Portrait de Danton en citations | L’Histoire en citations
Portrait de Danton en citations
Portraits en citations des Personnages de l’Histoire

 

« Il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée. »

Discours à la Législative, 2 septembre 1792

Georges-Jacques Danton (1759-1794) entre en Révolution au club des Cordeliers. Remarqué pour son allure de taureau et son génie oratoire, le « Mirabeau du ruisseau » incarne la Patrie en danger aux heures tragiques de l’invasion aux frontières. Ministre de la Justice, il laisse faire les massacres de septembre 1972, mais la patrie est sauvée par la victoire de Valmy (20 septembre) et la République proclamée le lendemain.

Député montagnard à la Convention le mieux élu (avec Robespierre), Danton paraît tout puissant. Mais le vent tourne vite dans cette folle Révolution. Il s’absente (mission en Belgique) pour ne pas avoir à juger Louis XVI, revenant pour voter la mort du roi (21 janvier 1793). Le pays est divisé, la guerre civile s’annonce meurtrière (Vendée et Chouans en Bretagne), le pain manque à Paris, les Enragés débordent les Montagnards…

Et Danton prend ses distances : vie privée, grosse fatigue (burnout), combines financières, tractations avec l’ennemi, liaison douteuse avec Dumouriez convaincu de trahison. Danton devient suspect à ses amis comme à ses ennemis.

Il prend la défense de Marat pour ne pas « entamer la Convention » et diviser les révolutionnaires. Il voudra sauver les Girondins, mais Robespierre devenu le chef incontesté des Montagnards prépare la Terreur. Danton n’a plus le pouvoir. Il a encore la parole..

Il s’illustre à la tribune par ses discours remarquables sur l’éducation, la décolonisation, l’abolition de l’esclavage. Il fait parfois l’unanimité (rare à l’époque).
Mais il fera bientôt partie des « Indulgents », qualité criminelle sous la dictature de Robespierre. Il sera de la nouvelle charrette avec Camille Desmoulins et 13 autres « dantonistes » guillotinés le 5 avril 179

Personnage excessif et contradictoire, politicien sans scrupules, vénal, capable de trahir la Révolution… ou ardent démocrate, patriote indéfectible, homme d’État généreux ? Les deux à la fois, d’où la complexité du personnage. Le débat se double d’une polémique idéologique et politique sous la Troisième République, entre historiens robespierristes et dantonistes qui ravivent le duo-duel post mortem entre les deux hommes.

À vous de juger Danton ! Sa vie et son œuvre se résument en trois années, une centaine de discours cultes et quelques dizaines de citations référentielles.

NB. Tous les discours de Danton (de 1791 à 1794) ont été plusieurs fois édités. Pour simplifier, nous ne répéterons pas notre source principale : Discours de Danton, édition critique par André Fribourg (1910).

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1. Trop révolutionnaire ou trop humain ? Danton, personnage majeur de l’époque, aussi complexe que Robespierre, son « ami mortel ».

« Il a été permis de craindre que la Révolution, comme Saturne, dévorât successivement tous ses enfants. »1269

Pierre Victurnien VERGNIAUD (1753-1793). Histoire des Girondins (1847), Alphonse de Lamartine

Donnons d’abord la parole aux contemporains.

Danton est assurément l’un de ses enfants qui va marquer la Révolution et l’Histoire en trois années de tumulte, comme son confère Robespierre. Tous deux Montagnards, avocats issus de la bourgeoisie, clubistes et députés, le tonitruant Danton se révèlera politiquement plus nuancé, classé parmi les « Indulgents » pour des raisons plus ou moins honorables. Il finira à 34 ans, emporté par la Terreur qu’il a toujours combattue, quelques mois avant Robespierre, 36 ans, emporté à son tour par le coup d’État de Thermidor avec Saint-Just, 26 ans, son frère en Révolution. Vergniaud aura le même destin, faisant partie un an avant de la « charrette des Girondins ».

« S’il est bon de faire des lois avec maturité, on ne fait bien la guerre qu’avec enthousiasme. »1287

DANTON (1759-1794). Histoire parlementaire de la Révolution française ou Journal des Assemblées nationales (1834-1838), P.J.B. Buchez, P.C. Roux

Orateur des heures tragiques, préoccupé de la Défense nationale du pays, Georges Jacques Danton sera aussi ministre de la Justice. Il incarne cette époque qui doit parer au plus pressé, mais sait aussi légiférer pour les générations à venir. Même aptitude remarquable sous le Consulat et l’Empire de Napoléon.

« La nature m’a donné en partage les formes athlétiques, et la physionomie âpre de la liberté. »

DANTON (1759-1794), Discours prononcé le 20 janvier 1792 par le nouveau substitut du procureur de la commune de Paris

Ce physique hors norme frappe tous ses contemporains et se retrouve dans tous ses portraits. Conscient de cette originalité, il en est fier et il en joue en tragi-comédien : cela sied à son caractère et le sert à la tribune.

« Cette voix de Stentor retentissait au milieu de l’Assemblée, comme le canon d’alarme qui appelle les soldats sur la brèche. »

LEVASSEUR de la Sarthe (1747-1834). Mémoires de R. Levasseur de la Sarthe, ex-conventionnel (1829), René Levasseur, Francis Levasseur

Orateur d’instinct, ses harangues toujours improvisées enflamment ses auditeurs. La voix était terriblement sonore.

Ses formes athlétiques effrayaient, sa figure devenait féroce à la tribune : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace… »

« Je fus frappé de sa haute stature, de ses formes athlétiques, de l’irrégularité de ses traits labourés de petite vérole, de sa parole âpre, brusque, retentissante, de son geste dramatique, de la mobilité de sa physionomie, de son regard assuré et pénétrant, de l’énergie et de l’audace dont tous ses mouvements étaient empreints… Il présidait la séance avec la décision, la prestesse et l’autorité d’un homme qui sent sa puissance. »

Antoine-Claire THIBAUDEAU (1765-1854), Mémoires sur la Convention et le Directoire

Autre témoin oculaire, Thibaudeau le décrit au club des Cordeliers, plus populaire que celui des Jacobins où Robespierre, autre avocat surnommé « la Chandelle d’Arras » fait la loi avec d’autres armes.

« Cet homme peut en imposer par de grands mots, cet homme sans cesse nous vante son patriotisme, mais nous ne serons jamais dupes… »

François-Nicolas VINCENT (1767-1794) au club des Cordeliers (initialement favorable à Danton). Frédéric Bluche, Danton (1984)

25 juillet 1793, Danton est élu président de la Convention. Les hébertistes eux aussi candidats avec l’appui des sans-culottes accusent Danton de « modérantisme » - mot à la mode. C’est de bonne guerre et c’est vrai. Après la parole qui pousse toujours à l’action, il arrivera souvent à Danton de se dérober au moment d’agir, de disparaître pendant quelques jours ou quelques semaines.

« Tes formes robustes semblaient déguiser la faiblesse de tes conseils … Tous tes exordes à la tribune commençaient comme le tonnerre et tu finissais par faire transiger la vérité et le mensonge. »1297

SAINT-JUST (1767-1794), réquisitoire contre Danton. Œuvres de Saint-Just, représentant du peuple à la Convention nationale (posthume, 1834)

En avril 1793, quand le fossé se creuse avec Robespierre, le très jeune Saint-Just son frère en Révolution devient plus critique, sinon déjà accusateur : « Dans le même temps, tu te déclarais pour des principes modérés… »

De fait, après son rôle de premier plan dans les massacres de septembre (1792), suivis de la création du Tribunal révolutionnaire et du Comité de salut public, les deux armes de la Terreur à venir, Danton prend ses distances avec cette Révolution déchaînée. Il fait donc figure d’ « indulgent » aux yeux de Robespierre et de Saint-Just : un crime sous la Terreur, et il en mourra sur l’échafaud avec ses amis « dantonistes ».

« L’audace sur le front, le rire de la débauche sur les lèvres, la férocité de son visage dénonce celle de son cœur ; il emprunte inutilement de Bacchus une apparente bonhomie et la jovialité des festins ; l’emportement de ses discours, la violence de ses gestes, la bestialité de ses jurements le trahissent. »1298

Mme ROLAND (1754-1793), Mémoires (posthume)

Ce texte, écrit dans la prison de l’Abbaye en 1793, comporte une part de vérité. Mais Manon Roland déteste viscéralement Danton, figure « repoussante et atroce, avec un air de grande jovialité ». C’est l’ennemi politique de son mari et de tous les Girondins emprisonnés en attendant la mort.

« Il fallait dans le ministère un homme qui eût la confiance de ce peuple dont les agitations venaient de renverser le trône ; il fallait dans le ministère un homme qui par son ascendant pût contenir les instruments très méprisables d’une révolution utile, glorieuse et nécessaire ; et il fallait que cet homme, par son talent pour la parole, par son esprit, par son caractère, n’avilît point le ministère. Danton seul avait ces qualités. »

CONDORCET (1743-1794). Œuvres de Condorcet (posthume), Fragments de justification (texte inachevé)

Illustre savant au siècle des Lumières et républicain avant la République, le marquis de Condorcet  siège avec les Girondins à la Législative. Il a donné sa voix à Danton pour être ministre de la Justice : cela lui fut reproché et il s’en justifie dans ce texte de juillet 1793, tout à l’honneur de l’homme à présent suspect, bientôt accusé.

