Un tour de France historique et inédit (du Directoire aux années 1930) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

 

Voici le pari d’une Histoire de France où l’on ne parle pas de Paris.
Cela semble aussi fou que d’écrire un roman de 300 pages sans « e », lettre la plus utilisée - mais Georges Perec a relevé le défi avec La Disparition (1969) !

Notre défi n’est d’ailleurs pas si fou. Il part d’une bonne raison : rendre justice à toutes les autres villes et régions de notre Histoire. Nombre de faits s’imposent aussitôt.
Presque toutes les (grandes) batailles et les sièges les plus connus se situent hors Paris. La majorité des Noms cités sont natifs de province. Les monuments plus ou moins célèbres se trouvent partout sur le territoire. Toute la gastronomie française (avec ses vins) renvoie aux régions, tandis que la France est essentiellement agricole et paysanne jusqu’au XIXe siècle. Au XXe, l’écologie relance l’idée de terroir ou territoire avec les ZAD et autres combats d’avenir.
Même sous la Révolution où le peuple de notre capitale tient le premier rôle, les Girondins font face aux Montagnards, cependant que la guerre de Vendée et celle des Chouans de Bretagne tuent cent fois plus que la Terreur… qui sévit aussi en diverses régions.  

Notre tour de France qui passe aussi par les ex-colonies et territoires d’Outre-mer se déroule en une Chronique de la Gaule à nos jours : quatre semaines et quelque 300 villes, départements ou régions classés ici par ordre alphabétique.

VILLES citées : Abbeville – Agde - Aix en Provence – Alger -  Alésia – Ambleteuse  - Amboise - Amiens – Angers – Arcis - Argenteuil – Arras – Artois – Avignon -  Bar-le-Duc - Barrême - Beauvais – Belfort - Besançon – Béthune - Béziers – Billancourt - Blois - Bois le Prêtre - Bordeaux –  Boulogne - Bourges – Bouvines – Brazzaville - Brest – Brienne - Caen – Calais - Cannes – Carcassonne - Carhaix-Plouguer – Castellane - Cayenne - Chambord - Champaubert - Châteauneuf-de-Randon - Château-Thierry – Chenonceau – Cherbourg – Chinon – Cholet - Clermont-Ferrand – Clichy – Collioure - Colmar – Colombey –  Compiègne – Condé-sur-l’Escaut – Craonne - Crécy - Créteil – Digne-les-Bains - Dijon –Domrémy – Douaumont – Douai - Dunkerque -  Éparges - Ferney – Ferrières - Florange - Fontainebleau – Fort-Lamy - Fréjus – Gandrange - Gap - Golfe-Juan – Grasse - Grenoble – Guinegatte – Île de Ré - Juan-les-Pins - La Courneuve - La Rochelle – Laffrey – Lascaux - Le Havre – Le Mans – Lépanges-sur-Vologne - Lille – Limoges – Lorient - Lyon -  Machecoul – Mâcon - Malijai – Marciac - Marseille – Metz – Montereau - Montmartre - Montmirail - Montpellier  – Mostaganem – Nancy –  Nangis - Nanterre – Nantes -  Narbonne – Nérac - Nice -  Nîmes – Notre-Dame-des Landes – Orange - Orléans - Pau – Parthenay - Penthièvre - Perpignan – Phalsbourg - Plombières - Poitiers – Port-Royal - Quiberon - Rambouillet - Reims – Rennes – Rethondes - Rouen -  Rueil –Saint-Cloud – Saint-Dié - Saumur - Savenay - Sedan - Sèvres - Soissons – Saint-Jean-de-Luz  - Saint-Germain - Sainte-Marie-du-Pont (Utah Beach) - Sainte-Ménehould - Sainte-Mère-l’Église - Sisteron - Strasbourg – Tamanrasset  - Toulon - Toulouse - Tours – Troyes – Turckheim  - Valenciennes - Valmy - Varennes – Vaux-le-Vicomte - Verdun  - Versailles – Vichy - Villers-Cotterêts – Villeroy – Vincennes.

