Qui a dit quoi de Qui ? (Révolution) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

 

Un personnage parle d’un autre personnage.
Exemple type : « Un fou a dit « Moi, la France » et personne n’a ri parce que c’était vrai. » François Mauriac évoquant de Gaulle en juin 1940.

Le premier « qui » est quelquefois le peuple (acteur anonyme) s’exprimant en chanson, pamphlet, slogan, épitaphe. Le second « qui » peut être un groupe, une assemblée, une armée à qui le discours est destiné.
Si les deux « qui » sont identiques, c’est un autoportrait, une profession de foi politique, parfois une devise.
Les lettres (Correspondance) et Mémoires (sous diverses formes) sont des sources précieuses, les « mots de la fin » livrent une ultime vérité sur l’auteur.

Dans ce défilé de Noms plus ou moins connus ou célèbres, le ton passe de l’humour à la cruauté avec ces citations référentielles ou anecdotiques, mais historiquement toujours significatives.
« Qui a dit quoi de Qui » est une version résumée en 12 éditos de notre Histoire en citations – « quand, comment et pourquoi » donnant l’indispensable contexte.

Ça peut aussi devenir un jeu : « Qui a dit quoi de Qui ». À vous de voir.

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5. Révolution.

« De la première page à la dernière, elle n’a qu’un héros : le peuple. »1273

Jules MICHELET (1798-1874), Le Peuple (1846)

L’historien préféré des Français parle naturellement de la Révolution française (1789-1795).

Fils d’un imprimeur ruiné par le régime de la presse sous le Consulat et l’Empire, Michelet connaît la misère dans sa jeunesse et en garde un profond amour du peuple. Écrivain engagé dans les luttes de son temps riche en révolutions d’un autre style, manifestant contre la misère des ouvriers, il composera dans l’enthousiasme son Histoire de la Révolution française : dix ans et sept volumes pour une œuvre inspirée, remarquablement documentée.

« Il a été permis de craindre que la Révolution, comme Saturne, dévorât successivement tous ses enfants » dit Vergniaud cité par Lamartine dans son Histoire des Girondins (1847). Son destin illustre parfaitement ses mots : avocat (comme nombre de révolutionnaires), député sous la Législative, prenant parti contre les émigrés, contre les prêtres réfractaires, Vergniaud est ensuite considéré comme trop modéré face à Robespierre et aux Montagnards. Il fera partie des Girondins guillotinés, fin octobre 1793. D’autres charrettes d’ « enfants » de la Révolution suivront : les Enragés (hébertistes) trop enragés, les Indulgents (dantonistes) trop indulgents, les robespierristes enfin, trop terroristes. Seul de tous les principaux révolutionnaires, Mirabeau mourra dans son lit.

Portrait des quatre principaux révolutionnaires

« Ton neveu est laid comme celui de Satan. »1290

Victor Riqueti, marquis de MIRABEAU (1715-1789), Lettre à son frère. Les Mirabeau : Nouvelles études sur la société française au XVIIIe siècle (1889), Louis de Loménie

Mirabeau père fait cet aveu à l’oncle de Mirabeau qui va lancer la Révolution le 23 juin 1789 d’un mot fameux : « Allez dire à votre maître… » Physiocrate connu et surnommé l’ami des hommes, ce père déteste son fils, à vrai dire très mauvais sujet. Il le force à entrer dans l’armée, puis multiplie procès et lettres de cachet pour le faire enfermer, exiler. La Révolution va être la chance de sa vie.

« On ne connaît pas la toute-puissance de ma laideur. Quand je secoue ma terrible hure, il n’y a personne qui osât m’interrompre. »1291

MIRABEAU (1749-1791). Mirabeau (1891), Edmond Rousse

C’est le premier de la « bande des quatre » révolutionnaires – et le moins révolutionnaire aussi, en tant que monarchiste.

Son physique impressionne tous les contemporains. Il en joue, il trouve belle cette laideur, avec ses traits marqués, criblés de petite vérole. Il soigne sa toilette, porte une énorme chevelure artistement arrangée qui grossit encore le volume de sa tête. Il se place volontiers face au miroir, se regarde parler, équarrit ses épaules. Il cultive son personnage. La puissance du verbe et la solidité de la pensée servent également le tribun.

« La nature semblait avoir moulé sa tête pour l’Empire ou pour le gibet, taillé ses bras pour étreindre une nation ou pour enlever une femme. »1292

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Mirabeau connut la gloire et évita le gibet – il meurt dans son lit, épuisé par une vie d’excès. Il souleva le peuple par ses talents d’orateur et multiplia les conquêtes féminines. Et Chateaubriand, premier grand romantique (avant Hugo), a toujours les mots pour dire l’essentiel.

« Avec un tempérament de boucher, il a un cœur d’homme […] Avec les emportements d’un clubiste, il a la lucidité d’un politique. »1296

Hippolyte TAINE (1828-1893), Les Origines de la France contemporaine, tome III, La Révolution : la conquête jacobine (1881)

L’historien positiviste se veut ici dantoniste et précise le portrait du personnage majeur de la Révolution (avec Robespierre) : « Il n’est pas dupe des phrases ronflantes qu’il débite, il sait ce que valent les coquins qu’il emploie ; il n’a d’illusion ni sur les hommes, ni sur les choses, ni sur autrui, ni sur lui-même. »

« Tes formes robustes semblaient déguiser la faiblesse de tes conseils. »1297

SAINT-JUST (1767-1794), réquisitoire contre Danton. Œuvres de Saint-Just, représentant du peuple à la Convention nationale (posthume, 1834)

En tant que frère en Révolution de Robespierre, le très jeune député accuse : « Dans le même temps, tu te déclarais pour des principes modérés… » Après son rôle de premier plan dans les massacres de septembre (1792), la création du Tribunal révolutionnaire et du Comité de salut public, Danton prendra ses distances avec cette Révolution déchaînée – il a aussi des raisons personnelles. Il fait donc figure d’ « indulgent » aux yeux de Robespierre et de Saint-Just : un crime sous la Terreur et il en mourra sur l’échafaud, avec ses amis dantonistes.

« L’audace sur le front, le rire de la débauche sur les lèvres, la férocité de son visage dénonce celle de son cœur ; il emprunte inutilement de Bacchus une apparente bonhomie et la jovialité des festins ; l’emportement de ses discours, la violence de ses gestes, la bestialité de ses jurements le trahissent. »1298

Mme ROLAND (1754-1793), Mémoires (posthume)

Ce texte écrit dans la prison de l’Abbaye en 1793 comporte une part de vérité. Mais Mme Roland déteste viscéralement Danton, l’ennemi politique de son mari et de tous les Girondins emprisonnés en attendant la mort.

« Le brigand qui persécute, l’homme exalté qui injurie, le peuple trompé qui assassine suivent leur instinct et font leur métier. Mais l’homme en place qui les tolère, sous quelque prétexte que ce soit, est à jamais déshonoré ! »1513

Mme ROLAND (1754-1793), Lettre au ministre de l’Intérieur, 20 juin 1793, prison de l’Abbaye. Lettres de Madame Roland de 1780 à 1793 (1902), publiées par Claude Perroud

L’homme en place est Danton, président de la Convention et membre influent du Comité de salut public. Le ministre s’appelle Garat, il a remplacé Roland, son mari. Elle le connaît et le juge ainsi : « aimable homme de société, homme de lettres médiocre et détestable administrateur ». Il l’a laissé arrêter et emprisonner à l’Abbaye. Jean-Marie Roland a réussi à fuir avec quelques Girondins.

