant de le faire parler. »

TALLEYRAND (1754-1838), cité par Éric Schell, Talleyrand en verve (2016) et par divers historiens, Castelot, Orieux, Madelin. Bulletin d’information de l’association Les Amis de Talleyrand n°10, janvier 2018

« Tenir table » est le meilleur moyen de se distinguer dans le monde… et en politique. Joignant l’utile à l’agréable, la gastronomie fait partie du plaisir de vivre qui remonte à l’Ancien Régime.

Notons que Talleyrand appréciait le traditionnel « service à la française » : tous les plats d’un service (qui peut en comprendre entre trois et cinq pour aller jusqu’à douze pour les repas d’apparat ou officiels) sont apportés en même temps sur la table où ils sont disposés symétriquement.

Carême fut l’ardent défenseur de ce buffet géant et spectaculaire, même s’il déplorait la difficulté de conserver les plats chauds jusqu’à leur consommation… Les repas à la russe ou à l’anglaise ont d’autres avantages et défauts. C’est affaire de goût et Carême les ayant tous essayés ne cessera de les comparer sans se décider clairement – une exception dans son parcours culinaire.

Tenir table est aussi une obligation sociale pour Talleyrand : opération de relations publiques pour se faire connaitre et reconnaitre sur la scène internationale (et gommer son image de révolutionnaire). Carême y contribuera génialement.

Mais Talleyrand a un concurrent redoutable en la personne de Jean-Jacques Régis de Cambacérès, magistrat sous l’Ancien Régime, éminent juriste (co-rédacteur du Code Civil), franc-maçon avide d’argent et de pouvoir, homosexuel notoire et jouisseur invétéré.

« Quand on veut manger bien, on dîne chez Cambacérès. Quand on veut mal manger, on dîne chez Lebrun. Quand on veut manger vite, on dîne chez moi. »4

Napoléon BONAPARTE  (1769-1821), Premier consul parlant des deux autres.  Cité par Marion Godfroy, Napoléon, « Biographie gourmande » (2018)

« Manger vite » : en bon militaire, de Gaulle expédiait lui aussi ses dîners en 45 minutes chrono – les grands soirs…

Mais Napoléon reste dans l’histoire comme un homme pressé en tout. Travailleur infatigable, dictant trois lettres à la fois, épuisant ses collaborateurs, surprenant ses généraux et tous ses hommes de troupe, il dormait quatre heures par nuit les bons jours et récupérait en pratiquant des micro-siestes. Médiocre amant, il ne prend pas le temps d’enlever ses bottes…

Mieux encore, le 2 avril 1810, ayant épousé Marie-Louise en secondes noces et invité 3 000 personnes : « Le dîner impérial du mariage fut aussi bref que la plupart des dîners familiaux, soit moins de vingt minutes, ce qui suppose que les convives n’ont guère le temps de goûter à tout. Le repas prend fin en effet quand l’empereur se lève de table » précise l’historien contemporain Jacques-Olivier Boudon.

Il sait quand même la valeur sociale et culturelle du repas. Dans la logique de l’Ancien Régime, il construit sa « Maison » et engagera de nombreux cuisiniers – « maîtres d’hôtel » les mieux payés parmi les domestiques des maisons aristocratiques. Carême aura l’honneur de servir le Consul et l’Empereur, comme certains membres de sa grande famille.

Il veillera surtout à ce que Talleyrand, son ministre des Affaires étrangères (ou Relations extérieures) puisse régaler (et manipuler) ses hôtes, éblouir ses invités, représenter la France au sommet de l’art culinaire. Pour cela, il va mettre le prix !

« Je veux que vous achetiez une belle terre, que vous y receviez brillamment le corps diplomatique et les étrangers marquants, qu’on ait envie d’aller chez vous et que d’y être prié soit une récompense pour les ambassadeurs des souverains dont je serai content. »

NAPOLEON (1769-1821), à Talleyrand. Bulletin d’information de l’association Les Amis de Talleyrand N°10 - janvier 2018

Talleyrand n’avait pas, et de beaucoup, les moyens d’acheter le château de Valençay, un grand domaine en dehors de Paris sur lequel avait porté son choix en 1803. Napoléon finança l’acquisition en prêtant l’argent à son ministre. On ne sait pas si Talleyrand remboursa…

Quand Talleyrand emménage à Valençay en 1804, il prend Carême avec lui et propose un défi au cuisinier : créer une année entière de menus, sans répétition et en utilisant uniquement des produits de saison. Carême passe le test et complète sa formation dans les cuisines de Talleyrand. Il propose (et impose plus tard) des sauces légères et subtiles, publiant une classification en quatre groupes de base : sauce allemande, sauce béchamel, sauce espagnole et velouté. On est loin du pauvre régime anglais ou américain.

