Portrait de Charles X en citations | L’Histoire en citations
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Édito de la semaine

 

Et si Charles X était le plus royaliste de nos rois… ? À vous de juger.

Réincarnation de l’Ancien Régime jusqu’à la caricature et déjà impopulaire dans sa jeunesse, nostalgique d’un passé où il a bien vécu comme tous les privilégiés, responsable comme eux de la Révolution en bloquant toutes les réformes, émigré de la première heure (16 juillet 1789) entouré d’une cour plus royaliste que le roi, complotant activement sous l’Empire (et donc responsable de l’exécution du duc d’Enghien), le comte d’Artois de retour en France lance la Restauration de 1814 dans le rang des ultras, sous le règne de son frère aîné Louis XVIII - intelligent mais infirme (souffrant de la goutte) et sans enfant pour lui succéder.

Son règne personnel est marqué par la cérémonie à grand spectacle du sacre (mai 1825), quelques mots historiques, une série de maladresses et de fautes politiques (loi du sacrilège, rétablissement de la censure, augmentation du cens…). Tout cela ne pouvait finir que par une révolution que notre roi précipite en toute inconscience jusqu’au dernier jour (quatre ordonnances du 26 juillet 1830). D’où les « trois Glorieuses » (journées des 27, 28, 29 juillet). Et le roi déchu repart pour son dernier exil.

Charles X sera le dernier « roi de France » : possédant la terre de France selon la structure féodale. Son successeur Louis-Philippe n’est que « roi des Français » : chef du peuple français au nom d’une monarchie constitutionnelle. Il y a plus qu’une nuance, mais les erreurs sont nombreuses !

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1. Le personnage : en cinq mots et une image.

« J’ai mes vieilles idées, je veux mourir avec elles. »1911

CHARLES X (1757-1836), sentence souvent répétée qui résume le personnage. Charles X (2001), André Castelot

Cette phrase annonce à la fois son règne et sa fin. Mais au début de la Restauration, il n’est encore que Monsieur, comte d’Artois, frère du roi, sitôt présent et bientôt gênant pour Louis XVIII.

« Vous vous plaignez d’un roi sans jambes, vous verrez ce que c’est qu’un roi sans tête. »1908

LOUIS XVIII (1755-1824), qui ne connaît que trop bien son frère, le comte d’Artois. Encyclopédie des mots historiques, Historama (1970)

Rendu quasi infirme par la goutte à la fin de sa vie, le roi parle du futur Charles X. Le sexagénaire a toujours l’allure d’un jeune homme et monte royalement à cheval. Malgré cette séduction naturelle, il se fera détester.

Déjà impopulaire sous l’Ancien Régime, il se faisait remarquer par sa conduite légère et ses folles dépenses, à l’image de sa belle-sœur Marie-Antoinette. De retour en France après vingt-cinq ans d’exil, il va accumuler les erreurs politiques sous cette Restauration malgré tout fragile. Il passe son temps entre la chasse, sa passion, et la religion – devenu dévot, il fit le vœu de chasteté perpétuelle en 1804, à la mort de sa favorite Louise d’Esparbès, le grand amour de sa vie.

Feignant de se désintéresser des affaires du royaume, il est en réalité le chef (occulte) du parti royaliste (ultra) qui sera au pouvoir sous son règne.

« Toujours je l’ai vu chef de parti, jamais l’héritier présomptif du royaume de France. »1909

Duc de RICHELIEU (1766-1822). Le Duc de Richelieu (1898), Armand-Emmanuel du Plessis Richelieu (duc de)

Royaliste, émigré sous la Révolution, de retour en 1814, il est deux fois président du Conseil (chef du gouvernement). La seconde fois (1820-1821), il déplore l’opposition du comte d’Artois qui empêche le roi de régner et lui-même de gouverner – partage du travail et règle du jeu constitutionnel dans cette France qui commence à se passionner pour la politique politicienne et le jeu des partis.

« Pieux comme Saint Louis, affable, compatissant et justicier comme Louis XII, courtois comme François Ier, franc comme Henri IV. »10

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Parole de notre premier grand auteur romantique français - avant Victor Hugo qui voulait être « Châteaubriand ou rien » et sera lui-même, « Ego Hugo » avec un parcours politique très différent.

C’est aussi un royaliste nostalgique de l’Ancien Régime qui finira par critiquer le nouveau roi…

« Aux époques ordinaires, roi convenable ; à une époque extraordinaire, homme de perdition. »1910

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Historien de son temps, il juge Charles X lors de son accession au trône à la mort de Louis XVIII : « Incapable de suivre jusqu’au bout une bonne ou une mauvaise résolution ; pétri avec les préjugés de son siècle et de son rang. » Mais à côté de cela : « Doux, quoique sujet à la colère, bon et tendre avec ses familiers, aimable, léger, sans fiel, ayant tout du chevalier, la dévotion, la noblesse, l’élégante courtoisie, mais entremêlé de faiblesse… »

Bref, pas né pour être roi en 1824. On ne peut s’empêcher de penser à la situation de son frère aîné Louis XVI, accédant au trône en 1774, si mal armé, si faible dans une situation prérévolutionnaire.

Déçu par la politique, l’auteur des Mémoires avouera : « J’ai vu de près les rois, et mes illusions politiques se sont évanouies. » Cette lucidité doublée d’une ombrageuse fierté fera de lui un éternel opposant.

« La plus grande bête qu’on ait jamais vue. »20

Larousse. Estampe anonyme imprimée par Pierre Langlumé, Au Magasin de Caricatures d’Aubert, Passage Vérododat, 1830

Légende d’une caricature anonyme contre Charles X : représenté en girafe affublée d’un bicorne, portant habit chamarré à épaulettes, bottes et épée. Sa silhouette dégingandée est aussi payante pour les caricaturistes que celle de son frère podagre.

Quant à la girafe… la bête entre aussi dans l’histoire. Offerte à Charles X par Méhémet Ali en 1827, baptisée Zarafa, première de son espèce en France, elle y vécut dix-huit ans, authentique attraction dans la ménagerie du Jardin des plantes à Paris. Ce cadeau diplomatique du vice-roi d’Égypte ottomane faisait partie d’un trio de girafes envoyées aux trois plus grands souverains d’Europe : l’empereur d’Autriche François Ier, le souverain britannique George IV, le roi de France, Charles X. Rappelons qu’on n’avait pas vu de girafe en Europe depuis la « girafe Médicis » à Florence, offerte à Laurent de Médicis en 1486.

La nouvelle venue déclenche une « girafomania » partout présente : gravures, vaisselle, tapisseries, papier peint, coiffure « à la girafe », bijoux, etc. Elle inspire un couple de personnages du Carnaval de Paris : La girafe et son cornac.

La caricature politique est de plus en plus présente avec l’essor de la presse et touchera parfois au génie (avec le peintre Honoré Daumier). Elle s’empare aussitôt de la girafe, apparentée à la physionomie longiligne du roi : 1827 est nommée « année de la girafe » par John Grand-Carteret, Les Mœurs et la Caricature en France (1888). Après la révolution de Juillet, les estampes se multiplient avec la girafe grotesquement accoutrée de la tenue du souverain déchu : « la plus grande bête qu’on ait jamais vue. »

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2. Fin de l’Ancien Régime, Révolution, Empire : un long passé qui pèsera lourd.