« Ce fanatique énergumène nous inspirait à nous-mêmes une sorte de répugnance et de stupeur […] Ses vêtements en désordre, sa figure livide, ses yeux hagards avaient je ne sais quoi de rebutant et d’épouvantable qui contristait l’âme. »1302

LEVASSEUR de la Sarthe (1747-1834). Mémoires de R. Levasseur de la Sarthe, ex-conventionnel (1829), René Levasseur, Francis Levasseur

Témoignage d’un montagnard robespierriste parlant de Marat : « Lorsqu’on me le montra pour la première fois, s’agitant avec violence au sommet de la Montagne, je le considérai avec cette curiosité inquiète qu’on éprouve en contemplant certains insectes hideux. »

À l’inverse de Mirabeau ou de Danton, Marat est affligé d’une laideur irrémédiablement repoussante causée par une dermatose chronique – qui l’oblige à passer des heures dans son bain. C’est là qu’il sera surpris et assassiné par Charlotte Corday.

« L’aigle marche toujours seul, le dindon fait troupe ! »1303

MARAT (1743-1793) en réponse à Fréron et Desmoulins, septembre 1789. Le Petit Livre de la Révolution française (1989), Jean Vincent

C’est un solitaire et il ne supporte pas la moindre objection. 12 septembre 1789, quand il crée son journal l’Ami du peuple, il refuse en ces termes aux deux journalistes révolutionnaires de participer à la rédaction.

La phrase explique aussi pourquoi cet éternel aigri qui se pose en « ami du peuple » n’a pas d’ami. Marat est tout à la fois le grand malade, le grand persécuté, le grand visionnaire de son temps. Il se pose comme « le seul homme à avoir vu clair », l’éternel prophète de malheur.

« J’ai deux passions dominantes qui, dès mon enfance, maîtrisent toutes les puissances de mon être : l’amour de la justice et l’amour de la gloire. »1304

MARAT (1743-1793). Histoire politique et littéraire de la presse en France (1860), Eugène Hatin

Côté gloire, l’Ancien Régime lui fit une petite réputation de scientifique auprès de Goethe et de Franklin. Mais c’est la Révolution qui lui apporte la gloire, en faisant l’idole du peuple dès 1789 et les premiers numéros de son journal, L’Ami du peuple. Quant à la justice, il écrit sur sa réforme un Plan de législation criminelle dès 1780. Certains historiens verront en lui le précurseur du socialisme (Jaurès) ou du gauchisme (Mathiez).

« Cet homme ira loin car il croit tout ce qu’il dit. »1306

MIRABEAU (1749-1791), Mémoires biographiques, littéraires et politiques de Mirabeau (posthume)

Mirabeau, dit « la torche de Provence », parle ainsi en 1789 du dernier grand révolutionnaire, Robespierre pourtant surnommé à ses débuts « la chandelle d’Arras » : bien qu’avocat, ce député du tiers état manque d’éloquence à la tribune de la Constituante. Mais pour la conviction, il ne craint déjà personne et sera un jour craint de tous ses adversaires, peu à peu éliminés.

Rousseau est son philosophe de chevet : il emprunte au Contrat social ce qui sera, selon Jaurès, sa seule idée, celle de la nation souveraine.

« Il aurait payé pour qu’on lui offrît de l’or, pour pouvoir dire qu’il l’avait refusé. »1308

Pierre Louis ROEDERER (1754-1835). Œuvres du comte P. L. Roederer : histoire contemporaine, 1789-1815 (1854), Pierre Louis Roederer

Ce député aux États généraux de 1789 n’apprécie pas vraiment l’Incorruptible avec ses mœurs au-dessus de tout soupçon et cette vertu érigée en système qu’il voudra imposer à tous.

« Le Ciel qui me donna une âme passionnée pour la liberté m’appelle peut-être à tracer de mon sang la route qui doit conduire mon pays au bonheur. J’accepte avec transport cette douce et glorieuse destinée. »1309

ROBESPIERRE (1758-1794). Réponse de M. Robespierre aux discours de MM. Brissot et Guadet du 23 avril 1792, prononcée à la Société des Amis de la Constitution le 27 du même mois, et imprimée par ordre de la Société (27 avril 1792)

Il lui reste deux ans à vivre : deux ans pour éliminer les factions et les factieux, deux ans pour marquer à jamais la Révolution de son empreinte en instaurant la Terreur.

« Une idée absolue de perfection, de pureté, ne peut être qu’une erreur politique. »1310

ROBESPIERRE (1758-1794). Encyclopædia Universalis, article « Maximilien de Robespierre »

La phrase est bien signée de lui, mais datée de 1788 !

Le jeune avocat poudré se fait d’abord une réputation de lettré, de bel esprit dans les salons. Il entre à l’académie d’Arras, recherche la notoriété, les prix des académies provinciales. Mais la réussite est imparfaite, les lauriers rares ; les confrères parvenus font peser une lourde tutelle sur les jeunes. Il s’en indigne. Le climat est à la contestation à la veille de la Révolution, pourtant Robespierre se limite à des vues réformistes et place ses espérances en Necker.

En 1789, il est monarchiste constitutionnel (comme Mirabeau et la majorité des hommes politiques) et ne deviendra républicain qu’après le 20 juin 1792. Et à la veille du procès de Louis XVI, il dira : « J’abhorre la peine de mort prodiguée par vos lois. » La suite des événements apportera un démenti sanglant.

« Nous sommes intraitables, comme la vérité, inflexibles, uniformes, j’ai presque dit insupportables comme les principes. »1311

ROBESPIERRE (1758-1794), Discours du 5 février 1794. Œuvres de Maximilien Robespierre (posthume, 1834), Discours

L’homme et le langage ont changé. Voilà le dictateur détenteur de la vérité, le personnage dont l’histoire gardera le souvenir, inexorablement associé à la Terreur.

Au fil de la chronique et en un quinquennat révolutionnaire jusqu’au coup d’état de Thermidor (juillet 1794), nous allons voir tous les personnages en action comme jamais avant ni après, dans notre Histoire.

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Chronique de la Révolution (1789-1795)

« Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes. »1320

MIRABEAU (1749-1791), au marquis de Dreux-Brézé, salle du Jeu de paume, 23 juin 1789. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

Réponse au grand maître des cérémonies envoyé par Louis XVI pour faire évacuer la salle du Jeu de paume, suite au Serment du 20 juin de ne pas se séparer avant le vote de la Constitution.

Le comte de Mirabeau, renié par son ordre et élu par le tiers état, se révèle dès les premières séances de l’Assemblée : « Mirabeau attirait tous les regards. Tout le monde pressentait en lui la grande voix de la France » écrira Michelet. Hugo renchérit en dramaturge admiratif : « ‘Allez dire à votre maître…’ Votre maître ! c‘est le roi de France devenu étranger. C’est toute une frontière tracée entre le trône et le peuple. C’est la révolution qui laisse échapper son cri. Personne ne l’eut osé avant Mirabeau. Il n’appartient qu’aux grands hommes de prononcer les mots décisifs des grandes époques. »

« Votre Majesté perd l’homme du monde qui lui était le plus tendrement dévoué. »1327

Jacques NECKER (1732-1804), Lettre à Louis XVI, 11 juillet 1789. Œuvres complètes de M. Necker (1820)

Le roi, par lettre, invite son directeur général des Finances à « sortir momentanément du royaume ». Exiler ce financier sage et honnête, l’un des hommes les plus populaires du royaume, est une erreur grave.

