Soirée de gala à l’Opéra Garnier, avec Maria Callas et Rudolf Noureev | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

 À l’impératrice qui lui demande de quel style peut bien être ce projet d’Opéra pour Paris :
« C’est du Napoléon III, Madame. »

Charles GARNIER (1825-1898), 1861. Napoléon III et le Second Empire : l’aube des temps (1975), André Castelot

Un concours public est lancé en 1860  pour l’édification d’un opéra digne du nouveau Paris haussmannien : 171 concurrents déposent un millier de dessins. Viollet-le-Duc, ami du couple impérial, est favori. Un inconnu l’emporte, à l’unanimité du jury. Et l’empereur s’incline, séduit par la maquette.

Les plus grands artistes, peintres, décorateurs, sculpteurs œuvrent pour le monument. Mais le chef-d’œuvre est bien signé Garnier, illustrant l’éclectisme en architecture : au lieu de se référer à un style unique, on dresse un répertoire des modèles les plus achevés pour combiner les éléments issus des différentes civilisations, adaptés à la réalité contemporaine. Ainsi, Garnier utilise les nouveaux matériaux pour leur aspect fonctionnel, mais à l’inverse des modernistes (tels Eiffel, Baltard), il dissimule le fer de la charpente sous le stuc et la pierre de taille.

« Cathédrale mondaine de la civilisation » selon Théophile Gautier, l’Opéra de Paris va fasciner le monde et sera « copié » une centaine de fois. C’est toujours un spectacle sans égal et une visite s’impose.

Mieux encore aujourd’hui, cette invitation historique mettant à l’affiche la Callas et Noureev.

Il y a d’étonnants points communs entre ces deux Noms. Stars mondiales dans leur art classique (le chant et la danse), ils ont révolutionné la tradition chacun à sa manière en vingt ans de carrière. Étrangers marqués par leurs racines (grecque et russe), ils ont vécu et sont morts à Paris presque au même âge (53 et 54 ans) après une fin de vie dramatique et médiatisée. Également adulés et (plus rarement) sifflés, jalousés pour leur carrière, contestés pour leurs manières, doués du même caractère passionné, forcenés de travail, ils ont défrayé la chronique « people », suscité l’admiration de leurs pairs et marqué à jamais l’histoire du spectacle.

Deux vidéos YouTube ressuscitent la Callas dans Tosca (en 1964) et Noureev dans le Corsaire (en 1963), deux rôles fétiches pour ces artistes, deux classiques du répertoire, quatre minutes inoubliables : les amateurs apprécieront, les autres découvriront…

Maria Callas (1923-1977)

La Voix du siècle, la Diva assoluta qui a révolutionné l’opéra par son jeu dramatique et déchaîné les passions à la ville comme à la scène.

« Je voudrais être Maria, mais il y a La Callas qui exige que je me porte avec sa dignité. »,

Maria CALLAS (1923-1977), citation non sourcée, sans soute apocryphe

Ce mot résume le drame de toutes les stars, mais avec ce personnage hors norme au destin exceptionnel, cela prendra des allures de tragédie grecque.

Cantatrice d’origine grecque, Sophia Cecelia Kaloyeropoulos, dite Maria Callas, surnommée « la Bible de l’opéra » par Leonard Bernstein (compositeur de West Side Story et chef d’orchestre éclectique) a bouleversé en vingt ans de carrière l’art lyrique du XXe siècle : par sa voix unique en son genre, véritable signature vocale, et par son jeu, sa présence scénique dont il reste peu d’enregistrements visibles.

Elle garde un souvenir douloureux de son enfance modeste à New York, dans une cité durablement affectée par la grande crise de 1929. Sa mère a vite compris son don inné pour le chant et s’improvise impresario – c’est l’époque des enfants stars, Shirley Temple, Judy Garland… Elle lui fait répéter inlassablement ses chansons et la pousse à se produire, gamine pomponnée, vêtue de robes à volants et supposée être une enfant prodige… Maria restera marquée à vie  par cette enfance.

« Ma sœur était mince, belle et attirante si bien que ma mère l’a toujours préférée à moi. J’étais un vilain petit canard, grosse, maladroite et mal-aimée. Il est cruel pour un enfant de ressentir qu’il est laid et non désiré… Pendant toutes les années où j’aurais dû jouer et grandir, je chantais ou gagnais de l’argent. »

Maria CALLAS (1923-1977), « The Prima Donna » in Time Magazine, 29 octobre 1956

Petite fille ronde et très myope, elle se persuade que sa mère préfère sa grande sœur, Jackie. À tort et/ou à raison, elle éprouve une haine qui ne fera que croître, publiquement dénoncée : « Je ne lui pardonnerai jamais de m’avoir volé mon enfance. J’avais toutes les bontés pour elle et tout ce qu’elle me rendait était du mal… » Mais le chant va faire miracle, quand ses parents divorcent. D’où le retour en Grèce de sa mère avec ses deux filles et l’entrée au Conservatoire.

