Qui a dit quoi de Qui ? (Restauration et Monarchie de Juillet) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

 

Un personnage parle d’un autre personnage.
Exemple type : « Un fou a dit « Moi, la France » et personne n’a ri parce que c’était vrai. » François Mauriac évoquant de Gaulle en juin 1940.

Le premier « qui » est quelquefois le peuple (acteur anonyme) s’exprimant en chanson, pamphlet, slogan, épitaphe. Le second « qui » peut être un groupe, une assemblée, une armée à qui le discours est destiné.
Si les deux « qui » sont identiques, c’est un autoportrait, une profession de foi politique, parfois une devise.
Les lettres (Correspondance) et Mémoires (sous diverses formes) sont des sources précieuses, les « mots de la fin » livrent une ultime vérité sur l’auteur.

Dans ce défilé de Noms plus ou moins connus ou célèbres, le ton passe de l’humour à la cruauté avec ces citations référentielles ou anecdotiques, mais historiquement toujours significatives.
« Qui a dit quoi de Qui » est une version résumée en 12 éditos de notre Histoire en citations – « quand, comment et pourquoi » donnant l’indispensable contexte.

Ça peut aussi devenir un jeu : « Qui a dit quoi de Qui ». À vous de voir.

7. Restauration et Monarchie de Juillet.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

Restauration (et Cent-Jours) (1814-1830)

« L’Ancien Régime moins les abus. »1893

LOUIS XVIII (1755-1824), formule plusieurs fois énoncée au temps de son exil. Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf

Définition de la Restauration selon le roi de retour, autrement dit, son programme politique.

Ce courant d’opinion est représenté par les « constitutionnels » globalement satisfaits de la Charte (constitution) octroyée le 4 juin 1814. Sur l’échiquier politique, ces centristes seront pris entre deux extrêmes : les ultras – plus royalistes que le roi – qui veulent le retour à l’Ancien Régime et les indépendants ou libéraux, groupe formé de sensibilités différentes, mais qui rejettent tous le drapeau blanc, la prééminence du clergé et de la noblesse.

La Restauration se jouera dans ce tripartisme dont hériteront tous les régimes politiques de la France jusqu’à nos jours. Elle va par ailleurs souffrir de la comparaison avec l’épopée napoléonienne qui entre dans la légende.

« Il monta péniblement ce trône que son prédécesseur avait eu l’air d’escalader. »1904

Charles François Marie, comte de RÉMUSAT (1797-1875). Mémoires de ma vie, volume I (posthume, 1967), Charles de Rémusat

Jeune collaborateur au Globe, journal d’opposition libérale, le comte de Rémusat est le fils du chambellan de Napoléon, rallié aux Bourbons à la Restauration. Il fait partie d’une génération qui a vu et vécu l’extraordinaire.

Il constate l’évidence, en 1814 : à près de 60 ans, Louis XVIII est podagre (goutteux), autrement dit rhumatisant au dernier degré. Il est en outre affligé d’un accent dû non pas à une émigration prolongée, mais à une phonétique demeurée très Ancien Régime, qui ôte toute noblesse à sa royale affirmation : « C’est moué qui suis le roué. » Les chansonniers ne vont pas rater « le roué ». Ce roi sera souvent et méchamment brocardé.

« Voulez-vous connaître l’histoire
D’un gros roi nommé Cotillon ?
Ton ton, ton ton, tontaine, ton ton.
Boire, manger, manger et boire,
Voilà le plaisir de Bourbon
Ton ton, tontaine, ton ton. »1905

Voulez-vous connaître l’histoire ? (1814), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Rien moins que 15 couplets pour se moquer du retour du roi et de sa suite. « Il arrive : Paris proclame / Sa bonté, sa gloire et son nom / Et le Français, le noir dans l’âme / A mis du blanc sur son balcon. » Encore n’est-ce que le commencement de la Restauration… et Louis XVIII ne sera pas le plus impopulaire des deux rois !

« Je suis comme les femmes pas très jolies, que l’on s’efforce d’aimer par raison. Après tout, c’est encore la nécessité qui fait les meilleurs mariages. »1906

LOUIS XVIII (1755-1824). Le Calendrier de l’histoire (1970), André Castelot

Ce roi est trop lucide pour ignorer qu’il n’est pas aimé. Son frère, le futur Charles X, n’aura pas cette intelligence de la situation.

« Vous vous plaignez d’un roi sans jambes, vous verrez ce que c’est qu’un roi sans tête. »1908

LOUIS XVIII (1755-1824), qui ne connaît que trop bien son frère, le comte d’Artois. Encyclopédie des mots historiques, Historama (1970)

Rendu quasi infirme par la goutte à la fin de sa vie, le roi parle du futur Charles X. À 57 ans, il a l’allure d’un jeune homme et monte royalement à cheval. Malgré cette séduction naturelle, il se fera détester.

Déjà impopulaire sous l’Ancien Régime, il se faisait remarquer par sa conduite légère et ses folles dépenses, à l’image de sa belle-sœur Marie-Antoinette. De retour en France après vingt-cinq ans d’exil, il va accumuler les erreurs politiques, sous cette Restauration malgré tout fragile.

Il passe son temps entre la chasse, sa passion, et la religion – il deviendra dévot, faisant le vœu de chasteté perpétuelle en 1804 à la mort d’une de ses maîtresses, Louise d’Esparbès, le grand amour de sa vie.

Feignant de se désintéresser des affaires du royaume, il est en réalité le chef (occulte) du parti royaliste (ultra).

« Toujours je l’ai vu chef de parti, jamais l’héritier présomptif du royaume de France. »1909

Duc de RICHELIEU (1766-1822). Le Duc de Richelieu (1898), Armand-Emmanuel du Plessis Richelieu (duc de)

Arrière-petit neveu du célèbre cardinal, royaliste, émigré sous la Révolution, de retour en 1814, le duc est deux fois président du Conseil (chef du gouvernement). C’est la seconde fois (1820-1821) qu’il déplore l’opposition du comte d’Artois, empêchant le roi de régner et lui-même de gouverner.

« Aux époques ordinaires, roi convenable ; à une époque extraordinaire, homme de perdition. »1910

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Chateaubriand juge Charles X lors de son accession au trône, à la mort de Louis XVIII : « Incapable de suivre jusqu’au bout une bonne ou une mauvaise résolution ; pétri avec les préjugés de son siècle et de son rang. » Mais à côté de cela : « doux, quoique sujet à la colère, bon et tendre avec ses familiers, aimable, léger, sans fiel, ayant tout du chevalier, la dévotion, la noblesse, l’élégante courtoisie, mais entremêlé de faiblesse… » Bref, pas né pour être roi en 1824. On ne peut s’empêcher de penser à la situation de son frère aîné, Louis XVI, accédant au trône en 1774 et si mal armé, si faible, dans une situation prérévolutionnaire.

Déçu par la politique, l’auteur des Mémoires avouera : « J’ai vu de près les rois, et mes illusions politiques se sont évanouies. »

« J’ai mes vieilles idées, je veux mourir avec elles. »1911

CHARLES X (1757-1836), sentence souvent répétée, qui résume le personnage. Charles X (2001), André Castelot

Cette phrase annonce à la fois son règne et sa fin. Mais au début de la Restauration, il n’est encore que Monsieur, comte d’Artois, frère du roi, sitôt présent et bientôt gênant pour Louis XVIII. Il va y avoir pire encore, le retour totalement inattendu de Napoléon, le plus incroyable come-back de l’Histoire.