« Danton a cette qualité si précieuse que n’ont jamais les hommes ordinaires : il ne hait ou ne craint ni les lumières, ni les talents, ni la vertu. »1299

CONDORCET (1743-1794). Œuvres de Condorcet (posthume), Fragments de justification (texte inachevé)

Autre façon de justifier l’indulgence de Danton - le témoignage est pourtant signé d’un Girondin. En fait, Danton est très difficile à cerner, très changeant, très humain. N’a-t-il pas dit : « Qui hait les vices hait les hommes » et n’est-ce pas là une autre définition de l’indulgence qui l’oppose absolument à Robespierre ?

« Pour que la Révolution soit, il ne suffit pas que Montesquieu la présente, que Diderot la prêche, que Beaumarchais l’annonce, que Condorcet la calcule, qu’Arouet la prépare, que Rousseau la prémédite ; il faut que Danton l’ose. »1289

Victor HUGO (1802-1885), Les Misérables (1862)

Aucun personnage révolutionnaire ne fut plus commenté par les historiens fascinés et/ou repoussés par ce grand premier rôle. Donnons d’abord la parole à Hugo, ce génial « vulgarisateur » de l’Histoire qui en quelques mots et quelques personnages résume la situation. Notons aussi que plus qu’aucune autre période de notre histoire, la Révolution crée ses propres héros. Aussi vrai que « les hommes ne manquent pas : les révolutions en découvrent toujours. » (Michel Debré, Ces princes qui nous gouvernent)

« Danton fut l’action dont Mirabeau avait été la parole. »1295

Victor HUGO (1802-1885), Quatre-vingt-treize (1874)

On l’appelait « le Mirabeau de la populace ». Comme Mirabeau, c’est une « gueule », un personnage théâtral et un génie du Verbe. Mais contrairement à Mirabeau, « Danton, comme Robespierre et Marat, est une création de la Révolution. Il jaillit de l’immense événement sans aucun préavis » (Mona Ozouf, historienne de la Révolution avec François Furet).

« Si de Rousseau vint Robespierre, « de Diderot jaillit Danton ». »1300

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France au dix-huitième siècle, Louis XV, citant Auguste COMTE (1798-1857)

L’historien préféré des Français montre l’influence des philosophes du siècle des Lumières sur les révolutionnaires. Elle est évidente, mais chacun a le sien. La richesse, la diversité, la complexité de Diderot, homme de tous les paradoxes, devaient naturellement plaire à Danton – et repousser l’intransigeant Robespierre dont le livre de chevet fut logiquement le Contrat social de Rousseau, son premier maître à penser.

Les républicains fondateurs de la Troisième République devaient trouver une incarnation républicaine de la Révolution (ce qui exclut Mirabeau le monarchiste), non compromise dans la Terreur (ce qui exclut Robespierre). Ils feront donc de Danton le héros par excellence de la Révolution française. Évoqué dans nombre de cérémonies officielles, il aura des voies publiques ou des établissements scolaires portant son nom, des statues et un cuirassé.

Michelet qui consacre dix ans aux sept volumes de son histoire de la Révolution française (parus entre 1847 et 1853) fait lui aussi de Danton l’incarnation de la Révolution : « Le vrai génie pratique, la force et la substance qui la caractérise fondamentalement… Son génie ? L’action, comme dit un ancien. Quoi encore ? L’action. Et l’action comme troisième élément. » Autrement dit « de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ». Mais s’il prêche toujours l’action en paroles, Danton se met souvent en retrait au moment de l’action - ses confrères ennemis et même amis l’ont remarqué.

« Danton, la bouche torse, demi-homme et demi-taureau, dans sa laideur royale, troublait les cœurs de son masque tragique ; quoi qu’il pût dire ou faire, sa voix, son attitude, semblaient d’un tyran. »10

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de la Révolution française (1847 à 1853)

Les deux chefs de la Montagne n’étaient pas faits pour rassurer, Danton étant tout le contraire de « l’inquisitoriale figure de Robespierre, souffreteux, clignotant, cachant ses yeux ternes sous ses lunettes, un sphynx étrange, qu’on regardait sans cesse malgré soi et qu’on souffrait à regarder. »

Adulte, Danton est lié à la Révolution pour le meilleur et le pire. Enfant, son rapport au taureau relève aussi du destin ! À un an, il est allaité par une vache (selon la coutume répandue dans les campagnes champenoises) quand un taureau se jetant sur la bête blesse l’enfant d’un coup de corne, lui laissant une difformité à la lèvre supérieure gauche. À sept ans, déjà doué d’une force peu commune, il veut se mesurer à un taureau qui lui écrase le nez d’un coup de sabot… Renversé par un troupeau de cochons, il manque ensuite de se noyer. Pour achever le tableau, il contractera plus tard la petite vérole (autrement dit la très contagieuse variole) dont il conserve des traces sur son visage grêlé. Les biographes collectionnent naturellement ce genre de détails.

« Avec un tempérament de boucher, il a un cœur d’homme […] Avec les emportements d’un clubiste, il a la lucidité d’un politique. »1296

Hippolyte TAINE (1828-1893), Les Origines de la France contemporaine, tome III, La Révolution : la conquête jacobine (1881)

L’historien philosophe s’est passionné pour la Révolution et ses confrères ont trouvé très peu d’erreurs dans ses travaux, même s’ils n’approuvent pas la « légende noire » qu’en ont tirée des intellectuels de droite.

Taine assimile l’histoire à une science naturelle et observe les personnages en véritable entomologiste. C’est dire si Danton est passionnant à « disséquer » ! Il précise bien son portrait : « Il n’est pas dupe des phrases ronflantes qu’il débite, il sait ce que valent les coquins qu’il emploie ; il n’a d’illusion ni sur les hommes, ni sur les choses, ni sur autrui, ni sur lui-même. »

« La devise de tout un peuple. »

Edgar QUINET (1803-1875), Révolution (1865)

Autre historien et philosophe, également poète et homme politique, le premier tirage de sa Révolution s’est vendu en une semaine. Il va influencer toute une génération de jeunes républicains des années 1860, sous le Second Empire. Exilé comme l’autre grand républicain Hugo, il rentre lui aussi animé d’une véritable ferveur patriotique et démocratique, mais il ne sera pas élu député, rejetant désormais ce qu’il appelle « la République sans républicains ». Fasciné par le discours assurément le plus célèbre et patriotique de Danton, « de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace », il en fait la devise du peuple français : juste reconnaissance de cette citation référentielle dans l’Histoire de France.

« Il faut contraindre l’ennemi à la retraite avant qu’il ait pu rassembler des troupes contre vous ; bref agissez suivant les paroles de Danton, le plus grand maître jusqu’à ce jour de la tactique révolutionnaire : de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. »

LENINE (1870-1924) Œuvres, tome 26, 1917-1918, « Les bolcheviks garderont-ils le pouvoir ? »

Témoin imprévu à la barre de notre Histoire, il avait pour ambition d’étendre la révolution au reste du monde, fondant en 1919 l’Internationale communiste. Il choisit l’option révolutionnaire sans jamais poser la question de l’honnêteté. Il s’appuie sur des écrits de Marx pour galvaniser ses camarades de combat et les entraîner dans la fameuse insurrection dite Révolution d’octobre (1917). Et comme Marx, il fait explicitement référence au célébrissime discours de Danton du 2 septembre 1792 : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. »

« Danton était avant tout un homme d’État… C’est aussi et surtout un esprit français. Il y a de la gaieté, de la verve, un bon sens endiablé et une bonhomie fine dans le discours. »

Alphonse AULARD (1849-1928), Études et leçons sur la Révolution française (1893)

Premier à occuper la chaire d’histoire de la Révolution française à la Sorbonne créée en 1886, Aulard admire Danton qui incarne pour lui la synthèse de la Révolution française et en qui il voit un précurseur de Gambetta. Son travail d’historien porte la trace de son engagement politique : il invente à la République radicale qu’il soutient ses origines historiques, 1789-1792 plutôt que 1793-1794, et ses pères fondateurs, Danton plutôt que Robespierre.

La réaction a lieu en 1908 avec Mathiez, ancien collaborateur d’Aulard qui fut son directeur de thèse. Danton est un sujet de choix pour ce genre de débats entre historiens, du seul fait qu’en cherchant bien, on trouve de tout chez lui.

« Danton était un démagogue affamé de jouissances, qui s’était vendu à tous ceux qui avaient bien voulu l’acheter, à la Cour comme aux Lameth, aux fournisseurs comme aux contre-révolutionnaires, un mauvais Français qui doutait de la victoire et préparait dans l’ombre une paix honteuse avec l’ennemi, un révolutionnaire hypocrite qui était devenu le suprême espoir du parti royaliste. »

Albert MATHIEZ (1874-1932), Études sur Robespierre, Éditions sociales, 1974

(On pourrait croire qu’il parle de Mirabeau, premier révolutionnaire (et grand orateur), mais en réalité monarchiste, panthéonisé et presque sitôt dépanthéonisé, convaincu de son double jeu.)

L’historien témoin à charge va établir de façon quasi irréfutable la corruption de Danton, épluchant minutieusement ses comptes et faisant un inventaire systématique de ses amis douteux. Il fonde en 1908 sa revue trimestrielle, les Annales historiques de la Révolution française, pour exalter l’œuvre de Robespierre et reprendre, documents à l’appui, le réquisitoire de Robespierre et de Saint-Just contre Danton. Pour lui et pendant longtemps pour les historiens de la Société des études robespierristes, Danton est un vendu et un débauché qui a mené une politique de double-jeu.