« Quand je chantais, je sentais que j’étais vraiment aimée. Alors chanter est progressivement devenu le remède à mon complexe d’infériorité. »

Maria CALLAS (1923-1977), « The Prima Donna » in Time Magazine, 29 octobre 1956

Âgée de 13 ans, trop jeune pour aborder le répertoire lyrique, elle travaille quand même en cours privés pendant deux ans avec Maria Trivella, son premier professeur qui dirige le nouveau Conservatoire national à Athènes et découvre cette chanteuse déjà unique en son genre : « Fanatique, exigeante avec elle-même, dévouée à ses études corps et âme. Ses progrès étaient phénoménaux. Elle travaillait cinq à six heures par jour… En six mois, elle était capable de chanter les arias les plus difficiles du répertoire. »

Maria intègre enfin le Conservatoire dans la classe réputée de la maestria Elvira de Hidalgo, séduite à son tour par ce phénomène vocal et sa capacité à apprendre. Elle peut désormais chanter à l’Opéra d’Athènes : des seconds rôles qui lui permettent de subvenir aux besoins de sa famille pendant la guerre, la Grèce étant occupée à la fois par les Italiens et les Allemands.

Après la libération, elle donne des récitals dans tout le pays, mais sa mère est soupçonnée de collaboration avec l’occupant, elle-même étant accusée d’avoir trop chanté pour l’ennemi et plus encore… Elle rompt avec sa mère, repart à New-York pour retrouver son père, tente sa chance auprès de la direction du MET (Metropolitan Opera, la plus grande salle au monde), rencontre des producteurs de spectacles à fuir… Elle fuit et part en Italie, pays du bel canto.

« Elle était si étonnante, si imposante physiquement et moralement, si certaine de son avenir. Je savais que cette fille, dans un théâtre en plein air comme Vérone, avec sa voix puissante et son courage, ferait un effet démentiel. »

Tullio SERAFIN (1878-1968), Callas : The Art and the Life (1974), John Ardoin, Gerald Fitzgerald

C’est en Italie, à Vérone en 1947, que la jeune chanteuse va décrocher son premier rôle-titre, La Gioconda dans l’opéra de Ponchielli. À peine l’a-t-il vue et entendue, le grand chef d’orchestre italien l’engage aussitôt.

Interviewée en 1968, Callas reconnaitra que son travail sous la direction de Serafin a été la chance de sa vie : « Il m’a enseigné qu’il doit y avoir une formulation ; qu’il doit y avoir une justification. Il m’a enseigné le sens profond de la musique, la justification de la musique. J’ai réellement, véritablement absorbé tout ce que je pouvais de cet homme. »

Autre chance, sa rencontre à Vérone avec le premier homme de sa vie, son « Tita » dont elle dira toujours l’extrême générosité. Giovanni Battista Meneghini, de vingt-huit ans son aîné, riche industriel et amateur d’opéra, prend sa carrière en main. Elle l’épouse le 21 avril 1949 à Vérone et s’appellera désormais Maria Meneghini Callas, jusqu’à leur divorce en 1959 – elle vit alors avec le second homme de sa vie, le grec Onassis.

Meneghini est son mentor, son père de substitution et son impresario, il gère sa carrière lyrique en homme d’affaires et son apparence physique en homme de goût. La Diva n’a plus qu’à chanter…

« N’importe quelle cantatrice aurait créé la surprise en interprétant un rôle aussi différent vocalement que la Brunehilde de Wagner et l’Elvira de Bellini dans une même carrière mais essayer (et réussir) de faire les deux dans la même saison ressemble fort à la ‘folie des grandeurs’. »

Michel GLOTZ (1931-2010), cité par Alain Lompech, « Michel Glotz, agent artistique », Le Monde,‎ 19 février 2010

Janvier 1949. Nouvelle chance offerte par Serafin à Maria Callas. Elle chante La Walkyrie de Wagner à la Fenice de Venise, quand Margherita Carosio, interprète d’Elvira, rôle principal des Puritains de Bellini, tombe malade.

Incapable de trouver une remplaçante, Serafin convoque Maria Callas et lui donne six jours pour apprendre le rôle. Callas alterne ainsi dans le même mois un des rôles les plus lourds du répertoire wagnérien et l’un des plus brillants du bel canto italien, soumettant sa voix à d’énormes tensions, apparemment sans efforts.

Critiques dithyrambiques : « Même le plus sceptique doit reconnaître que Maria Callas a accompli un miracle […] Souplesse de sa magnifique voix parfaitement équilibrée et ses splendides notes haut perchées […] Interprétation d’une humanité, d’une chaleur et d’expression qu’on chercherait vainement dans la froide expression d’autres Elvira. » Michel Glotz confirme :  « De tous les nombreux rôles que Callas a chantés, il est indubitable qu’aucun n’est plus brillant. »

Cette incursion dans le « bel canto romantique » infléchit la carrière de Callas qui va bientôt enchaîner tous les grands rôles du répertoire : Lucia di Lammermoor, La Traviata, La Sonnambula. Elle fait une tournée triomphale en Amérique du Sud, Buenos Aires en 1949, Mexico en 1950/51/52 - où elle fait venir sa mère qui tente de s’approprier sa gloire. Maria rompt définitivement avec elle, mais l’histoire de cette haine n’en finira jamais.