« Français ! […] j’arrive parmi vous reprendre mes droits qui sont les vôtres. »1924

NAPOLÉON Ier (1769-1821), Golfe Juan, Proclamation du 1er mars 1815. France militaire : histoire des armées françaises de terre et de mer de 1792 à 1833 (1838), Abel Hugo

À peine débarqué, il parle au peuple et trouve toujours les mots qui font mouche : « Dans mon exil, j’ai entendu vos plaintes et vos vœux : vous réclamiez ce gouvernement de votre choix qui est seul légitime. » Et encore…

« Ils n’ont rien oublié, ni rien appris. »1926

NAPOLÉON Ier (1769-1821), Golfe-Juan, Proclamation du 1er mars 1815. Histoire parlementaire de la Révolution française ou Journal des Assemblées nationales (1834-1838), P.J.B. Buchez, P.C. Roux

« Depuis le peu de mois que les Bourbons règnent, ils vous ont convaincu qu’ils n’ont rien oublié, ni rien appris. » Napoléon reprend la formule de Dumouriez parlant des courtisans qui entourent Louis XVIII, le mot étant également attribué à Talleyrand. Quoi qu’il en soit, il résume parfaitement la mentalité des Bourbons et surtout de leurs partisans, les ultras, plus royalistes que le roi qui vont compromettre cette Restauration qu’ils veulent tant servir !

« Cet homme est revenu de l’île d’Elbe plus fou qu’il n’était parti. Son affaire est réglée, il n’en a pas pour quatre mois. »1931

Joseph FOUCHÉ (1759-1820), lucide quant à l’avenir, mars 1815. 1815 (1893), Henry Houssaye

Paroles de celui qui va redevenir ministre de la Police sous les Cent-Jours… et de nouveau sous la seconde Restauration. Napoléon connaît bien les défauts et les qualités de l’homme. Fouché prendra son portefeuille le 21 mars 1815 en confiant à Gaillard (lieutenant général de police) : « Avant trois mois, je serai plus puissant que lui et s’il ne m’a pas fait fusiller, il sera à mes genoux […] Mon premier devoir est de contrarier tous les projets de l’empereur. »

Fouché a tort de trahir, mais il a raison de penser ainsi. Talleyrand qui négocie très habilement pour la France (vaincue) au Congrès de Vienne déclare 12 mars 1815 : « Il faut tuer Buonaparte comme un chien enragé. » Le retour de Napoléon déclenche une nouvelle guerre européenne et le second traité de Paris (toujours signé au Congrès de Vienne) sera beaucoup moins clément.

La France n’avait aucune chance de gagner, même avec ce fabuleux meneur d’hommes et manieur de foules qui veut encore et toujours forcer le destin. C’est l’aventure de trop, c’est aussi la légende. C’est de toute manière l’Histoire et l’un des épisodes les plus étonnants.

« Je ramènerai l’usurpateur dans une cage de fer. »1933

Maréchal NEY (1769-1815), au roi Louis XVIII. Vie du maréchal Ney (1816), Raymond Balthazar Maizeau

Surnommé le Brave des braves sous l’Empire, Ney a poussé Napoléon à abdiquer il y a moins d’un an et s’est rallié à Louis XVIII qui le fit pair de France. Le roi le charge à présent d’arrêter « le vol de l’Aigle ». Ney en fait le serment. Mais ce grand maréchal d’Empire va céder à son tour au charisme de l’empereur et se rallier à lui avec ses troupes, le 13 mars. Quant au roi… il est dans une situation fort embarrassante !

« J’ai travaillé au bonheur de mon peuple. Pourrais-je, à soixante ans, mieux terminer ma carrière qu’en mourant pour sa défense ? »1936

Louis XVIII (1755-1824), à la Chambre des députés, séance du 16 mars 1815. Histoire de la Restauration et des causes qui ont amené la chute de la branche aînée des Bourbons (1843), Jean-Baptiste Honoré Raymond Capefigue

Le discours du roi figure dans toutes les histoires de cette période agitée. Louis XVIII semble prêt au sacrifice suprême pour la Charte qui le fait roi de France. Le comte d’Artois soutient sa résolution, les deux frères s’embrassent, unis dans l’épreuve. Le roi fait encore acte de résistance : « Quoi qu’il arrive, je ne quitterai pas mon fauteuil. La victime sera plus grande que le bourreau. »

La séance s’achève dans le délire, avec le serment du souverain rhumatisant… En réalité et en coulisses, le « Roi-fauteuil » prépare sa fuite et met en sûreté les joyaux de la Couronne.

Le soir même, il apprend la défection du maréchal Ney – pour lui, trahison. Il fait ses malles, mais le secret doit être gardé. Le 19 mars, un courrier lui annonce que Napoléon est à Auxerre et marche sur Paris. C’est le commencement de la fin de sa (première) Restauration : « Je vois que tout est fini… Je suis résolu à partir. » Le soir, il part pour la Belgique. Départ piteux, pitoyable.

Napoléon entre à Paris, arrive aux Tuileries dans la nuit. Les cris de « Vive l’empereur » se mêlent aux injures contre les Bourbons.

« Ce diable d’homme m’a gâté la France. »1937

NAPOLÉON Ier (1769-1821). Napoléon (1969), Georges Lefèbvre

À peine installé au château des Tuileries le 20 mars 1815, il enrage contre Louis XVIII, car il se trouve littéralement assailli de libelles demandant des garanties constitutionnelles, comme le roi a été forcé d’en accorder.

Les Cent-Jours de Napoléon vont se terminer par Waterloo, l’une des batailles les plus commentées de l’Histoire, défaite de la France face aux Anglais et aux Prussiens.

« J’avais demandé vingt ans ; la destinée ne m’en a donné que treize. »1950

NAPOLÉON Ier (1769-1821), au lendemain de Waterloo. Correspondance de Napoléon Ier, publiée par ordre de l’empereur Napoléon III (1858)

Notes sur les « Lettres écrites de Paris pendant le dernier règne de l’empereur Napoléon » entre le 8 avril et le 20 juillet. La phrase est exacte, mais pas le compte. En 1802, Napoléon Bonaparte Premier Consul est déjà maître de la France et de son destin depuis le coup d’État de Brumaire (1799) - et même depuis la campagne d’Italie qui lui apporta la gloire et la popularité en 1797. Les historiens parlent généralement d’une aventure de vingt-deux ans.

Paradoxalement, cet épisode des Cent-Jours, catastrophique pour la France, va nourrir le mythe : Napoléon est redevenu un héros, il a forcé le destin jusqu’à la fin et la légende va suivre.

« Voilà une maladresse qui va nous coûter cher ! Le malheureux ! En se laissant prendre, il va nous faire plus de mal qu’il ne nous en a fait le 13 mars en passant à Bonaparte ! »1954

LOUIS XVIII (1755-1824), le 7 juillet 1815. La Restauration et la Monarchie de Juillet (1929), Jean Lucas-Dubreton

Le roi est furieux contre le maréchal Ney. Il vient d’apprendre son arrestation par les hommes de la police de Fouché. Rappelons que Ney est coupable aux yeux du nouveau régime de s’être rallié à l’empereur, cet « usurpateur » qu’il avait promis de ramener « dans une cage de fer » au début des Cent-Jours.