« Qui n’a pas vécu dans les années voisines de 1780 n’a pas connu le plaisir de vivre. »1231

TALLEYRAND (1754-1838), à Guizot. Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps (1858-1867), François Guizot

Son pied bot lui interdit d’entrer dans l’armée, mais ses origines aristocratiques lui ouvrent une première carrière ecclésiastique, évêque d’Autun en 1788, député aux États généraux en 1789. « Le diable boiteux » servira et trahira tous les régimes, finissant ambassadeur à Londres sous la Monarchie de Juillet.

Le témoignage est certes celui d’un vieil homme, nostalgique de sa « belle époque ». Mais sa vérité correspond à la réalité : en 1780, la civilisation française est au zénith. Ensuite, ce sera le trouble dans les esprits, des calamités agricoles, le pays à bout de souffle après sa participation à la guerre d’Indépendance américaine, enfin la course à l’abîme du régime.

Le comte d’Artois, futur Charles X, multiplia les aventures éphémères, les parties de chasse en excellent cavalier, les dettes contractées aux jeux d’argent et courses de chevaux organisées avec son cousin le duc de Chartres, les prestations scéniques avec sa belle-sœur Marie-Antoinette dont il est très proche, dans les années 1770 et 1780. Leur goût du théâtre conforme à la théâtromanie du siècle des Lumières est aussi une occasion de contrarier leur illustre parent au pouvoir.

« C’est détestable ! Cela ne sera jamais joué ! […] Il faudrait détruire la Bastille pour que la représentation de la pièce ne fût pas une inconséquence dangereuse. »1234

LOUIS XVI (1754-1793), qui vient de lire Le Mariage de Figaro avant sa création sur scène. Encyclopædia Universalis, article « Le Mariage de Figaro »

Depuis quatre ans, Paris parle de cette pièce dont l’auteur, Beaumarchais, est déjà célèbre pour des raisons pas seulement littéraires – procès gagnés, aide à l’Amérique. Soumise à six censeurs, interdite de représentation à Versailles au dernier moment en 1783, puis jouée en théâtre privé chez M. de Vaudreuil, le 23 septembre. Paris se presse pour la première publique à la Comédie-Française, le 27 avril 1784.

Mais Le Mariage, interdit par Louis XVI, fut joué lors d’une représentation privée au château de Gennevilliers avec Marie-Antoinette dans le rôle de la comtesse, en présence du comte d’Artois… qui jouera lui-même le rôle de Figaro au château de Versailles ! Distribution royale. Et défi à la royauté ? Selon Antoine Vitez, administrateur de la Comédie-Française qui monta la pièce pour le bicentenaire de la Révolution en 1989, « Le Mariage de Figaro est très légitimement considéré comme une pièce révolutionnaire ».

En 1789, il y a naturellement plus grave, en terme politique. Et le futur Charles X s’engage à droite toute, déjà plus royaliste que le roi Louis XVI, son frère toujours hésitant.

« Le temps est venu de réparer, mais non de démolir »

Comte d’ARTOIS, et futur CHARLES X (1757-1836)

Calonne se heurte aux notables réunis en assemblée : Charles accepte la suppression des privilèges financiers de la noblesse, mais pas la réduction des privilèges sociaux dont jouissent l’Église et la noblesse. Il pense qu’on peut réformer les finances de la France sans renverser la monarchie. Il suscite aussi la colère du tiers état en s’opposant à toute initiative d’accroître son droit de vote en 1789. Viveur fastueux et impopulaire, il est déjà dans son rôle favori, à la tête de la contre-révolution.

Deux jours après la prise de la Bastille, dans la nuit du 16 au 17 juillet, il doit fuir et donne le signal de l’émigration. Jusqu’au printemps 1791, fixé au Piémont et considéré comme le chef de l’émigration, il déploie auprès des cours étrangères une intense activité.

Le 27 août 1791, en Saxe, il contribue avec Calonne à la déclaration de Pillnitz : l’empereur germanique Léopold II et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II expriment leur inquiétude sur le sort réservé au roi Louis XVI, évoquant la possibilité d’une intervention contre la France révolutionnaire, sous condition de l’unanimité de tous les pays. Cette déclaration réjouit les partisans français d’un retour à l’Ancien Régime et tous les émigrés regroupés autour des frères du roi, comte de Provence (futur Louis XVIII) et comte d’Artois (Charles X). Mais elle est dénoncée comme une menace grave, voire une déclaration de guerre, par les républicains français.

Le 20 septembre 1792, lors de la bataille de Valmy, le comte d’Artois est à la tête de l’armée des émigrés. Lieutenant général du royaume en février 1793, il résidera en Angleterre jusqu’en 1814. De là, il complote activement contre le nouveau maître de la France.

« Je vis dans une défiance continuelle. Chaque jour, on voit éclore de nouveaux complots contre ma vie. Les Bourbons me prennent pour leur unique point de mire ! »1742

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), à son frère Joseph. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

Ce n’est pas une paranoïa de dictateur. De son propre aveu, le futur Charles X entretenait 60 assassins dans Paris. C’est lui qui a nommé Cadoudal, réfugié à Londres, lieutenant général des armées du roi en 1800. Il est donc indirectement responsable d’une affaire qui va défrayer la chronique européenne et fort émouvoir toutes les cours, « l’assassinat du duc d’Enghien ».

« Les Bourbons croient qu’on peut verser mon sang comme celui des plus vils animaux. Mon sang cependant vaut bien le leur. Je vais leur rendre la terreur qu’ils veulent m’inspirer […] Je ferai impitoyablement fusiller le premier de ces princes qui me tombera sous la main. »1743

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), 9 mars 1804. Histoire du Consulat et de l’Empire (1847), Adolphe Thiers

Cadoudal vient d’être arrêté au terme d’une course-poursuite meurtrière au Quartier latin. Il a parlé sans le nommer d’un prince français complice : de l’avis de tous, c’est le duc d’Enghien, émigré près de la frontière en Allemagne.

Le lendemain, le Premier Consul, en proie à une fureur extrême, donne l’ordre de l’enlever, ce qui sera fait dans la nuit du 15 au 16 mars par une troupe d’un millier de gendarmes, au mépris du droit des gens (droit international). Bonaparte avait pourtant la preuve que le prince de 32 ans, dernier rejeton de la prestigieuse lignée des Condé, n’était pour rien dans le complot Cadoudal – il était quand même le chef d’un réseau antirépublicain ayant fait le projet de l’assassiner.

Le prince qui préparait son mariage ne comprend rien à ce qui lui arrive et se retrouve enfermé au château de Vincennes. Le soir même, il est jugé, condamné à mort après un simulacre de jugement, fusillé la nuit même dans les fossés de Vincennes : « Qu’il est affreux de mourir ainsi de la main des Français ! » dira-t-il quelques instants avant son exécution, 21 mars 1804.

« C’est pire qu’un crime, c’est une faute. »1747

Antoine Claude Joseph BOULAY de la LEURTHE (1761-1840), apprenant l’exécution du duc d’Enghien, le 21 mars 1804. Mot parfois attribué, mais à tort, à FOUCHÉ (1759-1820) ou à TALLEYRAND (1754-1838). Les Citations françaises (1931), Othon Guerlac

Cette exécution sommaire indigne l’Europe. Toutes les têtes couronnées se ligueront contre l’empereur – là est « la faute ». Le drame émeut la France : détails sordides de l’exécution et douleur de la princesse Charlotte de Rohan-Rochefort qui portera toute sa vie le deuil de cet amour. Mais les royalistes se rallieront majoritairement à Napoléon – et en cela, il a politiquement bien joué.

Les deux frères candidats au trône de France devront encore attendre une décennie pour retrouver le pouvoir.