La cantatrice éveille un regain d’intérêt pour des opéras longtemps négligés de Bellini (Norma), Rossini (Semiramide, la Cenerentola), Donizetti : en 1957, elle chante à la Scala le rôle-titre d’Anna Bolena. Triomphe sans précédent et véritable renaissance pour ce compositeur.

Ainsi peut-elle « tout chanter, tout jouer ». Comme un coureur s’alignant sur le 100m, le 400m et le marathon. C’est le même exploit physique inimaginable. La Callas donne une explication toute simple de son jeu – la voix suivant ensuite la musique.

« Lorsqu’un chanteur a besoin de trouver l’expression gestuelle qui convient, lorsqu’il cherche comment il doit se comporter sur scène, tout ce qu’il doit faire est d’écouter la musique. Le compositeur y a déjà pourvu. Lorsque vous avez pris la peine d’écouter avec votre âme et vos oreilles — je dis ‘‘âme’’ et ‘‘oreilles’’, le cérébral aussi doit fonctionner, mais pas trop — vous y trouverez la gestuelle. »

Maria CALLAS (1923-1977), Entretien avec James Fleetwood, les 13 et 27 mars 1958 à New York, The Callas Édition, 1998

Sa voix lyrique et son jeu dramatique - en cela, elle est unique. D’où cette carrière unique en son genre.

En une décennie magnifique, Maria Callas conquiert le monde de l’opéra et s’impose dans les plus grandes salles, à commencer par la Scala de Milan, temple du bel canto.

Elle y chante pour remplacer au pied levé (une fois encore) la soprano Renata Tebaldi dans le rôle-titre d’Aida de Verdi, en 1950. Le public manque d’enthousiasme, les critiques sont mauvaises, sa voix est jugée inégale, forcée. L’année suivante, elle fait ses débuts officiels en ouvrant la saison, le 5 décembre 1951. C’est un triomphe. Jusqu’à la fin des années 1950, la Diva règne sur la Scala. L’illustre maison monte de nouvelles productions spécialement pour la cantatrice avec des réalisateurs ou des personnalités prestigieuses du monde de la musique : Herbert von Karajan, Carlo Maria Giulini, Luchino Visconti, Franco Zeffirelli entre autres. Remarquons au passage la pseudo-rivalité entre Callas et Tebaldi. Elles étaient amies et la Tebaldi a reconnu sa supériorité. Mais chacune avait ses fans et la musicalité parfaite de la diva italienne reste sans égale.

En 1952, Callas chante Norma au Royal Opera House de Londres (Covent Garden). C’est le début d’une « une longue histoire d’amour ». Elle revient régulièrement devant « son parterre » et elle y fera ses adieux à la scène le 5 juillet 1965 dans la Tosca, mise en scène par Franco Zeffirelli, avec son vieil ami Tito Gobbi dans le rôle du terrible Scarpia.

Elle fait naturellement la conquête des Amériques, mais plus tardivement du MET de New York pour des raisons extra-artistiques. Même remarque pour l’Opéra Garnier de Paris où elle vit à partir de 1961. Elle y chante pour la première fois en 1964, le 22 mai, dans Norma.

« Je ne suis pas un ange et ne prétends pas l’être. Ce n’est pas l’un de mes rôles. Mais je ne suis pas non plus un démon. Je suis une femme et une artiste sérieuse et j’aimerais tellement être jugée pour ça. »

Maria CALLAS (1923-1977), Lettres & Mémoires, Textes établis et traduits par Tom Wolf (2019)

Son caractère, ses caprices et ses scandales sont presque aussi célèbres que ses prouesses vocales – cela fait vendre « du papier » et des places. Dans cette histoire aux multiples rebondissements, impossible de démêler le vrai du faux, et surtout de faire la part chez Callas d’une exigence professionnelle à la démesure de son génie propre : « Un opéra commence bien avant que le rideau ne se lève et se termine longtemps après sa chute. Ça commence dans mon imagination, ça devient ma vie et ça reste une partie de ma vie bien après mon départ de l’opéra. » L’investissement humain est total. « Je me prépare pour les répétitions comme je le ferais pour le mariage. » Elle dit aussi : « Lorsque le rideau se lève, la seule chose qui parle est le courage. »

Autre débat qui ne cessera d’agiter le monde de l’opéra et dont elle est naturellement consciente : sa voix.

« Certains disent que j’ai une voix magnifique, d’autres disent le contraire. C’est une question d’opinion. Tout ce que je peux dire est que ceux qui ne l’aiment pas n’ont qu’à ne pas m’écouter. »

Maria CALLAS (1923-1977), Interview télévisée accordée à Norman Ross, Chicago, 1957

On ne saurait être plus franche. Mais il faut citer là encore les avis des professionnels qui ont travaillé avec elle pour mieux comprendre le phénomène.

