Un tour de France historique et inédit (de Henri IV à la Révolution) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

 

Voici le pari d’une Histoire de France où l’on ne parle pas de Paris.
Cela semble aussi fou que d’écrire un roman de 300 pages sans « e », lettre la plus utilisée - mais Georges Perec a relevé le défi avec La Disparition (1969) !

Notre défi n’est d’ailleurs pas si fou. Il part d’une bonne raison : rendre justice à toutes les autres villes et régions de notre Histoire. Nombre de faits s’imposent aussitôt.
Presque toutes les (grandes) batailles et les sièges les plus connus se situent hors Paris. La majorité des Noms cités sont natifs de province. Les monuments plus ou moins célèbres se trouvent partout sur le territoire. Toute la gastronomie française (avec ses vins) renvoie aux régions, tandis que la France est essentiellement agricole et paysanne jusqu’au XIXe siècle. Au XXe, l’écologie relance l’idée de terroir ou territoire avec les ZAD et autres combats d’avenir.
Même sous la Révolution où le peuple de notre capitale tient le premier rôle, les Girondins font face aux Montagnards, cependant que la guerre de Vendée et celle des Chouans de Bretagne tuent cent fois plus que la Terreur… qui sévit aussi en diverses régions.  

Notre tour de France qui passe aussi par les ex-colonies et territoires d’Outre-mer se déroule en une Chronique de la Gaule à nos jours : quatre semaines et quelque 300 villes, départements ou régions classés ici par ordre alphabétique.

VILLES citées : Abbeville – Agde - Aix en Provence – Alger -  Alésia – Ambleteuse  - Amboise - Amiens – Angers – Arcis - Argenteuil – Arras – Artois – Avignon -  Bar-le-Duc - Barrême - Beauvais – Belfort - Besançon – Béthune - Béziers – Billancourt - Blois - Bois le Prêtre - Bordeaux –  Boulogne - Bourges – Bouvines – Brazzaville - Brest – Brienne - Caen – Calais - Cannes – Carcassonne - Carhaix-Plouguer – Castellane - Cayenne - Chambord - Champaubert - Châteauneuf-de-Randon - Château-Thierry – Chenonceau – Cherbourg – Chinon – Cholet - Clermont-Ferrand – Clichy – Collioure - Colmar – Colombey –  Compiègne – Condé-sur-l’Escaut – Craonne - Crécy - Créteil – Digne-les-Bains - Dijon –Domrémy – Douaumont – Douai - Dunkerque -  Éparges - Ferney – Ferrières - Florange - Fontainebleau – Fort-Lamy - Fréjus – Gandrange - Gap - Golfe-Juan – Grasse - Grenoble – Guinegatte – Île de Ré - Juan-les-Pins - La Courneuve - La Rochelle – Laffrey – Lascaux - Le Havre – Le Mans – Lépanges-sur-Vologne - Lille – Limoges – Lorient - Lyon -  Machecoul – Mâcon - Malijai – Marciac - Marseille – Metz – Montereau - Montmartre - Montmirail - Montpellier  – Mostaganem – Nancy –  Nangis - Nanterre – Nantes -  Narbonne – Nérac - Nice -  Nîmes – Notre-Dame-des Landes – Orange - Orléans - Pau – Parthenay - Penthièvre - Perpignan – Phalsbourg - Plombières - Poitiers – Port-Royal - Quiberon - Rambouillet - Reims – Rennes – Rethondes - Rouen -  Rueil –Saint-Cloud – Saint-Dié - Saumur - Savenay - Sedan - Sèvres - Soissons – Saint-Jean-de-Luz  - Saint-Germain - Sainte-Marie-du-Pont (Utah Beach) - Sainte-Ménehould - Sainte-Mère-l’Église - Sisteron - Strasbourg – Tamanrasset  - Toulon - Toulouse - Tours – Troyes – Turckheim  - Valenciennes - Valmy - Varennes – Vaux-le-Vicomte - Verdun  - Versailles – Vichy - Villers-Cotterêts – Villeroy – Vincennes.

RÉGIONS et départements : Afrique noire - Algérie - Alsace – Anjou - Aquitaine – Ardèche - Argonne - Béarn - Bourgogne – Bretagne – Cameroun - Comtat Venaissin - Congo - Cotentin – Corrèze - Corse – Côte d’Ivoire - Dauphiné – Dordogne – Finistère - Franche-Comté – Gabon - Gironde – Grand Est - Guyenne – Haut-Rhin - Indochine - Languedoc - Larzac – Limousin - Lorraine – Madagascar – Maine - Marne - Maroc – Marquises (les) – Massif central - Midi-Pyrénées – Loire-Atlantique - Moselle - Nord-Pas-de-Calais - Normandie - Oise - Oubangui-Chari - Pays de la Loire - Périgord  - Picardie - Provence – Rhin (Bas) - Rhin (Haut) – Roussillon - Savoie – Somme - Tahiti - Tchad - Tonkin – Touraine – Tunisie – Vendée – Yvelines – Zambèze.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

NAISSANCE DE LA MONARCHIE ABSOLUE

« Le personnage du Béarnais grandit en Majesté débonnaire et naturelle au fur et à mesure que s’étend le rôle qui lui est dévolu par l’Histoire. »604

Emmanuel LE ROY LADURIE (né en 1929), L’État royal : de Louis XI à Henri IV, 1460-1610 (1987)

La personnalité d’Henri IV, ex-Henri III de Navarre, né à Pau capitale du Béarn, est forgée par les circonstances, notamment la situation très particulière et difficile dans laquelle ce « roi de droit et fort peu de fait » prendra possession du royaume. Il lui faut tout simplement le conquérir, ce qui lui demandera dix ans !

Indulgent et politique, généreux et sachant pardonner, mêlant l’humour à la bonhomie, mais autoritaire, versatile et capable des pires coups de tête, il a – dirait-on aujourd’hui – un évident charisme. Aisance personnelle déconcertante, panache militaire éclatant, prise directe sur les hommes, telles seront les clés de la réussite du nouveau roi. Passionnément discuté de son vivant, adulé des Béarnais de Paris qu’il couvre de faveurs, il devient l’objet d’un véritable culte national après sa mort. L’assassinat par Ravaillac y contribue.

« Ventre Saint-Gris ! Les Ducs de Bretagne n’étaient pas de petits compagnons ! »637

HENRI IV (1553-1610), qui rend ainsi hommage à ses derniers ennemis, devant l’impressionnant château fort de Nantes, 18 mars 1598. Histoire de la ville de Nantes (1836), Alfred Lescadieu, Auguste Laurant

(L’étymologie de « Ventre Saint-Gris » est discutée, mais c’est assurément le juron préféré du roi.)

Henri IV veut en finir avec la guerre civile, toujours soutenue par le roi d’Espagne. Le duc de Mercœur (de la maison de Lorraine), gouverneur de Bretagne, a pris la tête des derniers ligueurs et joue du particularisme breton resté très vif pour tenter d’en faire une principauté indépendante. Il va finalement signer un traité de paix avec le roi, le 20 mars.

« Je veux que ceux de la religion vivent en paix en mon royaume. Il est temps que nous tous, saouls de guerre, devenions sages à nos dépens. »639

HENRI IV (1553-1610), résumant la philosophie de l’édit de pacification de Nantes, signé le 13 avril 1598. Pensées choisies des rois de France (1920), recueillies et annotées par Gabriel Boissy

Clauses religieuses : liberté de conscience, liberté du culte réformé (notamment dans tous les lieux où il était pratiqué avant 1597, et dans certains châteaux), autorisation des synodes, restitution des temples et autorisation d’en construire de nouveaux.