« J’espère qu’on le traitera avec bonté et douceur, et je vous prie, très cher papa, d’y contribuer. »1959

MARIE-LOUISE (1791-1847), Lettre à son père l’empereur d’Autriche, 15 août 1815. Revue historique, 28e année, volume LXXXII (1903)

La femme de l’empereur déchu ajoute : « C’est la seule prière que je puisse oser pour lui et la dernière fois que je m’intéresse à son sort, car je lui dois de la reconnaissance pour la tranquille indifférence dans laquelle il m’a laissée vivre, au lieu de me rendre malheureuse. » Ce sont vraiment des paroles de fille et d’épouse soumises.

« Je préférerais qu’on égorgeât mon fils ou qu’il fût noyé dans la Seine plutôt que de le voir jamais élevé à Vienne comme prince autrichien. »1960

NAPOLÉON Ier (1769-1821). Les Errants de la gloire (1933), princesse Lucien Murat (comtesse Marie de Rohan-Chabot)

En cette fin d’année 1815, il ignore encore que l’Aiglon sera précisément élevé à Vienne par son grand-père maternel, comme un prince autrichien et sous le nom de duc de Reichstadt – c’est l’ « assassinat moral » tant redouté par le père pour son fils.

« L’Angleterre prit l’aigle et l’Autriche l’aiglon. »1961

Victor HUGO (1802-1885), Les Chants du crépuscule (1835)

Les destins tragiques inspirent les poètes et entre tous, les grands romantiques du XIXe siècle.

Edmond Rostand, considéré comme le dernier de nos auteurs romantiques, est un peu le second père de l’Aiglon et fit beaucoup pour sa gloire dans la pièce qui porte son nom. Le rôle-titre est créé en travesti par la star de la scène, Sarah Bernhardt (1900). À plus de 50 ans, elle triomphe en incarnant ce jeune prince mort à 21 ans et dans lequel Napoléon avait fondé tant d’espoirs.

« Quand j’étais tout-puissant, ils briguèrent ma protection et l’honneur de mon alliance, ils léchèrent la poussière dessous mes pieds ; maintenant, dans mon vieil âge, ils m’oppriment et m’enlèvent ma femme et mon fils. »1962

NAPOLÉON Ier (1769-1821). Mémorial de Sainte-Hélène (1823), Las Cases

Il parle de tous les rois et autres souverains européens auxquels il fut confronté.

« Il avait le monde sous ses pieds et il n’en a tiré qu’une prison pour lui, un exil pour sa famille, la perte de toutes ses conquêtes et d’une portion du vieux sol français » écrira de son côté Chateaubriand, dans ses Mémoires d’outre-tombe.

Mais Napoléon entre vivant dans l’histoire et la légende. Il s’en charge le premier, confiant ses souvenirs et ses pensées à Emmanuel de Las Cases, auteur du Mémorial – plusieurs fois réédité vu son succès, chaque édition étant revue et augmentée.

« Cette Chambre, que dans les premiers temps le roi qualifia d’introuvable, se montra folle, exagérée, ignorante, passionnée, réactionnaire, dominée par des intérêts de caste. »1963

Comtesse de BOIGNE (1781-1866), Mémoires (posthume)

Charlotte Louise Adélaïde d’Osmont a vécu sous onze règnes et régimes différents, tenant salon sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, époques fort bien vues par cette royaliste libérale. Le qualificatif d’ « introuvable » est passé dans l’histoire.

Les élections des 14 et 21 août 1815 font à Louis XVIII ce cadeau empoisonné d’une assemblée plus royaliste que le roi. Avec 350 députés ultras sur 402, cette fameuse Chambre n’est pas si « introuvable » puisqu’elle sera « retrouvée » lors de prochaines élections. La raison en est simple : l’étroitesse du pays légal par rapport au pays réel. Le régime censitaire donne le droit de vote aux hommes de plus de 30 ans, payant au moins 300 francs d’impôts directs. Soit 110 000 électeurs sur 9 millions d’adultes en 1817, avec 80 % de propriétaires fonciers. Pour être député, il faut avoir au moins 40 ans et payer 1 000 francs d’impôts directs : 15 000 Français seulement sont éligibles.

Cette Chambre royaliste et ne représentant que ses intérêts s’oppose aux ministres modérés, les empêche de gouverner et provoque la seconde Terreur blanche de notre histoire. La haine des royalistes contre les hommes de la Révolution et de l’Empire est encore exaspérée après les Cent-Jours. « Ils finiraient par m’épurer moi-même ! » dit Louis XVIII avec son humour royal. Mais le tsar de Russie menace de laisser ses troupes d’occupation en France si le roi ne renvoie pas de tels députés ! D’où la dissolution du 5 septembre 1816.

« Le Roi, dont la sagesse exquise
Sait mettre le temps à profit,
Passe trois heures à l’église,
Quatre à table et quatorze au lit.
Restent pour le soin de l’Empire,
Trois autres, mais hélas,
Ce temps peut à peine suffire
Pour ôter et mettre ses bas. »1973

Le Roi dont la sagesse exquise, chanson. La Révolution de juillet (1972), Jean-Louis Bory

Louis XVIII est l’un des plus caricaturés en chansons et dessins de presse (avec Louis-Philippe dont le physique et l’impopularité feront bientôt une proie idéale.

Malgré les mesures libérales (loi militaire, loi électorale, liberté de la presse), malgré une politique économique bien menée, le régime a toujours de nombreux opposants à gauche comme à droite. Et Louis XVIII, le roi podagre, est accusé de bien des péchés : paresse, gourmandise et bigoterie. Les chansonniers s’en donnent à cœur joie.

« J’ai voulu tuer la race ! »1976

Louis Pierre LOUVEL (1783-1820), après l’assassinat du duc de Berry, 13 février 1820. Souvenirs inédits du petit-fils du duc de Berry (1971), Charles Faucigny-Lucinge (prince de)

Ouvrier cordonnier, républicain tenant les Bourbons pour responsables de l’invasion de la France et du traité de Paris de 1815 (qui solde les Cent-Jours), il vient de poignarder à l’entrée de l’Opéra (rue de la Loi, aujourd’hui square Louvois) le duc de Berry, fils du comte d’Artois (futur Charles X) et chef des ultras, seul membre de la famille royale pouvant donner un héritier à la dynastie. En mourant, le duc révèle pourtant que sa femme est enceinte – ce sera « l’enfant du miracle ».

La droite se déchaîne. On lit dans La Gazette de France du lendemain : « Monsieur Decazes, c’est vous qui avez tué le duc de Berry. Pleurez des larmes de sang. Obtenez que le Ciel vous pardonne, la patrie ne vous pardonnera pas ! » Et Chateaubriand renchérit contre l’éphémère Président du Conseil des ministres (3 mois et 1 jour).

« Le pied lui a glissé dans le sang. »1978

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848). Causeries du lundi, volume II (1858), Charles-Augustin Sainte-Beuve

Sainte-Beuve, s’exprimant à la fois en historien et critique littéraire, d’ajouter aussitôt : « Cette parole contre un homme aussi modéré que M. Decazes a pu paraître atroce. Sachons pourtant qu’avec les écrivains, il faut faire toujours la part de la phrase. »

Chateaubriand, opposant en disgrâce qui se situe (pour l’heure) dans le camp des ultras, persiste et signe : « Ceux qui ont assassiné Monseigneur le duc de Berry sont ceux qui, depuis quatre ans, établissent dans la monarchie des lois démocratiques, ceux qui ont laissé prêcher dans les journaux la souveraineté du peuple, l’insurrection et le meurtre. »

Après sa démission, Louis XVIII n’abandonne pas son favori : il le fait duc français (Decazes était déjà duc danois, par son mariage) et le nomme ambassadeur à Londres. Louvel sera condamné à mort le 6 juin 1820 et guillotiné le lendemain. Cela n’apaise en rien les esprits.