Elle se considérait avant tout comme « le premier instrument de l’orchestre ». Le chef Victor de Sabata confie au critique Walter Legge : « Si le public pouvait comprendre comme nous le faisons nous-mêmes, combien le chant de Callas est absolu et profond, il serait stupéfait. Callas possède un sens inné de l’architecture et des contours de la musique ainsi qu’un mystérieux sens du rythme qu’un de ses collègues décrit comme « un sens du rythme dans le rythme. »

« Sa voix est un instrument extrêmement spécial. Il arrive que la première fois où vous écoutez le son d’un instrument à cordes - violon, viole, violoncelle - votre première sensation soit quelque peu étrange. Au bout de quelques minutes, lorsque vous vous y êtes habitué, le son acquiert des qualités magiques. J’ai défini Callas. »

Carlo Maria GIULINI (1914-2005), Callas : A Documentary (documentaire TV de 1978), John Ardoin, Franco Zeffirelli

Chef d’orchestre attitré de la Scala (entre autres scènes lyriques et festivals illustres), il dirigea en 1955 la série de représentations de La Traviata de Verdi, mise en scène de Luchino Visconti, production devenue mythique avec une Callas longiligne, éblouissante de beauté, au summum de son art – il est impensable qu’un tournage n’en garde pas la trace, outre l’enregistrement… et les photos.

Au plan strictement vocal, la Diva est la réincarnation de la « soprano sfogato » (soprano « sans limites ») du XIXe siècle telles que l’étaient Maria Malibran et Giuditta Pasta. En fait, une mezzo-soprano dont le registre a été étendu par le travail et la volonté. Au final, une voix à laquelle il manque homogénéité et régularité si précieuses dans le chant. Maria Callas en était naturellement consciente, mais elle avait un autre atout magique pour pallier ses imperfections.

« En échange du manque de beauté « classique », Callas était capable de moduler le timbre et la couleur de sa voix pour la rendre plus proche du personnage qu’elle interprétait. Elle donnait à chacun sa propre individualité. »

John ARDOIN (1935-2001), The Callas Legacy (1991)

Parole d’un critique musical américain en relation avec le MET qui n’a jamais « fait de cadeau » à la Diva, mais le public l’a ovationnée le temps venu dans ses grands rôles comme Tosca et Norma.

Au final, ce qui fait d’elle un phénomène, une Diva de l’opéra, c’est sa capacité à tout chanter. Elle sait user de la puissance dramatique de ses sons graves comme de l’éclat de ses notes aiguës. Un registre étendu de près de trois octaves (de Lakmé à Carmen), allié à sa grande virtuosité, avec un phrasé unique et son talent de tragédienne lui permettant d’incarner ses personnages avec la plus grande intensité dramatique (Lucia, Médée, Norma, Tosca, Violetta).

« J’ai d’abord perdu du poids, puis j’ai perdu ma voix et maintenant j’ai perdu Onassis. »

Maria CALLAS (1923-1977), Maria Callas, l’ultime tournée (2017), Robert Sutherland

Sa voix ? Après 1965, la Callas ne se produit plus à l’opéra. Il y aura une dernière tournée en 1973 avec son partenaire de longue date (et nouvel amant) Giuseppe di Stefano. Sa présence scénique fascine toujours le public, mais sa voix n’est plus au rendez-vous. Elle en est douloureusement consciente. Diverses raisons possibles, à commencer par les efforts incessants demandés à ses cordes vocales. On a aussi parlé de sa perte de poids - c’est faux, elle a parfaitement chanté pendant deux saisons avec sa nouvelle silhouette.

Son poids ? Plus de 92 kg en 1952 et à la fin de l’année 1954, trente kilos en moins grâce à un régime dont on a tout dit (jusqu’à la contraction volontaire d’un ténia !) En tout cas, sa volonté était quasiment sans limite. Elle est passée du statut de « paysanne endimanchée » (selon sa couturière) au titre de « femme la plus élégante du monde » en 1957, désormais habillée par les grands couturier, passant à la rubrique « people » après sa rencontre avec l’armateur grec milliardaire et séducteur.

Aristote Onassis ? Première rencontre le 3 septembre 1957 à Venise, au bar de l’hôtel Danieli. Il a 53 ans, un empire d’armateur grec et une très jeune épouse, Tina. Maria a 33 ans, le monde à ses pieds et un vieux manager de mari, Meneghini. Elle est subjuguée par cette force de vie. Elle devient sa maîtresse dans la nuit du 6 au 7 août 1959, à bord de son yacht le Christina. Elle est prête à tout abandonner pour cette nouvelle passion. Mais lui était surtout attiré par la Diva… En 1961, elle quitte Monte-Carlo pour s’installer à Paris, dans l’appartement du 44 avenue Foch acheté par Onassis. Elle passe son temps à l’attendre… C’est une autre célébrité, Jackie Kennedy, la jolie veuve du président Kennedy, qu’il va épouser en 1968 après avoir humilié Maria de toutes les manières. Mais elle est presque seule au chevet du mourant, le 15 mars 1975 à l’Hôpital américain de Neuilly.

La fin de sa vie parisienne (au 36 avenue Georges Mandel dans le 16ee arrondissement) est solitaire et triste à mourir. Elle écoute sa voix perdue sur ses vieux enregistrements, elle promène ses caniches, elle reçoit de très rares amis, elle fait une tentative de suicide aux somnifères, elle use et abuse de médicaments et meurt (sans doute) d’une embolie pulmonaire le 16 septembre 1977, à l’âge de 53 ans.