Clauses politiques : amnistie, égalité civile, accès à tous les emplois, « Chambres mi-parties » (tribunaux composés à égalité de magistrats des deux confessions).

Clauses territoriales et militaires : disposition d’une centaine de villes de sûreté.

L’édit de Nantes, acte de tolérance unique dans l’Europe de l’époque, met fin à trente-huit années de guerres de Religion en France. Mais il favorise l’existence d’un « État dans l’État », d’autant plus qu’un certain nombre de clauses secrètes renforcent les privilèges reconnus aux protestants – germe de résistance et de futures rébellions.

« Voilà de belles clefs ! Mais je préfère encore celles qui m’ouvrent le cœur des habitants ! »638

HENRI IV (1553-1610), au maire de Rennes qui lui remet les clefs de sa ville, 9 mai 1598. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

La pacification de la Bretagne s’achève devant Rennes et sans plus de résistance.

Il faut aussi en finir avec la guerre religieuse et c’est à Nantes que se tient cette année l’assemblée générale des députés protestants, réunis sans autorisation du roi. Minorité mal tolérée, agressée, donc agressive, les protestants n’ont que méfiance envers le roi renégat. Il saura pourtant négocier habilement avec quatre de leurs représentants.

« Nous serons si fous que nous prendrons La Rochelle ! »697

Maréchal de BASSOMPIERRE (1579-1646), été 1627. Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France : depuis le XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe (1837), J. Michaud, J. J. F. Poujoulat

Avec les Grands toujours prêts à comploter contre le roi, les protestants demeurent l’autre source d’anarchie dans le royaume. La Rochelle est la plus forte des villes de sûreté que leur a concédées l’édit de Nantes et les Rochelais viennent de s’allier aux Anglais, protestants entrés en guerre contre la France sur un prétexte (diplomatique) et qui occupent l’île de Ré. La lutte entre pouvoir royal et puissance protestante se joue donc au siège de La Rochelle qui commence le 10 août 1627.

Bassompierre, commandant un corps d’armée, sait que la victoire renforcera le pouvoir de son rival : Richelieu le soupçonne d’intriguer contre lui et l’embastillera douze ans. Mais le gentilhomme maréchal a bien d’autres folies à son actif.

« Prends ta foudre, Louis, et va comme un lion
Donner le dernier coup à la dernière tête
De la Rébellion. »698

François de MALHERBE (1555-1628), Poésies, Ode pour le roi (1628)

La lutte entre pouvoir royal et puissance protestante, cet « État dans l’État » toujours rebelle, se joue au siège de La Rochelle. Paradoxe cruel, cette bataille risque d’anéantir le premier port de France, principale place de course et d’armement, atout majeur pour la politique maritime et coloniale du cardinal, et vrai motif de la guerre avec l’Angleterre.

Malgré tout, il faut prendre La Rochelle. C’est dans la logique d’une monarchie qui se veut absolue.

« Pourvu qu’il reste un homme pour fermer les portes, c’est assez. »699

Jean GUITON (1585-1654), maire de La Rochelle, à la tête des assiégés. Nouvelle Histoire de France (1922), Albert Malet

Grand armateur, protestant convaincu, il va tenir un siège de quinze mois : d’août 1627 à octobre 1628. Richelieu a conduit personnellement les travaux préparatoires : une ligne de 12 km de fortifications sur terre et une digue construite au large, pour empêcher le ravitaillement par la flotte anglaise.

C’est la famine qui acculera La Rochelle à la reddition. Jean Guiton, exilé, sera bientôt nommé capitaine de vaisseau de la marine royale.

« Sire, ne soyez point courtois
À ces rebelles Rochellois
Point de pardon : il faut tout pendre !
Vous m’avez donné la maison
D’un parpaillot. S’il faut la rendre,
Je serai sot comme un oison. »700

Les Rochellois, chanson. Annales (1830), Société académique de Nantes et du département de la Loire inférieure

Malgré la tradition qui en fait un droit, le pillage est interdit, d’où les murmures des vainqueurs désabusés, entrant dans La Rochelle, le 1er novembre 1628.

Après quinze mois de siège, les trois quarts des habitants ont péri (22 500 morts) et l’on n’ose pas fêter cette amère victoire des Français contre des Français. Fortifications rasées, franchises municipales supprimées : La Rochelle ne s’en remettra pas de longtemps.

« Maintenant que La Rochelle est prise, si le roi veut se rendre le plus puissant monarque du monde […] il faut avoir en dessein perpétuel d’arrêter le cours des progrès d’Espagne, et au lieu que cette nation a pour but d’augmenter sa domination et étendre ses limites, la France ne doit penser qu’à se fortifier en elle-même. »701

Cardinal de RICHELIEU (1585-1642), avis donné au roi après la paix de La Rochelle, 13 janvier 1629. La Guerre de Trente Ans : l’Empire supplicié (2003), Henri Sacchi

Selon lui, l’ennemi numéro un de la France est la maison de Habsbourg, notamment l’Espagne, maîtresse de l’actuelle Belgique, de la Franche-Comté, du Roussillon et alliée avec l’empereur d’Allemagne.

Son attitude est d’abord défensive : Richelieu préfère « une douce et couverte conduite » à la guerre « ouverte », conscient qu’« il n’y a pas de nation au monde si peu propre à la guerre que la nôtre » (Testament politique). D’où son appui aux adversaires de l’Espagne et de l’empereur, y compris aux princes protestants révoltés contre lui. Mais dans l’entourage du roi, le parti dévot (ultra-catholique) est très hostile à cette politique antiespagnole.

« Quand les Français prendront Arras,
Les souris mangeront les chats. »727

Message en deux octosyllabes, affiché par les Espagnols sur une des portes de la ville d’Arras, printemps 1640. Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France : depuis le XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe (1837), J. Michaud, J. J. F. Poujoulat

L’Artois (chef-lieu Arras), province réunie à la couronne sous Philippe Auguste, passa aux ducs de Bourgogne, puis aux Habsbourg d’Espagne, par héritage.

Le siège d’Arras par les Français est un épisode de la guerre de Trente Ans qui déchire l’Allemagne de 1618 à 1648. Richelieu intervient dans ce conflit, entré en « guerre ouverte » contre l’Espagne (alliée de l’Allemagne) en 1635. Il faut éviter l’encerclement de la France par les possessions des Habsbourg. Les premières batailles sont des défaites.

Mais l’armée réorganisée, la flotte reconstituée, le concours assuré d’un des meilleurs généraux du temps, Bernard de Saxe-Weimar (mort trop tôt, en 1639), vont permettre aux Français de regagner du terrain.

« Quand les Français rendront Arras
Les souris mangeront les chats. »728

Écrit sur une des portes de la ville d’Arras que les Français ont prise, le 9 août 1640. Le Magasin pittoresque (1839), Édouard Charton

On a seulement enlevé le « p », ce qui change tout.

Cette victoire d’Arras et quelques autres mènent à un renversement des forces en Europe, au bénéfice de la France et au détriment de l’Empire d’Allemagne et de l’Espagne, donc de la puissante maison d’Autriche (les Habsbourg).

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SIÈCLE DE LOUIS XIV

« Le voyez-vous comme il vole, ou à la victoire, ou à la mort ? »766

BOSSUET (1627-1704), Oraison funèbre de Louis de Bourbon, Prince de Condé (1686)

Quand Bossuet devra rendre hommage au Grand Condé, il évoquera la bataille de Rocroi du 19 mai 1643.