« Le règne du roi est fini, celui de son successeur commence. »1979

Duc de BROGLIE (1785-1870), après la chute du ministère Decazes, fin février 1820. Le Comte de Serre : la politique modérée sous la Restauration (1879), Charles de Mazade

C’est un constitutionnel modéré qui s’exprime. Il a compris que c’en est fini de la période libérale voulue par Louis XVIII : les ultras vont avoir le pouvoir avec à leur tête le futur Charles X.

Le duc de Richelieu, rappelé à la présidence du Conseil par le roi, prend trois ultras dans son cabinet et tente une réaction modérée face à l’opposition libérale : suspension des lois de Serre sur la liberté de la presse, loi électorale du double vote encore plus élitiste.

Grand seigneur, honnête homme, excellent administrateur, Richelieu n’a pas l’art de manœuvrer une assemblée et sa politique est vite jugée trop modérée par les ultras. Vainqueurs aux élections de décembre 1820, ils auront définitivement gain de cause quand le comte de Villèle va devenir chef du gouvernement, en décembre 1821.

« On parlera de sa gloire,
Sous le chaume bien longtemps […]
Bien, dit-on, qu’il nous ait nui,
Le peuple encore le révère, oui, le révère,
Parlez-nous de lui, Grand-mère,
Parlez-nous de lui. »1984

BÉRANGER (1780-1857), Les Souvenirs du peuple (1828), chanson. L’Empereur (1853), Victor Auger

C’est l’une des plus belles et simples chansons à la gloire Napoléon, écrite par ce parolier très populaire, salué par Chateaubriand comme « l’un des plus grands poètes que la France ait jamais produits ». Sainte-Beuve le plus fameux critique littéraire du siècle, confirme : c’est un « poète de pure race, magnifique et inespéré ».

Pierre Jean de Béranger contribue à nourrir la légende napoléonienne avec « la chanson libérale et patriotique qui fut et restera sa grande innovation » (Sainte-Beuve). Le souvenir de l’empereur sera bientôt lié à l’opposition au roi. La dynastie au pouvoir n’est pas si solide !

« Le peuple, c’est ma Muse. »1897

BÉRANGER (1780-1857). Œuvres complètes de Pierre Jean de Béranger (1840)

Toujours à l’écoute de « l’instinct du peuple », l’auteur en fait sa « règle de conduite » et résiste aux conseils, aux pressions de tous bords.

Après la censure si sévère sous l’Empire, la chanson reprend ses droits et redevient reflet de l’opinion publique. Les satires anticléricales et les pamphlets politiques de Béranger vaudront toutefois la prison à leur auteur (en 1815, puis en 1828). Il passe même pour un grand homme et un martyr ! Devenu plus prudent, il continuera de manifester indirectement son hostilité au régime, en célébrant toujours le culte de Napoléon : « Parlez-nous de lui, grand-mère… »

« J’appartiens à cette génération née avec le siècle, qui, nourrie de bulletins par l’Empereur, avait toujours devant les yeux une épée nue et vint la prendre au moment même où la France la remettait dans le fourreau des Bourbons. »1895

Alfred de VIGNY (1797-1863), Servitude et grandeur militaires (1835)

Témoignage d’un grand écrivain de ce temps si riche en talents, bien plus que la Révolution et l’Empire.

Vigny traduit ici l’état d’esprit de toute une génération de jeunes romantiques « bien nés ». Ils rallieront l’opposition libérale quand la monarchie selon Charles X deviendra plus ultra que royaliste, à la fin de la Restauration.

« Que voulez-vous ? Il a conspiré contre Louis XVI, il a conspiré contre moi, il conspirera contre lui-même. »1986

LOUIS XVIII (1755-1824), parlant de son frère au duc de Richelieu, 12 décembre 1821. Histoire de la Restauration, 1814-1830 (1882), Ernest Daudet

L’humour royal est une vertu rare et Louis XVIII est un exemple à citer. Richelieu, chef du gouvernement, est menacé par les ultras. Il rappelle au comte d’Artois sa promesse d’aider Louis XVIII qui soutient cette politique gouvernementale. Le comte refuse et Richelieu fait part de sa déconvenue à Louis XVIII qui lui fait cette réplique. Il ne connaît que trop bien son frère.

« J’ai du moins la paix du ménage. »1987

LOUIS XVIII (1755-1824). Histoire des deux Restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe (1856), Achille de Vaulabelle

Quand Richelieu démissionne, le 13 décembre 1821. Le roi se veut philosophe. Il est surtout trop souffrant pour se battre encore et toujours. Le comte d’Artois est content de voir partir ce constitutionnel trop modéré et laisse son royal frère en paix – pas pour longtemps. Et d’autres ambitions se dessinent…

« Il ne se remue pas et cependant, je m’aperçois qu’il chemine. »1989

LOUIS XVIII (1755-1824). Histoire de Louis-Philippe, roi des Français (1847), Amédée Boudin.

Il vise le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe. Ce mot prémonitoire date de 1822.

Opposant mesuré à la politique des ultras, il soigne sa popularité, habite au Palais-Royal, mais affiche un train de vie modeste et bourgeois, met ses fils au lycée Henri-IV. S’il veut avoir un destin national, le fils de Philippe Égalité doit faire oublier le régicide paternel, au procès de Louis XVI.

« L’opposition était dans son génie naturel aussi bien que dans sa passion du moment. »1994

François GUIZOT (1787-1874), Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps (1858-1867)

Il parle de Chateaubriand, ambassadeur à Londres et éphémère ministre des Affaires étrangères en 1823, renvoyé par le roi « comme un laquais » le 6 juin 1824 : « Chateaubriand, quoique sans clientèle dans les Chambres, et sans empire comme orateur, n’en devint pas moins tout à coup un chef d’opposition brillant et puissant. »

L’ultraroyaliste va désormais se faire défenseur des idées libérales qui ont bien besoin de cette grande voix, parmi d’autres.

« Le roi est mort, Vive le roi ! »1995

Cri de la monarchie qui retentit pour la dernière fois en France le 16 septembre 1824, à la mort de Louis XVIII au château des Tuileries. Le Roi est mort, vive le Roi ! (1827), François René de Chateaubriand

Cette phrase référentielle depuis le début des Capétiens en 987 signifiait que le roi de France ne meurt jamais et que la royauté est permanente.

Louis XVIII était le dernier frein à la réaction et le garde-fou aux maladresses de son frère. Devenu Charles X, le nouveau roi qui se fait acclamer va aussitôt ressusciter la pompe royale. Le contexte politique le favorise : les élections des 25 février et 6 mars derniers ont ressuscité la Chambre « introuvable », assemblée plus royaliste que le roi et dissoute par Louis XVIII en 1815.

Cette Chambre « retrouvée » comble les vœux du successeur : la gauche n’a plus que 15 députés. Catastrophe pour l’opposition parlementaire et victoire pour les ultras. C’est toujours la conséquence de la loi électorale : le pays légal ne représente pas du tout le pays réel.

La Restauration mourra de ce décalage abyssal et du monarque dont elle hérite : « Aux époques ordinaires, roi convenable ; à une époque extraordinaire, homme de perdition » dit Chateaubriand lors de son accession au trône.