Rudolf Noureev (1938-1993)

« Seigneur de la danse », étoile du ballet classique, il bouleverse les codes, s’impose au Covent Garden de Londres, révolutionne l’Opéra de Paris, affiche sa liberté  et finit victime des « années Sida ».

« Du fauve, il avait le regard brûlant et les mouvements aussi. Puissant et frémissant, le prince tatar, le seigneur de la danse qui a fui les communistes, Rudolf Noureev est mort à Paris. Il n’avait que 54 ans. ».

Christine OCKRENT (née en 1944), présentatrice du JT de France 3, 6 janvier 1993

Invité sur le plateau, directeur de l’Opéra national de Paris, Pierre Bergé témoigne : « Il était danseur comme les autres. C’est formidable d’avoir 19 sur 20. C’est très rare d’avoir 20 sur 20. Mais d’avoir 21 sur 20, c’est encore beaucoup plus rare. Et ça, c’était le cas de Noureev. » Cas absolument hors norme, une évidence. Comme Kylian Mbappé aujourd’hui : pas besoin d’être fan de foot ni même amateur, ça crève les yeux et les écrans.

« Tout le monde aimerait être le plus grand, mais Dieu ne peut pas accorder cet honneur à tout le monde. »

Rudolf NOUREEV (1938-1993), La mosca al naso. About Rudolf Nureyev (1980) Roberto Gervaso

Ego affirmé, très tôt remarqué dans cette Russie encore soviétique et ce monde de la danse classique aux règles quasi-militaire. Il eut très vite conscience de son destin, avec une spiritualité slavissime et une conscience professionnelle extrême. La passion l’animera à chaque instant et jusqu’à la fin.

17 mars 1938. Naissance de Rudolf, quatrième enfant et seul fils de Hamet et Farida Noureev, à bord du Transsibérien, dans la région du lac Baïkal. Il passe son enfance et sa jeunesse à Oufa, capitale de la République soviétique de Bachkirie. Ses parents sont des tatares musulmans. Contre l’avis paternel, il pratique la danse folklorique et prend des cours de danse classique au théâtre d’Oufa.

24 août 1955. Il passe l’examen d’entrée à la prestigieuse École de danse Vaganova de Leningrad à 17 ans, déjà remarqué : « Soit vous serez un danseur extraordinaire, soit le modèle des ratés, et plus probablement le modèle des ratés. » Trois ans après, pour le spectacle de fin d’études de l’École, il danse Le Corsaire. Premières ovations. Il entre directement comme soliste dans la compagnie de Ballet du Théâtre du Kirov (ex-Théâtre Mariinsky), première compagnie de danse de l’URSS.

28 octobre 1958. Il débute au Kirov dans le pas de trois du Lac des cygnes. Au fil de ses apparitions, Rudolf Noureev devient une des idoles du public.

19 mai 1961 Tournée du Ballet du Kirov à Paris. Le succès de Noureev est foudroyant dès sa première apparition sur la scène du Palais Garnier dans La Bayadère. Il découvre la vie parisienne et surtout les nuits de folle liberté. Le 16 juin, il demande le droit d’asile à l’aéroport du Bourget, alors qu’il doit embarquer à bord d’un avion qui le ramènera en URSS.

Fortement médiatisée, la défection du danseur transfuge à Paris est interprétée comme un geste « dissident », mais son choix de rester en Occident est plus artistique que politique. Cible du KGB, l’artiste est condamné dans son pays à sept ans de prison pour « acte de trahison ». En Occident, il est engagé le lendemain par les ballets du marquis de Cuevas à Monte-Carlo. En février 1962, le prestigieux Royal Ballet de Londres l’accueille en tant que « soliste invité ».  Le 21 février, il débute dans le Prince de Giselle avec Margot Fonteyn dans le rôle-titre.  Ainsi débute la « rudimania »  et un légendaire partenariat artistique de dix-sept années avec cette étoile britannique de dix-neuf ans son aîné.

« Nous ne formions qu’un seul corps, une seule âme. »

Rudolf NOUREEV (1938-1993), Encyclopédie Universalis

Leur complémentarité miraculeuse et leurs silhouettes harmonieuses créent sur scène l’illusion d’une osmose physique dont il joue aussi en chorégraphe. Le duo devient mémorable. Les 89 rappels à la fin du Lac des Cygnes à l’Opéra de Vienne  en 1964 figurent au Guinness Book des records, avec un timbre-poste autrichien à leur effigie.

Fonteyn et Noureev reprennent les grands ballets classiques au répertoire et créent deux œuvres néo-classiques mémorables, Marguerite et Armand en 1963, leur ballet fétiche en forme de long  « pas de deux »  (musique de Franz Liszt, chorégraphie de Frederick Ashton) et Roméo et Juliette en 1965 (musique de Serge Prokofiev, chorégraphie de Kenneth Mac Millan). Suivront des ballets plus contemporains : Paradis perdu en 1967 (musique de Marius Constant, chorégraphie de Roland Petit), Lucifer en 1975 (musique de Haline El-Dabh, chorégraphie de Martha Graham).