3. Restauration sous Louis XVIII : le frère du roi, toujours plus ou moins opposant.

« Rien n’est changé en France, il n’y a qu’un Français de plus ! »1912

Comte d’ARTOIS et futur Charles X (1757-1836), Déclaration du 12 avril 1814. Mémoires et Correspondance du Prince de Talleyrand (posthume, 1891)

Fringant et rayonnant, portant toujours beau malgré ses 67 ans, escorté de 600 gardes nationaux, ovationné par les Parisiens, il fait son entrée dans Paris et regagne le palais des Tuileries d’où la Révolution le chassa – il fut le premier émigré célèbre de l’histoire, le 16 juillet 1789 ou le 17, selon d’autres sources. En fait, il est parti de nuit.

Cette première déclaration publique est assez floue et minimaliste pour rassurer la France en état de choc. Elle minore l’événement, la restauration de la monarchie, à moins qu’elle n’occulte à la fois la Révolution et l’Empire.

Talleyrand raconte comment le préfet Beugnot et le chancelier Pasquier finirent par accoucher du Mot historique qu’il envoya lui-même au Moniteur (journal officiel), en annonçant la rentrée du comte d’Artois. Le mot plut beaucoup à Paris et « à force de l’entendre répéter et admirer, le comte d’Artois finit par être sincèrement persuadé qu’il l’avait dit. » Cependant que le roi Louis XVIII est à Calais, condamné par une crise de goutte à différer son débarquement du bateau venu d’Angleterre !

Ce mot fait aussi écho au dicton cruel évoquant l’abdication de l’empereur : « Bientôt, il n’y aura en France qu’un Français de moins. » Le même soir du 12 avril, à Fontainebleau, Napoléon tente de se suicider. En France, les événements se précipitent et sept régimes se sont succédés le temps d’une vie d’homme.

« J’ai voulu tuer la race ! »1976

Louis Pierre LOUVEL (1783-1820), après l’assassinat du duc de Berry, 13 février 1820. Souvenirs inédits du petit-fils du duc de Berry (1971), Charles Faucigny-Lucinge (prince de)

Ouvrier cordonnier, républicain tenant les Bourbons pour responsables de l’invasion de la France et du traité de Paris de 1815 (qui solde les Cent-Jours de Napoléon), Louvel vient de poignarder à l’entrée de l’Opéra (rue de la Loi, aujourd’hui square Louvois) le duc de Berry, fils du comte d’Artois et chef des ultras, seul membre de la famille royale pouvant donner un héritier à la dynastie. En mourant, le duc révèle d’ailleurs que sa femme est enceinte – ce sera « l’enfant du miracle ».

Le comte d’Artois est profondément affecté par la mort de son fils. On l’incite à se remarier pour donner d’autres héritiers à la Couronne. Il refuse. Jadis grand amateur de jolies femmes, il avait remarqué à la cour de Versailles une dame du palais de Marie-Antoinette, Marie Louise d’Esparbès de Lussan, devenue vicomtesse puis comtesse de Polastron par son mariage. Il en fit sa favorite en titre, mais elle mourut de tuberculose à Londres en 1804 (lieu de leur émigration), lui ayant fait promettre de lui rester fidèle et de ne plus être qu’à Dieu. D’où l’extrême piété du futur Charles X.

Suite à l’attentat, la droite se déchaîne contre le chef du gouvernement. On lit dans La Gazette de France du lendemain : « Monsieur Decazes, c’est vous qui avez tué le duc de Berry. Pleurez des larmes de sang. Obtenez que le Ciel vous pardonne, la patrie ne vous pardonnera pas ! »

« Le pied lui a glissé dans le sang. »1978

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848). Causeries du lundi, volume II (1858), Charles-Augustin Sainte-Beuve

Sainte-Beuve, s’exprimant à la fois en historien et critique littéraire, d’ajouter aussitôt : « Cette parole contre un homme aussi modéré que M. Decazes a pu paraître atroce. Sachons pourtant qu’avec les écrivains, il faut faire toujours la part de la phrase. »

Chateaubriand, opposant en disgrâce qui se situe (pour l’heure) dans le camp des ultras, persiste et signe : « Ceux qui ont assassiné Monseigneur le duc de Berry sont ceux qui, depuis quatre ans, établissent dans la monarchie des lois démocratiques, ceux qui ont laissé prêcher dans les journaux la souveraineté du peuple, l’insurrection et le meurtre. »

Après sa démission, Louis XVIII n’abandonne pas son favori : il le fait duc français (Decazes était déjà duc danois, par son mariage) et le nomme ambassadeur à Londres. Louvel sera condamné à mort le 6 juin 1820 et guillotiné le lendemain. Cela n’apaise en rien les esprits et le futur roi est à la manœuvre.

« Le règne du roi est fini, celui de son successeur commence. »1979

Duc de BROGLIE (1785-1870), après la chute du ministère Decazes, fin février 1820. Le Comte de Serre : la politique modérée sous la Restauration (1879), Charles de Mazade

C’est un constitutionnel modéré qui s’exprime. Il a compris que c’en est fini de la période libérale voulue par Louis XVIII : les ultras vont avoir le pouvoir, avec à leur tête le futur Charles X.

Le duc de Richelieu, rappelé à la présidence du Conseil par le roi, prend trois ultras dans son cabinet et tente une réaction modérée face à l’opposition libérale : suspension des lois de Serre sur la liberté de la presse, loi électorale du double vote encore plus élitiste.

Grand seigneur honnête, excellent administrateur, Richelieu n’a pas l’art de manœuvrer une assemblée et sa politique est vite jugée trop modérée par les ultras. Vainqueurs aux élections de décembre 1820, ils auront définitivement gain de cause, quand le comte de Villèle va devenir chef du gouvernement, en décembre 1821.

« Que voulez-vous ? Il a conspiré contre Louis XVI, il a conspiré contre moi, il conspirera contre lui-même. »1986

LOUIS XVIII (1755-1824), parlant de son frère au duc de Richelieu, 12 décembre 1821. Histoire de la Restauration, 1814-1830 (1882), Ernest Daudet

L’humour royal est une vertu rare et Louis XVIII est un exemple à citer. Richelieu, chef du gouvernement, est menacé par les ultras. Il rappelle au comte d’Artois sa promesse d’aider Louis XVIII qui soutient cette politique gouvernementale. Le comte refuse et Richelieu fait part de sa déconvenue à Louis XVIII qui lui fait cette réplique.

« J’ai du moins la paix du ménage. »1987

LOUIS XVIII (1755-1824). Histoire des deux Restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe (1856), Achille de Vaulabelle

Quand Richelieu démissionne, le 13 décembre 1821. Le roi se veut philosophe. Il est surtout trop souffrant pour se battre encore et toujours. Quant au comte d’Artois, content de voir partir ce constitutionnel trop modéré, il laisse son royal frère en paix – pas pour longtemps.

« En somme, le roi a voulu voir de son vivant comment cela irait après sa mort, et il a constitué le premier cabinet de Monsieur ! »1988

Marquis de SÉMONVILLE (1759-1839). Le Retour à la monarchie, 1815-1848 (1943), Jules Bertaut

Le marquis entra en politique comme jeune révolutionnaire, fut diplomate et juriste, et finira en « vieux chat » aux dires de Talleyrand saluant ainsi sa ruse et son intelligence. En attendant, il prend acte du fait et juge fort bien : Louis XVIII vient d’accepter le cabinet ministériel que lui propose Monsieur, son frère le comte d’Artois. Villèle en est le chef, il n’y aura plus que des ultras au pouvoir, du 14 décembre 1821 jusqu’en janvier 1828.