Et Carême est lui aussi à la fête, chez son nouveau maître aussi grand seigneur que bon connaisseur.

« Ah ! quelle différence entre la vilaine maison de Cambacérès et la grande, digne demeure du Prince de Bénévent… On n’y emploie que les productions les plus saines et les plus fines. Là, tout est habileté, ordre, splendeur. Le talent est heureux et haut placé. Le cuisinier gouverne l’estomac. Qui sait, il influe peut-être sur la grande pensée du ministre… »

Antonin CARÊME (1784-1833), cité par Jean Vitaux, Les Petits plats de l’histoire (2012)

Reconnaissance clairement exprimée (jusqu’à son dernier maître, le baron de Rothschild), respect du partenaire et fierté de faire couple avec lui, pour le bien de la France ! Telles sont les qualités bien connues de Carême. Autre règle de conduite tout aussi essentielle, quoique parfois oubliée…

« Rien de gras : ce vice a disparu de la cuisine française. »

Antonin CARÊME (1784-1833), L’Art de la cuisine française au XIXe s, Traité élémentaire et pratique (1833)

Influencé par les idées de Catherine de Médicis, il décida de revenir aux vraies valeurs de la gastronomie. À l’inverse de la cuisine souvent lourde et épicée, il instaura un nouveau paradigme pour les sauces si appréciées de Talleyrand, désormais classées en sauce allemande, béchamel, espagnole et velouté, proposées en versions plus légères et subtiles,

Parmi les autres aphorismes de ce gros livre qui résumera la vie et l’œuvre de l’auteur et dans le même esprit :

« Le talent d’un bon cuisinier est plus conservateur de la santé que la science factice de certains docteurs, dont l’intérêt règle la conduite médicale. »
Le mépris des médecins est un classique bien français depuis Molière. En vertu de quoi Carême allège avec bon sens tous ses plats en gras et en sucre. On pourrait en douter à la vue de ses fameuses « pièces montées » ou à la lecture de diverses recettes, mais notre chef cuisinier pratique déjà une diététique qui ne dit pas encore son nom.

Autre particularité, il a connu six changements de régimes en France et vécu à l’étranger, il a beaucoup lu (en autodidacte passionné) et réfléchi, se plaisant à multiplier les aphorismes :

« La gastronomie marche en souveraine à la tête de la civilisation ; mais elle végète en temps de révolution. »
« Le diplomate est le plus fin appréciateur d’un bon diner. »
« Pour les jeunes seigneurs, les ambassades sont des cours de diplomatie et de gastronomie. Les diners du XIXe siècle réunissent le diplomate, l’orateur parlementaire, l’homme de lettres, le savant et l’artiste. » C’est le comble de la sociabilité au plus haut niveau.

Dans ce gros traité, Carême détaille aussi les recettes sur des centaines de pages. Pour les amateurs, le titre est en ligne sur books.google.fr. Passionnant à découvrir.

Grand lecteur dès l’enfance, il multiplie les livres pour initier les générations à venir. Ce souci du partage est tout à son honneur. Il se plaît aussi à saluer les maîtres qu’il sert (depuis Talleyrand opposé à Cambacérès, jusqu’au fastueux baron de Rothschild) ou les chefs qu’il admire.

« Lève-toi, ombre illustre de Laguipière ! Entends la voix de l’homme qui fut ton admirateur et ton élève. » 

Antonin CAREME (1784-1833), Le Cuisinier parisien (1828). Dédié à son maître, La Guipière

Cuisinier indépendant travaillant en extra dans les plus grandes maisons en 1802, il fut saucier sous ses ordres au palais de l’Élysée - acheté par le prince Murat et sa femme Caroline, la plus jeune et la préférée des sœurs de Napoléon.