« Un pas de deux est un dialogue amoureux. Comment peut-il y avoir une conversation si l’un des deux est muet ? »

Rudolf NOUREEV (1938-1993), Encyclopédie Universalis

Soucieux de mettre fin à la primauté de la ballerine qui prévaut dans  le grand répertoire romantique du XIXe siècle et réduit le danseur au rôle de « porteur », Noureev place leur duo sur un strict pied d’égalité. C’est peu dire que Margot Fonteyn accepte : le génie de son partenaire crève les yeux et remplit son cœur. La presse s’en fait l’écho, sous le charme du couple et de l’émouvante complémentarité des deux artistes à la scène.

Mais ils ne seront sans doute jamais amants « à la ville ». Dame Margot Fonteyn (anoblie par la reine Élizabeth II en 1956) est une femme mariée, amoureuse et fidèle à Roberto Arias (infirme à la suite d’un attentat politique), cependant que Noureev multiplie les conquêtes toujours masculines, défiant les « années Sida » qui feront des ravages dans les milieux artistiques.

« Tu vis parce que tu danses, tu danses aussi longtemps que tu vis » ou « On vit parce qu’on danse, on vit tant qu’on danse. »
“You live because you dance, you dance as long as you live.”

Rudolf NOUREEV (1938-1993), « Recurring Topics in Nureyev’s Ballets »

Mélange d’ego et de mysticisme, il fait de la danse sa religion. Il le prouvera jusqu’à l’extrême fin d’une vie intense. Même sa vie privée fut très vite placée sous le signe de la Danse - passé le choc de l’Occident et la découverte d’un monde où tout (lui) était permis.

« La technique est ce sur quoi vous vous rabattez lorsque vous manquez d’inspiration. »
Technique is what you fall back on when you run out of inspiration.

Rudolf NOUREEV (1938-1993), « Rudolf Nureyev’s Technical Influence »

Il parle en interprète et en chorégraphe, partenaire de travail impitoyable, aussi incroyablement exigeant pour les autres que pour lui – comme Maria Callas. Comme elle, il a pu être détesté pour ses exigences ou ses caprices, mais il a su donner leur chance aux jeunes dont le talent et la personnalité semblaient déjà évidents. Il le prouvera quand il aura tout pouvoir à Paris, le temps d’un septennat qui transforma non sans mal la grande maison.

« Pour moi, la pureté du mouvement ne suffisait pas. J’avais besoin d’expression, de plus d’intensité, de plus d’esprit. »

Rudolf NOUREEV (1938-1993), « Nureyev: A Life That Changed The Face Of Dance » , Orlando Sentinel, 10 janviier 1993

Tous les grands artistes interprètes le pensent et le prouvent, instrumentistes et chefs d’orchestre, chanteurs ou danseurs. C’et pourquoi chaque interprétation diffère, et même chaque représentation. Comme disait Sarah Bernhardt, première star mondiale du théâtre, « le Dieu est l »… mais il est parfois absent. Tous les habitués du spectacle savent qu’il y a des jours « avec » et des jours « sans ». Reste le miracle des enregistrements au XXe siècle, témoins précieux. Noureev « crevait l’écran » et il le savait.

« Je pense que les danseurs ne sont pas payés pour ce qu’ils font, mais pour la peur qu’ils ressentent. Ce que vous faites n’est probablement pas si difficile : vous montez simplement sur scène. C’est cependant la peur qui vous pousse. »

Rudolf NOUREEV (1938-1993), La Mosca al naso. About Rudolf Nureyev (1980) Roberto Gervaso

Étonnant aveu. L’étoile fut parfois sifflée ou démolie par la critique, mais jamais découragée. Manuel Legris, nommé étoile du ballet de l’Opéra de Paris par Noureev, le décrit ainsi (documentaire La Danse, le ballet de l’Opéra de Paris) : « Rudolf Noureev était un TGV. Après s’être fait huer, il a enfoncé son béret et retravaillé. » Infatigable, indécourageable.

Comme la Callas, il  travaillera avec les plus prestigieux pour apprendre : George Balanchine, Martha Graham, Maurice Béjart ou Jeremy Robbins entre autres. Il retrouvera Roland Petit pour Le Jeune homme et la Mort, dansé avec sa femme  Zizi Jeammaire : inoubliable ballet sur un livret de Jean Cocteau, repris par les grands danseurs contemporains, à commencer par Mikhail Baryshnikov, l’autre étoile russe qui a choisi la liberté avec la nationalité américaine.

Noureev est aussi un chorégraphe, autrement dit un créateur  qui fera merveille en reprenant les chorégraphies géniales, mais trop datées du XIXe siècle de Marius Petipa, en Russie. Le  27 novembre 1963, il remonte l’acte des « Ombres » de La Bayadère pour le Royal Ballet. Premier triomphe. Suivront tous ses grands ballets du répertoire : La Belle au bois dormant, Casse-Noisette, Don Quichotte, Le Lac des cygnes, Raymonda. Ces mises en scène redonnent vie à ce répertoire – et une importance scénique à tous les Princes, face aux ballerines.

