Le ton se durcit. Sade est un génie, à la fois hors siècle et pourtant bien de ce siècle. L’humour sadien fascine aujourd’hui encore, pervers, caricatural, comique, voire assassin.
Quant aux philosophes, chacun marque l’époque de sa personnalité, notamment Voltaire et Diderot - Montesquieu est mort et Rousseau fait vraiment bande à part.
« Respectons éternellement le vice et ne frappons que la vertu. »1182
(1740-1814) L’Histoire de Juliette (1797)
L’humour pervers du divin marquis, maître en matière de vice et de vertu, franchit les bornes d’une licence très XVIIIe siècle et sera interdit bien au-delà.
1768 : Sade est emprisonné sept mois, ayant enlevé et torturé une passante. En 1763, les deux semaines au donjon de Vincennes pour « débauche outrée » n’étaient qu’un premier avertissement. Il passera au total trente années de sa vie en prison.
« Depuis l’âge de quinze ans, ma tête ne s’est embrasée qu’à l’idée de périr victime des passions cruelles du libertinage. » Né de haute noblesse provençale, élève des jésuites, très jeune combattant de la guerre de Sept Ans, marié en 1763, il sera condamné à mort en 1772 pour violences sexuelles. Incarcéré en Savoie, évadé, emprisonné de nouveau à Vincennes, puis à la Bastille, transféré à Charenton quelques jours avant le 14 juillet 1789, libéré le 2 avril 1790 par le décret sur les lettres de cachet, avant de nouvelles incarcérations. Sa famille veille à ce qu’il ne sorte plus de l’hospice (asile) de Charenton, où il meurt en 1814.
Son œuvre, interdite, circule sous le manteau tout au long du XIXe siècle, réhabilitée au XXe, avec les honneurs d’une édition dans la Pléiade. Premier auteur érotique de la littérature moderne, il donne au dictionnaire le « sadisme : perversion sexuelle par laquelle une personne ne peut atteindre l’orgasme qu’en faisant souffrir (physiquement ou moralement) l’objet de ses désirs » (Le Robert).
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Oh ! la belle statue ! oh ! le beau piédestal !
Les Vertus sont à pied et le Vice à cheval. »1177Vers anonymes écrits sur le socle de la statue équestre de Louis XV (aujourd’hui place de la Concorde)
Statue de Bouchardon entourée de quatre figures symbolisant les vertus. Entre deux favorites officielles (Pompadour et du Barry), les dames ne manquent pas.
« Eh ! la France, ton café fout le camp. »1185
Comtesse du BARRY, née Jeanne Bécu, s’adressant à Louis XV
La nouvelle favorite a 33 ans de moins que le roi vieillissant : sa jeunesse, son insolence choquent la cour et bien au-delà.
« Les Parisiens sont aujourd’hui des sybarites, et crient qu’ils sont couchés sur des noyaux de pêche, parce que leur lit de roses n’est pas assez bien fait. »1183
VOLTAIRE, Lettre, 1769
L’épicurien libertin chantait « le superflu, chose très nécessaire », il juge à présent ses contemporains avec la sagesse d’un vieux philosophe.
« Il faut bien quelquefois se battre contre ses voisins, mais il ne faut pas brûler ses compatriotes pour des arguments. »1030
VOLTAIRE, Lettre, 1773
Pire que la guerre, l’intolérance. Sous sa forme religieuse, elle fait encore trop de victimes, au siècle dit des Lumières.
« Si un Taïtien [Tahitien] débarquait un jour sur vos côtes et s’il gravait sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : ce pays appartient aux habitants de Taïti [Tahiti], qu’en penserais-tu ? »973
L’anticolonialisme gagne clairement du terrain. Ici, Diderot plaide le droit du premier occupant.
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