Par cette prosopée, il rend hommage au grand chef de Napoléon, mort en 1812, lors de la retraite de Russie, le « commencement de la fin » de l’Empire annoncé par Talleyrand qui n’était plus au service de Napoléon, mais restait fidèle à la France qu’il n’a jamais trahie, mais bien servie jusqu’à la fin de sa longue vie.

« L’art culinaire sert d’escorte à la diplomatie européenne. »

Antonin CAREME ( (1784-1833) Aphorisme, L’Art de la cuisine française au XIXe siècle, Traité élémentaire et pratique (1833)

Ce dernier livre reste le plus important de sa biographie. Carême tire la leçon historique de sa vie avec Talleyrand et les autres maîtres dont il assura le service.

Dans la droite ligne de la diplomatie géopolitique chère à Talleyrand (génial précurseur de l’Entente cordiale avec l’Angleterre), il est également prémonitoire des relations franco-américaines. Les ambassadeurs français qui se succèderont à Washington à partir de 1893 pratiqueront la diplomatie culinaire - un bon repas peut avoir une vertu pacificatrice. En période de tensions ou de crises entre la France et les États-Unis, l’ambassadeur organise des dîners à la Résidence de Kalorama pour détendre l’atmosphère, maintenir le dialogue ou le renouer entre les deux pays. Souvenir du Congrès de Vienne.

2. Le Congrès de Vienne d’illustre mémoire historique et gastronomique (1814-1815).

« Sire, j’ai plus besoin de casseroles que d’instructions écrites ! »5

TALLEYRAND (1754-1838), à Louis XVIII qui l’envoie négocier au Congrès de Vienne avec une longue liste de recommandations. Talleyrand et Antonin Carême : la gastronomie au service de la diplomatie, Charles de Saint-Sauveur, Le Parisien, 23 septembre 2018

Toutes les biographies de Talleyrand confirment l’importance de cette diplomatie culinaire qui lui est chère : « Donnez-moi de bons cuisiniers, je vous ferai de bons traités. » Mais le Diable boiteux a déjà trouvé sa perle rare, Carême.

« Le meilleur auxiliaire d’un diplomate, c’est bien son cuisinier. »

TALLEYRAND  (1754-1838), Mémoires

Entre les deux hommes de goût que tout sépare (l’âge, les origines, le physique), l’entente est absolue.

Talleyrand se trouve conforté dans son intime conviction : « On ne fait pas de bonne diplomatie sans de bons déjeuners. » Et Carême lui fait écho en accord parfait. Il faut même parler d’amitié et de complicité entre les deux hommes – pour le bien de la France tragiquement vaincue par la coalition de tous ses ennemis en 1814 et qui doit retrouver sa place en Europe.

« Le grand diplomate doit avoir un cuisinier renommé pour tenir bonne maison. »

Antonin CAREME (1784-1833), L’Art de la cuisine française au XIXe siècle. Traité élémentaire et pratique (1833)

« Roi des chefs et chef des rois », il servira beaucoup de grands noms (princiers) en cuisinier « renommé » (au sens de talentueux), mais le « grand diplomate » par excellence fut naturellement Talleyrand au sommet de son art et de sa forme à 60 ans, après la chute de Napoléon - et avant son « come-back » des Cent-Jours qui va sidérer l’Europe, forçant Talleyrand furieux comme jamais à tout recommencer… en moins bien, au second traité de Paris, signé le 20 novembre 1815.

En attendant, le couple fit merveille en 1814 aux yeux du monde et pendant plus de sept mois en Autriche. Les marmites françaises vont étourdir les grands d’Europe.

Lors des fastueux dîners que donne le prince diplomate, les convives voient défiler au fil des services 48 entrées, une pléiade de rôtis, de homards, d’entremets, et d’extraordinaires pâtisseries en forme de village ou de château, « pièces montées » spectaculaires d’invention et de raffinement, centres de table culminant à plus de sept mètres (l’équivalent de trois étages).

Impossible de goûter à tout, les invités de Vienne étant parfois réduits au rang de spectateurs sidérés. Le plaisir des yeux est aussi un plaisir de la table, quand Carême et Talleyrand sont aux commandes.