Georges Lefebvre qui occupe à son tour en 1937 la chaire d’histoire de la Révolution à la Sorbonne, spécialiste incontesté du domaine jusqu’à sa mort en 1959, adopte en 1934 une position plus équilibrée : admettant la vénalité, il n’en tire pas les conséquences qu’en déduit Mathiez sur la politique de Danton. Sa position sera globalement adoptée par les historiens contemporains.

« Que demandons-nous à Danton ? Est-ce de savoir combien d’argent il a gagné au cours de sa carrière politique, et comment ? Ou quels sont les services qu’il a rendus à la Révolution ? Si l’on entend le juger sous ce dernier rapport, ce n’est pas le bilan de sa fortune qu’il y a lieu de dresser, mais celui de ses actes. »

Gérard WALTER (1896-1974), Introduction au procès de Danton (Actes du Tribunal révolutionnaire, 1986)

Autre spécialiste de la Révolution française, publiant Les Massacres de septembre, Histoire de la Terreur, 1793-1794, Histoire des Jacobins et La Conjuration du neuf Thermidor, il relance très raisonnablement le débat sur le bilan : « Si celui-ci, en fin de compte, est en mesure d’établir que l’activité de Danton a contribué effectivement au triomphe de la Révolution, peu importe s’il a reçu de la Cour ou d’ailleurs, 30 000 livres, ou 300 000, ou même 3 millions. Par contre, s’il avait été démontré qu’il n’eût jamais touché un sol de personne, mais qu’il ne fut pas le sauveur de la France révolutionnaire à l’époque où les Allemands et les émigrés marchaient sur Paris, on aurait bien le devoir de le proclamer « grand honnête homme », mais aussi celui de le rayer définitivement du nombre des grands révolutionnaires. »

On pourrait de la même manière juger sans condamner les enrichissements personnels de Mazarin et de Richelieu sous l’Ancien Régime, des fortunes considérables qui ne les empêchent pas d’avoir été les plus grands Premiers Ministres au service de l’État et pour le bien de la France.

« Un homme politique opportuniste, intermittent, peu délicat sur les moyens, en même temps qu’un orateur un peu génial dans l’improvisation, et un vrai tempérament politique dans les grandes occasions : la Patrie en danger, la levée en masse, le Salut public, son procès enfin. »

François FURET (1927-1997), Histoire de France, La Révolution : de Turgot à Jules Ferry, 1770-1880 (1988)

François Furet, autre spécialiste de la Révolution, note la complexité du personnage. Il reconnaît que les documents mis au jour par Mathiez permettent d’établir ou de rendre tau moins très vraisemblable la corruption de Danton. Mais il lui reproche de tirer de ces preuves plus qu’elles ne peuvent offrir et de mélanger politique révolutionnaire et vertu privée : Danton n’est ni chaste, ni vertueux, ni convaincu comme l’est Robespierre, le héros de Mathiez qui finira victime de la Terreur qu’il a lui-même instaurée, confirmant à son tour la prédiction de Vergniaud : « Il a été permis de craindre que la Révolution, comme Saturne, dévorât successivement tous ses enfants. »

Reste la chronique de ces trois années révolutionnaires, avec les faits et les mots qui témoignent à leur manière de la trajectoire de Danton, un personnage qui sut les manier comme tous les grands noms de notre Histoire, à commencer par de Gaulle et Napoléon.

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2. La gloire en un discours patriotique (« De l’audace… ») et une victoire historique (Valmy).

« Nous voilà enfin libres et sans roi. »

DANTON (1759-1794) Discours à la Constituante, 21 juin 1791

Après la fuite à Varenne et le retour de la famille royale en juin 1791, nombre de députés souhaitent le maintien de Louis XVI : la déchéance du roi entraînerait la coalition de toutes les monarchies européennes contre la France et le pays reste majoritairement monarchiste ! Mais la division en deux clans est profonde. Le mouvement démocratique et républicain s’exaspère, notamment le club des Cordeliers animé par Danton. Dès le 21 juin, il demande à l’Assemblée Constituante de proclamer la République en ces termes. Il faudra pourtant attendre le 21 septembre 1792 pour que la royauté soit abolie à l’unanimité par la Convention, troisième assemblée révolutionnaire.

« J’ai consacré ma vie tout entière à ce peuple qu’on n’attaquera plus, qu’on ne trahira plus impunément, et qui purgera bientôt la terre de tous les tyrans, s’ils ne renoncent pas à la ligue qu’ils ont formée contre lui. »

DANTON (1759-1794), premier discours comme substitut du procureur de la commune de Paris, 20 janvier 1792

Sa vie (politique) ne fait que commencer. Elle sera brève, mais intense à l’image du quinquennat révolutionnaire. Apportons quand même une nuance à cette déclaration d’une « vie entière » vouée à la Politique : Danton prendra plusieurs fois ses distances avec le tourbillon événementiel, à l’inverse de son confrère Robespierre, l’Incorruptible à qui l’on ne connaît ni vie privée, ni faiblesse humaine…

« M. Robespierre n’a jamais exercé ici que le despotisme de la raison. »

DANTON (1759-1794), Discours au club des Jacobins, Pour Robespierre et contre la Gironde, 10 mai 1792

Le temps n’est pas encore venu de leur duel historique qui a passionné les historiens et sans doute affligé les contemporains. Mais Danton le Montagnard évoque déjà le despotisme, autant dire la dictature du futur maître de la France et de la Montagne. Son autoritarisme personnel se manifestera aussi, mais bien différemment.

« Nul, quand la patrie est en danger, nul ne peut refuser son service sans être déclaré infâme et traître à la patrie. »1426

DANTON (1759-1794), Discours à la Législative, 2 septembre 1792

Il entre dans l’Histoire avec son plus grand discours, dramatiquement en situation comme l’on dit au théâtre. Fait remarquable, il n’écrit jamais ses discours : c’est le plus grand improvisateur de l’époque (tout le contraire de Robespierre). Celui-ci, particulièrement court, sera spectaculairement efficace – malgré la « bavure » géante et inattendue des « massacres de septembre », née d’une rumeur.

L’armée des Princes (germaniques) soutenue par les aristocrates émigrés (français) et commandée par le duc de Brunswick (chef de l’armée prussienne) a pris Longwy. L’armée ennemie est en marche vers Paris. C’est la panique ! L’Assemblée veut se replier sur la Loire, mais Danton bondit à la tribune pour prononcer une harangue aussi brève qu’énergique. Il appelle à la levée en masse : « Une partie du peuple va se porter aux frontières ; une autre va creuser des retranchements, et la troisième, avec des piques, défendra l’intérieur de nos villes. » L’orateur se fait acclamer. Il poursuit dans le même élan…

« Il est bien satisfaisant, messieurs, pour les ministres d’un peuple libre, d’avoir à lui annoncer que la patrie va être sauvée. Tout s’émeut, tout s’ébranle, tout brûle de combattre, tout se lève en France d’un bout de l’empire à l’autre. »1427

DANTON (1759-1794), Discours à la Législative, 2 septembre 1792

Danton est le grand homme de cette période où la patrie est en danger : substitut de la Commune de Paris érigée en assemblée souveraine (le roi étant suspendu) et ministre de la Justice, il a en fait tous les pouvoirs. Et l’éloquence en plus. On l’appelle « le Mirabeau de la populace ». Comme Mirabeau, c’est une « gueule », un personnage théâtral. Grâce à lui et aux décrets qu’il va faire voter à l’Assemblée, une impulsion nouvelle est donnée à la poursuite de la guerre. L’armée sent que le gouvernement est désormais résolu à lutter. Jusqu’à Valmy, Danton incarnera cette volonté de vaincre et cette passion de l’union révolutionnaire, mieux que la Commune de Paris et que les girondins trop divisés pour des raisons souvent personnelles.

« Le tocsin qui sonne n’est point un signal d’alarme, c’est la charge contre les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, Messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée. »1428

DANTON (1759-1794), Discours à la Législative, 2 septembre 1792

« De l’audace… » La « chute » est célébrissime et propre à galvaniser le peuple et ses élus : « Danton fut l’action dont Mirabeau avait été la parole » écrit Hugo (Quatre-vingt-treize).

Ce 2 septembre, la patrie est plus que jamais en danger. La Fayette, accusé de trahison, est passé à l’ennemi. Le général Dumouriez qui a démissionné de son poste de ministre l’a remplacé à la tête de l’armée du Nord, mais il ne parvient pas à établir la jonction avec Kellermann à Metz. Verdun vient de capituler après seulement deux jours de siège : les Prussiens sont accueillis avec des fleurs par la population royaliste. C’est dire l’émotion chez les révolutionnaires à Paris ! La rumeur court d’un complot des prisonniers, prêts à massacrer les patriotes à l’arrivée imminente des Austro-Prussiens. On arrête 600 suspects qui rejoignent 2 000 détenus en prison. Un drame va se jouer qui gâche un peu la belle histoire et reste aussi célèbre, illustrant la complexité du théâtre révolutionnaire.