Chargé à 21 ans du commandement des armées du Nord, le quatrième prince de Condé remporte cette éclatante victoire qui anéantit l’armée espagnole des Pays-Bas et empêche l’invasion menaçante par les Ardennes : « L’armée commença l’action de grâce ; toute la France suivit ; on y élevait jusqu’au ciel le duc d’Enghien : c’en serait assez pour illustrer une autre vie que la sienne, mais pour lui, c’est le premier pas de sa course. »

C’est l’un des épisodes de la guerre de Trente Ans qui déchire l’Allemagne depuis 1618 et dans laquelle la France intervint directement huit ans plus tôt, jour pour jour, contre l’Espagne et les puissants Habsbourg tentés de reconstituer l’Empire de Charles Quint. L’autre héros de cette guerre est Turenne et les deux hommes vont souvent se croiser, amis ou ennemis, selon le camp choisi. Ce duo-duel sera particulièrement spectaculaire sous la Fronde.

« Point de paix, point de Mazarin ! Il faut aller à Saint-Germain quérir notre bon Roi ; il faut jeter dans la rivière tous les mazarins. »781

Cris du peuple de Paris assiégé, début mars 1649. Mémoires du Cardinal de Retz (posthume, 1717)

Des pourparlers de paix s’engagent entre la cour (réfugiée au château de Saint-Germain) et le Parlement de Paris.

Mais il y a des opposants irréductibles, une part du peuple se soulève, neutralise les échevins et les magistrats fidèles au roi (les « mazarins »). Cependant que les Grands deviennent le « piètre état-major d’une révolution incertaine » (Georges Duby). On retrouve le duc de Beaufort (le roi des Halles refaisant le coup de la Cabale des Importants), l’inévitable cardinal de Retz (porté par son ambition politique et bientôt perdu par ses propres subtilités), le prince de Conti – « un zéro qui ne multipliait que parce qu’il était prince du sang » selon de Retz – et la belle duchesse de Longueville (frère et sœur du Grand Condé qui se bat dans le camp du roi). Tout ce beau monde se querelle ou s’aime, intrigue, hésite, fanfaronne, enchaîne les volte-face et s’étonne de tant d’audace.

Les nouvelles des révolutionnaires de Cromwell vont terrifier les plus rebelles : ils ont osé exécuter le roi Charles Ier d’Angleterre ! Le président du Parlement de Paris, Molé, signe alors la paix de Rueil, le 11 mars 1649 : au prix de concessions mutuelles, c’est la fin (provisoire) de la Fronde parlementaire.

« Condé, vous voilà dans Vincennes,
Dieu veuille vous y maintenir.
On ne se met pas fort en peine
Comment vous en pourrez sortir. »784

Condé, vous voilà dans Vincennes, chanson (1650). Nouveau siècle de Louis XIV (1793), Claude-Sixte Sautreau de Marsy

Le coup de théâtre vient de la reine : le 18 janvier 1650, elle fait arrêter Condé, son frère Conti et son beau-frère Longueville. Le peuple chante. Le Parlement, bien que peu favorable aux princes, est quand même scandalisé par cet emprisonnement au fort de Vincennes, acte jugé arbitraire.

La Fronde des princes va durer toute cette année 1650, fertile en rebondissements. La noblesse cherche à soulever la province – et y réussit en Aquitaine, Normandie, Guyenne, Bourgogne, Limousin, Provence.

« Quo non ascendet ? » « Jusqu’où ne montera-t-il pas ? »858

Nicolas FOUQUET (1615-1680), devise figurant dans ses armes, sous un écureuil

Il monta si haut… que le roi ne put le tolérer.

Fils d’un conseiller au Parlement, vicomte de Vaux, enrichi par le commerce avec le Canada, Nicolas Fouquet achète la charge de procureur général au Parlement de Paris, devient ami de Mazarin, surintendant des Finances, s’enrichit encore, se paie le marquisat de Belle-Isle, y établit une force militaire personnelle et même des fortifications. Au château de Vaux-le-Vicomte qu’il fait construire, il sera le mécène des plus prestigieux artistes du temps : La Fontaine, Molière, Poussin, Le Vau, Le Brun.

Colbert qui brigue sa place apporte la preuve qu’une telle fortune fut acquise au prix de graves malversations. Invité à une fête somptueuse à Vaux-le-Vicomte (actuel département de Seine-et-Marne), 5 septembre 1661, Louis XIV fait arrêter son surintendant. Son arrestation est le premier acte politique du règne : Louis XIV prenant ainsi le pouvoir surprend tout son entourage.

« On nous dit que nos rois dépensaient sans compter,
Qu’ils prenaient notre argent sans prendre nos conseils.
Mais quand ils construisaient de semblables merveilles,
Ne nous mettaient-ils pas notre argent de côté ? »890

Sacha GUITRY (1885-1957), Si Versailles m’était conté (film de 1953)

6 mai 1682 : Louis XIV s’installe à Versailles, devenue capitale de la France et centre du monde civilisé.

Louis XIII avait fait construire en 1624 un pavillon de chasse, mais c’est Louis XIV en 1661 qui ordonne les travaux pour faire du château ce « plaisir superbe de la nature » (Saint-Simon).

Le roi ne dépense pas sans compter, mais il dépense beaucoup pour les bâtiments en général (4 % du budget de l’État leur est consacré en moyenne) et tout particulièrement pour Versailles. L’équipe qui a si bien réussi Vaux-le-Vicomte pour Fouquet est à nouveau réunie pour réaliser ce chef-d’œuvre de l’art classique à la française : Le Vau (architecte), Le Brun (peintre), Le Nôtre (jardinier), Francine (ingénieur des eaux). Et Louis XIV fait plus que donner son avis : il l’impose souvent. Et se trompe rarement.

« La plaie de la révocation de l’édit de Nantes saigne encore en France. »900

VOLTAIRE (1694-1778), Correspondance (Lettre au comte de Schouvalof, 30 septembre 1767)

Au siècle des Lumières, c’est le grand avocat de la tolérance religieuse qui s’exprime, mais aussi l’historien du Siècle de Louis XIV. L’édit de Fontainebleau du 18 octobre 1685 (enregistré le 22) révoque l’édit de Nantes (pris par Henri IV en 1598) : pasteurs bannis, écoles protestantes fermées, temples détruits, enfants des « nouveaux convertis » baptisés. Et interdiction de quitter la France sous peine de galères.

« Pas un de ces scélérats n’a demandé quartier, ils se sont laissé tuer avec une férocité extraordinaire. »927

Nicolas de LAMOIGNON de BASVILLE (1648-1724), avril 1704. Mémoires sur la guerre des Camisards (1979), Jean Cavalier

Ainsi se défendent les Camisards, d’après le témoignage de l’intendant du Languedoc chargé de la répression. Saint-Simon, dans ses Mémoires, le voit comme un roi et tyran solitaire et cruel, quand d’autres parlent d’un zélé serviteur du roi de France.

Depuis bientôt deux ans, cette révolte intérieure complique la situation en France : la Provence protestante a pris feu. Jean Cavalier, valet de bergerie, à la tête des paysans révoltés, tient en échec les troupes royales. Il faut faire venir des renforts avec Villars. Le maréchal amènera Cavalier à cesser le combat, mais des émeutes continueront jusqu’en 1710.