« J’aimerais mieux scier du bois que de régner à la façon du roi d’Angleterre. »1996

CHARLES X (1757-1836). Histoire de la Restauration, 1814-1830 (1882), Ernest Daudet

C’est dire sa volonté de s’affranchir de la Charte que Louis XVIII a certes « octroyée » à ses sujets, mais qui comporte des garanties contre les abus de l’Ancien Régime. L’Angleterre reste le modèle de cette monarchie constitutionnelle, chère aux philosophes des Lumières du XVIIIe siècle.

Charles X qui ne s’est jamais initié aux idées de son temps ne saurait se plier aux règles du gouvernement représentatif. Cet homme charmant, si jeune d’allure à 67 ans et populaire pendant quelques mois, n’a certes pas le tempérament d’un monarque absolu et moins encore d’un tyran. Mais il reste un homme de l’Ancien Régime, entouré de courtisans qui font écran entre le roi et son peuple.

« Vous êtes un méchant, un infidèle, un traître ! »2006

HUSSEIN DEY d’Alger (vers 1765-1838), 30 avril 1827. La Restauration et la Monarchie de Juillet (1929), Jean Lucas-Dubreton

Joignant le geste à la parole, le souverain de la régence d’Alger (sous l’empire ottoman) frappe trois fois de son chasse-mouches Pierre Deval, le consul de France dont le gouvernement refuse de payer des fournitures de blés qui datent du Consulat et de l’Empire.

Le Dey refuse de présenter des excuses. Ce qui pourrait n’être qu’un fait divers va déboucher sur la « première guerre d’Algérie ». L’incident venant aggraver des relations déjà tendues avec l’Algérie sert de prétexte à l’intervention de la France.

« C’est la leçon d’un père qui laisse toujours percer sa sollicitude à travers sa sévérité ou pour mieux dire sa prévoyance. »2007

Le Moniteur, 24 juin 1827. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

C’est en ces termes que ce journal officiel parle du rétablissement de la censure par ordonnance. On ne saurait mieux définir la langue de bois.

Le combat pour la liberté d’expression va durer presque un demi-siècle, de défaites en conquêtes jusqu’à la Troisième République.

« Vous étiez devenu trop impopulaire !
— Monseigneur, Dieu veuille que ce soit moi ! »2010

Comte de VILLÈLE (1773-1854), au Dauphin, le duc d’AngoulÊme (1775-1844), 3 janvier 1828. Histoire de France depuis 1789 jusqu’à nos jours (1878), Henri Martin

Villèle, depuis deux mois, a vainement tenté de former un gouvernement qui concilie ses idées et les opinions de la nouvelle Chambre. Il démissionne donc, devient pair de France et cède la place à un libéral modéré, Martignac.

« Je ne veux pas monter en charrette comme mon frère ! »2012

CHARLES X (1757-1836), hanté par le souvenir de Louis XVI guillotiné en 1793. La Cour de Charles X (1892), Imbert de Saint-Amand

L’exemple de son frère aîné Louis XVI, devenu un roi martyr, le confortait dans sa politique ultraroyaliste. N’est-ce pas sa faiblesse et ses concessions qui l’ont perdu ? Cependant que Charles X assimile les Girondins de la Révolution aux libéraux de plus en plus agressifs sous la Restauration. Sa peur devient obsessionnelle.

« Un roi qu’on menace n’a de choix qu’entre le trône et l’échafaud !
— Sire, Votre Majesté oublie la chaise de poste ! »2013

TALLEYRAND (1754-1838), à CHARLES X (1757-1836). Souvenirs intimes sur M. de Talleyrand (1870), Amédée Pichot

Façon de rassurer le roi avec humour, lui rappelant au passage qu’il fut le premier émigré célèbre de la Révolution, au lendemain de la prise de la Bastille.

« Enfin, vous régnez ! Mon fils vous devra sa couronne. »2021

Duchesse de BERRY (1798-1870), à Charles X, 26 juillet 1830. Mémoires de la comtesse de Boigne (posthume, 1909)

Mère de l’ « enfant du miracle », fils posthume du duc de Berry assassiné en 1820, elle lit dans Le Moniteur le texte des quatre ordonnances – qualifiées de « scélérates » par l’opposition majoritaire. La duchesse n’est pas bonne prophétesse en son pays !

Cette bombe ultra va déclencher le lendemain la révolution des Trois Glorieuses (journées des 27, 28, 29 juillet) et la fin du règne des Bourbons.

« Mettez en note que le 29 juillet 1830, à midi cinq minutes, la branche aînée des Bourbons a cessé de régner sur la France ! »2029

TALLEYRAND (1754-1838). L’Esprit de M. de Talleyrand : anecdotes et bons mots (1909), Louis Thomas

Élégant résumé de l’actualité réellement historique, cette branche aînée disparaissant en 1883 avec la mort sans postérité du comte de Chambord (duc de Bordeaux), petit-fils de Charles X et fils posthume du duc de Berry, assassiné en 1820.
Travaillant à ses Mémoires, Talleyrand entend les troupes de Marmont qui refluent sous ses fenêtres, rue de Rivoli – le Louvre est pris par les insurgés, les soldats se débandent. Le vieux pair de France qui a vécu tous les tournants de l’histoire depuis la Révolution et survécu à tant d’épreuves, s’interrompt et dicte cette note à son secrétaire.

Ce même jour, les députés font cause commune avec le peuple. C’est la « Troisième Glorieuse » de cette brève Révolution.

« Voilà ce que nous avons pu faire de plus républicain. »2034

LA FAYETTE (1757-1834), Hôtel de Ville, 31 juillet 1830. La Fayette et la révolution de 1830 : histoire des choses et des hommes de Juillet, volume I (1832), Bernard Alexis Sarrans

Rallié à la cause du duc d’Orléans, il lui donne l’accolade et fait de lui le futur roi des Français.

C’est l’ultime come-back médiatique du jeune « Héros des Deux-Mondes » dans la guerre d’Indépendance des Insurgents contre l’Angleterre, déjà « charmé par les relations républicaines, et le bouillant commandant de la Garde nationale présent à la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790, point culminant de la Révolution.

« Puisqu’ils ne veulent pas de moi, qu’ils se débrouillent ! »2035

Duc d’ANGOULÊME (1775-1844), dernier dauphin de l’histoire de France, château de Rambouillet, 2 août 1830. La Duchesse de Berry (1963), André Castelot

Parole de Louis de France, dernier dauphin qui a compris : le peuple ne veut plus de cette royauté d’Ancien Régime.

Charles X replié à Rambouillet vient d’accepter la nomination du duc d’Orléans comme lieutenant général du royaume et régent. Plus ou moins forcé, il abdique en faveur de son petit-fils (10 ans), le duc Henri de Bordeaux. Il signe l’acte et tend la plume à son fils aîné, Louis de France devenu Louis XIX le temps du règne le plus court de l’histoire de France – quelques secondes d’hésitation, car il pourrait tenir pour nulles les décisions de son père et garder la couronne.

Il choisit d’abdiquer à son tour en faveur de son neveu le duc de Bordeaux qui devient Henri V pour les légitimistes – et attendra 1871 pour faire valoir ses droits à la couronne.