« Il faut purger les prisons et ne pas laisser de traîtres derrière nous en partant pour les frontières. »1429

Mot d’ordre de la presse révolutionnaire. Histoire des Girondins (1847), Alphonse de Lamartine

Mot d’ordre repris par Le Père Duchesne d’Hébert et L’Ami du peuple de Marat aux premiers jours de septembre 1792. Marat ne se contente plus d’écrire, il entre le 2 septembre dans le Comité de surveillance créé par la Commune. Ce « fanatique énergumène » sera l’un des responsables des massacres de septembre.

« Que demande un Républicain ?
La liberté du genre humain,
Le pic dans les cachots,
La torche dans les châteaux
Et la paix aux chaumières ! »1430

La Carmagnole (automne 1792), chanson anonyme. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Cette nouvelle version de la Carmagnole résume la situation. Le « pic dans les cachots » va entraîner un nouveau massacre révolutionnaire, plus spectaculaire que les précédents. Ministre de la Justice et responsable des prisons, Danton qui pouvait tout ne va rien faire pour l’empêcher.

« Le peuple veut se faire justice lui-même de tous les mauvais sujets qui sont dans les prisons […] Je me fous bien des prisonniers : qu’ils deviennent ce qu’ils pourront ! »1431

DANTON (1759-1794), à Grandpré, collaborateur du ministre de l’Intérieur Roland. La Révolution française (1928), Pierre Gaxotte

Récemment nommé inspecteur des prisons, Grandpré l’informe du climat régnant dans la capitale et du danger couru par les prisonniers. Danton n’en a cure et parle d’un « sacrifice indispensable pour apaiser le peuple de Paris. « Vox populi, vox Dei », c’est l’adage le plus vrai, le plus républicain que je connaisse. »

Quelques dizaines de sans-culottes font irruption dans les prisons parisiennes, la Conciergerie, l’Abbaye, Bicêtre. À la Force, la princesse de Lamballe, confidente de la reine, est dépecée par les émeutiers, sa tête plantée sur une pique promenée sous la fenêtre de Marie-Antoinette, prisonnière au Temple.  Dans un climat de panique lié à l’invasion du territoire et aux appels au meurtre des journaux de Marat et d’Hébert, les massacres du 2 au 6 septembre 1792 feront quelque 1 500 morts (sur 3 000 prisonniers). Des « droits commun » sont égorgés en même temps que les « politiques », nobles et prêtres.

« L’attitude des autorités est, sur le moment, embarrassée… Toutes se sentent débordées et intimidées. Ni la Commune, ni son Comité de surveillance, n’ont préparé les massacres : ils les ont laissé faire en cherchant à en limiter la portée. Ministre de la Justice, Danton s’est abstenu de toute intervention. L’opinion révolutionnaire a, dans son ensemble, non pas approuvé mais justifié l’événement. »

François FURET (1927-1997) et Denis RICHET (1927-1989), La Révolution française (1973)

La cause est entendue. Rappelons qu’il est très difficile de trouver les responsables des autres grands massacres parisiens tels la Saint-Barthélemy (Catherine de Médicis et Charles IX ?) le 24 août 1572 et la répression de la Commune (Adolphe Thiers ?) durant la « Semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871.

« Respectables citoyens, vous venez d’égorger des scélérats ; vous avez sauvé la patrie ; la France entière vous doit une reconnaissance éternelle. »1432

Jean-Nicolas BILLAUD-VARENNE (1756-1819) aux massacreurs, 3 septembre 1792. Histoire parlementaire de la Révolution française ou Journal des Assemblées nationales (1834-1838), P.J.B. Buchez, P.C. Roux

Parole de Jacobin, membre de la Commune insurrectionnelle de Paris. Il encourage les égorgeurs à se servir sur le butin et à dépouiller des cadavres, il offre à chaque égorgeur 24 livres et les encourage : « Continuez votre ouvrage, et la patrie vous devra de nouveaux hommages. »

Ce mouvement n’a pas touché la province, sauf lorsque des tueurs parisiens y furent envoyés (à Versailles, Meaux, Reims, Orléans, Lyon). Et certains quartiers de Paris sont restés calmes. La même remarque vaudra sous la Grande Terreur. Billaud-Varenne, avocat au Parlement sous l’Ancien Régime, sera l’un des révolutionnaires les plus violents, redouté au Comité de salut public à Paris, mais aussi dans ses missions en province.

« Vous connaissez mon enthousiasme pour la Révolution. Eh bien ! j’en ai honte. Elle est ternie par des scélérats, elle est devenue hideuse. »1433

Mme ROLAND (1754-1793), Lettre à un ami, 5 septembre 1792. Les Grands Procès de l’histoire (1924), Me Henri-Robert

C’est l’âme du mouvement girondin. Elle suivra ses amis politiques dans leur chute et leur mort (fin octobre 1793). Pour l’heure, Mme Roland reflète l’opinion publique d’une grande partie de la France. Elle va désormais vouer une haine absolue à Danton qui la lui rend bien.
Mais le 20 septembre, la victoire de Valmy va sauver la France et la République, donnant un nouveau prestige à l’homme fort du gouvernement, Danton qui a donné une impulsion décisive à la défense nationale avec son appel à « de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et la France sera sauvée. »

Le 18 juin 1940 et les jours qui suivirent, l’Appel du général de Gaulle fut également décisif dans des circonstances évidemment différentes. Dans les heures tragiques pour la nation, la force de la parole est l’une des leçons de l’Histoire.

« Je dois à la justice de dire que jamais troupes n’ont déployé plus de courage et de fermeté que cette brave armée qui, à juste titre, fut surnommée l’armée infernale. »1434

KELLERMANN (1735-1820), Relation de la bataille de Valmy et mémoire sur la campagne de 1792

Kellermann, maréchal de France, fait partie de ces officiers de l’Ancien Régime ralliés à la Révolution. Nommé lieutenant général en 1792, il remporte la victoire de Valmy sous les ordres du général Dumouriez. La bataille se borne en fait à une violente canonnade : 150 morts et 260 blessés chez les Français, guère plus chez les Prussiens et Autrichiens coalisés – mais la dysenterie durant la retraite fera 3 000 morts dans leurs rangs.

Ce 20 septembre 1792 fait pourtant date dans notre histoire : c’est la première victoire de la République.

« Vive la Nation ! »1436

Cri des troupes de Kellermann et Dumouriez à Valmy, 20 septembre 1792. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

Contre l’armée prussienne, ce cri nouveau est chargé d’un triple symbole : triomphe de l’idée de Nation, déchéance du roi, victoire de la République. Et Valmy arrête l’invasion de la France révolutionnaire. Autre première historique, les femmes se sont engagées pour défendre la patrie proclamée en danger.

Le 20 septembre, Valmy sauve la France de l’invasion et donne le signal de la détente. Le lendemain à Paris, la Convention se réunit, première assemblée élue au suffrage universel.

« La royauté est abolie en France. »1439

Convention, Décret du 21 septembre 1792, Archives parlementaires de 1787 à 1860 (1900), Assemblée nationale

Fin de la monarchie millénaire, votée à l’unanimité des 749 députés. Le souhait de Danton à la Constituante est exaucé : « Nous voilà enfin libres et sans roi. »

Dans la nouvelle assemblée (la troisième et la dernière, la plus durable aussi), la disposition des députés a une signification qui n’est pas que formelle. Les Girondins prennent place à droite et les Montagnards à gauche – ils siégeaient sur les bancs les plus élevés (la Montagne) dans la précédente assemblée, la Législative. Il existe une extrême gauche minoritaire et une masse de centristes qui forment la Plaine (ou Marais) et se rallieront à la Montagne. Mais la Convention est majoritairement girondine, jusqu’au 2 juin 1793 (arrestation des Girondins).

Robespierre le Montagnard est élu le premier, puis c’est le tour de Danton qui obtient le plus grand nombre de voix : 638 sur 700 présents. Ses amis Camille Desmoulins, Legendre et Fabre d’Églantine sont élus avec lui.

« Nous avons le droit de dire aux peuples : vous n’aurez plus de rois. »1444

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 28 septembre 1792. L’Invention de la guerre totale : XVIIe-XXe siècles (2004), Jean-Yves Guiomar

Belle phrase « à la Danton », superbe idée révolutionnaire. L’orateur ajoute, pour être plus clair encore, que « la Convention doit être un comité d’insurrection générale contre tous les rois de l’univers » … ce qui suscite quelques murmures dans l’assemblée. Cela fait, ne serait-ce qu’en Europe, beaucoup d’ennemis en puissance aux nouveaux maîtres de la France !

Sitôt proclamée la République, la guerre de défense va se transformer en guerre d’idéologie et bientôt de conquête. Cela provoquera la riposte des rois et empereurs voisins, coalisés contre la France. Avec le recul de l’histoire, on peut dire que cette Révolution, forte de ses bonnes intentions, va inventer la « guerre totale », visant la destruction complète de l’ennemi avec recours à la mobilisation en masse, entraînant le peuple dans une spirale infernale. Et Danton est bien là pour soutenir l’élan qu’il a personnellement insufflé.

« Que la pique du peuple brise le sceptre des rois ! »1447

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 4 octobre 1792

La pique a beaucoup servi sous la Révolution, et pas seulement de façon métaphorique. Le peuple y a planté des têtes coupées, dès la prise de la Bastille. Quant à notre avocat révolutionnaire, agitateur dans l’âme, il ne recule devant aucune violence, ni physique, ni verbale. Face aux ennemis du dehors, aux rois étrangers menaçant les frontières, Danton dit dans ce même discours : « Jetons-leur en défi une tête de roi. » La Convention va donc décider de mettre Louis XVI en jugement après une longue discussion qui oppose les Girondins aux Montagnards. Danton s’est rangé du côté de la Montagne.