4. Règne de Charles X : le pouvoir aux ultras dans une France plus politisée et divisée.

« Le roi est mort, Vive le roi ! »1995

Cri de la monarchie, qui retentit pour la dernière fois le 16 septembre 1824, à la mort de Louis XVIII au château des Tuileries. Le Roi est mort, vive le Roi ! (1827), François René de Chateaubriand

Cette phrase signifie que le roi de France ne meurt jamais et que la royauté est permanente, depuis le début des Capétiens en 987. Louis XVIII était le dernier frein à la réaction et le garde-fou aux maladresses de son frère. Devenu Charles X, le nouveau roi qui se fait acclamer va aussitôt ressusciter la pompe royale.

Le contexte politique le favorise : les élections des 25 février et 6 mars derniers ont ressuscité la fameuse Chambre « introuvable », plus royaliste que le roi et dissoute par Louis XVIII en 1815. Cette Chambre « retrouvée » comble les vœux du successeur : la gauche n’a plus que 15 députés. Catastrophe pour l’opposition parlementaire et victoire pour les ultras. Mais c’est la conséquence de la loi électorale : avec le cens élevé, le pays légal ne représente pas le pays réel.

La Restauration mourra de ce décalage abyssal et du monarque dont elle hérite : « Aux époques ordinaires, roi convenable ; à une époque extraordinaire, homme de perdition » dit Chateaubriand lors de son accession au trône.

« J’aimerais mieux scier du bois que de régner à la façon du roi d’Angleterre. »1996

CHARLES X (1757-1836). Histoire de la Restauration, 1814-1830 (1882), Ernest Daudet

Faisant écho à cet autre mot : « J’ai mes vieilles idées, je veux mourir avec elles. »

C’est dire sa volonté de s’affranchir de la Charte que Louis XVIII avait certes « octroyée » à ses sujets, mais qui comporte des garanties contre les abus de l’Ancien Régime. L’Angleterre reste le modèle de cette monarchie constitutionnelle, chère aux philosophes des Lumières du XVIIIe siècle.

Charles X qui ne s’est jamais initié aux idées de son temps ne saurait se plier aux règles du gouvernement représentatif. Cet homme charmant, si jeune d’allure à 67 ans et populaire pendant quelques mois, n’a certes pas le tempérament d’un monarque absolu, et moins encore d’un tyran. Mais il reste un homme de l’Ancien Régime, entouré de courtisans qui font écran entre le roi et son peuple.

« L’époque actuelle sera difficile à expliquer à nos arrière-neveux. »1997

Le Constitutionnel, à propos de la loi sur le sacrilège, avril 1825. Le Parti libéral sous la Restauration (1876), Paul Thureau-Dangin

Ce journal libéral ne peut qu’être scandalisé par cette « loi du sacrilège », proposée le 4 janvier 1825 et votée le 20 avril : les travaux forcés pour le vol d’une œuvre pieuse, la mort si le ciboire contient des hosties, le poing coupé et l’échafaud en cas de profanation ! La loi du ministère Villèle passe, malgré l’opposition de fervents catholiques tel Chateaubriand.

La « Chambre retrouvée » vote aussi, le 28 avril, la loi dite du milliard des émigrés : un capital d’un milliard rapportant trente millions de rentes doit indemniser les émigrés lésés par la vente de leurs biens sous la Révolution. Créée dans de bonnes intentions – soulager certaines misères réelles et rassurer les acquéreurs de biens nationaux –, la loi est présentée par les ultras comme la première mesure rétablissant les ordres privilégiés en leur ancien état. Les deux principaux bénéficiaires sont le duc d’Orléans (futur Louis-Philippe) et le marquis de La Fayette. L’effet dans le pays est déplorable. Ce n’est qu’un début.

« Le Roi et ses successeurs jureront, dans la solennité de leur sacre, d’observer fidèlement la présente charte constitutionnelle. »

Charte constitutionnelle de 1814, article 74

Accédant au trône, Louis XVIII avait renoncé au sacre : trop de fatigue pendant trois jours pour ce personnage affaibli par la goutte… ou cérémonie trop (ultra)royaliste pour ce roi bien conscient que la Révolution avait profondément changé le peuple de France ?

Son frère le toujours fringant Charles X est trop heureux de renouer avec la tradition et de paraître en costume. Le sacre se tient le 29 mai 1825, en la cathédrale de Reims. Le roi fait son entrée solennelle dans la ville à bord du carrosse fabriqué pour la circonstance

À l’image du régime de la Restauration, le sacre est conçu comme un compromis entre la tradition monarchique et la charte de 1814 : il reprend les phases principales du cérémonial traditionnel avec les sept onctions, les serments sur les Évangiles, en y associant le serment de fidélité prêté par le Roi à la Charte de 1814 ou la participation des grands princes au cérémonial en tant qu’assistants de l’archevêque de Reims.

« Maillon de la chaîne ayant uni le serment de la monarchie nouvelle au serment de l’ancienne monarchie. »70

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Le roi est mort ! Vive le roi ! (1824)

« Le roi est mort ! Vive le roi ! … C’est le cri de la vieille monarchie, c’est aussi le cri de la monarchie nouvelle. Un double principe politique est renfermé dans cette acclamation de la douleur et de la joie, l’hérédité de la famille souveraine, l’immortalité de l’État. C’est à la loi salique que nous devons, comme nation, une existence dont la durée n’a point d’exemple dans les annales du monde. » Mais c’est la dernière fois que ce mot est prononcé par un Bourbon. Louis-Philippe ne sera que roi des Français, branche d’Orléans.

Toujours royaliste, Chateaubriand qui définit le sacre lui donne un sens historique très fort. Il montre que la continuité dynastique va de pair avec la continuité politique. « La constitution actuelle n’est que le texte rajeuni du code de nos vieilles franchises ». C’est surtout la continuité avec l’Ancien Régime que les royalistes exaltent, Charles X ayant hérité des qualités de ses ancêtres. Rappelons le portrait qu’en fait Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe : « pieux comme Saint Louis, affable, compatissant et justicier comme Louis XII, courtois comme François Ier, franc comme Henri IV ». Il sera plus critique après…

« Une belle fête costumée à la gothique. »1998

Le mot qui circule dans le pays, à propos du sacre de Charles X à Reims, cérémonie du 29 mai 1825, Regalia : emblèmes et rites du pouvoir (2012), Bernard Dupaigne, Yves Vadé

Les tableaux en font foi, mais seuls les ultras pavoisent. Les amateurs de musique aussi, qui applaudirent la musique composée par Luigi Cherubini et l’opéra-bouffe de Rossini, Le Voyage à Reims.

Mais le sacre exerce une influence limitée sur la population, les mentalités n’étant plus celles d’autrefois. Une partie de l’opinion n’en comprit pas le sens, une autre le critiqua.

« Français que Reims a réunis,
Criez : « Montjoie et Saint-Denis ! »
On a refait la sainte Ampoule
Et comme au temps de nos aïeux
Des passereaux, lâchés en foule
Dans l’église volent joyeux […]
Le peuple crie : « Oiseaux, plus que nous soyez sages,
Gardez bien votre liberté ! » »1999

BÉRANGER (1780-1857), Le Sacre de Charles le simple (1825), chanson. Causes célèbres de tous les peuples (1858), Armand Fouquier

Notre meilleur chansonnier chroniqueur a beau jeu d’ironiser, toujours en chanson et à l’unisson du peuple, choqué par tant de pompe et par tout ce que cela annonce.

