« L’esprit donne l’idée d’une nation ; mais ce qui fait sa force sentimentale, c’est la communauté de rêves. » Belle citation de Malraux. Mai 68 sera l’apogée des « Années de rêve » (avant les « Années de poudre ») dans le livre de référence, Génération (Hervé Hamon, Patrick Rotman).
À la veille de la Révolution, on rêve beaucoup et l’utopie survit jusque sous la Terreur, mise à l’ordre du jour en 1794 ! C’est la plus spectaculaire Chronique de l’Histoire en citations.
À feuilleter pour tout savoir.
« Proposez ce qui est faisable, ne cesse-t-on de me répéter. C’est comme si l’on me disait : proposez de faire ce que l’on fait […] Pères, mères, ce qui est faisable est ce que vous voulez faire. »1052
Toute la Révolution va marcher dans l’élan de ce « vouloir, c’est pouvoir », comparable au fier slogan de Mai 68 : « Soyez réalistes, demandez l’impossible. » La même année, le Contrat social jette les bases de la nouvelle société qui va se concrétiser, avec la fin de l’Ancien Régime.
« Tout ce que je vois jette les semences d’une révolution qui arrivera immanquablement et dont je n’aurai pas le plaisir d’être témoin. Les Français arrivent tard à tout, mais enfin, ils arrivent […] Les jeunes gens sont bienheureux ; ils verront de belles choses. »1172
VOLTAIRE (1694-1778), Lettre au marquis de Chauvelin, 2 avril 1764, Correspondance (posthume)
Sa prédiction rejoint celle de Rousseau dans le Contrat social. À part cela, les deux grands hommes du siècle des Lumières s’opposent en tout au siècle des Lumières. Rappelons que Voltaire, résolument réformiste, n’est pas du tout révolutionnaire.
« Il y a quelque chose de plus fou que ma pièce, c’est son succès ! »1236
BEAUMARCHAIS (1732-1799), après le triomphe du Mariage de Figaro, sous-titré La Folle Journée, 27 avril 1784
L’auteur jubile, au lendemain de la création à la Comédie-Française. Le Mariage prendra bientôt valeur de symbole. Selon Antoine Vitez qui monta la pièce pour le bicentenaire de la Révolution en 1989, « Le Mariage de Figaro est très légitimement considéré comme une pièce révolutionnaire ».
« Ah ! ça ira, ça ira, ça ira / Le peuple en ce jour sans cesse répète,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira. / Malgré les mutins tout réussira […]
Pierre et Margot chantent à la guinguette : / Ah ! ça ira, ça ira, ça ira.
Réjouissons-nous le bon temps viendra. »1371LADRÉ (XVIIIe siècle), paroles, et BÉCOURT (XVIIIe siècle), musique, Le Carillon national, chanson, 1790
Le chant est plus connu sous le nom de son refrain « Ah ! ça ira ». Le texte, innocent à l’origine, reprend l’expression favorite de Benjamin Franklin, résolument optimiste et répétant au plus fort de la guerre d’Indépendance en Amérique, à qui lui demande des nouvelles : « Ça ira, ça ira. » Le mot est connu, le personnage toujours très populaire en France, et dans l’enthousiasme des préparatifs de la fête (Fédération de 1790, anniversaire du 14 juillet 1789), le peuple répète et chante : « Ça ira, ça ira. » Un an après, ça rimera avec « Les aristocrates, on les pendra ». Ainsi va la Révolution.
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. »1578
SAINT-JUST (1767-1794), Convention, Rapport du 3 mars 1794
La citation, devenue célèbre, a une portée plus générale. Le « bonheur de tous » est inscrit comme un but dans la Déclaration des droits de 1789. La Déclaration d’Indépendance des États-Unis de 1776, plus explicite, fait de la recherche du bonheur un droit inaliénable des hommes, au même titre que la vie et la liberté. Double paradoxe : cette phrase est datée de la Terreur et associe la notion de bonheur au personnage de Saint-Just qui n’en est pas le vivant symbole. Mais l’utopie est têtue et l’Histoire s’en nourrit aussi.
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.