Ce même jour à la Convention, Danton propose de déclarer que « la patrie n’est plus en danger ». Il veut qu’on renonce aux mesures extrêmes. Il mesure surtout les risques que les querelles fratricides entre républicains font courir à la Révolution. Il prêche la conciliation et appelle plusieurs fois l’Assemblée à la « sainte harmonie ». En ce domaine, il échouera. En attendant, il donne le ton.

« La Convention nationale déclare au nom de la nation française qu’elle accordera fraternité et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté. »1451

Convention, Décret du 19 novembre 1792. Archives parlementaires de 1787 à 1860 (1899), Assemblée nationale

C’est dans la logique du discours de Danton en date du 28 septembre : « Nous avons le droit de dire aux peuples : vous n’aurez plus de rois. » Cette promesse solennelle va pousser la France à se lancer dans une suite de guerres que les historiens se demandent encore comment justifier : annexion au nom de la théorie des frontières naturelles, création d’un glacis de républiques sœurs ou véritable croisade pour la liberté ?

Il faut se replacer en cette fin d’année 1792 : les révolutionnaires vivent dans la peur de l’agression, car ils ont lancé un formidable défi à l’ordre ancien de l’Europe. Quant aux peuples désireux de recouvrer leur liberté, nos révolutionnaires français s’illusionnent : sociétés de paysans au degré d’alphabétisation très bas, elles ne sont pas touchées par des idéaux que les rois et les empereurs n’ont nul intérêt à diffuser. Reste la minorité de lettrés et la force des idées révolutionnaires.

3. Le temps des doutes et des ambiguïtés : perte du pouvoir, mais toujours maître de la parole.

« Peut-on sauver un roi mis en jugement ? Il est mort quand il paraît devant ses juges. »20

DANTON (1759-1794), Cité par Théodore de Lameth, Mémoires

Danton aurait souhaité sauver Louis XVI pour ne pas diviser une France majoritairement royaliste.

Robespierre écrira en mars 1794 : « Il voulait qu’on se contentât de le bannir. La force de l’opinion détermina la sienne. » Théodore de Lameth, militaire et député monarchiste sous la Législative, voulait sauver le roi et Danton promit de l’aider dans la mesure du possible: « Je ferai avec prudence mais hardiesse tout ce que je pourrai. Je m’exposerai si je vois une chance de succès, mais si je perds toute espérance, je vous le déclare, ne voulant pas faire tomber ma tête avec la sienne, je serai parmi ceux qui le condamneront. » Ajoutant cependant et sans illusion… « Peut-on sauver un roi mis en jugement ? Il est mort quand il paraît devant ses juges. » C’est bien vu…

Danton s’arrange pour quitter Paris le 30 novembre, quand le procès va commencer ! Il se fait envoyer par la Convention en Belgique avec trois autres commissaires, pour enquêter sur les besoins de l’armée du Nord. Le général Dumouriez (vainqueur de Valmy avec Kellermann) dénonçait le dénuement dans lequel on laissait l’armée - avant d’être accusé de trahison… et de concussion avec Danton ! Il est clair que son attitude n’est pas claire dans cette histoire.

De retour à Paris, double jeu ou pas, il vota la mort du roi et rejeta le sursis les 16 et 18 janvier. Il s’en vantera bientôt. C’est dans son caractère et cela lui sera naturellement reproché, l’heure venue. En attendant…

« J’ai, au Champ de Mars, déclaré la guerre à la royauté, je l’ai abattue le 10 août, je l’ai tuée au 21 janvier, et j’ai lancé aux rois une tête de roi en signe de défi. »1482

DANTON (1759-1794), La Mort de Danton (1835), drame historique de Goerg Büchner (1813-1837)

Cette réplique lui est prêtée par le poète allemand âgé de 21 ans (et mort du typhus à 23). Elle illustre le grand premier rôle révolutionnaire que se donne Danton et qu’il joue effectivement jusqu’à sa chute, même s’il est souvent absent au cœur de l’action – une des ambiguïtés du personnage, notée par certains historiens.

« Ses limites sont marquées par la nature. Nous les atteindrons toutes, des quatre coins de l’horizon : du côté du Rhin, du côté de l’océan, du côté des Alpes. Là doivent finir les bornes de notre République et nulle puissance ne pourra nous empêcher de les atteindre. »

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 31 janvier 1793

L’orateur vient demander à la Convention la réunion de la Belgique. Il développe dans ce discours la fameuse « théorie des frontières naturelles » chère à Richelieu et à Louis XIV, qui va orienter pendant deux décennies la politique de la France.

« Si, dans les seuls malheurs qui puissent ébranler une âme comme la tienne, la certitude d’avoir un ami tendre et dévoué peut t’offrir quelque consolation, je te la présente. Je t’aime plus que jamais, et jusqu’à la mort. Dès ce moment, je suis toi-même. Embrasse ton ami. »

ROBESPIERRE (1758-1794). Lettre de condoléances à Danton, mi-février 1793, cité par Robert Christophe, Danton (1964)

La femme de Danton est morte en son absence le 10 février, après avoir mis au monde leur quatrième enfant mort-né. De retour en France le 16 février, désespéré, il fait exhumer le corps et mouler le buste par le sculpteur Louis Pierre Deseine. Il reçoit cette lettre de son confrère Montagnard… qui le fera guillotiner l’année suivante. Faut-il penser que Robespierre « fend l’armure » devant la faiblesse d’un homme apparemment si fort ?

Danton est absent de la Convention du 17 février au 8 mars - il se remariera six mois plus tard avec une jeune fille. Dès son retour à Paris, du 8 mars au 1er avril, l’orateur enchaîne à la tribune 11 discours empreints d’une énergie frénétique mise au service de la Révolution. Il commence par faire appel à l’union nationale sans la nommer.

« Tel est le caractère français qu’il faut des dangers pour retrouver toute son énergie. Eh bien, ce moment est arrivé ! …. Si vous ne voulez pas au secours de vos frères de la Belgique, si Dumouriez est enveloppé, si son armée était obligée de mettre bas les armes, qui peut calculer les malheurs incalculables d’un pareil évènement. La fortune publique anéantie, la mort de 600 000 français pourrait en être la suite. Citoyens, vous n’avez pas une minute à perdre ! »

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 10 mars 1793

Le lendemain, il appelle avec succès à la libération des prisonniers pour dettes, proposition transformée en loi d’interdiction absolue de ce type d’emprisonnements, sur l’initiative de Jeanbon Saint-André, député girondin devenu montagnard et bientôt président de la Convention – il survivra à la Terreur et fera carrière sous le Consulat et l’Empire, mourant de sa belle mort à 64 ans (malade du typhus).

Danton veut désormais un gouvernement d’union nationale, projet maintes fois proposé avec la Plaine par la voix de Barère, nouvelle occasion de mettre son énergie et son éloquence au service de la Révolution.

« Vos dissensions sont nuisibles. Vos discussions sont misérables. Battons l’ennemi et ensuite nous disputerons. Eh ! Que m’importe, pourvu que la France soit libre, que mon nom soit flétri ! J’ai consenti à passer pour un buveur de sang ! Buvons le sang des ennemis de l’humanité, mais enfin que l’Europe soit libre ! Point de passions, point de querelles, suivons la vague de la Liberté ! »

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 8 mars 1793

Le discours s’achève dans une ovation « universelle » dit le compte rendu.

Le soir, les commissaires envoyés dans les sections évoquent la création d’un Tribunal révolutionnaire (celui institué le 17 août 1792 avait été supprimé le 29 novembre), tribunal extraordinaire jugeant sans appel et dont les jugements sont applicables sous 24 heures ! Ce sera l’un des outils de la Terreur à venir. La majorité de l’Assemblée hésite avec raison, mais la raison n’est pas de mise… Il est 6 heures du soir. Le président déclare la séance levée. Soudain Danton s’élance à la tribune en rugissant.

« Je somme tous les bons citoyens de ne pas quitter leur poste ! »

DANTON (1759-1794), second Discours à la Convention, 10 mars 1793 - le soir

Les députés, éberlués, regagnent leur place. Ils écoutent l’orateur évoquer les massacres de septembre (1792) : « Le salut du peuple exige de grands moyens et des mesures terribles. Puisqu’on a osé dans cette assemblée rappeler les journées sanglantes sur lesquelles tout bon citoyen a gémi je dirai, moi, que si un tribunal révolutionnaire eût existé le peuple auquel on a si souvent, si cruellement reproché ces journées ne les aurait pas ensanglantées. Faisons ce que n’a pas fait l’Assemblée législative. »

Le raisonnement de Danton semble imparable, dans la logique d’une Terreur légale pour éviter la Terreur populaire dont les massacres de septembre ont donné le pire exemple. Il poursuit et précise..

« Soyons terribles pour éviter au peuple de l’être et organisons un tribunal non pas bien, c’est impossible, mais le moins mal qui se pourra, afin que le peuple sache que le glaive de la liberté pèse sur la tête de tous ses ennemis. Je demande que, séance tenante, le tribunal révolutionnaire soit organisé, et que le pouvoir exécutif reçoive les moyens d’action et d’énergie qui lui sont nécessaires. »

DANTON (1759-1794), second Discours à la Convention, 10 mars 1793 - le soir

Une voix dans la salle l’interrompt : « Tu agis comme un roi ! _ Et toi comme un lâche ! » réplique Danton.