Ce sacre reprend le cérémonial de l’Ancien Régime, les sept onctions et les serments sur les Évangiles. Il se déroule sur trois jours : 28 mai, cérémonie des vêpres ; 29 mai, cérémonie du sacre ; 30 mai, remise de récompense pour les chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit, pour finir ; le 31 mai, par le toucher des écrouelles. Le sacre symbolise pour le roi et les élites un retour à la monarchie absolue.

Le peuple ne peut quand même pas oublier la Révolution et l’Empire. Et l’opposition va se manifester contre le dernier « roi de France », jusqu’à la prochaine révolution.

« Non seulement Jésus-Christ était fils de Dieu, mais encore il était d’excellente famille du côté de sa mère. »2000

Mgr Hyacinthe-Louis de QUÉLEN (1778-1839), 125e archevêque de Paris (de 1821 à sa mort). Dictionnaire de la bêtise et des erreurs de jugement (1998), Guy Bechtel et Jean-Claude Carrière

Une perle plus vraie que nature, pour représenter les ultras au pouvoir. En France, « fille aînée de l’Église » (jusqu’en 1905), chacun a naturellement à cœur de mettre Jésus dans son camp : sous la Révolution, Chabot, capucin défroqué, en fit le premier sans-culotte de l’histoire ! Pour le révolutionnaire Camille Desmoulins condamné à l’échafaud, le plus illustre supplicié fut aussi une référence.

L’archevêque de Paris se situe aux antipodes de l’échiquier politique. Très en cour auprès de Louis XVIII, puis de Charles X, il est élu en 1824 à l’Académie française contre le poète et auteur dramatique Casimir Delavigne. Dans son discours de réception, il attribua cet honneur à la religion et non à ses titres académiques. Notons que Charles X appréciait les talents de Delavigne, lui accordant une pension de 1 200 francs… que l’auteur refusa, comme la Légion d’honneur proposée par Alexandre de La Rochefoucauld au nom du roi. Delavigne comme la majorité des artistes et des auteurs désapprouvait l’orientation politique du gouvernement mis en place, préférant rester indépendant d’un pouvoir qu’il sera bientôt amené à combattre – lors des Trois Glorieuses, en juillet 1830.

Tout le contraire de l’archevêque de Paris, comblé par la Restauration. Membre de la Chambre des Pairs, incarnation de l’Ancien Régime, en plein sermon, il lâcha cette célèbre formule, propre à scandaliser libéraux et républicains. Moins bien vu sous la Monarchie de Juillet qui le considère comme (trop) légitimiste, il demeurera archevêque, Dieu merci !

« Je suis venu ici pour recevoir des hommages, non des leçons ! »2005

CHARLES X (1757-1836), passant en revue la garde nationale, 25 avril 1827. Mémoires d’outre-tombe (posthume), François René de Chateaubriand

Certes ovationné, le roi perçoit aussi quelques huées : « Vive la Charte ! À bas les ministres ! À bas les Jésuites ! » D’où sa réplique royale et indignée.

Chateaubriand témoigne : « Il avait souvent à la bouche de nobles paroles que ne soutenait pas toujours la vigueur de l’action : son esprit était hardi, son caractère timide. Charles X, rentrant au château, dit au maréchal Oudinot : « L’effet total a été satisfaisant. S’il y a quelques brouillons, la masse de la garde nationale est bonne : témoignez-lui ma satisfaction. » » Mais le chef du gouvernement Villèle a été vivement hué de son côté. Il ne supporte plus toutes ces attaques et propose au Conseil des ministres de licencier les gardes nationaux.

Charles X suit son ministre et par ordonnance, la garde est dissoute. La mesure est très mal accueillie à Paris, l’impopularité du roi grandit dans le pays. Étudiants et petits-bourgeois manifestent dans les rues, les obsèques des chefs de l’opposition libérale étant de bonnes occasions. Ce rituel d’opposition né sous la Restauration sera repris par les républicains contre la Monarchie de Juillet, puis contre le Second Empire.

« Vous êtes un méchant, un infidèle, un traître ! »2006

HUSSEIN DEY, sultan d’Alger (vers 1765-1838), 30 avril 1827. La Restauration et la Monarchie de Juillet (1929), Jean Lucas-Dubreton

Joignant le geste à la parole, il frappe trois fois de son chasse-mouches Pierre Deval, le consul de France dont le gouvernement refuse de payer des fournitures de blés datant du Consulat et de l’Empire. Le Dey refuse de présenter des excuses. Ce qui pourrait n’être qu’un fait divers va déboucher sur la guerre. L’incident venant aggraver des relations déjà tendues avec l’Algérie sert de prétexte à l’intervention de la France.

Après le blocus du port d’Alger (juin 1827), ce sera la prise d’Alger (5 juillet 1830) par le maréchal de Bourmont. La colonisation suivra au règne suivant, le futur maréchal Bugeaud imposant ses conditions.

« Vous étiez devenu trop impopulaire !
— Monseigneur, Dieu veuille que ce soit moi ! »2010

Comte de VILLÈLE (1773-1854), au Dauphin, le duc d’ANGOULÊME (1775-1844), 3 janvier 1828. Histoire de France depuis 1789 jusqu’à nos jours (1878), Henri Martin

Villèle, depuis deux mois, a vainement tenté de former un gouvernement qui concilie ses idées et les opinions de la nouvelle Chambre. La situation devenait impossible. Il démissionne donc, devient pair de France et cède la place à un libéral modéré, Martignac.

« En abandonnant Monsieur de Villèle, vous descendez la première marche de votre trône ! »2011

Duchesse d’ANGOULÊME (1778-1851), à Charles X. Histoire de la liberté en France : des origines à 1885 (2008), Augustin Challamel

La femme du Dauphin a compris la situation mieux que le roi. Rappelons qui elle est : fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, Marie-Thérèse Charlotte de France, dite « Madame Royale », fut la seule rescapée de la prison du Temple. Après la Révolution, elle épouse en exil son cousin le duc d’Angoulême, fils de Charles X pour qui son père a ressuscité le titre de Dauphin, en accédant au trône en 1824.

« Je ne veux pas monter en charrette comme mon frère ! »2012

CHARLES X (1757-1836), hanté par le souvenir de Louis XVI guillotiné en 1793. La Cour de Charles X (1892), Imbert de Saint-Amand

L’exemple de son frère aîné, devenu un roi martyr, le confortait dans sa politique ultraroyaliste. N’est-ce pas sa faiblesse et ses concessions qui l’ont perdu ? Et Charles X assimile les Girondins de la Révolution aux libéraux de plus en plus agressifs, sous la Restauration. Sa peur devient littéralement obsessionnelle.

« Un roi qu’on menace n’a de choix qu’entre le trône et l’échafaud !
— Sire, Votre Majesté oublie la chaise de poste ! »2013

TALLEYRAND (1754-1838), à CHARLES X (1757-1836). Souvenirs intimes sur M. de Talleyrand (1870), Amédée Pichot

Façon de rassurer le roi avec humour, lui rappelant au passage qu’il fut le premier émigré célèbre de la Révolution, au lendemain de la prise de la Bastille.

« À chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres, plus d’héritage ! »2014

Comte de SAINT-SIMON (1760-1825), Doctrine de Saint-Simon : Exposition. Première année (1829)

L’initiateur du socialisme à la française est mort depuis quatre ans. Mais le socialisme fait son chemin petit à petit dans le pays où les idées nouvelles se diffusent, en dépit de toutes les censures.