Le renvoi de Necker est connu le 12 juillet au matin. Le peuple s’amasse au Palais-Royal. Camille Desmoulins, surnommé le « Cicéron bègue » par Chateaubriand et oubliant soudain son handicap, sort du café de Foy établi sous les galeries, saute sur une chaise, brandit son épée d’une main, un pistolet dans l’autre, et crie : « Aux armes ! » Il improvise son premier discours : « Necker est chassé ; c’est le tocsin d’une Saint-Barthélemy de patriotes. Ce soir même tous les bataillons suisses et allemands sortiront du Champ de Mars pour nous égorger. Une ressource nous reste, c’est de courir aux armes ! » Des milliers de voix hurlent : « Aux armes ! » Les manifestations ne vont plus cesser dans les rues : la Révolution est en marche.

« Nous sommes le premier de tous les Français qui écrivîmes contre la Révolution avant la prise de la Bastille. »1328

RIVAROL (1753-1801), Pensées inédites de Rivarol (posthume, 1836)

Monarchiste comme beaucoup et rare humoriste de l’époque, c’est un homme d’ordre qui aurait pu écrire : « Oui à la Constitution, non à la chienlit. »

Notons que la première pièce mettant en scène la prise de la Bastille est un vaudeville en un acte et en prose de Pellet-Desbarreaux, Le Champ de Mars ou la Régénération de la France, joué dans la région de Toulouse en août 1789. Certaines sources situent même la création en mars : ce serait de la politique-fiction.

« Nous ne manquerons plus de pain ! Nous ramenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron. »1356

Cri et chant de victoire des femmes du peuple ramenant le roi, la reine et le dauphin, sur le chemin de Versailles à Paris, 6 octobre 1789. Histoire de la Révolution française (1847), Louis Blanc

La parole est au peuple et c’est l’épilogue des journées révolutionnaires du 5 et 6 octobre. 6 000 à 7 000 femmes venues la veille de Paris crient aujourd’hui victoire : le roi a promis le pain aux Parisiens. « Père du peuple », il doit assurer la subsistance et le pain tient une grande part dans le budget des petites gens, d’où l’expression : boulanger, boulangère, petit mitron.

« Tant que les femmes ne s’en mêlent pas, il n’y a pas de véritable révolution » écrit Choderlos de Laclos en 1783 dans L’Éducation des femmes. Cela dit, la très symbolique marche des femmes est encadrée au départ par des meneurs qui ont participé à la prise de la Bastille, trois mois plus tôt. On a vu des hommes armés de piques et de fourches et certains travestis en femmes, trahis par leur voix.

Le soir, à 20 heures, le maire de Paris accueille le carrosse royal sous les vivats et les bravos du peuple. Quand Louis XVI peut enfin s’installer aux Tuileries, il n’imagine pas qu’il est désormais prisonnier du peuple parisien. Mais d’autres sont plus lucides.

« Je ne serai jamais la dénonciatrice de mes sujets : j’ai tout vu, tout su, tout oublié ! »1359

MARIE-ANTOINETTE (1755-1793). Les Grands Procès de l’histoire (1924), Me Henri-Robert

Telle est l’attitude très digne de la reine, alors qu’on tente de faire la lumière sur les désordres au cours des deux journées d’octobre.

Une procédure est instruite contre les fauteurs de l’insurrection par le Châtelet (tribunal de justice et également prison). Elle inculpe le duc d’Orléans (cousin du roi, premier prince du sang aux ambitions royales, futur Philippe Égalité) et son secrétaire Choderlos de Laclos (qui a envoyé sa maîtresse dans le cortège des femmes marchant sur Versailles). Les deux hommes s’enfuient à Londres et ne reviendront en France que lors de la Fédération, en juillet 1790. Mirabeau, très lié avec la « faction Orléans », a certainement joué un rôle dans ces événements.

« Il ne se fait payer que dans le sens de ses convictions. »1363

LA FAYETTE (1757-1834) parlant de Mirabeau qui offre ses services au roi et à la reine, en mars 1790. Encyclopédie Larousse, article « Mirabeau (Honoré Gabriel Riqueti, comte de) »

« Mirabeau est vendu » disent ses adversaires. La Fayette est plus fair-play : la vénalité de Mirabeau ne se discute même pas, mais il s’en tient toujours à ses idées (monarchistes).

Mirabeau tente de faire prendre à la Révolution un tournant à droite pour sauver la monarchie et manœuvre en secret. Il va offrir ses services au roi et à la reine – ou plus exactement, les vendre très cher, l’homme étant toujours couvert de dettes. Ses intrigues contrarient le jeu et les ambitions personnelles de La Fayette qui l’a eu un temps comme allié.

« Le roi n’a qu’un homme, c’est sa femme. »1367

MIRABEAU (1749-1791). Marie-Antoinette, Correspondance, 1770-1793 (2005), Évelyne Lever

Ou encore, selon d’autres sources : « Le roi n’a qu’un seul homme, c’est la reine. » C’est fort bien juger Louis XVI et Marie-Antoinette. Vérité connue de tous, éprouvée par Mirabeau devenu le conseiller secret de la couronne : il essaie donc de convaincre la reine avant le roi dont la faiblesse, les hésitations, les retournements découragent les plus fervents défenseurs.

« Mon ami, j’emporte avec moi les derniers lambeaux de la monarchie. »1384

MIRABEAU (1749-1791), à Talleyrand, fin mars 1791. Son « mot de la fin politique ». Souvenirs sur Mirabeau et sur les deux premières assemblées législatives (1832), Pierre Étienne Lous Dumont

Talleyrand est venu voir le malade à la veille de sa mort (2 avril 1791). Certains députés, connaissant son double jeu et son double langage entre le roi et l’Assemblée, l’accusent de trahison – le fait ne sera prouvé qu’en novembre 1792, quand la fameuse armoire de fer où le roi cache ses papiers compromettants révélera ses secrets.

Mirabeau, l’Orateur du peuple, la Torche de la Provence, fut le premier personnage marquant de la Révolution. Le peuple prend le deuil de son grand homme qui a droit aux funérailles nationales et (provisoirement) au Panthéon.

Rivarol rectifie l’image : « Mirabeau (le comte de). – Ce grand homme a senti de bonne heure que la moindre vertu pouvait l’arrêter sur le chemin de la gloire, et jusqu’à ce jour, il ne s’en est permis aucune. » Dans le même esprit, rappelons cet autre mot : « Mirabeau est capable de tout pour de l’argent, même d’une bonne action » (Petit Dictionnaire des grands hommes de la Révolution, publié en 1790).

La monarchie n’en perd pas moins son meilleur soutien et personne ne peut plus sauver le régime. Louis XVI prépare sa fuite (direction Varennes), avec la reine et quelques complices.

« Maman, est-ce qu’hier n’est pas fini ? »1388

Le dauphin LOUIS, futur « LOUIS XVII » (1785-1795), à Marie-Antoinette, fin juin 1791. Bibliographie moderne ou Galerie historique, civile, militaire, politique, littéraire et judiciaire (1816), Étienne Psaume

Un joli mot de l’enfant qui mourra quatre ans plus tard à la prison du Temple.