RÉGIONS et départements : Afrique noire - Algérie - Alsace – Anjou - Aquitaine – Ardèche - Argonne - Béarn - Bourgogne – Bretagne – Cameroun - Comtat Venaissin - Congo - Cotentin – Corrèze - Corse – Côte d’Ivoire - Dauphiné – Dordogne – Finistère - Franche-Comté – Gabon - Gironde – Grand Est - Guyenne – Haut-Rhin - Indochine - Languedoc - Larzac – Limousin - Lorraine – Madagascar – Maine - Marne - Maroc – Marquises (les) – Massif central - Midi-Pyrénées – Loire-Atlantique - Moselle - Nord-Pas-de-Calais - Normandie - Oise - Oubangui-Chari - Pays de la Loire - Périgord  - Picardie - Provence – Rhin (Bas) - Rhin (Haut) – Roussillon - Savoie – Somme - Tahiti - Tchad - Tonkin – Touraine – Tunisie – Vendée – Yvelines – Zambèze.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

DIRECTOIRE

« Passé Sèvres, on ne trouverait pas un verre d’eau pour des assignats. »1653

Aphorisme qui a cours en 1795. Le Franc : histoire d’une monnaie des origines à nos jours (1953), René Sédillot

Les rapports de police consignent ces propos tenus dans la rue sur l’assignat. Ils notent qu’une femme a tué deux de ses enfants, faute de pouvoir les nourrir, que propriétaires et rentiers cherchent leur nourriture dans des tas d’ordures, que des passants murmurent : « On vivait sous les rois, on meurt sous le gouvernement actuel. » Une affiche sur le boulevard de la Madeleine réjouit les badauds : « République à vendre, à bas prix, en numéraire ».

La chute de l’assignat s’accélère et la province refuse le papier. L’État devra recourir à la banqueroute des deux tiers, pudiquement déguisée en « tiers consolidé ».

« Vous n’avez ni souliers, ni habits, ni chemises, presque pas de pain, et nos magasins sont vides ; ceux de l’ennemi regorgent de tout. C’est à vous de les conquérir. Vous le voulez, vous le pouvez, partons ! »1656

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), à ses soldats, Toulon, 29 mars 1796. L’Europe et la Révolution française, Cinquième partie, Bonaparte et le Directoire (1903), Albert Sorel

Nommé général en chef de l’armée d’Italie par le Directoire, Bonaparte tient ce langage le jour de son arrivée devant Toulon.

C’est le début de la (première) campagne d’Italie : Carnot, l’« Organisateur de la victoire » sous la Révolution, devenu l’un des cinq Directeurs au pouvoir, a envoyé le général Bonaparte pour retenir en Italie une partie de l’armée autrichienne – simple opération de diversion, ce qui explique l’intendance déplorable. C’est le commencement d’une irrésistible ascension.

Ce général en chef de 26 ans a déjà l’art de galvaniser ses troupes – vagabonds en guenilles dont il va faire des soldats victorieux face à des armées supérieures en nombre – avec les mots dictés par les circonstances : « Votre patience à supporter toutes les privations, votre bravoure à affronter tous les dangers excitent l’admiration de la France ; elle a les yeux tournés sur vos misères… »

« À Amiens, je croyais de très bonne foi le sort de la France, celui de l’Europe et le mien fixés […] Pour moi, j’allais me donner uniquement à l’administration de la France et je crois que j’eusse enfanté des prodiges. »1722

Napoléon BONAPARTE (1769-1821). Mémorial de Sainte-Hélène (1823), Las Cases

Le traité (ou paix) d’Amiens, signé le 25 mars 1802, met fin aux guerres de la deuxième coalition. C’est surtout la paix avec l’Angleterre qui se retrouvait trop seule à combattre.