« Coblence, Waterloo, 1815, voilà les trois principes, les trois personnages du ministère. Pressez, tordez ce ministère, il ne dégoutte qu’humiliation, malheurs et dangers. »2015

SAINT-MARC GIRARDIN (1801-1873), Le Journal des débats, 10 août 1829. Charles X, dernier roi de France et de Navarre (1990), Georges Bordonove. Au lendemain de la formation du ministère Polignac, le 8 août 1829

Le journal donne le ton, en rappelant le retrait (sans combattre) des Français devant l’armée russe qui reprend Coblence, le dernier jour de 1813 ; puis le désastre de Waterloo et la France, défaite militairement, humiliée diplomatiquement après les Cent-Jours en 1815.

Le précédent ministère Martignac qui a succédé à Villèle le 4 janvier 1828 a vainement tenté de se concilier la gauche. Charles X n’a rien fait pour arranger les choses ! Et voilà qu’il met le prince de Polignac au pouvoir. Le ministère ne comprend que des ultras. Le roi ne tient plus aucun compte des députés élus et des pairs nommés. Il veut régner et gouverner à sa guise. L’opinion publique est ulcérée.

Le Journal des débats, quotidien conservateur d’ordinaire plus modéré, s’exclame, sous la plume de son meilleur polémiste : « Malheureuse France ! Malheureux roi ! Ainsi, le voilà encore une fois brisé, ce lien d’amour et de confiance qui unissait le peuple au monarque ! Voilà encore une fois la cour avec ses vieilles rancunes, l’émigration avec ses préjugés, le sacerdoce avec sa haine de la liberté, qui viennent se jeter entre la France et son roi. »

« Le roi n’administre pas, ne gouverne pas, il règne. »2016

Adolphe THIERS (1797-1877), Le National, 4 février 1830. Le Gouvernement parlementaire sous la Restauration (1905), Louis Michon

Apparition d’un homme politique qui va faire carrière jusque sous la Troisième République. Pour l’heure, Louis Adolphe Thiers est un jeune avocat qui a fréquenté les milieux libéraux et collaboré au Constitutionnel.

En janvier 1830, il crée avec Carrel et Mignet un autre journal d’opposition (nuance orléaniste), Le National. Il défend une monarchie constitutionnelle de type anglais et s’oppose ainsi aux Doctrinaires, Guizot et Royer-Collard, pour qui « le trône n’est pas un fauteuil vide ». Ces débats politiques agitent l’opinion éclairée.

« Je vous ai déjà dit que je ne voulais pas traiter l’affaire diplomatiquement. Vous en trouverez la preuve dans les termes que je vais employer : la France se f… de l’Angleterre ! »2017

Baron Lemercier d’HAUSSEZ (1778-1854), ministre de la Marine, à Lord Stuart, 4 février 1830. Mémoires du Baron d’Haussez, dernier ministre de la Marine sous la Restauration (posthume, 1897)

Pour résumer une affaire algérienne qui se complique et s’envenime, l’Angleterre a désapprouvé l’intention de la France de venger l’honneur du consul contre le Dey d’Alger. Charles X, en accord avec son ministre Polignac, ordonne un blocus naval, avant l’expédition militaire décisive avec l’amiral Duperré et de Bourmont, ministre de la Guerre : débarquement français en Algérie le 14 juin 1830.

« C’est une fête toute napolitaine, Monseigneur, nous dansons sur un volcan. »2018

Comte de SALVANDY (1795-1856), au duc d’Orléans, 31 mai 1830. L’Europe depuis l’avènement du roi Louis-Philippe (1845), Jean Baptiste Honoré Raymond Capefigue

Le futur Louis-Philippe donne une fête au Palais-Royal en l’honneur de son beau-frère, le roi de Naples. Salvandy, officier de Napoléon, opposant au ministère ultra de Villèle, conseiller d’État depuis 1828 et royaliste constitutionnel qui se bat en vain pour sauver la Charte et les libertés publiques, juge la situation avec lucidité.

Dans un climat de crise économique, financière et sociale, le roi opte pour la crise politique : le 16 mai, il a dissous la Chambre qui a voté une Adresse de défiance au gouvernement du prince de Polignac – il avait choisi les ministres les plus ultras et les plus détestés, la situation empirant à chaque remaniement ministériel.

L’opposition de gauche, longtemps divisée, s’est unie tactiquement, des républicains aux orléanistes. De son côté, le gouvernement prépare activement les élections de la dernière chance. On révoque les fonctionnaires suspects de sympathies libérales. On hâte l’opération d’Alger pour faire bonne impression sur l’opinion publique : elle va réussir vite et bien.

« Vingt jours ont suffi pour la destruction d’un État dont l’existence fatiguait l’Europe depuis trois siècles. »2019

Comte de BOURMONT (1773-1846), ordre du jour du ministre de la Guerre, après la reddition du Dey d’Alger, 5 juillet 1830. L’Europe et la conquête d’Alger (1913), Edgard Le Marchand

Prise d’Alger et reddition sans condition du Dey Hussein, suite à l’expédition militaire de l’amiral Duperré et du ministre de Bourmont qui ont débarqué en Algérie, le 14 juin. De Bourmont y gagne son bâton de maréchal de France et Chateaubriand dira, apprenant la prise d’Alger : « Cette nouvelle me ravit sans me rassurer. La Providence peut du même coup agrandir un royaume et renverser une dynastie. »

5. 1830. Le coup d’État royal fait long feu (26 juillet) avant la plus brève des révolutions (27, 28, 29 juillet).

« Plus j’y réfléchis, plus je reste convaincu que je suis dans mon droit et que c’est le seul moyen de salut. »2020

CHARLES X (1757-1836), au Conseil des ministres, s’apprêtant à signer les quatre ordonnances de Saint-Cloud du 25 juillet 1830, publiées le 26 juillet. Histoire du gouvernement parlementaire en France, 1814-1848, volume X (1871), Prosper Duvergier de Hauranne

L’opposition, forte de sa tactique unitaire, a triomphé aux élections des 23 juin et 3 juillet : 274 élus contre 143 candidats du ministère.

Charles X tente alors le coup de force. Se fondant sur l’article 14 de la Charte lui conférant le droit de promulguer les ordonnances « nécessaires pour l’exécution des lois et la sûreté de l’État », il prépare et signe quatre ordonnances rédigées par le ministère Polignac : liberté de la presse suspendue (avec le rétablissement de la censure et de l’autorisation ministérielle préalable ; Chambre dissoute (avant même d’avoir siégé) ; loi électorale modifiée (le calcul du cens excluant les commerçants et limitant le corps électoral aux grands propriétaires fonciers) ; prochaines élections fixées au 6 et 13 septembre. Une cinquième ordonnance (souvent oubliée) nomme des fidèles aux plus hautes fonctions.

Ce coup d’État royal d’ordre institutionnel va déclencher la plus brève des révolutions de notre Histoire – et la moins sanglante.

« Enfin, vous régnez ! Mon fils vous devra sa couronne. »2021

Duchesse de BERRY (1798-1870), à Charles X, 26 juillet 1830. Mémoires de la comtesse de Boigne (posthume, 1909)

Mère de l’« enfant du miracle », fils posthume du duc de Berry assassiné en 1820, elle lit dans Le Moniteur le texte des quatre ordonnances – qualifiées de « scélérates » par l’opposition majoritaire. Cette bombe ultra va déclencher le lendemain la révolution des Trois Glorieuses (journées des 27, 28, 29 juillet) et la fin du règne des Bourbons !