Sa carrière est rapidement internationale. Il danse en « Étoile invitée » avec toutes les grandes compagnies de ballet en Europe et aux États-Unis, fantastique interprète des princes du répertoire comme des créations de Frederick Ashton, Rudi Van Dantzig, Glen Tetley, Martha Graham ou Murray Louis.

Mais au fur et à mesure de sa carrière, Noureev aime plus que tout diriger et tout contrôler – ce que Maria Callas n’a jamais pu faire, restant une interprète aux mains et parfois aux prises avec les chefs d’orchestre ou les metteurs en scène.

« Je serais prêt à prendre le relais demain. Mais avant tout, tous les membres gras et paresseux de la troupe devaient être expulsés. »

Rudolf NOUREEV (1938-1993), « Rudolf Nurejew », Der Spiegel (19 octobre 1980)

“I would be ready to take over tomorrow. But first of all, all fat and lazy members of the troupe would have to be thrown out.” C’est clair.

Mais qui était visé à cette date ? Peut-être la troupe parisienne. Il dansait au Palais Garnier et son nom circulait, il devait pourtant hésiter, étant le danseur le plus payé au monde et le plus demandé, sachant aussi combien il serait exposé à la critique et envié. Finalement, la tentation fut la plus forte, pour lui comme pour Paris.

« Rudolf Noureev a rendu le Ballet de l’Opéra de Paris sexy. »

Benjamin MILLEPIED, (né en 1977), « Le pari de Stéphane Lissner », Paris Match, 26 janvier 2013

1er septembre 1983, Noureev est nommé Directeur de la Danse à l’Opéra de Paris par Jack Lang, ministre inspiré depuis 1981 et les années Mitterrand qui consacrent le fameux 1% au budget de la Culture.

Noureev élargit le répertoire, avec des reconstitutions de l’époque baroque ou préromantique et des commandes aux jeunes chorégraphes de la danse contemporaine. Il améliore les conditions de travail des danseurs en faisant construire de nouveaux studios de répétition. Il leur permet d’expérimenter de nombreux styles : grands classiques (pas toujours bien représentés à Paris), reprises et reconstitutions d’œuvres françaises historiques (les mises en scène de Marius Petitpa qu’il admire), sans oublier les meilleurs ballets de notre époque et les créations. Mais pétri de la Tradition russe et européenne, il ne cède pas à la tentation du moderne à tout prix.

Il stimule les danseurs à qui il donne leur chance très tôt, dès la sortie de l’école. Les réactions des danseurs français décrivant l’arrivée de Noureev rejoignent celles de David Wall du Royal Ballet : « Une inspiration incroyable… il rendait le travail si intéressant et si épanouissant… Il aidait toujours les danseurs qui le lui demandaient et j’avais le sentiment que je pouvais toujours aller le consulter pour n’importe quel problème professionnel en étant certain qu’il me répondrait en toute honnêteté. »

Il bouscule la hiérarchie du corps de ballet en distribuant dans les rôles de solistes les jeunes espoirs de la Maison. Il nommera cinq étoiles dans leur vingtième année, les « bébés » Noureev qui feront tous une grande carrière. À commencer par Sylvie Guillem, la star qui lui ressemble à divers titres et qu’il prendra comme partenaire (après Margot Fonteyn). Selon Pierre Lacotte (professeur et chorégraphe) sur scène « ces deux sont une personne ». Ils danseront ensemble même quand elle aura quitté le ballet de l’Opéra de Paris pour rejoindre le Royal Ballet et même quand le sida contracté en 1984 marquera le corps du danseur. Autres étoiles « de » Noureev, Isabelle Guérin et  Élisabeth Maurin, Laurent Hilaire et Manuel Legris.

Il augmente le nombre de représentations, il multiplie les tournées  – la vie d’un danseur (classique) est si brève, vingt ans au plus !  Noureev mondialement connu porte le prestige de l’Opéra de Paris sur les scènes internationales, emmenant la troupe trois fois de suite aux États-Unis (1986, 1987, 1988) après une absence française de plus de trente ans, la faisant aussi participer aux festivals de Venise, Vienne, Athènes et Avignon. Et surtout, il maintient la compagnie à son plus haut niveau d’exigence.

« L’essentiel est de danser, et tant que la danse ne disparaîtra pas de mon corps, je continuerai à danser jusqu’au dernier moment, jusqu’à la dernière goutte. »

Rudolf NOUREEV (1938-1993), « Rudolf Nureyev, Charismatic Dancer Who Gave Fire to Ballet’s Image, Dies at 54 », The New York Times (7 January 1993)

En 1988, lors de la représentation de La Sylphide à La Scala de Milan, les premières voix critiques, les doutes et les ragots se font entendre sur la forme de plus en plus décevante du danseur. Il nie l’évidence depuis quatre ans, il travaille, il danse comme si de rien n’était.

Fin 1989, après de nombreuses demandes, il obtient du président Gorbatchev un visa de quarante-huit heures à Leningrad (Saint-Pétersbourg) pour voir sa mère mourante. De ce voyage éprouvant et bouleversant, il rapporte la photocopie de la partition complète de La Bayadère de Minkus, avec l’intention de le remonter d’après les notes originales de Petipa. Il faut travailler encore et toujours.