L’épreuve de la fuite à Varennes blanchit (dit-on) les cheveux de la reine : de blond cendré, ils devinrent « comme ceux d’une vieille femme de soixante-dix ans ». Marie-Antoinette a sans aucun doute une part de responsabilité dans ce projet d’évasion mal préparé. Elle dit un jour à son amant Fersen : « Je porte malheur à tous ceux que j’aime. »

« Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute. »1395

TOUSSAINT LOUVERTURE (1743-1803). Toussaint Louverture (1850), Alphonse de Lamartine. Ainsi parle le héros de ce poème dramatique en cinq actes et en vers

La nuit du 22 au 23 août 1791, François Toussaint prend la tête de la révolte des Noirs à Saint-Domingue, colonie des Antilles (île d’Haïti). Restés esclaves après le timide décret du 13 mai, ils veulent les mêmes droits que les citoyens blancs. À l’opposé, les colons s’effraient du droit de vote donné aux mulâtres. L’insurrection aboutit à des massacres entre Blancs et Noirs, sucreries et plantations de café sont dévastées.

Les planteurs vont demander secours à l’Espagne et l’Angleterre, mais Toussaint se rallie à la Révolution quand le gouvernement français abolit l’esclavage, en 1794.

Son courage lui vaudra le surnom de Louverture, celui qui ouvre et enfonce les brèches dans les troupes adverses ! Il devient gouverneur de la colonie prospère, les anciens esclaves travaillant comme salariés dans les plantations. Il proclame l’autonomie de l’île en 1801. Bonaparte enverra 25 000 hommes contre Toussaint qui mourra (de froid) en captif, dans le Jura. L’indépendance d’Haïti, premier État noir indépendant en 1804, est la victoire posthume de ce grand leader noir. Et le 23 août est devenu « Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition ».

« La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune. »1397

Olympe de GOUGES (1755-1793), Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, septembre 1791. Le XIXe siècle et la Révolution française (1992), Maurice Agulhon

Aucune citation ne peut mieux définir sa vie, sa mort et son action. Le préambule du texte est dédié à la reine. Cette féministe, l’une des premières de l’histoire, sera guillotinée en 1793 après bien d’autres provocations.

Elle plaide pour l’égalité entre les sexes, ce qui inclut le droit de vote et l’éligibilité (permettant de monter à la tribune en tant que député). Mais c’est impossible aussi longtemps que la femme est considérée comme juridiquement mineure, soumise au père ou à l’époux. Les femmes seront finalement la « minorité » la plus durablement brimée dans l’Histoire. Quelques-unes vont s’illustrer, héroïnes et souvent martyres, dans la suite de la Révolution.

Notons qu’Olympe de Gouges se bat aussi pour la cause des Noirs et l’abolition de l’esclavage – sa panthéonisation est toujours en projet.

« Je fais assez ce que tout le monde désire pour qu’on fasse une fois ce que je veux ! »1406

LOUIS XVI (1754-1793), 19 décembre 1791. Louis XVI, Marie-Antoinette et Madame Élisabeth : lettres et documents inédits (1866), publiés par Félix Feuillet de Conches

Soudain, une manifestation de caractère et une correction au portrait convenu. Le roi use de son veto suspensif et refuse de sanctionner le décret contre les prêtres réfractaires : dans les huit jours, et sous peine de prison, ils doivent prêter serment à la Constitution civile du clergé (votée le 12 juillet 1790). La moitié des curés et tous les évêques (sauf quatre, dont Talleyrand) ont rejeté cette réforme de l’Église. Les autres, dits jureurs, assermentés ou constitutionnels, sont devenus des fonctionnaires ecclésiastiques.

Louis XVI est profondément croyant et la Révolution le choque par ses atteintes à l’autorité de l’Église, plus encore que par les limitations au pouvoir royal. L’assemblée s’incline devant son refus, car le roi est dans son droit. Mais le peuple dénonce « Monsieur Veto ». Le roi ne va plus jouer le jeu de cette monarchie constitutionnelle qui le contrarie en tout au nom de la loi et de la volonté nationale, alors que ce régime de compromis voulu par des modérés déplaît aux révolutionnaires radicaux.

Face à cette contradiction, la Législative (deuxième Assemblée nationale) ne vivra qu’un an et la situation devient explosive.

« Je suis du peuple, je n’ai jamais été que de là, je ne veux être que cela ; je méprise quiconque a la prétention d’être quelque chose de plus. »1407

ROBESPIERRE (1758-1794), Discours aux Jacobins, 2 janvier 1792. Œuvres de Maximilien Robespierre (posthume, 1834)

Autoportrait soudain affirmé. Plutôt discret sous la Constituante, absent de la Législative où il ne pouvait être réélu député, Robespierre va se révéler l’un des grands meneurs d’une révolution à mi-parcours.

C’est d’abord au club des Jacobins qu’il s’exprime, une tribune qui convient mieux à cet avocat introverti, solitaire, émotif, hypersensible. Il dit aussi : « L’amour de la justice, de l’humanité, de la liberté, est une passion comme une autre ; quand elle est dominante, on lui sacrifie tout. » L’homme est parfaitement sincère – une qualité qu’on ne peut lui dénier.

« On se défendra, Monsieur, et tant qu’il restera en France un pouce de terrain libre, et un homme pour le disputer, c’est là que vous me trouverez. »1414

LA FAYETTE (1757-1834), Lettre autographe à Dumouriez, 29 mai 1792. La Révolution française [exposition], janvier-mars MCMXXVIII (1928), Bibliothèque nationale (France)

Il (se) pose toujours en héros, le seul rôle qui lui plaît.

La France a déclaré la guerre le 20 avril 1792 au « roi de Bohême et de Hongrie » : le nouvel empereur d’Autriche François II, 24 ans, neveu de Marie-Antoinette, exige le rétablissement des droits féodaux en Alsace et l’abolition du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Casus belli pour la France révolutionnaire. François II devenu à la mort de son père empereur du Saint Empire romain germanique ne fait que défendre les droits des « princes possessionnés » d’Alsace. Il va vivre une guerre de vingt-trois ans avec la France, sous le signe de la Révolution, puis de Napoléon.

Il y a divergence sur la conduite des opérations militaires : La Fayette, commandant de l’armée du Centre (puis du Nord) est partisan d’une guerre énergique, à l’inverse de Dumouriez, ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement girondin depuis le 10 mars. Il existe aussi un dissentiment politique : La Fayette, partisan d’une monarchie libérale, a quitté le club des Jacobins (où reste Dumouriez) pour le club des Feuillants (les modérés).

« Le tocsin qui sonne n’est point un signal d’alarme, c’est la charge contre les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, Messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée. »1428

DANTON (1759-1794), Législative, 2 septembre 1792. Discours de Danton, édition critique (1910), André Fribourg

« De l’audace… » La fin du discours est célébrissime et propre à galvaniser le peuple et ses élus, conformément à la définition d’Hugo : « Danton fut l’action dont Mirabeau avait été la parole » (Quatre-vingt-treize).

Ce 2 septembre, la patrie est plus que jamais en danger. La Fayette accusé de trahison est passé à l’ennemi. Le général Dumouriez qui a démissionné de son poste de ministre l’a remplacé à la tête de l’armée du Nord, mais ne parvient pas à établir la jonction avec Kellermann à Metz… et Verdun vient de capituler, après seulement deux jours de siège : les Prussiens sont accueillis avec des fleurs par la population royaliste. C’est dire l’émotion chez les révolutionnaires à Paris !

La rumeur court d’un complot des prisonniers prêts à massacrer les patriotes à l’arrivée des Austro-Prussiens qui serait imminente. On arrête 600 suspects qui rejoignent 2 000 détenus en prison. Les massacres de septembre seront imputés à Danton qui laissa faire.