« Non ! Diplomates européens, ce n’est pas vous seulement qui avez calmé le monde agité par toutes ces tempêtes. C’est l’habile cuisinier, c’est le grand artiste qui, après trente ans de guerre, de révolutions et d’émeutes, a appris de nouveau au monde fatigué comment on déjeune pour bien dîner. »

Journal pour tous, 1864

En termes que n’aurait pas désavoués Chateaubriand invité, hommage rendu à Carême qui n’aura jamais mieux mérité son titre de « roi des chefs et chefs des rois » lors de ce congrès historique.

Quant à Talleyrand, il joua lui aussi gagnant à Vienne : montrer les talents de la civilisation française et, en fin de compte, réussir à influencer les puissants de ce monde en les attirant autour d’une table. Mission accomplie : il en rend compte à Louis XVIII le 4 janvier 1815 avec satisfaction : « Maintenant, Sire, la coalition est dissoute, et elle l’est pour toujours […] la France n’est plus isolée en Europe.

Après les Cent-Jours et au terme du second traité de Paris, signé le 20 novembre 1815, la note à payer par la France est naturellement alourdie - rançon de 700 millions de francs, restitution des œuvres d’art prises par Napoléon en Italie, perte de territoires sauvés (Sarre, Chambéry, Annecy, etc.) et entretien d’une armée d’occupation de 150 000 hommes dans le nord et l’est du pays durant trois ans.

« La cuisine est la seule cause qu’il n’ait jamais trahie. »

Cité par Le Parisien magazine. Histoire : Antonin Carême fait une révolution de palais, 6 sept 2016

Le mot courait à bas bruit sur Talleyrand qui avait autant d’ennemis que d’admirateurs et s’en moquait également : « On dit toujours de moi ou trop de mal ou trop de bien ; je jouis des honneurs de l’exagération. »

Une variante à cette citation culinaire : « Le seul maître que Talleyrand n’ait jamais trahi est le fromage de Brie. »

« FOUCHÉ (admiratif) — Foie gras truffé !
TALLEYRAND — Du Périgord… donc de chez moi.
FOUCHÉ — Prince, vous savez vivre.
TALLEYRAND — Une habitude, monsieur Fouché : le savoir-vivre et le savoir mourir, cela, chez nous, se sait à la naissance. »

Jean-Claude BRISVILLE (1922-2014), Le Souper (1989)

Pièce créée au théâtre Montparnasse par Claude Brasseur et Claude Rich (production associée au Bicentenaire de la Révolution). Le même couple de comédiens se retrouve dans l’adaptation au cinéma, réalisation d’Édouard Molinaro (1992).

Brisville doit sa popularité tardive à ce grand succès public et critique. Situation « en or », parfaite incarnation des deux acteurs, respect de l’Histoire dans l’esprit, sinon à la lettre. En quelques mots :

Un soir de 1815, Fouché et Talleyrand, respectivement ministre de la Police et ministre des Affaires étrangères de Napoléon, travaillent à la Restauration autour d’un repas préparé par le cuisinier attitré de Talleyrand, le désormais célèbre Carême.

Unité de temps, de lieu et d’action. 6 juillet 1815 à minuit, dans l’hôtel particulier de Talleyrand (hôtel de Saint-Florentin), Fouché s’est rendu à l’invitation de son confrère et comparse pour parler affaires. Napoléon a abdiqué (pour la seconde fois), Paris est occupé par les troupes coalisées. On s’interroge sur la nature du gouvernement à donner à la France. Dehors, des émeutiers sont contenus avec difficulté par le service d’ordre de la capitale.

Fouché pense qu’il faut revenir à la république. Pour Talleyrand, il faut restaurer les Bourbons.  Mais il a besoin de l’appui de Fouché, président du gouvernement provisoire qui contrôle la ville de Paris. Ce fin souper est l’occasion de le convaincre que le retour de Louis XVIII sur le trône est la seule bonne solution : ce sera la Restauration.

Entre deux plats, les deux hauts dignitaires révèlent à demi-mot leurs crimes, leurs trahisons, leurs intrigues. Et le public se régale.

3. Carême fait la conquête de l’Europe avec la table à la française, avant de revenir à Paris pour finir glorieux et pauvre sous la Monarchie de Juillet.