C’est toujours parole de Montagnard et l’orateur ne défend pas ici un principe. Il demande à l’Assemblée de concrétiser son projet de Tribunal révolutionnaire. Selon lui, cela devrait éviter les massacres populaires. La suite de l’histoire va démontrer le contraire

« Que la France soit libre et que mon nom soit flétri ! »1491

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 10 mars 1793

Il est excédé par les contradicteurs et les soupçons. La vertu n’est pas plus dans ses mœurs que dans ses mots et dès la fin de 1792, Danton était soupçonné pour diverses raisons.

Les Girondins l’accusent de concussion. L’homme est trop riche pour être honnête et incapable de montrer les comptes des fonds secrets, alors qu’il était ministre de la Justice et que Roland, ministre de l’Intérieur, les lui réclamait avec insistance. Longtemps les girondins crieront « Et les comptes ? » pour l’interrompre à la tribune. Son influence est en baisse, au profit de Robespierre qui devient le vrai chef de la Montagne.

Certains députés montagnards, à commencer par son ami Robespierre l’Incorruptible, lui reprochent de couvrir les manœuvres de Dumouriez en Belgique. Envoyé en mission, Danton ne le dénonça que lorsque la trahison fut connue et manifeste – le général Dumouriez avait livré aux Autrichiens les commissaires envoyés par la Convention pour enquêter sur sa conduite !

Danton a aussi des problèmes familiaux, une certaine lassitude de la politique, peut-être une envie d’être heureux ailleurs et autrement, ce que ne peuvent concevoir les révolutionnaires totalement engagés dans l’action. Il demandera sa démission du Comité de salut public le 10 juillet suivant.

En attendant, il continue de se battre, mais autrement, soudain soucieux des divisions internes entre les partis et même au sein des partis. Cela menace la République et l’esprit même de la Révolution pour laquelle il s’est battu.

« Il faut que dans toute la France le prix du pain soit dans une juste proportion avec le salaire du pauvre : ce qui excédera sera payé par le riche. Par ce seul décret, vous assurerez au peuple et son existence et sa dignité ; vous l’attacherez à la révolution ; vous acquerrez son estime et son amour. »

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 5 avril 1793

Discours civique, demande d’un blocage du prix du pain pour le pauvre. Grand politique, il n’en néglige pas pour autant l’économie, sachant que le prix du pain (nourriture vitale du peuple) fut l’une des causes de la Révolution.

Mais une autre cause plus politique et plus urgente va mobiliser Danton : le sort des Girondins !

« Robespierre nous accuse d’être devenus tout à coup des « modérés », des « feuillants ». Nous, modérés ! Je ne l’étais pas le 10 août, Robespierre, quand tu étais caché dans ta cave ! Des modérés ! Non, je ne le suis pas dans ce sens que je veuille éteindre l’énergie nationale. »1494

Pierre Victurnien VERGNIAUD (1753-1793), Convention, 10 avril 1793. Histoire complète de Bordeaux (1856), Patrice-John O’Reilly

Le dialogue tragique commence devant l’Assemblée qui sait que le sort de la Révolution se joue ici et maintenant, Girondins contre Montagnards. Le plus éloquent des députés de la Gironde conclut : « Si, sous prétexte de révolution, il faut pour être patriote se déclarer le protecteur du meurtre et du brigandage, je suis modéré ! »

Il y a pourtant plus radical encore que Robespierre et la Montagne.

« C’est par la violence que doit s’établir la liberté, et le moment est venu d’organiser momentanément le despotisme de la liberté pour écraser le despotisme des rois. »1495

MARAT (1743-1793), L’Ami du peuple, 13 avril 1793. La Révolution française (1989), Claude Manceron, Anne Manceron

Dans son journal très populaire, il justifie le Tribunal révolutionnaire qu’il a contribué à rendre plus expéditif, pour s’opposer à la contre-révolution qu’il dénonce au sein même de la Convention nationale : « Levons-nous, oui, levons-nous tous ! Mettons en état d’arrestation tous les ennemis de notre Révolution et toutes les personnes suspectes. Exterminons sans pitié tous les conspirateurs, si nous ne voulons pas être exterminés nous-mêmes. »

Plus encore que la rhétorique et la rigueur d’un Robespierre, ce genre de phrase et le personnage de Marat révoltent les modérés. On parlerait aujourd’hui et sans exagération de « paranoïa ». Hugo écrit, dans son roman Quatre-vingt-treize : « Les siècles finissent par avoir une poche de fiel. Cette poche crève. C’est Marat. »

« Quant à Marat, je le pense et je le déclare, la majorité de Paris applaudira au décret qui chassera cet homme impur du sanctuaire de la liberté ; dans nos départements, on bénira le jour où vous aurez délivré l’espèce humaine d’un homme qui la déshonore. »1497

François BUZOT (1760-1794) parlant au nom des Girondins à la Convention, 13 avril 1793. Histoire de la Terreur, 1792-1794, d’après des documents authentiques et inédits (1868), Mortimer Ternaux

Ami de Mme Roland et rallié aux Girondins, il riposte en leur nom et attaque le porte-parole des sans-culottes. Marat récolte ce qu’il a semé : l’Assemblée va se prononcer sur son arrestation. Danton veut s’y opposer.

« N’entamez pas la Convention ! »

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 13 avril 1793

Mais sa voix n’est plus assez forte, il est d’ailleurs devenu suspect aux Girondins comme aux Montagnards… et le décret de prise de corps est voté : à 220 voix contre 92. Marat va être mis en accusation devant le Tribunal révolutionnaire. Il prend peur, il se cache. Réapparu le 23 avril alors que les sections parisiennes manifestaient pour l’Ami du peuple, il a préparé sa défense. Il se pose en victime devant ses juges. Au terme d’une parodie de justice, devant un jury acquis d’avance, il retourne la situation. Marat est finalement acquitté par un ex-procureur au Châtelet, devenu accusateur public et bientôt célèbre, Fouquier-Tinville.

Couronné de lauriers, porté en triomphe, le député est ramené à son banc de la Convention, aux cris de « Vive la liberté, vive Marat ! » Le peuple des sans-culottes en a fait un homme intouchable. La Gironde accuse le coup. Marat, au club des Jacobins, se vante de leur avoir « mis la corde au cou ». Les Girondins vont devenir la cible des Montagnards. Et Danton ne pourra pas les sauver…

« Celui qui a des culottes dorées est l’ennemi de tous les sans-culottes. Il n’existe que deux partis, celui des hommes corrompus et celui des hommes vertueux. »1502

ROBESPIERRE (1758-1794), Discours au club des Jacobins, 8 mai 1793. Œuvres de Maximilien Robespierre (posthume)

Sans les nommer, l’Incorruptible dénonce les Girondins. Rappelons qu’ils sont issus de la même classe bourgeoise que les amis de Robespierre, lui-même toujours très élégamment vêtu. Ce manichéisme est donc simpliste, mais efficace. Il oppose les riches aux pauvres.

« C’est quand toutes les lois sont violées, c’est quand le despotisme est à son comble, c’est quand on foule aux pieds la bonne foi et la pudeur que le peuple doit s’insurger. Ce moment est arrivé. »1504

ROBESPIERRE (1758-1794), Discours au club des Jacobins, 26 mai 1793. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

Robespierre, malade, n’a pas eu assez de voix pour s’exprimer ce jour à la tribune de la Convention. Il a rassemblé ses forces pour se rendre aux Jacobins et s’expliquer en famille, sous les applaudissements de ses amis. Il n’espère plus pouvoir continuer la lutte sur le plan parlementaire, il appelle donc au combat, le peuple doit se soulever. Ce même jour, il écrit en précisant la menace : « Les dangers intérieurs viennent des bourgeois. Il faut que le peuple s’allie à la Convention et que la Convention se serve du peuple. Il faut que l’insurrection s’étende de proche en proche… Que les sans-culottes soient payés et restent dans les villes. Il faut leur procurer des armes, les colérer, les éclairer. » Le lendemain, le peuple représenté par les délégations des Sections commence à envahir la Convention.

La puissante voix de Danton s’élève alors contre la tyrannie, le despotisme de la Montagne. Il est devenu « le plus modéré des Montagnards » (selon François Furet). Il est surtout fatigué de tant de bruits, de fureurs, de morts à venir, inévitablement. Il lui reste moins d’un an à vivre.

« Nous voulons les traîtres ! À la guillotine, les Brissotins ! »1507

Cris des gardes nationaux, 2 juin 1793. La Révolution française (1928), Pierre Gaxotte

(Brissotins, synonyme de Girondins, du nom de Brissot, treizième des seize enfants d’un riche traiteur rôtisseur de Chartres, adepte de Voltaire, Diderot et surtout de Rousseau, devenu avocat, journaliste, député très actif).

La Convention est assiégée par les sections parisiennes de sans-culottes, encerclée par la garde nationale. Les députés, sortis pour adjurer les manifestants de rentrer dans leurs sections, renoncent. Ils reprennent place dans les travées de l’Assemblée et votent la mise en état d’arrestation de 29 des leurs, comme l’exige l’insurrection parisienne. C’est le tournant de la Convention et de la Révolution. Mais Danton est absent pour cause de vie privée… et les robespierristes vont prendre le pouvoir au Comité de salut public, premier outil de la Terreur à venir.