Dès les préliminaires de paix, Londres illumine en apprenant la signature. On crie « Vive Bonaparte ! » Alors que Paris reste calme, ce qui irrite fort le chef de la France : « Bonaparte, très en colère de l’impassibilité de Paris, a dit à ses courtisans réunis : « Que leur faut-il donc ? » Et personne ne s’est levé pour lui dire : « La liberté, citoyen consul, la liberté ! » » Parole de Madame de Staël, une des rares opposantes qui ose presque tout dire et écrire – bientôt en exil doré en Suisse, chez son père le très populaire banquier Jacques Necker.

« C’est un fossé qui sera franchi lorsqu’on aura l’audace de le tenter. »1739

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), à Cambacérès, Boulogne, 16 novembre 1803. L’Europe et la Révolution française (1907), Albert Sorel

Ce fossé, c’est la Manche qui sépare la France des côtes d’Angleterre, visibles des hauteurs d’Ambleteuse (actuel département du Pas-de-Calais). C’est une idée récurrente, sinon une obsession. Le 19 avril 1801, il écrivait à Talleyrand : « L’espace qui sépare la Grande-Bretagne du continent n’est point infranchissable. »

« Qu’il est affreux de mourir ainsi de la main des Français ! »1745

Duc d’ENGHIEN (1772-1804), quelques instants avant son exécution à Vincennes, 21 mars 1804. Son mot de la fin. Les Grands Procès de l’histoire (1924), Me Henri-Robert

Bonaparte a pourtant la preuve que le prince de 32 ans, dernier rejeton de la prestigieuse lignée des Condé, n’est pour rien dans le complot Cadoudal, mais il est le chef d’un réseau antirépublicain qui a fait le projet de l’assassiner.

De tous les condamnés à mort réellement impliqués, il ne regrettera que Cadoudal, 33 ans. Pichegru s’est suicidé dans sa cellule et Moreau, jugé, condamné à deux ans de prison, sera finalement exilé.

Mais l’histoire retient surtout le drame du duc d’Enghien. Bonaparte l’a laissé condamner après un simulacre de jugement, puis fusiller la nuit même dans les fossés de Vincennes. Sans regret ni remords. « Pire qu’un crime, c’est une faute ! » dira-t-on pourtant.

EMPIRE

« Je m’afflige de ma manière de vivre qui, m’entraînant dans les camps, dans les expéditions, détourne mes regards de ce premier objet de mes soins […], une bonne et solide organisation de ce qui tient aux banques, aux manufactures et au commerce. »1804

NAPOLÉON Ier (1769-1821) à Barbé-Marbois, Camp de Boulogne, 24 août 1805. Correspondance de Napoléon Ier, publiée par ordre de l’empereur Napoléon III (1858)

Boulogne est un lieu stratégique : Napoléon y concentre son armée avec une grande flotte, en vue du débarquement depuis si longtemps rêvé. Mais ce débarquement (impossible) n’aura pas lieu.
Ce regret de ne pas faire assez pour les institutions revient souvent. Notons pourtant que Napoléon Ier Empereur, après Bonaparte Premier Consul, fit beaucoup en ce domaine et que loin des champs de bataille, de ses maréchaux et de ses hommes, il avouait s’ennuyer.

« Je me donne des ancêtres. »1844

NAPOLÉON Ier (1769-1821), château de Compiègne, 27 mars 1810. Metternich (1965), Henry Vallotton

« Ivre d’impatience, ivre de félicité », il apprend la valse (viennoise) et attend au château de Compiègne (département de l’Oise) sa future femme, Marie-Louise : archiduchesse d’Autriche, descendante de l’empereur Charles Quint et petite-nièce de Marie-Antoinette. Napoléon, de petite noblesse corse (d’origine génoise), évoque volontiers « ma malheureuse tante Marie-Antoinette » et « mon pauvre oncle Louis XVI ». Cette union flatte son orgueil.

Il s’est décidé en février, dans une hâte qui a fort embarrassé l’ambassadeur d’Autriche : même pas le temps de prévenir l’empereur d’Autriche, avant que Napoléon annonce sa décision aux Français ! Mais personne ne peut rien refuser à Napoléon, même pas sa fille.