« Carême, vous me ferez mourir de trop manger, j’ai envie de tout ce que vous me présentez et c’est trop de tentations en vérité. »
- Monseigneur, répondit Carême, ma grande affaire est de provoquer votre appétit par la variété de mon service, et il ne m’appartient pas de le régler. »6

Antonin CAREME (1784-1833)

Les souverains et les grands personnages s’arrachent désormais ce chef cuisinier devenu célèbre et qui pratique sa profession comme un sacerdoce.

Il fut d’abord appelé par le prince-régent d’Angleterre, surnommé le « premier gentleman d’Angleterre » pour son charme et sa culture. Mécène fastueux, musicien amateur et ami de Rossini qui lui donne des leçons de chant, il est naturellement porté sur la bonne chère – ses portraits témoignent de son aimable rondeur. Difficile de résister aux tentations de Carême qui s’applique pourtant à lui présenter une gastronomie saine et raisonnée, lui expliquant chaque matin les propriétés de chaque mets. Il reste deux ans à Londres.

« La Charlotte » fut créée en hommage à l’épouse du roi George III, la reine Charlotte, mère de quinze enfants et grand-mère de la reine Victoria. Une love-story émouvante… et une pâtisserie sans chichi, adorée des enfants, réalisée à partir de pain de mie beurré ou de brioche dans un moule aux bords évasés. Remplie de compote de fruits (pomme, poire ou prune), cuite pendant un certain temps, on peut la déguster chaude. Un dessert gourmand à s’offrir au « tea-time ». La version aujourd’hui connue est celle de Carême. Il modifie la recette, remplaçant la brioche par des biscuits à la cuillère et ajoutant de la crème bavaroise. Autre changement : elle n’est plus cuite pendant des heures et se déguste froide. Baptisée « Charlotte à la parisienne », elle sera renommée « Charlotte russe » quand notre grand pâtissier va passer au service du tsar Alexandre.

Mais les brouillards anglais l’attristent et il part, appelé sous d’autres cieux. Lorsque le prince régent devenu roi Georges IV réclama de nouveau Carême, il refusa. Londres semblait décidément trop sombre à son goût, il était privé de ses amis, de cette conversation française si attrayante. Et le roi d’Angleterre déçoit son peuple, sa vie dissolue discrédite la monarchie, ses dépenses pèsent sur le peuple, ses ministres eux-mêmes le jugent égoïste et versatile. Reste quand même un joli souvenir…

« Sur la nappe fine sont disposés les fleurs et les fruits en décors savants, élégants et variés : guirlandes, mosaïque, parterre de pétales. Aucun rôti ne figure sur la table. »

Pierre de TRÉVIÈRES (1873-1951) dans le Figaro (1911)

En 1820, Carême donnera cette description plaisante du « service à l’anglaise » (reprise en 1836 par le premier critique gastronomique Grimod de la Reynière). C’est un compromis entre services à la française et à la russe. Le personnel de salle sert à la pince des mets présentés artistiquement sur plateau en cuisine. Le service se fait par la gauche des convives, en commençant par les femmes, les mets étant servis de la main droite à l’aide d’une cuillère et d’une fourchette de service nommée pince (plate, ronde ou pelle).

Service particulièrement rapide, bien adapté au format banquet, il peut être assumé pour de nombreux convives par un seul serveur (habile). Il s’oppose aux services à la française et à la russe.

« Le service à la russe se fait avec rapidité et chaudement. »

Antonin CAREME (1784-1833), Le Maître-d’hôtel français : traité des menus à servir à Paris, à St.-Pétersbourg, à Londres et à Vienne (posthume, 1842)

Carême le trouve mieux adapté « aux repas de militaires et dans la cadre des familles » que le classique et spectaculaire« service à la française » pratiqué sous l’Ancien Régime par les grandes maisons : gigantesques buffets où tous les mets arrivaient en même temps… et se mangeaient donc souvent froids. L’hôte se chargeait de découper les viandes. Mais en 1810, l’ambassadeur de Russie à Paris est grièvement blessé dans un incendie et passe l’été à se reposer au château de Clichy. Ne pouvant assurer la découpe, il fait servir les plats les uns après les autres, déjà préparés en cuisine… et chauds ! Plus pratique et plus économique, la mode du « service à la russe » s’est ensuite progressivement imposée.

Notre chef français ne reste pas longtemps au service du tsar Alexandre : juste assez pour renouveler sa « Charlotte à la parisienne » naturellement rebaptisée « Charlotte russe ».

