IV. Naissance de la monarchie absolue (2 août 1589, mort d’Henri III, Henri IV lui succède - 14 mai 1643, mort de Louis XIII).
Cette période couvre deux règnes : Henri IV et Louis XIII (uni à Richelieu dans le « ministériat »). Ils mènent au siècle de Louis XIV, premier (et seul) roi absolu de l’Histoire.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
Prologue
Le pouvoir royal et ses limites
« Un Roi, une Loi d’État, une Patrie. »576
(1540-1598), Inventaire de l’histoire de France (1597)
Historiographe de France et protestant modéré, pensionné par Henri IV, il tire les leçons d’un siècle et demi de consolidation du pouvoir monarchique. Cette maxime succède à l’ancienne triade « Foi, loi, roi » (…)
« Comme la couronne ne peut être si son cercle n’est entier, ainsi la souveraineté n’est point si quelque chose y défaut. »577
Charles LOYSEAU (1566-1627), Traité des seigneuries (1608)
Jurisconsulte, il donne une définition quasi géométrique de la monarchie absolue, considérée comme une perfection. Homme d’ordre à tous les sens du terme, il décrit la stricte séparation des trois ordres (clergé, noblesse, tiers état), chacun subdivisé en degrés avec une hiérarchie, car il est dans l’ordre des choses que les uns commandent et les autres obéissent (…)
« Le Roy est le chef, et le peuple des trois ordres sont les membres, et tous ensemble font le corps politique et mystique […] et ne peut une partie souffrir mal que le reste ne s’en sente et souffre douleur. »578
Guy COQUILLE (1523-1603), Institution au droit des Français (1595)
Ce juriste est aussi un homme politique, député du tiers aux États généraux (…) Il traduit l’opinion des Français : l’État n’est pas une réalité abstraite, mais un tout organique, un corps vivant. Henri IV ressentira la France de manière très charnelle, suivi en cela par la plupart des dirigeants, jusqu’aux derniers présidents de la République.
« Je suis votre chef, mon royaume est mon corps, vous avez cet honneur d’être les membres, d’obéir et d’y apporter la chair, le sang, les os et tout ce qui en dépend. »579
HENRI IV (1553-1610), au Parlement de Bordeaux (…)
Après des rois faibles et à travers la tourmente de la dernière guerre de Religion (…) il incarne ce pouvoir royal qu’il doit réaffirmer face aux oppositions : Grands qui agissent encore en féodaux, assemblées de notables indisciplinés, Parlements rebelles (…) Il use de la menace ou de la bonhomie, de l’autoritarisme ou de l’ironie pour neutraliser ces corps intermédiaires.
« L’autorité contraint à l’obéissance, mais la raison y persuade. »580
Cardinal de RICHELIEU (1585-1642), Testament politique
(…) Ministre de Louis XIII, il fait preuve d’une très grande autorité pour contraindre à l’obéissance les protestants, les Grands, les Parlements et quelques autres rebelles. Ce qui lui vaut, surtout à la fin de son « règne », une grande impopularité personnelle.
« La centralisation administrative est une institution de l’Ancien Régime et non pas l’œuvre de la Révolution et de l’Empire comme on le dit. »581
Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859), L’Ancien Régime et la Révolution (1856)
Homme politique du XIXe siècle (député et ministre), Tocqueville reste aujourd’hui encore un politologue de référence et l’un des premiers sociologues. La suppression des corps intermédiaires ou du moins la limitation de leurs pouvoirs, est l’un des buts de la monarchie qui se veut absolue (…)
« [Richelieu] acheva ce que Louis XI avait commencé […] Il rendit le pouvoir absolu. »582
Philippe BUCHEZ (1796-1865) et Pierre-Célestin ROUX (1802-1874), Histoire parlementaire de la Révolution française (1834-1838)
Historien du XIXe siècle, il fait de Richelieu le premier héros de l’histoire moderne de la France, celui qui se bat pour l’unité du pays et le pouvoir du roi (…) Fait remarquable, ce sont deux ministres, Richelieu puis Mazarin, qui, sous des rois trop faibles ou trop jeunes, ont fait la monarchie absolue et créé le trône sur lequel Louis XIV s’installera.
« Il n’appartient qu’à des flatteurs et à des vraies pestes de l’État et de la Cour de souffler aux oreilles des princes qu’ils peuvent exiger ce que bon leur semble et qu’en ce point leur volonté est la règle de leur pouvoir. »583
Cardinal de RICHELIEU (1585-1642), Testament politique
Pouvoir absolu ne veut pas dire despotique. Les Français de l’époque ne manquent pas de comparer leur liberté à l’esclavage des sujets du Grand Turc ou du tsar de Russie !