« Ils sont perdus. Ils ne connaissent ni le pays ni le temps. Ils vivent en dehors du monde et du siècle ! »2022

Maréchal de MARMONT (1774-1852), à la tête des troupes royales, 26 juillet 1830. Mémoires de la comtesse de Boigne (posthume, 1909)

Maréchal d’Empire, excellent militaire injustement accusé de trahison en avril 1814, nommé pair de France par Louis XVIII, il dirige à présent les troupes royales à Paris, soit 10 000 hommes, face aux 25 000 insurgés : 20 000 membres de la garde nationale, dissoute en juillet 1827, mais qui ont gardé leurs armes, et 5 000 républicains qui ont pillé les armureries.

« Le régime légal est interrompu, celui de la force a commencé… L’obéissance cesse d’être un devoir. »2023

Le National, 26 juillet 1830. Les Polémistes français depuis 1789 (1962), Pierre Dominique

Ce journal parisien d’opposition constitutionnelle, fondé par Thiers, Mignet et Carrel en janvier 1830, est financé par le banquier Jacques Laffitte, député libéral dont l’hôtel est l’un des principaux foyers de l’insurrection de juillet. Les trois journalistes dénoncent l’illégalité des ordonnances.

Le lendemain 27 juillet, les journaux interdits paraissent, mais sont saisis. C’est la première des « Trois Glorieuses ». Paris se soulève : ouvriers typographes réduits au chômage, étudiants, puis le mouvement s’étend, le peuple du faubourg Saint-Antoine marche sur l’Hôtel de Ville, bientôt le Louvre, les Tuileries. Les troupes de Marmont sont dépassées.

« Les révolutions sont de magnifiques improvisatrices. Un peu échevelées quelquefois. »2024

Victor HUGO (1802-1885), Choses vues, 1830 (posthume)

Avec lui, tous les jeunes romantiques se retrouvent dans l’opposition. Hugo a 28 ans. C’est l’un des plus ardents et c’est le début d’une belle et longue vie politique, menée parallèlement à sa carrière littéraire. On peut le comparer à Chateaubriand, son modèle proclamé : « Je veux être Chateaubriand ou rien » (Lettre de 1821).

« J’ignore, Sire, si je suis toujours un oiseau de mauvais augure, mais il est décidé que je serai toujours un oiseau des temps d’orage, et celui qui tonne sur nos têtes prend un aspect formidable. »2025

Baron de VITROLLES (1774-1854), au roi Charles X, château de Saint-Cloud, 28 juillet 1830. 1830, la révolution tricolore (1965), Jean Louis de Courson

Deuxième Glorieuse journée : Paris, dès le matin, construit ses barricades pour faire obstacle aux forces de l’ordre. Vitrolles, ambassadeur et pair de France, représentant des ultras, est enfin reçu par Charles X : le roi tient toujours à ses quatre ordonnances et refuse la proposition du baron d’aller discuter avec les chefs de l’insurrection parisienne. Ce serait perdre la face pour le roi qui ne comprend pas qu’il va perdre son trône.

« Peuple français, peuple de braves,
La liberté r’ouvre ses bras.
On nous disait : « Soyez esclaves »,
Nous avons dit : « Soyons soldats ».
Soudain Paris dans sa mémoire
A retrouvé son cri de gloire. »2026

Casimir DELAVIGNE (1793-1843), La Parisienne (1830), chanson. Recueil de chants patriotiques et guerriers dédiés aux braves Suisses qui prennent les armes pour défendre la patrie (1838)

Poète et auteur dramatique en renom, rival des romantiques sur la scène, mais libéral convaincu en politique, il écrit cette œuvre de circonstance aux accents révolutionnaires : La Parisienne fait écho à La Marseillaise.

« La troupe fraternise avec le peuple.
— Eh bien, il faut tirer aussi sur la troupe ! »2027

Réponse du prince de POLIGNAC (1780-1847), chef du gouvernement, au chef d’escadron Delarue, 28 juillet 1830. Révolution française : histoire de dix ans, 1830-1840 (1846), Louis Blanc

Dès le 27 juillet, deux compagnies des troupes royales, bombardées de jets de pierre, sont passées aux émeutiers. Le 28, dans Paris hérissé de barricades, Marmont résiste encore tant bien que mal, avec ses 10 000 hommes. Il reçoit enfin des ordres précis du roi, toujours à Saint-Cloud : concentrer ses troupes autour des Tuileries et du Louvre. Il abandonne aux insurgés tous les quartiers populaires de l’est et du nord de Paris.

« La dernière raison des rois, le boulet. La dernière raison des peuples, le pavé. »2028

Victor HUGO (1802-1885), Littérature et philosophie mêlées (1834)

L’histoire de France est ponctuée de « journées des Barricades » – murailles vite improvisées, faites de pavés, de galets, de poutres, construites par le peuple pour barrer la route aux troupes organisées, chargées du maintien de l’ordre. La première Journée remonte à la Sainte Ligue (catholique) qui tenait Paris en 1588. En 1649, c’est la Fronde où l’on a beaucoup joué avec les pavés. La Révolution de 1830 dépave les rues de Paris, durant ces Trois Glorieuses. Et l’Histoire continue…

Première insurrection républicaine de 1832 sous la Monarchie de Juillet. Les pavés reprennent du service avec la Révolution de 1848. Vient ensuite la Commune de Paris en 1871, la plus sanglante guerre des pavés – Hugo sera encore témoin. Au XXe siècle, Paris vivra deux séries de journées où les rues se hérissent à nouveau de barricades et de pavés qui font également projectiles : à la Libération en 1940 et en mai 1968. Entre les deux, rappelons la « semaine des Barricades » en janvier 1960, à Alger. Le pavé servira de moins en moins, les rues de Paris et de toutes les grandes villes étant recouvertes de macadam.

« Mettez en note que le 29 juillet 1830, à midi cinq minutes, la branche aînée des Bourbons a cessé de régner sur la France ! »2029

TALLEYRAND (1754-1838). L’Esprit de M. de Talleyrand : anecdotes et bons mots (1909), Louis Thomas

Travaillant à ses Mémoires, il entend les troupes de Marmont qui refluent sous ses fenêtres, rue de Rivoli – le Louvre est pris par les insurgés, les soldats se débandent. Le vieux pair de France qui a vécu tous les tournants de l’histoire depuis la Révolution et survécu à tant d’épreuves, s’interrompt et dicte cette note à son secrétaire.

Ce même jour, les députés font cause commune avec le peuple. C’est la « Troisième Glorieuse » de cette brève Révolution.

« Charles X a essayé de sauver la légitimité française et avec elle la légitimité européenne : il a livré la bataille et il l’a perdue […] Napoléon a eu son Waterloo, Charles X ses journées de juillet. »2030

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

30 juillet, Charles X retire les ordonnances. Trop tard. Thiers et Mignet font placarder un manifeste orléaniste. Louis-Philippe attend son heure, patiemment, prudemment réfugié à Neuilly, puis au Raincy. Tandis que La Fayette, septuagénaire actif (même âge et même silhouette que Charles X !) est de retour pour son dernier rendez-vous avec l’Histoire, de nouveau à la tête de la garde nationale qui a été rétablie et qui occupe l’Hôtel de Ville : on hisse le drapeau tricolore.