« Le boulet qui doit me tuer n’est pas encore fondu. »1880

NAPOLÉON Ier (1769-1821), à ses soldats effrayés, quand son cheval passe sur un boulet fumant, bataille de Montereau, 18 février 1814. Napoléon, l’homme, le politique, l’orateur, volume II (1889), Antoine Guillois

Napoléon est reparti en guerre pour renverser la situation : la campagne de France commence, avec 50 000 hommes contre 350 000 Alliés marchant vers la capitale ! À Montereau (département de Seine-et-Marne), il risque de peu la mort.

À Brienne (département de l’Aube), il repousse les Prussiens qui occupent la ville, mais doit se retirer le 2 février.

« Ma bonne Louise, victoire ! J’ai détruit douze régiments russes, fait six mille prisonniers, quarante pièces de canon, deux cents caissons, pris le général en chef et tous les généraux, plusieurs colonels. Je n’ai pas perdu deux cents hommes. Fais tirer le canon des Invalides et publier cette nouvelle à tous les spectacles. »1882

NAPOLÉON Ier (1769-1821), Lettre à Marie-Louise au soir de la bataille de Champaubert (commune de la Marne), 10 février 1814. La Chute ou l’Empire de la solitude (2008), Dominique de Villepin

Champaubert, c’est une victoire sur les Russes et les Prussiens cinq fois supérieurs en nombre. Napoléon va encore faire des prouesses à Montmirail, Château-Thierry, Nangis et Montereau où il attaque, toujours en tête des troupes, sur son cheval… Mais l’empereur sait bien que voilà « le commencement de la fin ».

« J’ai tout fait pour mourir à Arcis. »1883

NAPOLÉON Ier (1769-1821), à Caulaincourt, évoquant la bataille du 19 mars 1814. Mémoires du général de Caulaincourt, duc de Vicence, grand écuyer de l’empereur (posthume, 1933)

L’aveu est postérieur à la bataille. Plusieurs fois, Napoléon a tenté de se suicider, notamment à l’opium. Et chaque fois, il évoquait ce nom et regrettait cette mort qui se refusait à lui.

Le 19 mars 1814, l’épée à la main, il s’est jeté dans la mêlée à Arcis-sur-Aube, bientôt rejoint par sa Garde. La bataille est restée indécise face à Schwarzenberg, ex-ambassadeur d’Autriche à Paris, ex-allié de Napoléon pendant la campagne de Russie. Il commande à présent les armées alliées qui envahissent la France. L’étau se resserre autour de Paris.

« Les guerres de Napoléon ont divulgué un fatal secret : c’est qu’on peut arriver en quelques journées de marche à Paris après une affaire heureuse ; c’est que Paris ne se défend pas ; c’est que ce même Paris est beaucoup trop près de la frontière. »1884

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Le 30 mars 1814, c’est la bataille de Paris. Blücher occupe Montmartre et de ses hauteurs, bombarde la capitale. Moncey résiste héroïquement à la barrière de Clichy. Mais Marmont doit signer la capitulation en fin d’après-midi. Les Alliés entrent dans Paris le lendemain. Il y a quelques cris pour acclamer le roi de Prusse et le tsar de Russie. Napoléon s’est replié sur Fontainebleau.

« Rendez-moi ma jambe et je vous rendrai Vincennes. »1885

Général DAUMESNIL (1776-1832), aux Alliés assiégeant Vincennes, début avril 1814. Daumesnil : « Rendez-moi ma jambe et je vous rendrai Vincennes » (1970), Henri de Clairval

Volontaire sous la Révolution française, général et baron d’Empire multipliant les actions d’éclat, surnommé Jambe de bois, il a perdu une jambe à Wagram (1809).