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Monarchie de Juillet (1830-1848)

« De la république, il n’a pas la force populaire ; de l’empire, il n’a pas la gloire militaire ; des Bourbons, il n’a pas l’appui du principe de la légitimité. Le trône de 1830 est quelque chose d’hybride ; l’histoire se chargera d’en montrer la faiblesse. »2037

METTERNICH (1773-1859). Histoire des institutions politiques de la France de 1789 à nos jours (1952), Jean Jacques Chevallier

Diplomate autrichien attentif à notre histoire de France depuis la Révolution qu’il détesta et Napoléon qu’il n’aima guère, cet homme de l’Ancien Régime, favorable à la Restauration des Bourbons, se méfie du nouveau régime et donc du roi Louis-Philippe.

L’histoire confirmera et les historiens affirmeront de même : « La Monarchie de juillet portait en elle-même une grande faiblesse. Elle était née sur les barricades. Elle était sortie d’une émeute tournée en révolution » (Jacques Bainville, Histoire de France).

« Sans jalousie, sans petitesse, sans morgue et sans préjugés, il se détache sur le fond terne et obscur des médiocrités du temps. »2039

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Témoignage d’un incontestable géant des lettres, mais éternel déçu de la politique, noble restant attaché à la cause qu’il sait sans espoir de la monarchie légitimiste, en cette époque où la noblesse perd pour la première fois le pouvoir au profit de la bourgeoisie montante.

Thiers sera le défenseur de cette classe, qu’il soit au gouvernement ou dans l’opposition. Longue vie politique et personnage très diversement jugé, à suivre jusque sous la Troisième République.

« Qu’importe que ce soit un sabre ou un goupillon, ou un parapluie qui nous gouverne ! C’est toujours un bâton. »2041

Théophile GAUTIER (1811-1872), Mademoiselle de Maupin (1835)

C’est l’exception à la règle de l’engagement politique, social et moral des Hugo, Lamartine et George Sand, Michelet et Tocqueville. Contre les « Jeunes-France » romantiques, ce « parfait magicien des lettres françaises » (selon Baudelaire) affirme la doctrine de « l’art pour l’art » dans la préface de Mademoiselle de Maupin.

Faut-il parler de slogan, de maxime ou de devise ? Les (poètes) Parnassiens en feront même une « école » avec Leconte de Lisle en tête de fil : la perfection formelle prime alors sur le sens au point que leurs œuvres peuvent paraître élitistes ou hermétiques.

Mais l’attitude de Théophile Gautier est elle-même une réaction à la politisation extrême de la vie artistique – voir la peinture de Delacroix, la Liberté guidant le peuple réalisée en 1830 et inspirée de la révolution des Trois Glorieuses. « À quoi bon la musique ? à quoi bon la peinture ? Qui aurait la folie de préférer Mozart à M. Carrel, et Michel-Ange à l’inventeur de la moutarde blanche ? Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid. Je préfère à certain vase qui me sert un vase chinois, semé de dragons et de mandarins, qui ne me sert pas du tout. »

« Je travaille la nuit, je monte à cheval le jour, je joue au billard le soir, je dors le matin. C’est toujours la même vie. »

George SAND (1804-1876), Correspondance

Autoportrait plus vrai que nature et cas très particulier de Sand. Passionnée par la politique (vibrante sous la Deuxième République), elle ne fut jamais tentée de se lancer dans l’arène comme Hugo et nombre de ses amis ou confrères. 

Surnommée la Bonne Dame de Nohant, elle est très populaire par ses romans humanitaires et rustiques. Un acharnement critique et sexiste s’est pourtant déchaîné contre l’auteur qui prit un pseudonyme masculin au début de sa carrière pour être plus libre (d’écriture et de mœurs) : infatigable à sa table de travail, c’est la Vache à encre (selon Baudelaire), la Terrible Vache à écrire, la Vache laitière au beau style (pour Nietzsche qui ne la supporte pas), Miss Agenda pour sa ponctualité quand il faut remettre sa copie à l’éditeur ou au patron de presse (pour les romans publiés d’abord en feuilleton). Elle exaspérait Musset son amant de Venise qui ignorait la ponctualité et écrivait toujours « dans le génie ».

Sand qui n’a que du talent aime son travail, elle doit aussi nourrir sa petite famille (deux enfants), parfois ses amants, ses ami(e)s, entretenir sa chère maison de Nohant, un véritable domaine dans le Berry. Son « féminisme » (terme qu’elle contesterait) tient d’abord à son indépendance économique et sa liberté de mœurs affichée.  Elle prend aussi le temps d’écrire des lettres (26 volumes au total !) comme tous les Noms de l’époque, les plus passionnément romantiques étant destinées à son amant terrible, Musset.

« J’appelle bourgeois quiconque pense bassement. »2053

Gustave FLAUBERT (1821-1880), Correspondance (1842)

Définir le bourgeois pour mieux critiquer la bourgeoisie est un exercice tentant pour les écrivains témoins de leur temps.

Cette définition de la nouvelle classe régnante sous la monarchie de ce roi bourgeois est signée d’un fils de grand bourgeois (père médecin-chef de l’Hôtel-Dieu de Rouen), passionné de littérature et particulièrement inspiré par la sottise bourgeoise qui s’affiche, insolente.

« Sa grande faute, la voici : il a été modeste au nom de la France. »2056

Victor HUGO (1802-1885), Les Misérables (1862)

Indulgent pour le roi qui trouve grâce aux yeux de ce critique d’ordinaire plus sévère pour les princes qui gouvernent la France, Hugo ajoute : « Louis-Philippe sera classé parmi les hommes éminents de son siècle, et serait rangé parmi les gouvernements les plus illustres de l’histoire, s’il eût aimé la gloire et s’il eût eu le sentiment de ce qui est grand au même degré que ce qui est utile. »

« Sa situation est incomparable, il est du sang des Bourbons et il en est couvert. »2057

Mme de RÉMUSAT (1780-1821). La Nouvelle Revue des deux mondes (1958)

Fils de Louis-Philippe Joseph, duc d’Orléans, dit Philippe Égalité, député à la Convention qui vota la mort du roi son cousin, avant d’être arrêté par les Montagnards et guillotiné en 1793, Louis-Philippe fut comme son père très jeune partisan des idées révolutionnaires : membre du club des Jacobins à 17 ans, engagé dans la garde nationale, soldat des armées de la République à Valmy et Jemmapes. Haï par les royalistes après le vote régicide de son père, proscrit par les révolutionnaires, il vit une situation inconfortable en exil, avant de pouvoir se réconcilier avec Louis XVIII et rentrer en France. À partir de là, il « chemine » lentement et sûrement vers le trône convoité.

Mais la presse plus ou moins libre, les caricaturistes et les chansonniers plus ou moins politiques n’épargnent pas ce nouveau roi.

« Gros, gras et bête,
En quatre mots c’est son portrait :
Toisez-le des pieds à la tête,
Aux yeux de tous, il apparaît
Gros, gras et bête.
En pelle s’élargit sa main,
En poire s’allonge sa tête,
En tonneau croit son abdomen,
Gros, gras et bête. »2058

Agénor ALTAROCHE (1811-1884), Gros, gras et bête, chanson. Les Républicaines : chansons populaires des révolutions de 1789, 1792 et 1830 (1848), Pagnerre

Poète et député, journaliste engagé, enthousiaste de cette nouvelle presse républicaine au lendemain de la révolution de 1830.

On chansonne vite le roi sexagénaire dont le physique est déjà une caricature en soi. La main « en pelle » fait allusion à la rapacité du personnage : rentré en possession, grâce à Louis XVIII, de l’immense fortune de la branche d’Orléans, plus riche que les Bourbons, principal bénéficiaire de la loi sur le milliard des émigrés (1825), il gère son patrimoine en bon père de nombreuse famille – huit enfants pour qui il quémandera encore des dotations.