« Jamais substitution d’une équipe à l’autre ne se fit plus simplement »

Louis MADELIN (1871-1956), Danton (1914)

16 juin 1793, Danton s’est remarié avec Sébastienne-Louise Gély, 16 ans, fille d’un huissier audiencier au parlement de Paris. Amie de sa première femme (décédée), elle s’occupe de ses enfants. Elle est charmante, jeune (16 ans) et pieuse. Pour l’épouser, il consent à se marier devant un prêtre insermenté (réfractaire) échappé aux massacres de septembre. La dot de 40 000 livres apportée par la jeune fille est en réalité payée par lui et le régime est celui, rare à l’époque, de la séparation des biens.

Plus occupé par son bonheur privé que par les soucis d’État, Danton ne vient plus aux Jacobins. Ses absences à la Convention sont remarquées. Il néglige même le Comité de salut public. Les clubs et la Commune l’accusent d’inertie. Le 23 juin, Vadier dénonce les « endormeurs » du Comité. Marat attaque le « Comité de la perte publique ». Au club des Jacobins, son ami Chabot lui reproche d’avoir « perdu son énergie ».

Danton semble las, usé par les défaites de l’été. Attaqué vivement le 8 juillet à la Convention, il ne se défend pas. Le 10, lors du renouvellement du Comité de salut public, il demande à la Convention de l’écarter, par fatigue ou par calcul, ou les deux à la fois. « Peut-être fait-il un calcul politique qui va se révéler redoutable : puisque le pouvoir l’a compromis, que les autres se compromettent à leur tour et le laissent se refaire une virginité ! Élu malgré lui le 5 septembre, il refuse encore sa participation au pouvoir. Jaurès a bien vu quel danger cette attitude faisait planer sur la majorité et sur lui-même : un ministrable puissant qui refuse le pouvoir risque d’être demain le pôle autour duquel se cristallisera l’opposition. » François Furet et Denis Richet, La Révolution française (1973).

« Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple. »1515

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 13 août 1793

Il reprend la parole à la tribune pour ses discours civiques. Ces mots s’appliquent parfaitement à l’article 22 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, préface à la Constitution adoptée par la Convention, le 24 juin : « L’instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir le progrès de la raison publique et mettre l’instruction à la portée de tous les citoyens. » Ce sera l’œuvre de la Troisième République.

« Je ne serai d’aucun Comité, mais l’éperon de tous. »

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 13 septembre 1793

Le 5 et le 6 septembre, il prononce des discours révolutionnaires très applaudis à la Convention qui décrète « qu’il soit adjoint au Comité (de Salut public) ». Après deux jours de réflexion, il refuse et va disparaître à nouveau du 13 septembre au 22 novembre 1793. En deux mois, tout va si vite, tout peut changer. Mais la force de l’homme aux allures de Taureau a ses limites. Il l’avoue.

« Délivré d’une maladie grave, j’ai besoin, pour abréger le temps de ma convalescence, d’aller respirer l’air natal ; je prie en conséquence la Convention de m’autoriser à me rendre à Arcis-sur-Aube… Je reviendrai avec empressement à mon poste aussitôt que mes forces me permettront de prendre part à ses travaux. »

DANTON (1759-1794), Lettre communiquée à la Convention et lue le 13 octobre par le président

Garat raconte : « Il ne pouvait plus parler que de la campagne… Il avait besoin de fuir les hommes pour respirer. » Cette attitude indique que « la neurasthénie l’assaillait et déjà le terrassait » écrit son biographe Louis Madelin. « J’ai trop servi. La vie m’est à charge » dira-t-il à son procès. En son absence, ses amis continuent leurs attaques à la Convention contre le Comité de Salut public. Fin octobre, 22 girondins comparaissent au Tribunal révolutionnaire.

« Je ne pourrai les sauver. »

DANTON (1759-1794), parlant des Girondins à Garat, les larmes dans les yeux. Encyclopédie de l’Histoire du monde

Danton rentre quand même le 20 novembre pour venir au secours de ses amis, députés montagnards compromis dans une affaire financière - falsification du décret de suppression de la Compagnie des Indes. Chabot et Bazire ont été arrêtés le 19 novembre par le Comité de salut public. Fabre d’Églantine, lié politiquement à Danton, reste libre bien que le Comité soit au courant de sa signature de complaisance. Car Robespierre a besoin de Danton et des modérés pour combattre la déchristianisation - une manœuvre politique de débordement par les hébertistes.

« Oui, la Gironde était républicaine […] Oui, sa proscription a été un malheur. »1508

LEVASSEUR de la Sarthe (1747-1834), Mémoires (1830)

Ce député montagnard reconnaîtra l’évidence plus tard, ajoutant pour sa défense que « c’est par un égarement de bonne foi » que la Montagne l’a consommé.

Bilan : 29 députés et deux ministres girondins décrétés d’accusation. Certains s’échapperont, quelques-uns, réfugiés en province, susciteront une révolte fédéraliste sans lendemain contre la dictature de la Montagne. Deux se suicideront (Buzot et Pétion). 21 seront jugés, guillotinés le 31 octobre. Les Montagnards ont les mains libres, ce sera bientôt la Terreur décrétée, voire la Grande Terreur, sous la dictature du Comité de salut public, dirigé désormais par Robespierre… et malgré Danton.

« Je demande qu’on épargne le sang des hommes. »

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 2 décembre 1793

Il espère détacher Robespierre des membres du Comité de sûreté générale liés aux hébertistes et partager avec lui les responsabilités gouvernementales. Robespierre met fin le 25 décembre à ses espoirs en impliquant les deux factions adverses dans un même complot : « Le Gouvernement révolutionnaire doit voguer entre deux écueils, la faiblesse et la témérité, le modérantisme et l’excès ; le modérantisme qui est à la modération ce que l’impuissance est à la chasteté ; et l’excès qui ressemble à l’énergie comme l’hydropisie à la santé. »

Pour isoler plus encore Danton de Robespierre, Billaud et Collot font manœuvrer le Comité de sûreté générale qui « découvre » le faux décret de liquidation de la Compagnie des Indes signé par Fabre d’Églantine et dont le gouvernement connaît l’existence depuis un mois. Fabre est arrêté le 12 janvier. Le lendemain, son ami Danton prend sa défense, mais il est très isolé. « Malheur à celui qui a siégé aux côtés de Fabre, s’écrie Billaud-Varenne, et qui est encore sa dupe. » C’est l’échec de l’offensive des dantonistes.

« Les monstres ! Ils voudraient briser les échafauds ; mais, citoyens, ne l’oublions jamais, ceux-là ne veulent point de guillotine qui sentent qu’ils sont dignes de la guillotine. »1565

Jean-Baptiste CARRIER (1756-1794), fin 1793. La Justice révolutionnaire (1870), Charles Berriat-Saint-Prix

Député à la Convention, membre particulièrement actif aux Cordeliers et aux Jacobins, il parle sans les nommer des modérés, Danton et Camille Desmoulins souhaitant que cesse le régime de la Terreur et que vienne le temps de l’indulgence. En vertu de quoi tous les dantonistes seront bientôt catalogués « Indulgents ».

C’est le moment où Carrier va mériter son surnom de « missionnaire de la Terreur » (Jules Michelet). Envoyé dans l’ouest de la France pour mater l’insurrection des Chouans et autres contre-révolutionnaires de la guerre de Vendée, il arrive en un seul jour au chiffre de 800 morts à Nantes (la veille de Noël 1793). Un record, pour l’époque. Au total et en fin de mission, quand viendra pour lui le temps du jugement et du châtiment, on lui reprochera 10 000 morts : fusillés, guillotinés, noyés, victimes du typhus.

« Représentants du peuple français, jusqu’ici nous n’avions décrété la liberté qu’en égoïstes, pour nous seuls. Mais aujourd’hui nous proclamons à la face de l’univers et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la liberté universelle. »

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 4 février 1794

Discours civique contre le colonialisme et sur l’abolition de l’esclavage dans les colonies. Cette fois, l’orateur s’impose à nouveau à la tribune, forme et fond.

« Nous travaillons pour les générations futures, lançons la liberté dans les colonies ! »1568

DANTON (1759-1794), Discours à la Convention, 4 février 1794

Danton va faire l’unanimité – fait rarissime, dans cette Assemblée nationale à l’image de la France divisée, bouleversée. Il a l’habileté d’associer la liberté des esclaves avec la volonté de ruiner l’Angleterre. Il salue aussi l’entrée, la veille, de deux nouveaux députés de couleur (venus de Saint-Domingue) et place l’abolition sous le signe philosophique du « flambeau de la raison » et du « compas des principes ».

Le jour même, l’Assemblée décréta par acclamation l’abolition de l’esclavage dans les colonies, rétabli en 1802 sous le Consulat de Napoléon Bonaparte. L’abolition sera définitive après la Révolution de février 1848, sous la Deuxième République.