« De ce jour et de ce lieu date une ère nouvelle de l’histoire du monde et vous pourrez dire : j’y étais. »1435

GOETHE (1749-1832), Aus meinem Lebe : Dichtung und Warheit - De ma vie : Poésie et Vérité (1811-1833), autobiographie

« Von hier und heute geht eine neue Epoche der Weltgeschischte aus, und ihr koennt sagen ihr seid dabei gewesen. » Le plus grand écrivain allemand est présent à la bataille de Valmy (commune de la Marne), côté Prussiens. Conscient de vivre un événement majeur, il parle à la postérité et se pose en grand témoin de l’Histoire.

La retraite des troupes du duc de Brunswick, supérieures en nombre, reste à jamais une énigme. Il aurait dit : « Nous ne combattrons pas ici. »

« Nous avons le droit de dire aux peuples : vous n’aurez plus de rois. »1444

DANTON (1759-1794), Convention, 28 septembre 1792. L’Invention de la guerre totale : XVIIe XXe siècles (2004), Jean-Yves Guiomar

Belle phrase « à la Danton », superbe idée révolutionnaire lancée à la tribune. L’orateur ajoute pour être plus clair encore que « la Convention doit être un comité d’insurrection générale contre tous les rois de l’univers », ce qui suscite quelques murmures dans l’assemblée. Cela fait, ne serait-ce qu’en Europe, beaucoup d’ennemis en puissance aux nouveaux maîtres de la France.

Dès que la République est proclamée, la guerre de défense va se transformer en guerre d’idéologie et bientôt de conquête. Ce qui provoquera la riposte des rois et empereurs voisins, coalisés contre la France. Avec le recul de l’histoire, on a pu dire que cette Révolution, forte de ses bonnes intentions, inventa la « guerre totale » visant la destruction complète de l’ennemi avec recours à la mobilisation en masse, entraînant le peuple dans une spirale infernale.

« Je vous dénonce un homme qui ne cesse de tapisser les murs de ses productions incendiaires […] Un homme « en état de démence ». »1448

Michel Mathieu LECOINTE-PUYRAVEAU (1764-1827), 4 octobre 1792. Histoire de la Terreur, 1792-1794, d’après des documents authentiques et inédits (1868), Mortimer Ternaux

C’est Marat qu’il accuse. Deux jours après avoir été réélu député, ce conventionnel girondin rappelle la responsabilité de l’élu de Paris dans les massacres de septembre 1792 et la menace des Montagnards pesant sur les Girondins (ou Brissotins) : « Un de ces hommes qui faisait annoncer le soir même de la dénonciation du Comité de surveillance de la Commune par ses crieurs à gage qu’un grand complot de la faction brissotine venait d’être découvert […] Citoyens, tout homme qui dénonce un fait doit en apporter la preuve. Et lorsqu’on a élevé sur des citoyens irréprochables le poignard de l’accusation, il n’est plus temps de dire : attendez, je vais chercher les preuves ; et si j’en trouve, je vous les donnerai, quand je le trouverai bon. »

Marat va se faire détester de tous ses confrères, jusqu’à être mis en état d’arrestation par la Convention (avril 1793). Lecointe-Puyraveau sera un Girondin militant et très présent, sauf sous la Terreur où il réussira à sauver sa tête.

« Louis, le peuple français vous accuse d’avoir commis une multitude de crimes pour établir la tyrannie en détruisant la liberté. »1464

Acte d’accusation de Louis XVI, Convention, 11 décembre 1792. Archives parlementaires de 1787 à 1860 (1899), Assemblée nationale

Chefs d’accusation les plus graves contre l’ex-roi de France : haute trahison, double jeu politique avec les assemblées, complot avec l’ennemi autrichien, tentative de fuite à l’étranger (Varennes), responsabilité des morts aux journées d’octobre (1789) et à la fusillade du Champ de Mars (17 juillet 1791).

Le lendemain 12 décembre, la Convention accorde trois défenseurs à l’accusé. Mais il n’y aura aucun témoin, ni à charge ni à décharge.

« Je subirai le sort de Charles Ier, et mon sang coulera pour me punir de n’en avoir jamais versé. »1465

LOUIS XVI (1754-1793), Lettre à Malesherbes, écrite au Temple, décembre 1792. Mémoires du marquis de Ferrières (1822)

Précédent historique maintes fois rappelé : Charles Ier, roi d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, victime de la révolution anglaise, jugé par le Parlement, décapité en 1649.

Louis XVI, ce roi si faible, incapable de régner quand il avait le pouvoir et les hommes (quelques grands ministres), cet homme de 38 ans prématurément vieilli, parfois comparé à un vieillard, va faire preuve de courage et de lucidité dans les deux derniers mois de sa vie. Toujours à son ami et avocat Malesherbes, il écrit : « Je ne me fais pas d’illusion sur mon sort ; les ingrats qui m’ont détrôné ne s’arrêteront pas au milieu de leur carrière ; ils auraient trop à rougir de voir sans cesse sous leurs yeux leur victime. »

« Louis sera-t-il donc le seul Français pour lequel on ne suive nulle loi, nulle forme ? Louis ne jouit ni du droit de citoyen, ni de la prérogative des rois : il ne jouira ni de son ancienne condition, ni de la nouvelle ! Quelle étrange exception. »1468

Romain DESÈZE (1748-1828), Plaidoirie pour Louis XVI, 26 décembre 1792. Histoire de France depuis la Révolution de 1789 (1803), François-Emmanuel Toulongeon

L’avocat (comte Desèze ou De Sèze) témoignera plus tard du grand œuvre de sa vie : « Trois jours et quatre nuits, j’ai lutté pied à pied avec les documents pour édifier avec Malesherbes et Tronchet, et surtout avec mon Roi, la défense de celui qui était déjà condamné par la Convention. J’ai voulu plaider avec la justice, le cœur, le talent que l’on me reconnaissait alors. Mon maître ne me laissa combattre que sur le terrain du droit : il se souciait de balayer les accusations dont il était l’objet, non d’apitoyer. Pendant plus d’une heure, je lui ai donné ma voix. En vain… »

« Il a bien travaillé. »1469

LOUIS XVI (1754-1793), après la plaidoirie de son avocat Romain Desèze, 26 décembre 1792. Histoire socialiste, 1789-1900, Volume 4, La Convention (1908), Jean Jaurès

Desèze s’est assis, épuisé après la plaidoirie. En sueur, il demande une chemise. « Donnez-la-lui, car il a bien travaillé » dit le roi. « Avec une familiarité touchante et un peu vulgaire », commente Jaurès, l’historien socialiste.

Dans son discours de réception à l’Académie française sous la Restauration (en 1828), le baron de Barante rendra cet hommage à Desèze : « Son éternel honneur sera d’avoir été associé à l’événement le plus tristement religieux de notre Révolution ».

Ils étaient trois pour cette mission impossible et périlleuse. Desèze, arrêté peu après le procès, libéré à la chute de Robespierre, finira pair de France et premier président de la Cour de cassation sous la Restauration. François Denis Tronchet se cachera sous la Terreur et se retrouvera au Sénat sous le Consulat. Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes aura moins de chance : émigré au début de la Révolution, rentré en France pour défendre son roi, il sera exécuté sous la Terreur.