Il retourne finalement en France pour retrouver le « service à la française » et (après Talleyrand) un nouveau maître digne de lui.

« À Paris chez M. le baron de Rothschild. Dans cette maison opulente, j’avais la satisfaction de faire autant de dépenses que mes grands dîners le commandaient, afin de bien faire ; seul moyen de stimuler le génie des cuisiniers jaloux de leur réputation  : car à quoi bon du talent sans la possibilité d’avoir l’argent nécessaire pour se procurer des provisions de première qualité ? Aussi cette noble maison est devenue réputée dans toute l’Europe par la somptuosité de sa table. »

Antonin CARÊME (1784-1833), L’Art de la cuisine française a XIXe s, Traité élémentaire et pratique (1833)

Sous la Restauration, en 1823, James de Rothschild le prend à son service.

Né en Allemagne, arrivé à Paris en mars 1811 pour créer la filiale française de la « maison Rothschild », James spécula sur la chute de l’Empire et installe en 1815 l’établissement financier « MM. de Rothschild Frères ». Il retrouve les faveurs du gouvernement français en procurant à Louis XVIII les cinq millions de francs « nécessaires à la dignité de son retour », aide le gouvernement de la Restauration puis de la Monarchie de Juillet, gérant la fortune personnelle de Louis-Philippe. Ce sont les deux hommes les plus riches de France.

Les dîners des Rothschild sont les plus célèbres de Paris, artistes et politiciens se côtoient. Carême, plus que jamais « roi des cuisiniers et cuisinier des rois » invente le « saumon à la Rothschild », le « filet de bœuf à la Rothschild », le « soufflé glacé à la Rothschild ». Naturellement invités au menu, tous les classiques de son répertoire : pièces montées, Charlotte à la parisienne, mille-feuille, vol au vent, Compiégnois (souvenir des noces de Napoléon et Marie-Louise au château de Compiègne en 1810).

Gioacchino Rossini (1792-1868) est l’un des familiers des Rothschild. Génial compositeur du Barbier de Séville et d’une dizaine de chefs d’œuvre, « Il Signor Crescendo » qui écrivait un opéra en 15 jours, (orchestration comprise, mais au prix de quelques auto-plagiats) a pris sa retraite à 37 ans et mène la belle vie à Paris. Sa gourmandise est légendaire : il se lie d’amitié avec Carême qui prend l’habitude d’envoyer un pâté quand le maître se rend à Bologne. En retour, le compositeur lui écrit un aria. Ensemble, ils composent des recettes à base de truffe que Rossini adore, notamment la « salade Rossini » et le toujours fameux « tournedos Rossini ».

« Rien n’est plus imposant que l’aspect d’une grande table servie à la française. »

Antonin CARÊME (1784 -1833), Le Maître-d’hôtel français : traité des menus à servir à Paris, à St.-Pétersbourg, à Londres et à Vienne

Différent du service à la russe ou à l’anglaise, le « service à la française » dont la présentation spectaculaire s’apparente à un gigantesque buffet. Cher à Carême novateur génial, mais aussi homme de tradition, il en reconnaît pourtant les défauts.

Né au Moyen Âge et toujours en usage lors des repas de réception des XVIIIe et XIXe siècles, il vaut pour les grandes tables fastueuses avec ses rituels - le plus spectaculaire étant le découpage des viandes, apanage du maître d’hôtel. Tous les mets dressés en cuisine sont disposés sur la table dans des plats d’argent ou de porcelaine posés sur des réchauds. Le premier service comprend potages et diverses entrées. La table est débarrassée pour recevoir le deuxième service, rôti et entremets. Viennent enfin les desserts au troisième service. Jusqu’à ce que les convives soient installés, les plats sont tenus sous cloche, répandant sitôt découverts une odeur suave de bonne cuisine dans la salle à manger.

Ce service à la française s’oppose au « service à la russe » où les pièces sont découpées à l’avance - difficile de les faire figurer sur table. L’avantage, c’est que les invités peuvent manger chaque plat à la bonne température.