« Louis, avec sa charmante, / Enfermé dans Trianon,
Sur la misère présente, / Se lamente sur ce ton :
Et allons, ma tourlourette / Et allons, ma tourlouron. »934

Louis avec sa charmante, chanson. Le Nouveau Siècle de Louis XIV ou Choix de chansons historiques et satiriques (1857), Gustave Brunet

La crise économique et sociale ronge le pays, et même à la cour, les marchands exigent d’être payés comptant, pour livrer au roi le linge à son usage personnel.

Louis XIV, très éprouvé, trouve un réconfort moral auprès de Mme de Maintenon (au château de Trianon à Versailles), mais il est de plus en plus conscient de la gravité de la situation. Il cherche à négocier la paix. Malheureusement, la coalition impose des clauses inacceptables (restitution ou démilitarisation de villes françaises).

Le roi se pose alors en père de son peuple, en appelant pour la première fois et directement à ses sujets, persuadé qu’ils s’opposeraient eux-mêmes à recevoir la paix assortie de conditions contraires à la justice et à l’honneur du nom français. Cet appel émouvant et solennel est lu dans toutes les églises du royaume, le 12 juin 1709. L’adhésion populaire est évidente. Et la guerre continue. La situation va peu à peu se redresser. Villars, maréchal de France à la tête de l’armée de Flandre, redonne confiance aux troupes.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

SIÈCLE DES LUMIÈRES

« Les cœurs sont si abattus et consternés qu’on ne songe qu’à mourir et qu’on envie le sort de Marseille ! »1084

Mathieu MARAIS (1665-1737), Journal de Paris, année 1720

Les Mémoires de cet avocat au Parlement de Paris sont la plus fidèle et vivante chronique sur la Régence et le début du règne de Louis XV.

Il témoigne ici des conséquences dramatiques de la banqueroute de Law à Paris, alors qu’à Marseille sévit la dernière grande peste de l’histoire, apportée par un vaisseau venu du Proche-Orient. L’épidémie fait plus de 1 000 morts certains jours de septembre, et 85 000 au total, de juin à octobre 1720.

La banqueroute a ruiné une partie des 500 000 déposants, mais tous les petits dépôts (moins de 400 livres) ont été totalement indemnisés à terme. Il y a plus grave pour le pays. Le souvenir de ce drame va peser lourd sur la vie financière et freiner la modernisation de la France. Tout au long du XVIIIe siècle, le pays manquera d’une structure bancaire et d’un système monétaire sur le modèle de l’Angleterre, mieux armée pour devenir la plus grande puissance européenne à travers la prospérité du commerce et l’essor du capitalisme industriel.

« On vit en débauche ouverte à Versailles. »1088

Mathieu MARAIS (1665-1737), Journal, 31 juillet 1722

Versailles donne le ton à Paris et la Régence est une période frénétique, pleine de misères, d’excès, de folies. La vieille Madame (la Palatine, mère du Régent) écrit : « La débauche est générale et affreuse. Toute la jeunesse de l’un et l’autre sexe mène en France une vie des plus répréhensibles ; plus elle est déréglée, mieux cela vaut […], leur conduite me semble celle des cochons et des truies. »

Mais la France profonde, c’est aussi celle dont Chardin donnera l’image dans ses tranquilles tableaux d’intérieur ; celle des salons littéraires, des cafés et des clubs où les philosophes affûtent et répandent leurs idées.

« Autrefois de Versailles / Nous venait le bon goût,
Aujourd’hui la canaille / Règne et tient le haut bout.
Si la cour se ravale, / De quoi s’étonne-t-on ?
N’est-ce pas de la halle / Que nous vient le poisson ? »1163

Poissonnade de 1749. Chansonnier historique du XVIIIe siècle (1879), Émile Raunié

Même si le peuple reproche son origine non noble à la dame, c’est de la cour que part le plus souvent ce genre de pamphlets (anonymes). La personne du roi est également attaquée. Les cabales se multiplient. Le lieutenant de police avoue son impuissance à traquer les auteurs et ceux qui leur tiennent la main : « Je connais Paris autant qu’on peut le connaître. Mais je ne connais pas Versailles. »

« L’île de Corse […] j’ai quelque pressentiment qu’un jour cette petite île étonnera l’Europe. »1166

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), Du contrat social (1762)

Six ans après, au terme d’une longue guerre, les Génois qui occupent l’île depuis le XIIIe siècle devront la vendre à la France. Un an plus tard, en 1769, Napoléon Bonaparte y naîtra. Voilà pourquoi cette phrase du Contrat social prend valeur de citation historique.

« Innocents de tout ce que les Parlements disent contre eux et coupables de tout ce qu’ils ne disent pas, les condamnent à être lapidés avec les pierres de Port-Royal. »1169

VOLTAIRE (1694-1778). La France sous Louis XV (1864), Alphonse Jobez

Évoquant les ruines de l’abbaye janséniste de Port-Royal (actuel département des Yvelines) détruite en 1711 sur ordre de Louis XIV, Voltaire fait le procès parodique des jésuites en février 1763, alors qu’on essaie de liquider leurs biens et de régler le sort des collèges. Le pape Clément XIV supprimera la Compagnie de Jésus en 1773. La Nouvelle Compagnie sera rétablie par Pie VII en 1814.

« La marquise n’aura pas beau temps pour son voyage. »1173

LOUIS XV (1710-1774), voyant le cortège funèbre de sa favorite quitter Versailles sous la pluie battante, 17 avril 1764. Louis XV (1890), Arsène Houssaye

Mot souvent cité et toujours mis en situation, jusque dans les dictionnaires historiques anglo-saxons. Preuve de la notoriété des deux personnages. Mais l’histoire est injuste envers ce roi, en citant ces mots « à charge ».

Son valet de chambre Champlost évoque la scène et témoigne d’une peine réelle. Louis XV se mit sur le balcon malgré l’orage, nue tête, pleura et murmura ainsi découvert : « Voilà les seuls devoirs que j’ai pu lui rendre. Une amie de vingt ans. »

Mme de Pompadour est morte d’épuisement à 42 ans (le 15 avril). Elle savait qu’elle ne vivrait pas vieille. Cardiaque, d’une maigreur mal dissimulée sous la toilette, elle continuait sa vie trépidante. Les fameux courants d’air de Versailles ont aussi leur part, dans sa congestion pulmonaire.

Dernière faveur du roi, il lui a permis de mourir au château – privilège réservé aux rois et princes du sang. Sitôt après, le cortège devait quitter les lieux.

Selon d’autres témoins, le roi fut seulement indifférent et la reine en fut choquée. Car elle aimait bien la marquise.

« Cultivons notre jardin. »1021

VOLTAIRE (1694-1778), Candide (1759)

Conclusion du conte. Non sans rapport avec les soucis du jardinier qui vient d’acheter le château de Ferney (actuel département de l’Ain) où il va bientôt jouer l’« aubergiste de l’Europe.

La formule est surtout symbolique et souvent mal comprise. C’est tout sauf de l’égoïsme : « notre jardin », c’est le monde. Et si la Providence se désintéresse des hommes, il leur appartient d’agir et de rendre meilleur leur « jardin », de faire prospérer leur terre, d’y travailler pour le progrès. C’est presque un credo écologique avant la lettre.

