Restauration
Le commencement de la fin du règne : un roi à bout de force.
Louis XVIII garde son humour et sa clairvoyance jusqu’à la fin de sa vie, mais ça ne suffit plus pour régner. Les ultras ont gagné, le futur Charles X place ses hommes au gouvernement… et le roi voit déjà venir le successeur (futur Louis-Philippe), qui aura lui aussi bien des problèmes ! L’apprentissage de la démocratie et du régime parlementaire se révèle aussi difficile pour les gouvernants que pour les gouvernés. C’est une des leçons de l’Histoire.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Que voulez-vous ? Il a conspiré contre Louis XVI, il a conspiré contre moi, il conspirera contre lui-même. »1986
(1755-1824), parlant de son frère au duc de Richelieu, 12 décembre 1821
Histoire de la Restauration, 1814-1830 (1882), Ernest Daudet.
L’humour royal est une vertu rare et Louis XVIII est un exemple à citer. Richelieu, chef du gouvernement, est menacé par les ultras. Il rappelle au comte d’Artois (futur Charles X) sa promesse d’aider Louis XVIII qui soutient cette politique gouvernementale. Le comte refuse et Richelieu fait part de sa déconvenue à Louis XVIII, qui lui fait cette réplique.
« J’ai du moins la paix du ménage. »1987
LOUIS XVIII (1755-1824). Histoire des deux Restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe (1856), Achille de Vaulabelle
Quand Richelieu démissionne, le 13 décembre 1821. Le roi se veut philosophe. Il est surtout trop souffrant pour se battre encore et toujours. Le comte d’Artois est content de voir partir ce constitutionnel trop modéré et laisse son royal frère en paix – pas pour longtemps.
« En somme, le roi a voulu voir de son vivant comment cela irait après sa mort, et il a constitué le premier cabinet de Monsieur ! »1988
Marquis de SÉMONVILLE (1759-1839). Le Retour à la monarchie, 1815-1848 (1943), Jules Bertaut
Entré en politique comme jeune révolutionnaire, diplomate et juriste, il finira en « vieux chat », aux dires de Talleyrand saluant sa ruse et son intelligence. Le marquis juge fort bien : Louis XVIII vient d’accepter le cabinet ministériel que lui propose Monsieur, son frère le comte d’Artois. Villèle en est le chef, il n’y aura plus que des ultras au pouvoir (…) jusqu’en janvier 1828.
« Il ne se remue pas et cependant, je m’aperçois qu’il chemine. »1989
LOUIS XVIII (1755-1824). Histoire de Louis-Philippe, roi des Français (1847), Amédée Boudin
Il vise le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe - mot prémonitoire daté de 1822. Opposant mesuré à la politique des ultras, il soigne sa popularité, habite au Palais-Royal, mais affiche un train de vie modeste et bourgeois, met ses fils au lycée Henri-IV. S’il veut un destin national, le fils de Philippe Égalité doit faire oublier le régicide paternel, au procès de Louis XVI.
« La démocratie coule à pleins bords dans la France, telle que les siècles et les événements l’ont faite. »1990
Pierre-Paul ROYER-COLLARD (1763-1845), Chambre des députés, 22 janvier 1822
Mot repris du comte de Serre, ministre de la Justice dans le cabinet Richelieu, en 1820 (…) Il pèche par excès d’optimisme, les ultras au pouvoir tentant de réduire comme peau de chagrin la démocratie. Le cens à payer pour voter exclut les masses populaires qui se désintéressent de la vie politique. Il décourage aussi la petite bourgeoisie, les artisans, les milieux intellectuels qui se sentent légitimement frustrés.
« Il y a des moments où la manie de conspirer devient une sorte de maladie qui, presque toujours malgré les catastrophes, est contagieuse. »1991
Étienne PASQUIER (1767-1862). Histoire de mon temps : mémoires du chancelier Pasquier (posthume, 1896)
(…) La gauche, qui ne peut plus s’exprimer à la Chambre, se tourne fatalement vers l’action clandestine. Elle rassemble des officiers et des étudiants, le saint-simonien Victor Cousin, l’historien Augustin Thierry. On y retrouve même La Fayette qui, à 65 ans, rêve de rejouer le 1789 de sa jeunesse. Les « Carbonari » tentent diverses insurrections (…)
« Sire, je suis vieux.
— Non, Monsieur de Talleyrand, non, vous n’êtes point vieux ; l’ambition ne vieillit point. »1992LOUIS XVIII (1755-1824), qui réplique au « Discours au roi pour l’empêcher de faire la guerre ». Livret de Paul-Louis, vigneron, pendant un séjour à Paris en mars 1823 (1823), Paul-Louis Courier
(…) Le roi qui ne paraît pas jeune - malade de la goutte et de plus en plus infirme - rassure ainsi M. de Talleyrand qui ne l’est plus guère. Ils sont presque septuagénaires, à une époque où l’espérance de vie est très inférieure à la nôtre. Écarté du pouvoir et dans le camp de l’opposition libérale, Talleyrand va retrouver une raison de vivre avec la Révolution de juillet 1830. Rallié à Louis-Philippe, le voilà ambassadeur à Londres (…)
« De tout temps, les pamphlets ont changé la face du monde. »1993
Paul-Louis COURIER (1772-1825), Pamphlet des pamphlets (1824)
Polémiste brillant, il incarne, face à la monarchie restaurée, une tradition libérale et anticléricale qui s’exprime, malgré la censure. Sous la Restauration, la vie politique est active, mais limitée, l’économie ne connaît qu’une faible progression, mais le mouvement des idées est tel que la France et ses intellectuels retrouvent la primauté perdue sous l’Empire.
« L’opposition était dans son génie naturel aussi bien que dans sa passion du moment. »1994
François GUIZOT (1787-1874), Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps (1858-1867)
Il parle de Chateaubriand, ambassadeur à Londres, éphémère ministre des Affaires étrangères en 1823, renvoyé par le roi « comme un laquais », le 6 juin 1824 : « Chateaubriand, quoique sans clientèle dans les Chambres, et sans empire comme orateur, n’en devint pas moins tout à coup un chef d’opposition brillant et puissant. » L’ultraroyaliste va désormais se faire défenseur des idées libérales qui ont bien besoin de cette grande voix, parmi d’autres.
« Le roi est mort, Vive le roi ! »1995
Cri de la monarchie, qui retentit pour la dernière fois en France, le 16 septembre 1824, à la mort de Louis XVIII au château des Tuileries. Le Roi est mort, vive le Roi ! (1827), François René de Chateaubriand
Cette phrase signifie que le roi de France ne meurt jamais et que la royauté est permanente, depuis le début des Capétiens, en 987. Louis XVIII était le dernier frein à la réaction et le garde-fou aux maladresses de son frère. Devenu Charles X, le nouveau roi qui se fait acclamer va ressusciter la pompe royale. La loi électorale recrée la Chambre « introuvable » (…), le pays légal ne représente pas du tout le pays réel, la Restauration mourra de ce décalage abyssal (…)
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