« Faites-nous de bonne politique, et je vous ferai de bonnes finances. »2064

Baron LOUIS (1755-1837), à Guizot, au cours d’un Conseil des ministres. Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps (1858-1867), François Guizot

Déjà conseiller au Parlement de Paris sous l’Ancien Régime, administrateur du Trésor public sous l’Empire, ministre des Finances sous la Restauration qui lui doit son redressement financier, le baron Louis retrouve à 75 ans le même poste sous la Monarchie de Juillet. Talleyrand l’a introduit en politique et il agit en vrai serviteur de l’État, homme honnête et financier génial.

Hors la Révolution (où il s’est exilé), tous les régimes ont reconnu et utilisé sa valeur. Son idée-force est simple : le crédit est le bon moyen de boucler le budget de l’État, à condition qu’il repose sur la confiance en la parole de l’État. Grâce à quoi le baron Louis redresse les finances publiques et réforme le ministère. Il place en tête de la Banque de France le banquier Jacques Laffitte, autre honnête homme soucieux de « bonne politique » et de « bonnes finances ».

« Nous cherchons à nous tenir dans un juste milieu également éloigné des excès du pouvoir populaire et des abus du pouvoir royal. »2065

LOUIS-PHILIPPE (1773-1850), Discours du trône, 31 janvier 1831. Le Moniteur officiel, 31 janvier 1831

Le « Roi des barricades » se définit politiquement dans cette idée du « juste milieu ». Il doit gouverner au plus près et le régime (libéral) reste fragile jusqu’en 1835 : menacé sur sa gauche par les républicains frustrés de leur république après une révolution pour rien et sur sa droite par les légitimistes, frappés de stupeur devant la chute si rapide de la branche Bourbon et l’escamotage du pouvoir par la branche Orléans. Dans ces conditions, le juste milieu s’impose. Il deviendra le Tiers Parti.

Ce discours ou du moins cette phrase devient célèbre, citée en français dans nombre d’histoires et de dictionnaires.

« C’était vraiment bien la peine de nous faire tuer. »2061

Honoré DAUMIER (1808-1879), lithographie publiée dans La Caricature (1835)

Ce peintre de grand talent a surtout le génie de la caricature qui popularise la presse.

Au centre du dessin, trois morts sortent d’une tombe pour dire ces mots. À droite, une croix porte l’inscription « Morts pour la liberté ». À gauche, une colonne affiche la date des « 27-28-29 juillet 1830 » (évoquant le Génie de la Bastille, monument dédié aux victimes de cette révolution). Au lointain, on devine une charge furieuse contre des manifestants.

La Révolution de 1830 sera pourtant l’une des guerres civiles les plus brèves et les moins sanglantes : 1 800 morts chez les insurgés, environ 200 dans la troupe. Mais la république a bel et bien été escamotée sous le nez des républicains, les cocus de l’histoire qui se rappellent la leçon et ne rateront pas leur prochaine révolution, en 1848.

« Profession ?
— Émeutier ! »2073

Victor CONSIDÉRANT (1808-1893), 4 janvier 1832. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

Réponse aux policiers qui l’ont arrêté au milieu d’extrémistes tentant de mettre le feu aux tours de Notre-Dame. Émeutier, certes, mais aussi polytechnicien et adepte de Charles Fourier (socialiste utopique, militant et visionnaire avec Le Phalanstère et Le Nouveau monde industriel et sociétaire), il deviendra économiste et théoricien du socialisme, puis député en 1848, avant d’être exilé à la Réunion et d’y créer une colonie agricole socialiste.

1832 est l’année de tous les dangers pour le pouvoir : conspirations et insurrections montées d’un côté par les royalistes légitimistes qui défendent la duchesse de Berry et les droits au trône d’Henri V, de l’autre par les révolutionnaires les plus ardents auxquels sont mêlés des bonapartistes.

Le renchérissement du blé et donc du pain, le chômage et la baisse des salaires, enfin l’épidémie de choléra dans les quartiers les plus pauvres de Paris, rendent la situation sociale explosive dans la capitale.

« Ils ont voulu voir de plus près la misère du peuple. »2074

Journaux d’opposition, début avril 1832. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

Cette presse virulente vise le duc d’Orléans, fils aîné de Louis-Philippevet Casimir Périer, président du Conseil, allant visiter dans les hôpitaux les victimes du choléra aux premiers jours d’avril 1832. Les quartiers populaires, surpeuplés, sont les plus touchés.

Cette inégalité devant la mort accroît encore le malaise social. L’opposition accuse même le gouvernement d’être responsable du choléra qui, prétend-on, épargne les riches et les bourgeois.

Et Casimir Périer meurt le 16 mai, un parmi les quelque 20 000 victimes de l’épidémie à Paris.

« Madame […] votre fils est mon roi ! »2075

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), à la duchesse de Berry (mère d’Henri V). Mémoires d’outre-tombe (posthume), François René de Chateaubriand

La duchesse a débarqué secrètement en France le 30 avril 1832. Pour Chateaubriand, le roi des Français n’est qu’un usurpateur. L’auteur sera poursuivi en cour d’assises pour son Mémoire sur la captivité de la duchesse de Berry, et acquitté en 1833.

Quant à la duchesse, elle tente en vain de soulever la Provence, puis la Vendée. Arrêtée le 6 novembre à Nantes, internée au fort de Blaye sous la surveillance du futur maréchal Bugeaud, elle accouche en prison d’une fille, fruit d’un mariage secret : scandale ! La branche légitimiste en est discréditée.

« Ma tombe et mon berceau seront bien rapprochés l’un de l’autre ! Ma naissance et ma mort, voilà donc toute mon histoire. »2078

Duc de REICHSTADT (1811-1832), mourant à 21 ans de tuberculose, 22 juillet 1832. Les Errants de la gloire, princesse Lucien Murat (comtesse Marie de Rohan-Chabot)

L’Aiglon (héros de théâtre pour Rostand), fils de l’Aigle (Napoléon), ex-roi de Rome, promu Napoléon II (quelques jours, après les deux abdications en 1814 et 1815) n’aura pas le destin rêvé pour lui par son père, ni même aucun rôle politique. Son grand-père maternel, François Ier d’Autriche, y veille, occultant le souvenir de l’empereur et le faisant duc de Reichstadt (petite ville de Bohême), tout en aimant tendrement l’adolescent fragile.

Louis-Napoléon Bonaparte se considère désormais comme le chef du parti bonapartiste, en tant que neveu de Napoléon Ier – même si l’infidélité notoire de sa mère Hortense de Beauharnais, femme de Louis Bonaparte roi de Hollande, poussa son père à nier sa paternité et à rompre avec Hortense, la très jolie belle-fille de Napoléon.

« Tous deux sont morts. Seigneur, votre droite est terrible. »2079

Victor HUGO (1802-1885), Poème d’août 1832 (Napoléon II, Les Chants du crépuscule)

Rappelons que le père de l’Aiglon, Napoléon, est mort à 51 ans, le 5 mai 1821, après cinq ans de captivité à Sainte-Hélène. La légende napoléonienne doit beaucoup au génie d’Hugo et à la comparaison inévitable avec le prochain maître de la France, Napoléon III « le Petit ».

« Il n’est point parvenu, il est arrivé. »2084

TALLEYRAND (1754-1838), parlant de Thiers, 1834. Monsieur de Talleyrand (1870), Charles-Augustin Sainte-Beuve

Talleyrand a joué le rôle de parrain politique auprès de Thiers, personnage ambitieux, arriviste et comparable à lui par certains côtés.