« On dit que cet infortuné jeune homme est mort avec la fermeté de Socrate ; et Socrate a moins de mérite que lui : car ce n’est pas un grand effort, à soixante et dix ans, de boire tranquillement un gobelet de ciguë ; mais mourir dans les supplices horribles, à l’âge de vingt et un ans… »1180

VOLTAIRE (1694-1778), Lettre à M. le Comte d’Argental, 23 juillet 1766, Correspondance (posthume)

Il prend parti pour le chevalier de la Barre : accusé sans preuve de blasphèmes, chansons infâmes et profanations, et de ne pas s’être découvert lors d’une procession de la Fête-Dieu, il fut condamné à avoir la langue coupée et la tête tranchée le 1er juillet à Abbeville (actuel département du Nord), le corps réduit en cendres avec un exemplaire du Dictionnaire philosophique trouvé chez lui, le 1er juillet 1766. C’est dire si l’auteur, défenseur des droits de l’homme, se sent doublement concerné ! Comme pour Calas, Voltaire va demander la révision du jugement.

« Corse de caractère et de nation, ce jeune homme ira loin, s’il est favorisé par les circonstances. »1239

Avis du professeur d’histoire de Napoléon Bonaparte en 1785. Histoire de la vie politique, militaire et privée de Napoléon Bonaparte (1825), L.-E. Chennechot

L’élève officier de 16 ans n’est pourtant classé que 42e sur une promotion de 58, et affecté comme sous-lieutenant d’artillerie. Il va bientôt entrer dans l’Histoire… (au siège de Toulon).

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RÉVOLUTION

Aux femmes de Paris venues à Versailles demander audience au roi pour réclamer du pain :
« Vous n’en manquiez pas quand vous n’aviez qu’un roi. Allez en demander à nos douze cents souverains ! »1352

Comte de SAINT-PRIEST (1735-1821), 5 octobre 1789. Bibliographie moderne ou Galerie historique, civile, militaire, politique, littéraire et judiciaire (1816), Étienne Psaume

Secrétaire d’État à la Maison du roi, nommé ministre de l’Intérieur en août, il désigne en ces termes les députés de la Constituante. Ces journées révolutionnaires des 5 et 6 octobre ont pour cause le chômage, la misère, tout ce qui exaspère le peuple de Paris. Aux raisons économiques s’ajoute l’attitude de Louis XVI qui n’a sanctionné ni l’abolition de la féodalité, ni la Déclaration des droits ; puis la rumeur de la cocarde tricolore foulée aux pieds lors d’un banquet devant la famille royale.

C’en est trop : une foule de femmes et de chômeurs marche sur Versailles, armée de piques et de fourches. Une délégation est reçue le soir du 5 octobre par le roi. Il promet d’assurer le ravitaillement de Paris où le pain demeure le premier besoin alimentaire du peuple. La manifestation, d’abord pacifique, va dégénérer après une nuit de liesse bien arrosée, alors que La Fayette, présent à Versailles avec ses gardes nationaux, n’a rien vu venir et dort ! Mirabeau le surnommera Général Morphée.

« Nous ne manquerons plus de pain ! Nous ramenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron. »1356

Cri et chant de victoire des femmes du peuple ramenant le roi, la reine et le dauphin, sur le chemin de Versailles à Paris, 6 octobre 1789. Histoire de la Révolution française (1847), Louis Blanc

Épilogue des deux journées révolutionnaires, 5 et 6 octobre. 6 000 à 7 000 femmes venues la veille de Paris crient aujourd’hui victoire : le roi a promis le pain aux Parisiens. « Père du peuple », il doit assurer la subsistance et le pain tient une grande part dans le budget des petites gens, d’où l’expression : boulanger, boulangère, petit mitron.

« Tant que les femmes ne s’en mêlent pas, il n’y a pas de véritable révolution » écrit Choderlos de Laclos en 1783, dans L’Éducation des femmes. Cela dit, la très symbolique marche des femmes sur Versailles a été encadrée au départ par des meneurs qui ont participé à la prise de la Bastille, trois mois plus tôt. On a vu des hommes armés de piques et de fourches et certains travestis en femmes, trahis par leur voix.

Le soir à 20 heures, le maire de Paris accueille le carrosse royal de retour sous les vivats et les bravos du peuple. Louis XVI peut enfin s’installer aux Tuileries, n’imaginant pas qu’il est désormais prisonnier du peuple parisien.

« Ici commence le pays de la Liberté ! »1366

Inscription sur un drapeau français, planté sur le pont de Kehl à Strasbourg, 13 juin 1790. La France de l’Est (1917), Paul Vidal de La Blache

Le 13 juin 1790, des représentants d’Alsace, de Lorraine et de Franche-Comté, réunis (presque) spontanément en Fédération à Strasbourg, plantent sur le pont de Kehl un drapeau français, tricolore et symbolique, avec ces mots. Ils manifestent ainsi l’adhésion de l’Alsace à la communauté nationale française. Par là même, ils soutiennent les acquis de 1789, les lois votées par la Constituante, et les frontières nationales. Les conséquences vont être immenses – une suite de guerres étalées sur vingt-trois ans.

L’Alsace est et sera toujours un cas très particulier dans l’histoire. Sa réunion à la France date de 1648 (traité de Westphalie mettant fin à la guerre de Trente Ans). La France respecte les franchises incluses dans le traité, la langue alsacienne et la liberté religieuse. Mais certains princes allemands ont conservé des fiefs enclavés, où s’applique toujours le droit du Saint Empire romain germanique. La République voudra bientôt établir l’unité du territoire national contre les « princes possessionnés », mais déjà le peuple alsacien opte pour le « pays de la Liberté ». L’Alsace fournira de grands officiers à la France révolutionnaire (Kléber, Kellermann) et son hymne national, La Marseillaise, chantée pour la première fois par Rouget de l’Isle à l’Hôtel de Ville de Strasbourg.

« C’est une conjuration pour l’unité de la France. Ces fédérations de province regardent toutes vers le centre, toutes invoquent l’Assemblée nationale, se rattachent à elle, c’est-à-dire à l’unité. Toutes remercient Paris de son appel fraternel. »1370

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de la Révolution française (1847-1853)

L’historien de la Révolution voit en cette fête du 14 juillet 1790 le point culminant de l’époque, son génie même. C’est le jour de tous les espoirs. Et le peuple chante la plus gaie des carmagnoles.

« Le peuple alsacien s’est uni au peuple français parce qu’il l’a voulu, c’est donc sa volonté seule et non le traité de Munster qui a légitimé l’union. »1378

MERLIN de DOUAI (1754-1838), 31 octobre 1790. Encyclopædia Universalis, article « Nationalités (Principe des) ».

Avocat, député du tiers aux États généraux, il rappelle des événements historiques vieux de plus d’un siècle : après la guerre de Trente Ans et le traité de Münster-Westphalie, il y a eu la victoire de Turenne à Turckheim (actuel département du Haut-Rhin) et l’entrée triomphale de Louis XIV à Strasbourg. L’Alsace passe alors sous souveraineté française, avec un statut particulier. Cette province n’est complètement intégrée à la France qu’à la Révolution, avec la création du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, deux des 83 départements qui découpent le territoire depuis le 15 janvier 1790.

L’adhésion du peuple alsacien s’est manifestée en juin 1790, avec l’inscription sur le drapeau tricolore planté au pont de Kehl : « Ici commence le pays de la Liberté. »

La liberté inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen débouche sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes proclamé par la Constituante. L’application du principe des nationalités se pose très concrètement dans l’affaire des princes possessionnés d’Alsace. La volonté du peuple alsacien légitime son rattachement à la France et sert la cause de l’unité nationale, chère aux révolutionnaires. Mais en avril 1792, cela déclenchera la guerre entre la France et l’Autriche – une guerre de vingt-trois ans.