« Fils de Saint Louis, montez au ciel. »1478

Abbé EDGEWORTH de FIRMONT (1745-1807), confesseur de Louis XVI, au roi montant à l’échafaud, 21 janvier 1793. Collection des mémoires relatifs à la Révolution française (1822), Saint-Albin Berville, François Barrière

Le mot est rapporté par les nombreux journaux du temps. La piété de Louis XVI est notoire et en cela, il est fils de Saint Louis. C’est aussi le dernier roi de France appartenant à la dynastie des Capétiens, d’où le nom de Louis Capet sous lequel il fut accusé et jugé.

« Citoyens, voici votre fille ! Enfant, voici tes pères ! ».

ROBESPIERRE (1758-1794) à la tribune de la Convention, parlant de Suzanne Lepeletier, fin janvier 1793.  Une fête en larmes (2005), Jean d’Ormesson

Jean d’Ormesson, académicien le plus amateur de citations, ne pouvait rater cette « perle » dont il devait être fier, étant lui-même l’un des descendants de Lepeletier, authentique aristocrate révolutionnaire !

Le contexte est théâtral : Robespierre a pris l’enfant dans ses bras et présente aux députés la première « Pupille de la nation » : occasion unique pour cet orateur connu par son implacable rhétorique et ses tirades doctrinales d’avoir soudain un « mot d’auteur » en situation et un geste venu du cœur. Son ami Lepelletier de Saint-Fargeau, favorable à la mort du roi, a été assassiné le 20 janvier. La patrie doit prendre soin de sa fille et le père mérite d’être porté au Panthéon… Mais les événements historiques se bousculent, le décret de la Convention sera rapporté le 8 février 1795, le corps finalement retiré de l’édifice sous le Directoire pour être rendu à sa famille et transféré dans la chapelle du château de Saint-Fargeau.

« Donnez un verre de sang à ce cannibale : il a soif ! »1496

Pierre Victurnien VERGNIAUD (1753-1793), à Marat vitupérant à la tribune de la Convention, 13 avril 1793. Procès fameux extraits de l’Essai sur l’histoire générale des tribunaux des peuples tant anciens que modernes (1796), Nicolas Toussaint Le Moyne Des Essarts

Depuis l’insurrection du 10 août 1792 et les massacres de septembre qu’il encouragea, Marat ne cesse d’attiser la haine, que ce soit dans son journal ou à l’Assemblée.

Élu député, siégeant au sommet de la Montagne, président du club des Jacobins depuis le 5 avril 1793, il devient chaque jour plus redoutable, accusant, calomniant, injuriant, éructant. Nul ne semble pouvoir l’interrompre – notons à quel point le sang, mot et symbole, est présent dans cette histoire.

« Celui qui a des culottes dorées est l’ennemi de tous les sans-culottes. Il n’existe que deux partis, celui des hommes corrompus et celui des hommes vertueux. »1502

ROBESPIERRE (1758-1794), au club des Jacobins, 8 mai 1793. Œuvres de Maximilien Robespierre (posthume, de 1912 à 1967)

Sans les nommer, l’Incorruptible dénonce ici les Girondins. Rappelons qu’ils sont issus de la même classe bourgeoise que les amis de Robespierre et que celui-ci est toujours très élégamment vêtu. Ce manichéisme est donc simpliste, mais efficace. Il oppose les riches aux pauvres.

« Le supplice que j’ai inventé est si doux qu’il n’y a vraiment que l’idée de la mort qui puisse le rendre désagréable. Aussi, si l’on ne s’attendait pas à mourir, on croirait n’avoir senti sur le cou qu’une légère et agréable fraîcheur. »1510

Joseph Ignace GUILLOTIN (1738-1814). Base de données des députés français depuis 1789 [en ligne], Assemblée nationale

Il parlait en poète de la mécanique qu’en médecin et philanthrope il a fait adopter. Un décret du 13 juin 1793 installe dans chaque département un « appareil de justice ». Mais la guillotine est déjà très active à Paris depuis le début de cette année… et Guillotin a regretté que son nom soit associé à cet instrument de mort.

« J’aime mieux mourir que d’être témoin de la ruine de mon pays ; je m’honorerai d’être comprise parmi les glorieuses victimes immolées à la rage du crime. »1511

Mme ROLAND (1754-1793), Mémoires (posthume, 1821)

En prison, elle écrit ses Mémoires (et certaines lettres qui n’y figurent pas), elle rédige aussi son Projet de défense au Tribunal révolutionnaire. Mais elle ne se fait pas d’illusion : « Il est nécessaire que je périsse à mon tour, parce qu’il est dans les principes de la tyrannie de sacrifier ceux qu’elle a violemment opprimés et d’anéantir jusqu’aux témoins de ses excès. À ce double titre, vous me devez la mort et je l’attends. »

« Immorale sous tous les rapports et nouvelle Agrippine, elle est si perverse et si familière avec tous les crimes qu’oubliant sa qualité de mère, la veuve Capet n’a pas craint de se livrer à des indécences dont l’idée et le nom seul font frémir d’horreur. »1541

FOUQUIER-TINVILLE (1746-1795), Acte d’accusation de Marie-Antoinette, Tribunal révolutionnaire, 14 octobre 1793. Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris (1862), Émile Campardon

« Marie-Antoinette de Lorraine d’Autriche, âgée de 37 ans, veuve du roi de France » ayant ainsi décliné son identité a répondu le 12 octobre à un interrogatoire (secret) portant sur des questions politiques et sur le rôle qu’elle a joué auprès du roi, au cours de divers événements avant et après 1789. Elle nie pratiquement toute responsabilité.

Au procès, cette fois devant la foule, elle répond à nouveau et sa dignité impressionne. L’émotion est à son comble quand Fouquier-Tinville aborde ce sujet intime des relations avec son fils. L’accusateur public ne fait que reprendre les rumeurs qui ont moralement et politiquement assassiné la reine en quelque 3 000 pamphlets, à la fin de l’Ancien Régime. L’inceste (avec un enfant âgé alors de moins de 4 ans) fut l’une des plus monstrueuses.

« Si je n’ai pas répondu, c’est que la nature se refuse à répondre à pareille inculpation faite à une mère : j’en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici. »1542

MARIE-ANTOINETTE (1755-1793), réplique à un juré s’étonnant de son silence au sujet de l’accusation d’inceste, Tribunal révolutionnaire, 14 octobre 1793. La Femme française dans les temps modernes (1883), Clarisse Bader

La reine déchue n’est plus qu’une femme et une mère humiliée à qui l’on a enlevé son enfant devenu témoin à charge, évidemment manipulé. L’accusée retourne le peuple en sa faveur. Le président menace de faire évacuer la salle. La suite du procès est un simulacre de justice et l’issue ne fait aucun doute.

Au pied de la guillotine, les dernières paroles de Marie-Antoinette sont pour le bourreau Sanson qu’elle a heurté, dans un geste de recul : « Excusez-moi, Monsieur, je ne l’ai pas fait exprès. » Un mot de la fin sans doute authentique, mais trop anodin pour devenir citation.