En 1990, la maladie est évidente, il se bat courageusement, il ne danse plus, mais il sourit toujours, il tente plusieurs traitements expérimentaux incapables de ralentir la dégénérescence de son corps. Il apparaît amaigri, peinant à se déplacer.

Son courage suscite désormais l’admiration de ses détracteurs. Il expose sa déchéance, il tourne un documentaire bouleversant, rayonnant  de l’amour de la vie et de la danse, il continue le combat, traqué par les caméras.

8 octobre 1992, dernière apparition publique, pour la première de sa production de La Bayadère au Palais Garnier, d’après Marius Petipa. Le public lui fait une ovation debout. Il meurt trois mois après, le 6 janvier.

« Rudolf était un homme hors du commun à tous égards, instinctif, intelligent, une curiosité constante, une discipline extraordinaire, c’était son but dans la vie avec naturellement l’amour du spectacle. Il aimait les femmes fortes, les hommes loyaux et il aimait sa vie. J’ai beaucoup appris de lui, même si nous sommes des artistes très différents. Il va me manquer pour le reste de ma vie. »

Mikhail BARYSHNIKOV (né en 1948), « Baryshnikov’s Tribute To Nureyev” (2013)

Né à Riga en Lettonie alors annexée par l’Union soviétique, Baryshnikov choisit la liberté comme Noureev et prit la nationalité américaine. Danseur, chorégraphe, directeur de ballet et acteur, il fait partie des quatre grands danseurs du XXe siècle, avec Vaslav Nijinski, étoile des Ballets russes de Diaghilev qui firent scandale et merveille à partir de 1909 à Paris et Vladimir Vassiliev qui fit une carrière internationale avec sa femme Ekatarina Maximova et une tournée légendaire au Palais Garnier, mais le couple resta en Russie.

« Je le connaissais depuis plus de trente ans. Nous étions amis. Et pourtant, je ne suis pas sûr que nous lui ayons témoigné suffisamment de reconnaissance ou de gratitude. Lui avons-nous dit à quel point il était unique ? L’avons-nous assez remercié pour l’émotion qu’il nous a procurée ? Avons-nous prouvé notre admiration et notre amour comme nous aurions dû le faire ? Je ne sais pas. Ce que je sais maintenant, c’est que nous sommes seuls, que l’irréparable est arrivé et qu’un brillant danseur est parti pour toujours. »

Pierre BERGÉ (1930-2017), Rudolf Nureyev Foundation

Compagnon de route du grand couturier Saint-Laurent, Pierre Bergé fut aussi directeur de la société de l’Opéra de Paris, chargée du Palais Garnier, de la salle Favart (Opéra-Comique) et de l’Opéra Bastille, mais également mécène et spectateur passionné. C’est à ce titre qu’il témoigne : « Rudolf Noureev est arrivé dans un saut, il est parti dans un souffle. Nous n’oublierons jamais ce danseur venu du froid, qui nous a tout de suite ébloui et qui devait nous fasciner si souvent par la suite. »

Dans le même témoignage, l’amateur éclairé compare logiquement les deux incomparables génies qu’il a naturellement rencontrés à la ville et admirés à la scène, à Paris et en d’autres lieux. Et il les réunit d’un point de vie historique et artistique, comme nous avons tenté de le faire.

« Avec Noureev, c’est plus qu’un danseur qui disparaît, c’est un moment de la danse, comme avec Callas s’est effondré un moment de l’Opéra. Ils ont, tous les deux, marqué leur art de leur empreinte et rien, après eux, ne sera pareil. »

Pierre BERGÉ (1930-2017), Rudolf Nureyev Foundation

Pour conclure : « … Rudolf Noureev côtoyait le génie. Il en avait le talent, l’étrangeté, la singularité et l’audace. La danse était sa vie, et, d’une certaine manière, on peut dire que le jour où il cessa de danser, il commença à mourir. Il était exigeant – pour lui et pour les autres – et se souciait peu de plaire. Il n’avait de vrai dialogue qu’avec son art, et portait sur le monde un regard amusé, cynique et souvent méprisant. Sa mort nous atteint au plus profond de notre être. »

Sa plus illustre partenaire française Sylvie Guillem au fort caractère et au franc parler, lui rendra toujours hommage, consciente de ce qu’elle doit à l’artiste.

D’autres témoignages à charge existent. Citons le plus court, signé du chorégraphe Jeremy Robbins qui le dirigea : « Rudi est un artiste, un animal et un salaud ». Ce pourrait être aussi la définition du « monstre sacré ».

Laissons le mot de la fin à une femme de l’art, historienne de la danse et biographe de Noureev, surnommé « le seigneur de la danse ».

« Noureev avait une volonté de fer et se consacrait totalement à son art. Il est devenu le danseur de ballet le mieux payé au monde, il a rendu le ballet populaire, il est devenu la rock star du ballet, il a changé la danse masculine dans les classiques en faisant du danseur l’égal de la ballerine ; il a créé une nouvelle approche du ballet en effaçant les différences entre le ballet classique et la danse moderne. »

Hélène CIOLKOVITCH, Je serai le plus grand danseur du monde. I Will Be The Greatest Dancer In The World! (1998)

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