« Ce sont les femmes qui ont ramené le roi à Paris, et ce sont les hommes qui l’ont laissé échapper ! »1387

Cri de protestation des femmes de Paris, 21 juin 1791. Les 50 mots clefs de la Révolution française (1983), Michel Péronnet

Allusion faite ici aux journées révolutionnaires des 5 et 6 octobre 1789. Le 21 juin au matin, on constate la disparition de la famille royale, au palais des Tuileries. L’alerte est donnée, La Fayette, toujours commandant de la garde nationale, envoie des courriers tous azimuts pour faire arrêter les fuyards. Paris est en émoi.

Le 20 juin, à minuit, la famille royale a donc fui, avec la complicité du comte suédois Axel de Fersen, amant passionné de la reine. Leur but : rejoindre à Metz la garnison royaliste du marquis de Bouillé, pour se placer sous sa protection. Mais la berline royale, conduite par Fersen en cocher, est trop imposante, l’opération mal organisée, et le roi, déguisé en valet, est reconnu le 21 à Sainte-Ménehould (en Champagne) par Jean-Baptiste Drouet, le fils du maître des postes – qui précède le roi à Varennes, et donne l’alerte. Bayon, aide de camp de La Fayette, arrive à Varennes au matin du 22 juin. La berline royale est reconduite à Paris sous escorte, rejointe par trois députés : Pétion, Barnave et Latour-Maubourg, envoyés par l’Assemblée.

Paris crie à la trahison. Le plan de Louis XVI n’est que trop clair. Il voulait marcher sur Paris avec les troupes royalistes, renverser l’Assemblée, mettre fin à la Révolution et restaurer la monarchie absolue. Il faut éviter l’émeute, on colle un peu partout des affiches avec ce mot d’ordre : « Celui qui applaudira le Roi sera bâtonné, celui qui l’insultera sera pendu. » Toute manifestation est donc interdite, pour ou contre le roi et sa famille qu’on ramène de Varennes.

« Allons, enfants de la patrie… »1410

ROUGET de L’ISLE (1760-1836), Chant de guerre pour l’armée du Rhin (1792)

Premier vers de ce qui deviendra l’hymne national français sous le nom de La Marseillaise, paroles et musique de Claude Joseph Rouget de l’Isle, chant composé dans la nuit du 25 avril 1792 à la requête du maire Dietrich à Strasbourg, joué pour la première fois par la musique de la garde nationale de cette ville, le 29 avril.

« Aux armes, citoyens ! / Formez vos bataillons !
Marchez, marchez, / Qu’un sang impur / Abreuve nos sillons ! »1417

ROUGET de L’ISLE (1760-1836), Le Chant de guerre pour l’armée du Rhin, refrain (1792)

« Trouvé à Strasbourg […] il ne lui fallut pas deux mois pour pénétrer toute la France. Il alla frapper au fond du Midi, comme par un violent écho, et Marseille répondit au Rhin. Sublime destinée de ce chant ! » écrit Michelet, lyrique et romantique dans son Histoire de la Révolution française.

Mystérieusement arrivé à Marseille, le chant plaît au bataillon des Marseillais qui l’adopte comme hymne de ralliement et le chante le 29 juin 1792, en plantant dans la ville un arbre de la Liberté. Son histoire ne fait que commencer : la Marseillaise deviendra l’hymne national de la France.

Rappelons au passage que le « sang impur » n’est pas celui des ennemis, mais celui des défenseurs de la patrie - patriotes volontaires opposés au « sang bleu » de l’armée de métier, sous l’Ancien Régime.

« Je dois à la justice de dire que jamais troupes n’ont déployé plus de courage et de fermeté que cette brave armée qui, à juste titre, fut surnommée l’armée infernale. »1434

KELLERMANN (1735-1820), Relation de la bataille de Valmy et mémoire sur la campagne de 1792

Kellermann (né à Strasbourg), maréchal de France, fait partie de ces officiers de l’Ancien Régime ralliés à la Révolution – mais portant toujours perruque. Nommé lieutenant général en 1792, il remporte la victoire de Valmy (actuel département de la Marne) sous les ordres du général Dumouriez.

La bataille se borne en fait à une violente canonnade : 150 morts et 260 blessés chez les Français, guère plus chez les Prussiens et Autrichiens coalisés – mais la dysenterie durant la retraite fera 3 000 morts dans leurs rangs.
Ce 20 septembre 1792 fait pourtant date dans l’histoire de France : c’est la première victoire de la République.

« De ce jour et de ce lieu date une ère nouvelle de l’histoire du monde et vous pourrez dire : j’y étais. »1434

GOETHE (1749-1832), Aus meinem Lebe : Dichtung und Warheit - De ma vie : Poésie et Vérité (1811-1833), autobiographie

« Von hier und heute geht eine neue Epoche der Weltgeschischte aus, und ihr koennt sagen ihr seid dabei gewesen. » Le plus grand écrivain allemand est présent à la bataille de Valmy, côté Prussiens. Et conscient de vivre un événement majeur.

La retraite des troupes du duc de Brunswick, supérieures en nombre, reste à jamais une énigme. Il aurait dit : « Nous ne combattrons pas ici. »

« Vive la Nation ! »1436

Cri des troupes de Kellermann et Dumouriez à Valmy, 20 septembre 1792. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

Contre l’armée prussienne, ce cri nouveau est chargé d’un triple symbole : triomphe de l’idée de Nation, déchéance du roi, victoire de la République. Et Valmy arrête l’invasion de la France révolutionnaire.

Autre première historique, les femmes se sont engagées pour défendre la patrie proclamée en danger. Cantinières ou vivandières, on les retrouvera nombreuses dans les armées impériales.

« Il faut que Paris soit réduit à un quatre-vingt-troisième d’influence comme chacun des autres départements. »1443

Marie David Albin LASOURCE (1762-1793), député du Tarn, Convention, 25 septembre 1792. Histoire politique de la Révolution française (1913), François-Alphonse Aulard

Rappelons que la France fut divisée en 83 départements par la Constituante, le 15 janvier 1790. L’orateur parle ici au nom des Girondins et c’est une riposte aux Montagnards.

Députés venus assez nombreux de la Gironde et en majorité de la province, les Girondins sont partisans d’un régime fédéraliste. Ils s’opposent aux tendances centralisatrices des Montagnards : les chefs de ce parti mettent leurs espoirs sur les éléments révolutionnaires les plus avancés qu’on trouve naturellement à Paris, dans la Commune insurrectionnelle et les sections des sans-culottes.

Lasource, élu à la Législative et réélu à la Convention, ancien pasteur protestant, est fidèle à ses principes plus qu’à un meneur ou un parti. Du côté des Montagnards partisans de la guerre, il refuse bientôt leur dictature, se rallie aux Girondins et mourra avec eux.

« Si j’avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ; si je recule, tuez-moi. »1487

Henri de LA ROCHEJAQUELEIN (1772-1794), aux milliers de paysans qui le proclament leur chef, 13 avril 1793. Le Dernier des Chouans : Louis Stanislas Sortant (2007), Bernard Coquet, préface de Jean Tulard

Comte, membre de la garde de Louis XVI, il reçut le baptême du feu en défendant le palais des Tuileries, le 10 août 1792. Ayant perdu son roi (emprisonné), il regagne ses terres de Vendée.

C’est l’un des chefs de l’insurrection vendéenne qui commence le 10 mars 1793. L’origine en est moins politique que religieuse. Le peuple, très catholique, est choqué par la politique révolutionnaire et hostile aux « patriotes » qui veulent imposer la Constitution civile du clergé, la loi du serment des prêtres. Les nobles, dans cette région sans jacqueries paysannes, n’ont guère émigré.