Selon les sources, le mot de « parvenu » (marseillais) fait référence à la fortune de Thiers, à sa carrière politique rapide, voire à sa réception à l’Académie française où il est donc « arrivé » en 1834. À ce propos, le jugement d’Hugo sur le style de Thiers est aussi dur pour lui que pour son public : « Thiers est un portier écrivain qui a trouvé des portiers lecteurs. »

« L’Pèr’ Lapoir’, ce grand citoyen,
Dit qu’il ne veut que notre bien […]
L’Pèr’ Lapoir’ se dit libéral,
C’est une farce de carnaval.
Ah ! ah ! ah ! oui vraiment
L’pèr’ Lapoir est bon enfant. »2087

Le Père Lapoire, chanson. Les Républicaines : chansons populaires des révolutions de 1789, 1792 et 1830 (1848), Pagnerre

Chansons et caricature de presse harcèlent toujours le roi Louis-Philippe, l’opposition se traduit par des attentats, les répressions suivent, souvent brutales, d’où l’impopularité croissante du pouvoir.

Après le massacre de la rue Transnonain en avril 1834 et l’attentat Fieschi de juillet 1835, il y aura encore l’attentat de Louis Alibaud, républicain qui tire et rate le roi sortant des Tuileries, le 26 juin 1836 (il sera exécuté) ; puis le premier complot de Louis-Napoléon Bonaparte qui soulève un régiment d’artillerie à Strasbourg, fin octobre (il sera embarqué outre-Atlantique) ; enfin le coup de pistolet de Meunier (gracié par Louis-Philippe).

« Enfin il est mort en homme qui sait vivre. »2096

Mot d’une dame de la vieille cour à la mort de Talleyrand (17 mai 1838). Monsieur de Talleyrand (1870), Charles-Augustin Sainte-Beuve

Charles Maurice de Talleyrand-Périgord mourut à 84 ans, en désavouant ses irrégularités religieuses.

Comme dira de lui le diplomate Jules Cambon mort en 1935 à 90 ans et ayant lui aussi traversé quelques régimes et nombre de crises dans l’histoire de France : « S’il a, au cours de sa vie, souvent changé de parti, il n’a jamais changé d’opinion. » On peut aussi lui reconnaître une forme de fidélité à la France et à ses intérêts tels qu’il les concevait, se trompant en cela moins souvent que la plupart de ses contemporains.

« Ne me parlez pas des poètes qui parlent de politique ! »2113

LOUIS-PHILIPPE (1773-1850). Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

Directement visé, Lamartine ! Le roi est d’autant plus irrité par son opposition et sa popularité grandissante qu’il semble, avec l’âge, prendre goût au pouvoir et vouloir non plus seulement régner, mais gouverner.

« Enrichissez-vous. »2114

François GUIZOT (1787-1874), Chambre des députés, 1er mars 1843. Histoire parlementaire de France : recueil complet des discours prononcés dans les Chambres de 1819 à 1848 (1864), François Guizot

Rappelons le contexte trop souvent ignoré. Guizot répond aux attaques de l’opposition : « Fondez votre gouvernement, affermissez vos institutions, éclairez-vous, enrichissez-vous, améliorez la condition morale et matérielle de notre France. » Il reprend le mot lors d’un banquet de compagne, la même année : « Enrichissez-vous par le travail, par l’épargne et la probité, et vous deviendrez électeurs. » (Le droit de vote était conditionné par un seuil d’imposition, le cens.)

Louis-Philippe approuve les idées de son ministre : « C’est ma bouche » dit-il.

Ministre des Affaires étrangères et pratiquement chef du gouvernement, le mot de Guizot est souvent cité pour condamner ses conceptions politiques et résumer l’esprit égoïstement bourgeois de la Monarchie de Juillet. C’est l’exemple type de désinformation par utilisation d’une citation tronquée.

« La sincère amitié qui m’unit à la reine de la Grande-Bretagne et la cordiale entente qui existe entre mon gouvernement et le sien me confirment dans cette confiance. »2115

LOUIS-PHILIPPE (1773-1850), Discours du trône, 27 décembre 1843. Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps (1858-1867), François Guizot

Les mots de « cordiale entente » font leur entrée dans l’histoire des relations franco-anglaises. Qui l’eut pensé il y a quelques siècles avec la fameuse Guerre de Cent Ans, ou même quelques décennies : de 1688 à 1815, soit en cent vingt-sept ans, la France soutint contre l’Angleterre sept grandes guerres qui durent en tout soixante ans : les historiens parleront de la « seconde guerre de Cent Ans ».

Mais le Roi des barricades doit se faire accepter des cours européennes, l’Angleterre est la grande puissance mondiale du XIXe siècle et l’alliance avec elle est indispensable, malgré une certaine anglophobie que l’opposition sait parfois exploiter (affaire Pritchard). Talleyrand notre plus grand diplomate a soutenu cette idée d’entente cordiale contre Napoléon, sans être entendu. Louis-Philippe l’a approuvé et Guizot, dès 1841, encouragea cette politique d’entente cordiale qui ne dit pas encore son nom.

2 septembre 1843, la reine Victoria a visité Paris. Louis-Philippe lui rendra la politesse à Londres, en octobre 1844, et replacera la formule : « La France ne demande rien à l’Angleterre. L’Angleterre ne demande rien à la France. Nous ne voulons que l’Entente cordiale. »

« Le roi est arrivé à cet âge où l’on n’accepte plus les observations […] mais où les forces manquent pour prendre une résolution virile. »2123

Prince de JOINVILLE (1818-1900), Lettre au duc d’Aumale, 7 novembre 1847. Histoire de la Monarchie de Juillet, volume VII (1904), Paul Marie Pierre Thureau-Dangin

François d’Orléans, prince de Joinville et troisième fils du roi, écrit à son frère Henri d’Orléans, duc d’Aumale et quatrième fils. Louis-Philippe a 74 ans. Il semble ne faire confiance qu’à Guizot dont le conservatisme confine à l’immobilisme et déplaît même aux conservateurs. La fin du règne approche, inévitable.

« Fils de Saint Louis, montez en fiacre. »2134

Mot célèbre et anonyme. Dictionnaire des citations françaises et étrangères, Larousse

Devant le château des Tuileries, le roi s’apprête à monter en voiture. Un homme du peuple lui aurait ouvert la porte et lancé ce mot par dérision. Paraphrase du « Fils de Saint Louis, montez au ciel », derniers mots de l’abbé Edgeworth de Firmont, confesseur de Louis XVI au roi montant sur l’échafaud en 1793.

Autre version (Revue des annales) : « Fils d’Égalité, montez en fiacre » par référence à son père, Louis Philippe d’Orléans qui prit le nom de Philippe Égalité en 1792, devenant député à la Convention, votant la mort du roi Louis XVI (son cousin) pour finir lui-même guillotiné en 1793.

Louis-Philippe ne part que pour l’exil, en Angleterre où il mourra deux ans plus tard. Un règne de dix-huit ans s’achève, celui d’un roi bourgeois dans une France bourgeoise, « Roi des barricades » entre deux révolutions, l’une de trois jours qui l’a fait roi-citoyen d’une monarchie constitutionnelle et l’autre beaucoup plus chaotique et sanglante, pour accoucher d’une république qui aboutira au Second Empire de Napoléon III. La France aura vraiment testé tous les régimes déclinés en différentes versions.

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