« La légèreté ordinaire des Français leur fait désirer le changement à cause de l’ennui qu’ils ont des choses présentes. »584
Cardinal de RICHELIEU (1585-1642) (…)
Cette « légèreté » va revenir comme un leitmotiv et un sujet d’étonnement, d’irritation, de reproche dans l’esprit de l’homme rouge dont la légèreté n’est assurément ni un défaut, ni une qualité ! Louis XIII lui-même s’en fait l’écho. Ce trait de caractère est cause qu’on ne gouverne pas si aisément ce pays frondeur, ni en paix, ni en guerre (…)
« Nous devons la sujétion et l’obéissance également à tous Rois, car elle regarde leur office ; mais l’estimation, non plus que l’affection, nous ne la devons qu’à leur vertu. »585
Michel de MONTAIGNE (1533-1592), Les Essais (1580, première édition)
(…) En cette fin de siècle où l’intolérance règne, où la littérature est essentiellement engagée et partisane, Montaigne fait exception à la règle : loin de tout fanatisme, il prêche la tolérance, fait preuve – dans sa vie comme dans son œuvre qui est à son image – de sagesse, d’indépendance d’esprit, de sens critique, y compris envers le roi lui-même.
Économie
« Qui aurait dormi quarante ans penserait voir non la France, mais un cadavre de la France. »586
Étienne PASQUIER (1529-1615), Les Recherches de la France (1633)
« Premier historien de la France » (dictionnaire Le Robert), témoignage d’autant plus précieux qu’il a vécu 86 ans) (…) Après trente-huit années de guerres de Religion, on voit les terres en friches, la baisse de la production céréalière (…) les épidémies menacent les villes comme les campagnes (…) Brigands et pillards font la loi sur les routes et gênent le commerce, les « croquants » contestent l’impôt royal.
« Tu nous rendras alors nos douces destinées,
Nous ne reverrons plus ces fâcheuses années
Qui pour les plus heureux n’ont produit que des pleurs.
Toute sorte de biens comblera nos familles ;
La moisson de nos champs lassera les faucilles,
Et les fruits passeront la promesse des fleurs. »587François de MALHERBE (1555-1628), Prière pour le Roi Henri le Grand allant en Limousin (1605)
La rébellion gronde toujours chez les Grands, cependant que le pays a tant besoin de la paix ! Le poète, pensionné par Henri IV, appelle la bénédiction de Dieu sur le roi et son œuvre pacificatrice. Alors la France connaîtra l’âge d’or. Mais ce n’est là qu’un vœu pieux.
« On tient les paysans en France dans une telle sujétion qu’on n’ose pas leur donner des armes […] On leur laisse à peine de quoi se nourrir. »588
Sir George CAREW (??-1613), ambassadeur anglais (1609). Encyclopædia Universalis, article « Henri IV, roi de France et de Navarre »
(…) Sully privilégie l’agriculture (…) et prend des mesures, pour pallier les injustices et les misères les plus criantes (…) Mais il faut augmenter les gabelles et avec l’ordre revenu, les dîmes sont plus rigoureusement perçues. La fiscalité écrase la masse paysanne, origine de révoltes continuelles (…) Les disettes céréalières se répètent tous les quatre ou cinq ans (…)
« Le pauvre peuple des champs meurt de faim et se damne. »589
VINCENT de PAUL (1576-1660). La Littérature religieuse de François de Sales à Fénélon (1956), Jean Calvet
Une très longue vie de saint au service de la misère humaine (…) Pour Vincent de Paul et ses amis, l’assistance passe avant la conversion et le salut. Il groupe les dames de la bonne société en charités paroissiales et elles collectent des fonds pour les « pauvres honteux », mais la tâche est trop dure ! Alors Vincent fait appel à des femmes du peuple (…)
« Si les peuples étaient trop à leur aise, il serait impossible de les contenir dans les règles de leur devoir. »590
Cardinal de RICHELIEU (1585-1642), Testament politique
(…) De 1624 à 1643, soulèvements populaires, urbains aussi bien que paysans (…) intendants malmenés, maisons des fermiers d’impôts pillées, attaques des agents du fisc, révoltes des Va-Nu-Pieds, colères de tous les croquants et autres Jacques (…) Qu’importe : la grandeur de la France avant tout ! Les sujets ? « Il faut les comparer aux mulets qui, étant accoutumés à la charge, se gâtent par un long repos plus que par le travail. » Homme de devoir, Richelieu meurt lui-même d’épuisement à la tâche.
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