« La plus grande joie du Père Duchesne après avoir vu de ses propres yeux la tête du Veto femelle séparée de son col de grue et sa grande colère contre les deux avocats du diable qui ont osé plaider la cause de cette guenon. »1543

Jacques HÉBERT (1757-1794), Le Père Duchesne, n° 299, titre du journal au lendemain du 16 octobre 1793. Les Derniers Jours de Marie-Antoinette (1933), Frantz Funck-Brentano

Voici l’oraison funèbre consacrée par le pamphlétaire jacobin à la reine sacrifiée. Le titre est un peu long. La chronique qui suit, ce n’est pas du Bossuet, mais la littérature révolutionnaire déploie volontiers cette démagogie populaire : « J’aurais désiré, f…! que tous les brigands couronnés eussent vu à travers la chatière l’interrogatoire et le jugement de la tigresse d’Autriche. Quelle leçon pour eux, f…! Comme ils auraient frémi en contemplant deux ou trois cent mille sans-culottes environnant le Palais et attendant en silence le moment où l’arrêt fatal allait être prononcé ! Comme ils auraient été petits ces prétendus souverains devant la majesté du peuple ! Non, f…! jamais on ne vit un spectacle pareil. Tendres mères dont les enfants sont morts pour la République ; vous, épouses chéries des braves bougres qui combattent en ce moment sur les frontières, vous avez un moment étouffé vos soupirs et suspendu vos larmes, quand vous avez vu paraître devant ses juges la garce infâme qui a causé tous vos chagrins ; et vous, vieillards, qui avez langui sous le despotisme, vous avez rajeuni de vingt ans en assistant à cette terrible scène : « Nous avons assez vécu, vous disiez-vous, puisque nous avons vu le dernier jour de nos tyrans. » »

« Citoyen président, je suis ici pour être raccourci et non pour être allongé. »1544

Alphonse Louis Dieudonné MARTAINVILLE (1777-1830) au Tribunal révolutionnaire, automne 1793. Dictionnaire de français Larousse, au mot « allongé » (le jour du procès varie selon les sources)

Réponse du jeune journaliste (17 ans seulement) au président du Tribunal révolutionnaire, persuadé d’être face à un aristocrate dissimulant ses origines et affirmant que son nom était « de Martainville ». « Eh bien, qu’on l’élargisse ! » dit un assistant.

Ce Dieudonné est vraiment un miraculé de la Terreur : son humour désarme Fouquier-Tinville en personne. Il vivra jusqu’au début de la Monarchie de Juillet, affichant ses convictions royalistes et faisant carrière dans le vaudeville.

« Eh ! qui suis-je pour me plaindre, quand des milliers de Français meurent aux frontières pour la défense de la patrie ? On tuera mon corps, on ne tuera pas ma mémoire. »1549

Pierre Victurnien VERGNIAUD (1753-1793), guillotiné le 31 octobre 1793. Son mot de la fin. Histoire socialiste, 1789-1900, volume IV, La Convention (1908), Jean Jaurès

La Révolution est riche en « mots de la fin » et dans chaque cas, un personnage plus ou moins historique pose pour la postérité, tout en se dévoilant dans cette ultime vérité.

Vergniaud, l’homme si élégant, séducteur au physique romantique, avocat brillant sous l’Ancien Régime, devenu l’un des orateurs les plus doués de la Législative et de la Convention, a perdu toute flamme, usé par cinq mois de prison et résigné au pire. Il aurait sans doute pu fuir comme quelques autres, mais il renonce : « Fuir, c’est s’avouer coupable. » Il fait donc partie du groupe des 21 Girondins exécutés.

« Je meurs le jour où le peuple a perdu la raison ; vous mourrez le jour où il l’aura recouvrée. »1550

Marie David Albin LASOURCE (1762-1793), mot de la fin, 31 octobre 1793. Lasource, député à la Législative et à la Convention (1889), Camille Rabaud

Ancien pasteur, acquis à la Révolution, défendant toujours ses convictions avec courage, décrété d’accusation, il est jugé avec les Girondins auxquels il s’est rallié, la dernière semaine d’octobre 1793. Les 21 sont condamnés à mort. Cinq charrettes les mènent à l’échafaud le même jour. Dans la dernière, il y a le corps de Valazé, qui s’est plongé un stylet dans le cœur à l’énoncé du verdict. Certains, qui croyaient pouvoir échapper à la mort, se sont défendus plutôt médiocrement.

« Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort. »1552

Olympe de GOUGES (1755-1793), guillotinée le 3 novembre 1793. Son mot de la fin. Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris, avec le Journal de ses actes (1880), Henri Alexandre Wallon

Féministe coupable d’avoir écrit en 1791 une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, d’avoir défendu le roi, puis courageusement attaqué Robespierre en « brissotine » (synonyme de girondine), elle a été arrêtée en juillet 1793.

Femme de lettres, femme libre jusqu’à la provocation, elle est comparable à George Sand au siècle suivant, mais ce genre de provocation est encore plus mal vu, en 1793 ! Et la reconnaissance espérée par la condamnée sera tardive.

« Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! »1554

Mme ROLAND (1754-1793), montant à l’échafaud et s’inclinant devant la statue de la Liberté (sur la place de la Révolution), 8 novembre 1793. Mot de la fin. Le Nouveau Tableau de Paris (1799), Louis Sébastien Mercier

Manon Roland fit preuve d’une belle énergie et d’une plume infatigable dans sa prison (l’Abbaye, puis la Conciergerie). Elle écrit pour se défendre devant le Tribunal révolutionnaire, même sans espoir. Elle écrit ses Mémoires destinées à sa fille Eudora. Elle écrit des lettres, notamment à son ami Buzot qui, contrairement à elle, a fui comme son mari, pour échapper au sort des Girondins. Il se suicidera lui aussi, apprenant quelques mois plus tard la mort de Manon Roland.

Son mari, poursuivi comme Girondin et réfugié à Rouen, apprenant la mort de sa femme, s’est tué deux jours après.

« J’ai l’âge du sans-culotte Jésus ; c’est-à-dire trente-trois ans, âge fatal aux révolutionnaires ! »1583

Camille DESMOULINS (1760-1794), au Tribunal révolutionnaire lui demandant son nom, son âge, 2 avril 1794. Œuvres de Camille Desmoulins (posthume, 1874), Camille Desmoulins, Jules Claretie

En réalité, il vient d’avoir 34 ans. Mais l’âge du Christ et le rapprochement avec cet « anarchiste qui a réussi » (André Malraux) font référence. Le capucin Chabot l’a également proclamé au début de la Terreur de septembre 1793, assurant publiquement que le « citoyen Jésus-Christ a été le premier sans-culotte du monde ».

Montagnard à la Convention, Desmoulins a combattu les Girondins, mais leur mise à mort l’a bouleversé.

Il fonde alors un journal, Le Vieux Cordelier pour défendre la politique de Danton contre celle du Comité de salut public (où Robespierre fait la loi avec Couthon et Saint-Just). À peine a-t-il le temps de s’émouvoir de la nouvelle épuration – celle des Enragés – qu’il est arrêté le 30 mars, guillotiné le 5 avril. Lucile, sa femme adorée (fille naturelle de l’abbé Terray, ministre de Louis XV), montera à l’échafaud le 13 avril.

« Ma demeure sera bientôt dans le néant ; quant à mon nom, vous le trouverez dans le panthéon de l’Histoire. »1582

DANTON (1759-1794), réponse au Tribunal révolutionnaire, 2 avril 1794. Procès historiques, Le procès de Danton, Histoire et patrimoine [en ligne], ministère de la Justice

Le Tribunal procède à l’interrogatoire habituel, lui demandant son nom et ses qualités. Il existe plusieurs versions de la réponse, selon les sources : de la plus longue – « Je suis Danton, assez connu dans la Révolution ; ma demeure sera bientôt le néant, mais mon nom vivra dans le Panthéon de l’histoire » – à la plus courte, la plus fréquemment citée : « Ma demeure ? Demain, dans le néant. »

Danton a toujours le sens de l’improvisation – quoique cette réplique ait pu être préparée.

« Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut bien la peine. »1584

DANTON (1759-1794), mot de la fin au bourreau, avant de poser sa tête sous le couperet de la guillotine, 5 avril 1794. Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris (1862), Émile Campardon

C’est « une gueule » et il en a bien joué ! Personnage éminemment théâtral, orateur né, il a suscité des haines farouches, mais fasciné le peuple et l’Assemblée nationale. Son sens de la formule est remarquable, littéralement jusqu’à la fin. Son ennemi intime, Robespierre, n’aura pas cette chance.

« La République n’a pas besoin de savants. »1587

Jean-Baptiste COFFINHAL-DUBAIL (1754-1794), vice-président du Tribunal révolutionnaire, à Lavoisier, 8 mai 1794.  Mot parfois attribué à René François DUMAS (1753-1794), président du Tribunal, et même à FOUQUIER-TINVILLE (1746-1795), accusateur public. Lavoisier, 1743-1794 (1899), Édouard Grimaux

Le condamné demandait qu’on diffère l’exécution de quelques jours, le temps de terminer une expérience. Un de ses collègues, le médecin J.N. Hallé, était venu présenter au tribunal un rapport énumérant les services rendus à la patrie par l’illustre chimiste : « Il faut que la justice suive son cours », tranche l’homme du Tribunal.

Antoine-Laurent de Lavoisier est donc condamné et guillotiné le jour même, avec 27 collègues de la Ferme générale. Car tel est son crime : avoir été fermier général sous l’Ancien Régime.

Mort à 51 ans, ce grand savant, élu à 25 ans à l’Académie des sciences, laisse en héritage les bases de la chimie moderne et une loi qui porte son nom sur la conservation de la masse et des éléments chimiques. En résumé : « Rien ne se perd, rien ne se crée. »

« Il ne leur a fallu qu’un moment pour faire tomber cette tête, et cent années peut-être ne suffiront pas pour en produire une semblable. »1588

Louis de LAGRANGE (1736-1813), à Delambre, déplorant la mort de Lavoisier au lendemain de son exécution, 9 mai 1794. Encyclopédie Larousse, article « Antoine Laurent de Lavoisier »

Parole d’un confrère de Lavoisier, né Italien, grand mathématicien et physicien, qui rend hommage au plus éminent représentant de la science française en cette fin du XVIIIe siècle. Jean-Baptiste Delambre est lui-même mathématicien et astronome, membre de l’Académie des sciences.

La science paie un lourd tribut à la Révolution avec Lavoisier, guillotiné après Bailly, et Condorcet (suicidé pour échapper à l’échafaud). Mais la science est également honorée. À l’initiative du mathématicien Gaspard Monge, l’École polytechnique est créée le 11 mars 1794. Sa devise : « Pour la patrie, les sciences et la gloire. »

« Que parles-tu, Vallier, de faire des tragédies ? La Tragédie court les rues. »1596

Jean-François DUCIS (1733-1816), Correspondance, au plus fort de la Terreur. Essais de Mémoires, ou Lettres sur la vie, le caractère et les écrits de J.-F. Ducis (1824), François Nicolas Vincent Campenon

Poète tragique et traducteur (très libre) de Shakespeare, il répond à l’un de ses amis et témoigne, dans cette lettre : « Si je mets les pieds hors de chez moi, j’ai du sang jusqu’à la cheville. »

Les spectacles sont florissants (hors les jours et les quartiers tragiques), on joue beaucoup d’œuvres « de circonstance », mais la Révolution n’inspire aucune œuvre théâtrale jouable par la suite. On se rabat sur les tragédies de Voltaire qui ne sont pas non plus des chefs-d’œuvre. Deux noms d’artistes resteront : Talma, tragédien de la Comédie-Française, et David, peintre politiquement inspiré. On les retrouvera au service de Napoléon.

« Quand on se vante d’avoir le courage de la vertu, il faut avoir le courage de la vérité. Nommez ceux que vous accusez ! »1603

Louis Joseph CHARLIER (1754-1797), à Robespierre, Convention, 26 juillet 1794. Histoire parlementaire de la Révolution française ou Journal des Assemblées nationales (1834-1838), P.J.B. Buchez, P.C. Roux

Robespierre a dénoncé la « horde des fripons », rejetant sur eux les excès de la Terreur. C’est tout à fait dans sa manière de dire sans dire. Le nom des fripons est connu de tous (Tallien et sa femme, Carnot, Fouché, Barras…), mais chacun redoute de faire partie de la prochaine « horde ». Des listes circulent, vraies ou fausses – une façon d’échauffer les esprits.

Les « fripons » vont s’entendre pour renverser Robespierre, mais il faut faire vite. La Commune de Paris est avec lui, il a ses partisans au club des Jacobins.

« C’est le sang de Danton qui t’étouffe. »1606

GARNIER de l’AUBE (1742-1805), à Robespierre suffoquant sous la chaleur torride, Convention, 27 juillet 1794. Mot parfois attribué à Garnier de Saintes (1755-1818), mais il n’était pas présent, et surtout à Louis Legendre (1752-1797), ami de Danton, qu’il avait abandonné pour sauver sa tête. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

C’est Robespierre qui est monté à la tribune à 11 heures du matin, pour donner la liste des « épurés » menacés la veille en tant que « horde fripons ». Tallien et les modérés lui coupent la parole à onze reprises et son ami Saint-Just ne réagit plus (nerveusement épuisé ?). Louchet et Lozeau, deux modérés, demandent la mise en accusation de Robespierre, Couthon, Saint-Just, Lebas. Augustin Robespierre (son frère) réclame la sienne : « Je partage ses vertus, je veux partager son sort. » L’arrestation des cinq députés est décrétée aux voix.

Vers 17 heures, tentative d’insurrection des sections populaires de la Commune pour libérer Robespierre et ses amis transférés à l’Hôtel de Ville, tandis que la Convention met Robespierre « hors la loi » – il peut alors être exécuté sans jugement. Le soir, la pluie disperse les insurgés, les sections modérées occupent l’Hôtel de Ville. On trouve Robespierre, mâchoire brisée (coup de pistolet ou tentative de suicide).

Le 28 juillet (10 thermidor), Robespierre, Couthon, Saint-Just et 19 de leurs alliés sont guillotinés sans jugement. Puis 71 le lendemain et quelques autres encore, les jours suivants. Au total, une centaine.

« Lors même qu’il aura cessé d’exister, on le retrouvera partout et cette chimère servira longtemps à nourrir les coupables espérances. »1615

CAMBACÉRÈS (1753-1824), Discours tenu au nom des Comités de salut public, de sûreté générale et de législation, Convention, 22 janvier 1795

Phrase prémonitoire, prononcée à l’occasion du deuxième anniversaire de la mort de Louis XVI. À la tribune, l’orateur conclut contre la mise en liberté de son fils.

Le dauphin Louis XVII mourra (officiellement) au Temple le 8 juin de cette année – mais est-ce bien lui ou un autre enfant qui aurait pris sa place ? Ce sera l’énigme du Temple, l’un des mystères de l’histoire de France, conforté par cette phrase étrange de Cambacérès, un grand juriste qui pèse toujours ses mots. Ne dirait-on pas que l’enfant a déjà disparu en janvier ? Totalement isolé, il était très malade.

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