« Les jeunes gens qui seront studieux, trouveront dans mes dessins de grands moyens d’instructions, et pourront, en peu de temps, faire des progrès rapides. »

Antonin CAREME (1784-1833), cité par son confrère Brillat-Savarin, Physiologie du goût (1825)

Le chef qui continue de travailler, plus demandé que jamais, ne cesse pas d’écrire pour transmettre son art et sa passion. Dans ses livres, il fait toujours preuve de pédagogie, illustrant son propos de nombreux dessins qu’il réalise lui-même. Comme le dira un contemporain, le marquis de Cussy (1766-1837) : « il apprend à ceux qui ne savent pas, il perfectionne ceux qui savent déjà. » Son condisciple Jules Gouffé systématisera le procédé sous Napoléon III, créant le livre de cuisine moderne en incluant les quantités précises des ingrédients ainsi que les temps et températures de cuisson, devenu best-seller au XXe siècle.

« L’Art de la cuisine au XIXe siècle ou traité élémentaire des bouillons en gras et en maigre, des essences, fumets, des potages français et étrangers, grosses pièces de poisson, des grandes et petites sauces, des ragoûts et des garnitures, grosses pièces de boucherie, de jambon, de volaille et de gibier, suivi des dissertations culinaires et gastronomiques utiles au progrès de cet art. » 

Antonin CAREME (1784-1833). Titre complet de son dernier livre inachevé (daté de 1828 pour la première édition, 1833 pour l’édition achevée par Plumerey)

« J’ai encore à publier un livre sur l’état entier de ma profession à l’époque où nous sommes » dit-il pressé par le temps et une santé déclinante.

Il meurt pauvre à 49 ans – l’argent qu’il gagnait devait servir à payer les produits les plus coûteux des mets qu’il « offrait » à ses fastueux convives, de même que la publication de ses livres (autoédition très pratiquée à l’époque et qui a ruiné nombre d’écrivains plus ou moins connus).

Il ne laisse derrière lui que ses ouvrages plusieurs fois réédités, entre autres :
- Le Pâtissier pittoresque (orné de 128 planches par l’auteur) (1815).
- Le Maître d’hôtel français ou Parallèle de la cuisine ancienne et moderne considérée sous le rapport de l’ordonnance des menus à servir selon les quatre saisons, à Paris, à Saint-Pétersbourg, à Londres et à Vienne.
- Le Pâtissier royal parisien. Traité élémentaire et pratique orné de quarante et une planches par l’auteur.
- Le Cuisinier parisien.
- L’Art de la cuisine au XIXe siècle. Traité élémentaire et pratique (1833).

À la lecture de ses ouvrages, on voit quelle haute idée Carême se faisait de son art. Il y a dans son travail une érudition rare qui montre un véritable amour de sa profession.

« Qu’importe. Moins de vie, plus de gloire ! »

Antonin CARÊME (1784-1833), « Talleyrand et Antonin Carême : la gastronomie au service de la diplomatie », Charles de Saint-Sauveur, Le Parisien, 23 septembre 2018

Son métier est épuisant, tous les grands chefs le savent et l’avouent parfois, l’élégant Carême restant discret et même secret sur sa vie, préférant œuvrer pour sa légende – comme nombre d’artistes. Mais pas question de se reposer ! Carême travaille jusqu’à la limite de ses forces - un sacerdoce.

Il meurt à 49 ans, sans doute empoisonné par la fumée toxique du charbon de bois inhalé pendant quatre décennies et dont on ignorait le danger (impossible de ne pas penser à la radioactivité funeste à la famille Curie, Marie en tête). Autre hypothèse : des caries dentaires non traitées entraînant diverses complications, dues au fait qu’il se faisait un devoir de goûter tous ses plats à toutes les étapes de la création.

« Qu’importe. Moins de vie, plus de gloire ! »

De la misère à la reconnaissance internationale des têtes couronnées, le parcours exceptionnel de Carême est un destin quasi-romantique qui fait écho à celui de Napoléon Bonaparte, petit nobliau corse qui mit l’Europe à genoux en une dizaine d’années.
Fondateur de la grande cuisine, créateur du vol-au-vent revu et corrigé, maître ès sauces et potages en versions démultipliées, complexes ou allégées, virtuose inégalé de la pièce montée, il pose les jalons de la cuisine moderne en brisant la lourdeur de la gastronomie d’Ancien Régime.

Sa carrière fut un exemple pour tous les cuisiniers du XIXe siècle qui œuvraient pour l’ascension
sociale du cuisinier.

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