« Habitants de Paris ! Charles X a cessé de régner sur la France ! »2031

Proclamation de la Commission municipale, 30 juillet 1830. Bulletin des lois et ordonnances : publiées depuis la Révolution de juillet 1830, volume I (1849), Dupont éd

C’est un véritable gouvernement provisoire qui a été constitué par le banquier Laffitte et Casimir Périer. Seul suspense, qui va l’emporter, de la République ou de la branche orléaniste ?

« L’opposition […] peut perdre autant de batailles qu’elle en livre, il lui suffit, comme les alliés en 1814, de vaincre une seule fois. Avec « trois glorieuses journées », enfin, elle détruit tout. »2032

Honoré de BALZAC (1799-1850), Le Député d’Arcis (posthume, 1854)

La crainte d’un régime vraiment démocratique va pousser la majorité des députés de l’opposition, représentants d’une bourgeoisie libérale, aisée, éclairée, mais pas vraiment révolutionnaire, à « escamoter » la République et opter pour l’ordre. Le National propose de nommer roi le duc d’Orléans, « prince dévoué à la cause de la Révolution ». Toute l’ambiguïté du nouveau régime est déjà là, dans ce recours à un « roi citoyen ».

« La Charte sera désormais une vérité. »2033

LOUIS-PHILIPPE (1773-1850), Proclamation aux habitants de Paris, 31 juillet 1830. Révolution française : histoire de dix ans, 1830-1840 (1846), Louis Blanc

Le texte de la proclamation est de Guizot. Celui qui est encore le duc d’Orléans accepte le même jour le titre de « lieutenant général du royaume » donné par les députés insurgés. Mais il lui faut l’aval du peuple. Il se rend donc à l’Hôtel de Ville où l’attend La Fayette, redevenu populaire comme aux grandes heures de la Révolution.

« Voilà ce que nous avons pu faire de plus républicain. »2034

LA FAYETTE (1757-1834), Hôtel de Ville, 31 juillet 1830. La Fayette et la révolution de 1830 : histoire des choses et des hommes de Juillet, volume I (1832), Bernard Alexis Sarrans

Les deux hommes se drapent dans le drapeau tricolore, au balcon de l’Hôtel de Ville. Rallié à la cause du duc d’Orléans, La Fayette lui donne l’accolade et fait de lui le futur « roi des Français ».

« Puisqu’ils ne veulent pas de moi, qu’ils se débrouillent ! »2035

Duc d’ANGOULÊME (1775-1844), dernier dauphin de l’histoire de France, château de Rambouillet, 2 août 1830. La Duchesse de Berry (1963), André Castelot

Charles X, replié à Rambouillet, vient d’accepter la nomination du duc d’Orléans comme lieutenant général du royaume et régent. Plus ou moins forcé, il abdique en faveur de son petit-fils (10 ans), le duc Henri de Bordeaux. Il signe l’acte, tend la plume à son fils aîné Louis de France, devenu Louis XIX le temps du règne le plus court de l’histoire de France – quelques secondes d’hésitation, car il pourrait tenir pour nulles les décisions de son père et garder la couronne…

Il choisit finalement d’abdiquer à son tour en faveur de son neveu le duc de Bordeaux qui devient Henri V pour les légitimistes – et attendra 1871 pour faire valoir ses droits à la couronne.

« Le Dey. — Je conviens que Charles Dix
Des guerriers est le phénix,
Il combat les Algériens
En mêm’ temps qu’les Parisiens.
Charles X. — Pour rentrer dans mon Paris
Si nous n’étions pas enn’mis,
J’aurais réclamé d’tes soins
Une patrouill’ de Bédouins.
Refrain
Ça va mal, sort fatal,
Adieu le trône royal,
C’est égal,
Nous vivons, c’est l’principal. »2036

Auguste JOUHAUD (1806-1888), À ton tour Paillasse (1830), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

La chanson, incluse dans une pièce en trois journées, en vers et en prose, réunit dans un duo ironique les deux souverains qui perdent leur trône en même temps. Leur titre disparaît aussi : il n’y aura plus de roi de France ni de Dey en Algérie.

Le 3 août, Charles X fuit, épouvanté par le bruit que fait courir le maréchal Marmont (commandant l’armée royale, désormais acquis à Louis-Philippe) : 100 000 Parisiens armés seraient à ses trousses… En fait, partis 30 000, ils arrivent moins de 1 000 à Rambouillet, mais l’armée royale (près de 13 000 hommes) se replie. Charles X reprend le chemin du dernier exil. Les Bourbons ont fini de régner en France.

« Une fois sacré, rien ne le fut pour moi. »

Pierre LANGLUMÉ (1790-1830), dessinateur-lithographe, estampe de 1830. Larousse et Musée Carnavalet

Cette caricature contre Charles X s’inspire de celle faite en 1815 contre Napoléon par les royalistes : le roi piétine la Charte constitutionnelle et ses victimes en date du 27 juillet 1830, le maréchal Brune, le maréchal Ney, Mouton-Duvernet, etc…

Rappelons aussi l’estampe anonyme représentant le roi en girafe affublée d’un bicorne, portant habit chamarré à épaulettes, bottes et épée : « La plus grande bête qu’on ait jamais vue. » Datée de 1827, elle revient à la mode d’une manière plus cruelle et brève.

« À la gloire des citoyens français qui s’armèrent et combattirent pour la défense des libertés publiques dans les mémorables journées des 27, 28, 29 juillet 1830. »50

Inscription sur la plaque au bas de la Colonne de Juillet, élevée place de la Bastille à Paris en commémoration des Trois Glorieuses

La colonne est construite au-dessus d’une nécropole accueillant les corps des révolutionnaires : 700 combattants inhumés, 504 noms gravés. À plus de 50 mètres de hauteur, une sculpture en bronze doré d’Auguste Dumont : Le Génie de la Liberté.

Contrairement à ce que l’on croit, la Colonne de Juillet construite sous Louis-Philippe ne rappelle en rien la Révolution et la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789. Dernière confusion à dissiper.

« Louis-Philippe a grand soin de nos nippes et il nous prend notre couronne. »2062

Duchesse de BERRY (1798-1870), sur le chemin de l’exil avec son beau-père Charles X et toute la famille, à Vire, 11 août 1830. La Cour de Charles X (1892), Imbert de Saint-Amand

Elle apprend que Marie-Amélie, femme de Louis-Philippe, va lui envoyer une partie de sa garde-robe. Cette attention somme toute sympathique et quelques autres, comme l’avance faite à Charles X par Louis-Philippe de 600 000 francs sur ses propres deniers, sont dans l’esprit de ce roi bourgeois qui tranche sur tous ses prédécesseurs.

Charles X en roi déchu se montre digne… et finalement intelligent. Il s’est effacé pour faciliter la tâche du successeur, chargé d’annoncer son abdication devant les Chambres le 3 août et devenant sans plus d’agitation populaire Louis-Philippe Ier. Il n’aura pas de successeur. C’est donc le seul « roi des Français ».

Pour la duchesse de Berry, ce n’est qu’une fausse sortie. Elle n’a pas renoncé à faire valoir les droits de son fils au trône de France et l’opposition légitimiste causera bientôt quelques soucis à la nouvelle monarchie orléaniste. Ainsi va l’Histoire.

Charles X gagne l’Angleterre, vit en Écosse, puis au Château de Prague, accueilli par l’empereur d’Autriche, avant de mourir à la frontière italienne des suites du choléra à 79 ans, pardonnant de grand cœur à tous ses ennemis, malgré plus de trente ans d’exil.

 

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