La mort du roi, exécuté le 21 janvier, les décide à prendre les armes et à encadrer militairement leurs paysans et les métayers, révoltés par le décret sur la levée de 300 000 hommes rendu par la Convention le 24 février. Les prêtres réfractaires se joindront à cette contre-révolution armée. Les Anglais vont apporter une aide en argent, puis en hommes à cette guerre civile qui va combattre une Révolution devenue trop conquérante.

« En toutes les provinces, / Vous entendrez parler
Qu’il y a un nouveau prince / Qu’on dit dans la Vendée,
Qui s’appelle Charette, / Vive son cœur !
Chantons à pleine tête / Gloire et honneur. »1488

Chanson de l’armée de Charette (1793), anonyme. Orphée phrygien : les musiques de la Révolution (1989), Jean-Rémy Julien, Jean-Claude Klein

La guerre civile de Vendée fait naître d’innombrables chansons. C’est la plus authentique, sinon la seule. Elle reste populaire chez les amateurs de chants royalistes et jusque sur le site Internet YouTube.

François Athanase de Charette de la Contrie, dit Monsieur de Charette, est l’un des héros de cette guerre qui va déchirer un peu plus encore la France révolutionnaire.

Officier de marine sous l’Ancien Régime, il se trouve à la tête de l’insurrection vendéenne aux premiers jours (prise de Machecoul, actuel département de Loire-Atlantique, le 11 mars 1793). Son armée, ce sont en fait des paysans qui rejoignent leurs seigneurs pour faire acte de guerre et s’en retournent ensuite au travail de la terre. Seuls permanents aux côtés des chefs, quelques centaines de mercenaires (cavaliers, déserteurs de l’armée républicaine).

« Pays, Patrie, ces deux mots résument toute la guerre de Vendée, querelle de l’idée locale contre l’idée universelle, paysans contre patriotes. »1489

Victor HUGO (1802-1885), Quatre-vingt-treize (1874)

Dernier roman historique, situé en 1793, année charnière et riche en événements, il met en scène trois personnages : un prêtre révolutionnaire, un aristocrate royaliste et vendéen, et son petit-neveu rallié à la Révolution. Ce choc des extrêmes rappelle la Commune (1871) et ses drames, vécus par Hugo. Les guerres civiles se suivent et se ressemblent tragiquement.

Les insurgés vendéens (les Blancs) vont réunir jusqu’à 40 000 hommes et remporter plusieurs victoires contre les patriotes (les Bleus), en ce printemps 1793 : prise de Cholet, Parthenay, Saumur, Angers, avant d’échouer devant Nantes (29 juin).

La Convention envoie des troupes républicaines dès juillet, mais les grands combats suivis de massacres seront organisés sous la Terreur, à partir d’octobre. Au total, la guerre de Vendée et la guerre des Chouans (mêmes causes, mêmes effets, en Bretagne et Normandie) feront quelque 600 000 morts, dont 210 000 civils exécutés, 300 000 morts de faim et de froid (100 000 enfants).

Ce génocide (mot employé par certains historiens) est, sans conteste, le plus lourd bilan à porter au passif de la Révolution.

« Hommes de la Gironde, levez-vous ! […] Si vous développez une grande énergie, vous forcerez à la paix des hommes qui provoquent la guerre civile. »1501

Pierre Victurnien VERGNIAUD (1753-1793), appel au secours du 4 mai 1793. Histoire de Bordeaux (1839), Pierre Bernadau

Marat est revenu plus fort qu’avant à l’Assemblée. Dans cette atmosphère sanglante, Vergniaud pressent le pire et demande soutien à son département, écrivant au club des Amis de la Constitution de Bordeaux et usant de l’anaphore (répétition) : « Paris, le 4 mai 1793, sous le couteau. Frères et Amis, vous avez été instruits de l’horrible persécution exercée contre nous et vous nous avez abandonnés ! Hommes de la Gironde, levez-vous ! La Convention n’a été faible que parce qu’elle a été abandonnée, soutenez-la contre tous les furieux qui la menacent […] Hommes de la Gironde, il n’y a pas un moment à perdre ! Si vous développez une grande énergie, vous forcerez à la paix des hommes qui provoquent à la guerre civile […] La proscription et l’assassinat circulent autour de nous et l’on s’apprête pour aller à la barre nationale demander nos têtes. Quel est donc notre crime, citoyens ? C’est d’avoir fait entendre la voix de l’humanité au milieu des horreurs […] c’est d’avoir voulu vous garantir de la tyrannie de Marat […] Nous ne craignons pas la mort, mais il est cruel, alors qu’on se sacrifie, de ne pas emporter au tombeau la certitude qu’on laisse au moins quelques regrets à ceux pour lesquels on s’immole. »

Ses Frères et Amis de Bordeaux vont envoyer des pétitionnaires à Paris pour faire comprendre à l’Assemblée que la région ne supportera pas longtemps que ses députés soient persécutés, que si la Convention ne condamne pas les démagogues, elle lèvera une armée pour la combattre. Ces menaces vagues ne servent à rien : le temps de voir arriver ces secours, les députés Girondins seront déjà à la merci des émeutiers parisiens.

« Ne craignez rien des départements, je les connais : avec un peu de terreur et des instructions, nous tournerons les esprits à notre gré. »1505

Jean Henri HASSENFRATZ (1755-1827), propos rapportés par Lanjuinais à la Convention, 30 mai 1793. Journal d’un bourgeois de Paris pendant la Terreur (1895), Edmond Biré

Autodidacte (charpentier), il réussit de brillantes études (physique, chimie), mais choisit d’entrer en politique avec la Révolution. Membre très écouté du club des Jacobins, il parle ici en meneur de la Commune de Paris et il ne voit que trop juste : la province ne bougera pas, à l’annonce de la proscription des Girondins. C’est lui qui demande leurs têtes, le 31 mai – cet acte lui sera reproché plus tard, mais sauvé par l’amnistie et renonçant désormais à l’engagement politique, il reprendra une carrière scientifique.

« Oui, la Gironde était républicaine […] Oui, sa proscription a été un malheur. »1508

LEVASSEUR de la Sarthe (1747-1834), Mémoires (1830)

Ce député montagnard reconnaîtra l’évidence plus tard. Ajoutant pour sa défense que « c’est par un égarement de bonne foi » que la Montagne l’a consommé.

Bilan : 29 députés et deux ministres girondins décrétés d’accusation. Certains s’échapperont, quelques-uns, réfugiés en province, susciteront une révolte fédéraliste sans lendemain contre la dictature de la Montagne. Deux se suicideront (Buzot et Pétion). 21 seront jugés, guillotinés.

Les Montagnards ont les mains libres, ce sera bientôt la Terreur, la vraie, voire la Grande Terreur sous la dictature du Comité de salut public, dirigé par Robespierre.