« Toutes les factions doivent périr du même coup. »

ROBESPIERRE (1758-1794), Discours à la Convention, 15 mars 1794

Factieux, le mot terrible vaut condamnation à mort… Il est décidé à frapper les chefs des Indulgents. Il semble qu’il ait quand même hésité à mettre Danton sur la liste et à le condamner à mort, vu le passé commun, leur amitié et les services rendus à la République. Il l’a rencontré. On ignore leur dialogue, on sait seulement que Robespierre est sorti de l’entretien avec une froideur remarquée par tous les témoins.

4. Une fin parfaitement mise en scène par lui-même, à 34 ans.

« Est-ce qu’on emporte la patrie à la semelle de ses souliers ? »1579

DANTON (1759-1794), à son ami Legendre qui le prévient du danger et l’exhorte à s’enfuir à l’étranger, mars 1794. Histoire de la Révolution française, 1789-1799 (1883), Alfred Rambaud

Cette fois, Danton ne se dérobe pas, ne s’absente pas : « Mieux vaut être guillotiné que guillotineur », dit-il. Suspect d’indulgence, il va braver Robespierre jusqu’à la fin.

Tout oppose l’Incorruptible et le bourgeois bon vivant : « Qui hait les vices hait les hommes » affirme Danton, notoirement débauché, par ailleurs compromis dans diverses affaires financières. Tous deux avocats, ils ont lu les mêmes philosophes des Lumières. Ils eurent les mêmes convictions au départ, mais Danton a bientôt dénoncé la dérive montagnarde : pitoyable procès de Marie-Antoinette, déchristianisation forcée d’une France profondément catholique.

Aux yeux de Robespierre son grand rival, il a le tort d’être lié avec de douteux personnages, en particulier Fabre d’Églantine, fripon notoire compromis dans l’affaire de la liquidation de la Compagnie des Indes. L’Incorruptible est trop heureux, à travers Fabre, d’attaquer l’« idole pourrie ». Autour de lui, d’autres réclament la tête du tribun : « Nous viderons ce gros turbot farci » s’écrie le Montagnard Vadier. Danton, averti du terrible rapport que Saint-Just prépare contre lui, refuse de fuir. « Est-ce qu’on emporte la patrie à la semelle de ses souliers ? » Par cette phrase, il condamne aussi l’attitude des émigrés.

30 mars 1794, il est arrêté comme ennemi de la République. Seul Legendre essaie timidement, mais en vain, de le défendre à la Convention. Après les Hébertistes trop enragés vient le tour des Dantonistes trop modérés, sitôt jugés pour crime d’indulgence. Telle est la terrible logique de la Terreur : « Le nombre des coupables n’est pas si grand ! » dit Robespierre le 31 mars. Mais il est petit à l’infini, si les proscriptions n’ont pas de fin.

« Moi vendu ! Moi ! Un homme de ma trempe est impayable ! »

DANTON (1759-1794), réponse au Tribunal révolutionnaire, 2 avril 1794. Danton – Discours (1893)

Procès politique jugé d’avance. Au bout de deux séances, l’accusateur Fouquier-Tinville et le président Herman doivent réclamer l’aide du Comité : « Un orage horrible gronde… Les accusés en appellent au peuple entier… Malgré la fermeté du tribunal, il est instant (urgent) que vous vouliez bien nous indiquer notre règle de conduite, et le seul moyen serait un décret, à ce que nous prévoyons. »

Un projet de complot en vue d’arracher les accusés de leur prison (Lucile Desmoulins aurait proposé de l’argent « pour assassiner les patriotes et le Tribunal ») permet à Saint-Just de faire voter par la Convention le décret mettant les accusés hors des débats. Le procès-verbal du Tribunal a été très « arrangé » et le grand discours de Danton supprimé. Seules certaines de ses réponses ont été conservées.

« Ma demeure sera bientôt dans le néant ; quant à mon nom, vous le trouverez dans le panthéon de l’Histoire. »1582

DANTON (1759-1794), réponse au Tribunal révolutionnaire, 2 avril 1794. Procès historiques, Le procès de Danton, Histoire et patrimoine [en ligne], ministère de la Justice

Le Tribunal procède à l’interrogatoire habituel, lui demandant son nom et ses qualités. Il existe plusieurs versions de la réponse, selon les sources : de la plus longue – « Je suis Danton, assez connu dans la Révolution ; ma demeure sera bientôt le néant, mais mon nom vivra dans le Panthéon de l’histoire » – à la plus courte, la plus fréquemment citée : « Ma demeure ? Demain, dans le néant. » Il a toujours le sens de l’improvisation – quoique cette réplique ait pu être préparée.

« Ma voix qui tant de fois s’est fait entendre pour la cause du peuple, pour appuyer et défendre ses intérêts, n’aura pas de peine à repousser la calomnie. Les lâches qui me calomnient oseraient-ils m’attaquer en face ? »

DANTON (1759-1794), Nouvelle réponse de Danton au Tribunal révolutionnaire en réponse à Herman, 3 avril 1794. Danton, Frédéric Bluche (1999)

Et le lendemain 4 avril, il interpelle les membres du comité de sûreté générale, installés derrière les juges du tribunal : « Voyez ces lâches assassins ! Ils nous suivront jusqu’à la mort. » L’exécution aura lieu le lendemain.

« Robespierre, tu me suis ! Ta maison sera rasée ! On y sèmera du sel ! »30

DANTON (1759-1794), son cri quand il passe en charrette devant la maison de Robespierre, 5 avril 1794. Louis Madelin, Revue des Deux-Mondes (mars-avril 1914)

(Robespierre sera guillotiné le 28 juillet et le souvenir de Danton le poursuivra comme une malédiction).

« La journée était superbe. Paris se ruait à ce prodigieux spectacle : Danton et Desmoulins conduits à la guillotine. Danton avait, à l’arrivée de Sanson, montré une tragique gaîté et la conservait sur la charrette : il voulait être ‘Danton jusqu’à la mort’. Depuis sept jours, il plaisantait la camarde, envisageait en ricanant l’heure où Sanson leur ‘démantibulerait les vertèbres cervicales’. À Camille qui sanglotait en murmurant le nom de Lucile (sa femme aimée), il prodiguait de rudes consolations, gardant jusqu’au bout vis-à-vis de cet ‘homme-enfant’ les façons d’un rude frère aîné. » Louis Madelin.

« Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut bien la peine. »1584

DANTON (1759-1794), mot de la fin au bourreau, avant de poser sa tête sous le couperet de la guillotine, 5 avril 1794. Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris (1862), Émile Campardon

C’est « une gueule » et il en aura bien joué ! Personnage éminemment théâtral, orateur né, il a suscité des haines farouches, mais fasciné le peuple et l’Assemblée. Son sens de la formule est remarquable jusqu’à la fin.

« Échafaud. – S’arranger quand on y monte pour prononcer quelques mots éloquents avant de mourir. »1585

Gustave FLAUBERT (1821-1880), Dictionnaire des idées reçues (posthume, 1913)

Le mot de Flaubert pourrait s’appliquer à bien des « mots de la fin » attribués aux personnages de la Révolution. Quels que soient leur âge, leur sexe, leur condition, leurs convictions, la plupart sont morts en héros, dignes de cette époque héroïque.

« Passant, ne t’apitoie pas sur mon sort
Si j’étais vivant, tu serais mort. »

DANTON (1759-1794), épitaphe vengeresse, citée par Louis Madelin, Revue des Deux Mondes (mars-avril 1914)

Cette sanglante chevauchée de la Révolution passant de la gloire à la guillotine s’achève pour Danton, mais l’Histoire continue pour Robespierre, son ami-ennemi mortel auquel on ne cessera de l’opposer.

« C’est le sang de Danton qui t’étouffe. »1606

GARNIER de l’AUBE (1742-1805), à Robespierre suffoquant sous la chaleur torride, Convention, 27 juillet 1794. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

Robespierre monte à la tribune à 11 heures du matin pour donner la liste des « épurés ». Tallien et les modérés lui coupent la parole à onze reprises et Saint-Just ne réagit plus (nerveusement épuisé). Louchet et Lozeau, deux modérés, demandent la mise en accusation de Robespierre, Couthon, Saint-Just, Lebas. Augustin Robespierre (son frère) réclame la sienne : « Je partage ses vertus, je veux partager son sort. » L’arrestation des cinq députés est décrétée aux voix.

Vers 17 heures, tentative d’insurrection des sections populaires de la Commune pour libérer Robespierre et ses amis transférés à l’Hôtel de Ville, tandis que la Convention met Robespierre « hors la loi » – il peut être exécuté sans jugement. Le soir, la pluie disperse les insurgés, les sections modérées occupent l’Hôtel de Ville. On trouve Robespierre, mâchoire brisée (coup de pistolet ou tentative de suicide).

Le 28 juillet (10 thermidor), Robespierre, Couthon, Saint-Just et 19 de leurs alliés sont guillotinés sans jugement. Puis 71 le lendemain et quelques autres encore, les jours suivants. Au total, une centaine.

« La justice est à l’ordre du jour. »1608

Cri de ralliement des vainqueurs, au lendemain du 9 Thermidor (1794). Histoire populaire de la Révolution française de 1789 à 1830 (1840), Étienne Cabet

Ce mot d’ordre répond à l’ancien slogan : « La Terreur est à l’ordre du jour » (décret du 5 septembre 1793).

Après la période girondine, puis montagnarde, voici la Convention thermidorienne que Danton aurait pu approuver. La Révolution révolutionnaire est pratiquement finie, le Directoire va permettre à la France de respirer, avant l’arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte.

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