Philippe Auguste et Saint-Louis : deux noms incarnent la royauté capétienne au XIIIe siècle.
Deux rois exemplaires méritent leur réputation, au-delà d’une part de légende admise dans le récit national d’un Moyen Âge réécrit au XIXe siècle, aux sources maintes fois revues et corrigées.
Disons au passage l’importance des Personnages dans la marche de l’Histoire. Incarnations d’une époque, révélateurs des courants sociétaux, souvent précurseurs, ils sont indispensables pour mobiliser les contemporains et marquer la mémoire des générations suivantes.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
Personnage de Philippe II Auguste
« L’entreprise de paver Paris doit être comptée parmi les actions les plus louables de Philippe Auguste. »142
Simonde de SISMONDI (1773-1842), Histoire des Français (1821-1844)
(…) L’historien voit en lui « le premier des rois […] qui semble avoir senti que sa dignité lui imposait quelques devoirs envers son peuple et que l’argent qu’il recueillait ne devait pas être uniquement employé à ses plaisirs ou à ses caprices ».
« Il fut jaloux et amoureux de la foi chrétienne dès les premiers jours de sa jeunesse ; il prit le signe de la croix […] et le cousit à ses épaules pour délivrer le sépulcre, et puis souffrit peines et travail pour Notre Seigneur. »143
Grandes Chroniques de France, Éloge funèbre de Philippe Auguste (1223)
Allusion à sa participation à la troisième croisade, en 1189, et à la prise de Saint-Jean-d’Acre, en Terre sainte.
« On pouvait se demander si le roi aimait son peuple plus que son peuple n’aimait son roi. Il y avait entre eux comme une émulation amoureuse. On ne pouvait savoir lequel des deux était le plus cher à l’autre […] tant était tendre l’affection qui les unissait l’un à l’autre par des liens parfaitement purs. »144
GUILLAUME le Breton (vers 1165-1226), La Philippide
Ainsi s’exprime le chroniqueur, quelque peu courtisan, dans cette épopée écrite après la victoire de Bouvines (1214) dont il fut témoin.
« Il accrût et multiplia merveilleusement le royaume de France ; il soutint et garda merveilleusement la seigneurie et le droit et la noblesse de la couronne de France. »145
Grandes Chroniques de France, Éloge funèbre de Philippe Auguste (1223)
Le règne s’est soldé par le quadruplement du domaine royal, l’assainissement de la trésorerie (confiée aux Templiers), la fortification des villes et la lutte contre les féodaux (…) Gilles de Paris confirme : « Personne ne peut nier qu’il ait été un bon prince. Sous sa domination, le royaume s’est fortifié, la puissance royale a fait de grands progrès. »
« S’il avait montré un peu de modération, s’il avait été moins intolérant et emporté, aussi calme qu’il était actif, aussi prudent qu’il était ardent à satisfaire ses désirs, le royaume n’en serait qu’en meilleur état. »146
GILLES de Paris (1162-1220), Le Carolinus. Philippe Auguste et son temps (réédité en 1980), Achille Luchaire
Un roi aux manières rudes, peu soigné de sa personne – surnommé le « maupigné », autrement dit le mal peigné. Il n’était guère amateur des trouvères et autres poètes et musiciens (…) Réaliste, il aura été fort habile à éviter les coalitions ou à démanteler celles qui se nouent. Énergique, décidé, il reste dans l’histoire comme un bon et grand roi.
Personnage de Louis IX (Saint Louis)
« Je voudrais être marqué d’un fer chaud, à condition que tous vilains jurements fussent ôtés de mon royaume. »147
LOUIS IX (1214-1270). Le Livre des saintes paroles et des bons faits de notre saint roi Louis (posthume), Jean de Joinville
Très pieux, le roi a en horreur les jurons et blasphèmes. Le chroniqueur nous rapporte que, ayant passé vingt-deux ans en sa compagnie, jamais il ne l’entendit jurer par Dieu.
« J’aime mieux que l’excès des grandes dépenses que je fais soit fait en aumônes pour l’amour de Dieu, qu’en faste ou vaine gloire de ce monde. »148
LOUIS IX (1214-1270). Le Livre des saintes paroles et des bons faits de notre saint roi Louis (posthume), Jean de Joinville
Malgré sa grande générosité envers les pauvres, le roi n’en dépense pas moins largement pour sa maison et sa cour.
« Gardez-vous donc de faire ni de dire à votre escient nulle chose dont, si tout le monde le savait, vous ne puissiez faire l’aveu et dire : J’ai fait ceci, j’ai dit cela. »149
LOUIS IX (1214-1270). Le Livre des saintes paroles et des bons faits de notre saint roi Louis (posthume), Jean de Joinville
Le fidèle chroniqueur rapporte une remarque similaire du roi, à propos d’un entretien tenu à voix basse avec Robert de Sorbon (fondateur du collège de la Sorbonne, vers 1250), lors d’un repas pris à la table royale (…) « Parlez haut, car vos compagnons croient que vous pouvez médire d’eux (…) Parlez haut, ou sinon, taisez-vous. »
« Jamais ne vis si beau chevalier sous les armes, car il dominait toute sa suite des épaules, son heaume doré sur le chef, son épée en la main. »150
Jean de JOINVILLE (vers 1224-1317), Le Livre des saintes paroles et des bons faits de notre saint roi Louis
Il admire le guerrier, à la bataille de Mansourah (1250). Joinville accompagne Louis IX en Égypte, lors de la septième croisade (1248). Plus tard, à la demande de la reine Jeanne (…) il dictera cette histoire de Saint Louis, achevée en 1309.
« Maintes fois il lui arriva, en été, d’aller s’asseoir au bois de Vincennes, après avoir entendu la messe ; il s’adossait à un chêne et nous faisait asseoir auprès de lui ; et tous ceux qui avaient un différend venaient lui parler sans qu’aucun huissier, ni personne y mît obstacle. »151
Jean de JOINVILLE (vers 1224-1317), Le Livre des saintes paroles et des bons faits de notre saint roi Louis
(…) Partie anecdotique de sa chronique, la plus touffue, qui se révèle la plus riche et cette page, l’une des plus célèbres de l’œuvre. L’historien, témoin direct des faits rapportés, campe un roi vivant et vrai, humain et sublime à la fois. Il sera très utile, après la mort du roi, pour l’enquête qui (…) aboutira au procès en canonisation.
« Chère fille, la mesure par laquelle nous devons Dieu aimer, est aimer le sans mesure. »152
LOUIS IX (1214-1270), Dernière lettre écrite à sa fille, 1270. Histoire de France, tome II (1833), Jules Michelet
Outre le roi guerrier à la tête des croisés et l’administrateur veillant au bon état du royaume, c’est l’image d’une exceptionnelle piété qui reste, maintes fois attestée par Joinville. Lors du procès en canonisation (1297), un témoin résuma ainsi le personnage : « Il avait exercé à la manière d’un roi le sacerdoce, à la manière d’un prêtre la royauté. »
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