« Détruisez la Vendée ; Valenciennes et Condé ne seront plus au pouvoir de l’Autrichien. Détruisez la Vendée ; l’Anglais ne s’occupera plus de Dunkerque. Détruisez la Vendée ; le Rhin sera délivré des Prussiens… »1524

Bertrand BARÈRE de VIEUZAC (1755-1841), Discours, Convention, 1er août 1793. Histoire parlementaire de la Révolution française ou Journal des Assemblées nationales (1834-1838), P.J.B. Buchez, P.C. Roux

Les troupes républicaines ont été battues en juillet. Le programme d’extermination contre ce « chancre qui dévore le cœur de la République » sera mis en œuvre à la fin de l’année. Mais le génocide semble inscrit dans le décret voté le 1er août, après ce discours incendiaire qui use de l’anaphore chère aux révolutionnaires (répétition efficace, en bonne rhétorique). Il faut des « mesures qui tendent à exterminer cette race rebelle, à faire disparaître leurs repaires, à incendier leurs forêts, à couper leurs récoltes. L’humanité ne se plaindra pas ; c’est faire son bien que d’extirper le mal ; c’est être bienfaisant pour la patrie que de punir les rebelles. L’autorité nationale portera l’effroi dans les repaires de brigands et dans les demeures des royalistes. »

L’armée de l’Ouest, sous les ordres de Léchelle, secondé par Kléber, reprendra Cholet, Angers, Le Mans : les Bleus (les patriotes) massacreront les Blancs. L’armée vendéenne est anéantie à Savenay (actuel département de Loire-Atlantique ) le 23 décembre 1793. Les colonnes infernales font la « terre brûlée » et exécutent 160 000 civils, au début de 1794. Chouans, Bretons et Normands, soulevés pour les mêmes raisons, subiront le même sort.

« La mort des Girondins, demandée tant de fois, fut le calmant qu’on crut devoir donner à la fureur des violents. »1551

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de la Révolution française (1847-1853)

C’est le tragique épilogue du conflit entre Montagnards et Girondins. Mais leur mort n’arrête pas le cours d’une Révolution emballée.

« Dix mille hommes sont nu-pieds dans l’armée. Il faut que vous déchaussiez tous les aristocrates de Strasbourg dans le jour et que demain à dix heures du matin, les dix mille paires de souliers soient en marche pour le quartier général. »1559

Proclamation signée Louis Antoine Saint-Just (1767-1794) et Philippe François Joseph Lebas (1764-1794), 15 novembre 1793. La Montagne (1834), Jean-Barthélemy Hauréau

Ces deux conventionnels s’expriment ici en tant que « représentants du peuple, envoyés extraordinairement à l’armée du Rhin, à la municipalité de Strasbourg  ». Bel exemple de la façon expéditive dont la République règle les problèmes d’intendance aux armées.

« Pour la première fois depuis l’Antiquité, une armée vraiment nationale marche au combat, pour la première fois aussi une nation parvient à armer et à nourrir pareil nombre de soldats, tels sont les caractères originaux de l’armée de l’an II. » Georges Lefebvre, La Révolution française (1951).

La patrie est en danger, la France est en guerre. Une Lettre du Comité de salut public (8 octobre) dicte la politique militaire : « Il est temps de frapper des coups décisifs et pour cela, il faut agir en masse. » Or, l’adoption de la tactique de masse va de pair avec la levée en masse. Les soldats de l’an II sont à présent 750 000.

« Il n’y a que deux espèces de plans de campagne, les bons et les mauvais. Les bons échouent presque toujours par des circonstances imprévues qui font souvent réussir les mauvais. »1561

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), Correspondance (posthume)

Le capitaine Bonaparte, chef d’artillerie, entre à 24 ans dans l’histoire au siège de Toulon : les Anglais occupaient la ville, reprise à l’ennemi le 18 décembre 1793. Trois ans après (sous le Directoire), il retrouvera cette ville pour commencer sa campagne d’Italie, première étape sur le chemin de la gloire.

« Les monstres ! Ils voudraient briser les échafauds ; mais, citoyens, ne l’oublions jamais, ceux-là ne veulent point de guillotine qui sentent qu’ils sont dignes de la guillotine. »1565

Jean-Baptiste CARRIER (1756-1794), fin 1793. La Justice révolutionnaire (1870), Charles Berriat-Saint-Prix

Député à la Convention, membre particulièrement actif aux Cordeliers et aux Jacobins, il parle sans les nommer des modérés : Danton et Camille Desmoulins souhaitent que cesse le régime de la Terreur et que vienne le temps de l’indulgence.

C’est le moment où Carrier va mériter son surnom de « missionnaire de la Terreur » (Jules Michelet). Envoyé dans l’ouest de la France pour mater l’insurrection des Chouans et autres contre-révolutionnaires de la guerre de Vendée, il arrive en un seul jour au chiffre de 800 morts à Nantes (la veille de Noël 1793). Un record, pour l’époque. Au total et en fin de mission, quand viendra pour lui le temps du jugement et du châtiment, on lui reprochera 10 000 morts : fusillés, guillotinés, noyés, victimes du typhus.

« Nantes, dans une paix profonde / Jouissait de la liberté
Lorsque Carrier, cette âme immonde, / Trouble cette heureuse cité.
Depuis que tu parus à Nantes, / Le fleuve autrefois si vanté,
N’a roulé que des eaux sanglantes / À l’océan épouvanté. »1566

Tout est lugubre dans l’histoire, début de l’année 1794, chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Sous-titré : « Complainte sur les horreurs de la guerre commises à Nantes par Carrier ». Ce sont les fameuses noyades.

Carrier, en zélé missionnaire de la Terreur, parle de « déportation verticale » et la Loire, sous sa plume, mérite le nom de « fleuve républicain » et « baignoire nationale ». Les prêtres réfractaires sont les premiers visés par ces noyades collectives. Autre pratique, les « mariages républicains » : un homme est accouplé avec une femme, ou un curé avec une sœur, ligotés dans des postures obscènes et plongés dans le fleuve. Les enfants ne sont pas épargnés, ni les nourrissons à la mamelle ni les vieillards. La vue de ces atrocités égara, dit-on, la raison de Carrier, déjà compromise par l’alcoolisme.

Le massacreur a des exécutants efficaces et dévoués. Fusillades, mitraillades, canonnades, incendies pallient les lenteurs de la guillotine, qui reste malgré tout l’instrument de supplice quotidien et le plus symbolique de cette Révolution devenue Terreur.

« La Terreur causa la révolte de Lyon, l’insurrection départementale, la guerre de Vendée ; et pour soumettre Lyon, pour dissiper la coalition des départements, pour étouffer la Vendée, il fallut la Terreur. Mais sans la Terreur, Lyon ne se fût pas insurgé, les départements ne se seraient pas réunis, la Vendée n’eût pas proclamé Louis XVII. »1611

Benjamin CONSTANT (1767-1830), Des effets de la Terreur (1797)

C’est fort bien démontrer le cercle vicieux de la répression et de la révolte dans lequel s’est enfermée la Révolution. Un armistice de compromis sera signé avec les chefs en février-mars 1795. Le décret du 26 octobre 1795 proclamera l’amnistie pour « les faits purement relatifs à la révolution ».

Entre-temps, Louis Marie Turreau est arrêté pour excès de zèle dans la guerre de Vendée, le 29 septembre 1794. Acquitté un an après, il est même réhabilité par un tribunal militaire jugeant qu’il n’a fait qu’obéir aux ordres.

« Les Anglo-Émigrés-Chouans sont ainsi que des rats, renfermés dans Quiberon. »1620

Lazare HOCHE (1768-1797), Communiqué du 7 juillet 1795. Le Général Hoche à Quiberon (1897), Charles-Louis Chassin

Le débarquement de 3 700 émigrés royalistes avait eu lieu le 27 juin à Quiberon, avec l’aide des Anglais. La Convention doit agir vite, surtout avec le regain du mouvement royaliste en France. Le 16 juillet, Hoche infligera une sanglante défaite (1 200 morts), achevée par la prise du fort de Penthièvre (département actuel des Côtes-d’Armor) le 21 et la reddition de l’armée des rebelles le 22. En août, il fera fusiller 751 hommes.

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