Gouverneur du fort de Vincennes depuis 1812, il résiste au siège des troupes coalisées, alors que la capitale est aux mains des Alliés. Sa garnison se compose d’un millier de gardes nationaux et de 300 invalides qu’il appelle « mon Jeu de quilles ». Un stock de munitions considérable fait du donjon une poudrière en puissance. La nuit du 30 au 31 mars, Jambe de bois et son Jeu de quilles ont raflé à Montmartre armes, munitions, chevaux, canons, pour les ramener à l’abri dans Vincennes. Les Alliés lui proposent enfin une forte somme pour sa reddition. D’où la réplique.

Il négociera la capitulation avec Louis XVIII, après l’exil de Napoléon.

En 1830, quinquagénaire vaillant, toujours gouverneur de Vincennes et toujours résistant, il répond aux menaces des assaillants : « Je me fais sauter avec le château et nous nous rencontrerons en l’air. »

« Les puissances ayant déclaré que l’Empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l’Empereur Napoléon, fidèle à ses serments, déclare qu’il renonce, pour lui et pour ses enfants, aux trônes de France et d’Italie, et qu’il n’est aucun sacrifice, même celui de la vie, qu’il ne soit prêt à faire dans l’intérêt de la France. »1891

NAPOLÉON Ier (1769-1821), Abdication du 6 avril 1814, écrite de sa main sur le célèbre guéridon d’acajou de Fontainebleau. Le Fils de l’empereur (1962), André Castelot

Par le traité de Fontainebleau du 11 avril, il garde son titre d’empereur avec la souveraineté (dérisoire) de l’île d’Elbe, 223 km2, la plus grande des petites îles italiennes de l’archipel toscan.

Reste encore à faire ses adieux à la Vieille Garde, avant de s’embarquer.

« Officiers, sous-officiers et soldats de la vieille garde, je vous fais mes adieux […] Depuis vingt ans, je suis content de vous. Je vous ai toujours trouvés sur le chemin de l’honneur. Je ne puis vous embrasser tous, mais j’embrasserai votre général. »1913

NAPOLÉON Ier (1769-1821), Adieux aux soldats de la Vieille Garde, dans la cour du palais de Fontainebleau, 20 avril 1814. Histoire parlementaire de la Révolution française ou Journal des Assemblées nationales (1834-1838), P.J.B. Buchez, P.C. Roux

L’empereur vaincu et déchu embrasse le général Petit, puis le drapeau avec l’aigle impérial. À côté de la Jeune Garde et de la Moyenne Garde, les vétérans de la Vieille Garde, toujours fidèles à Napoléon, restent comme les plus valeureux soldats de notre histoire. Retraités ou réformés, on les appelle « les vieux de la Vieille ». C’est l’origine de cette expression populaire.

Le 28 avril, Napoléon s’embarque à Fréjus sur une frégate anglaise, pour l’île d’Elbe. Il y débarque le 14 mai.

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RESTAURATION ET CENT-JOURS

« Français ! […] j’arrive parmi vous reprendre mes droits qui sont les vôtres. »1924

NAPOLÉON Ier (1769-1821), Golfe Juan, Proclamation du 1er mars 1815. France militaire : histoire des armées françaises de terre et de mer de 1792 à 1833 (1838), Abel Hugo

À peine débarqué à Golfe-Juan, il parle au pays et il n’a pas besoin qu’on l’aide à trouver les mots : « Dans mon exil, j’ai entendu vos plaintes et vos vœux : vous réclamiez ce gouvernement de votre choix qui est seul légitime. » Et le frère aîné de Victor Hugo reprend le récit de la geste napoléonienne.

« L’aigle, avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu’aux tours de Notre-Dame. »1927

NAPOLÉON Ier (1769-1821), Golfe-Juan, Proclamation du 1er mars 1815. Recueil de pièces authentiques sur le captif de Sainte-Hélène, de mémoires et documents écrits par l’empereur Napoléon (1821-1822)

L’empereur annonce la couleur, dès le premier jour, se pose devant l’armée en soldat de la Révolution et honnit le drapeau blanc de la Charte constitutionnelle : « Arrachez ces couleurs que la nation a proscrites, et qui pendant vingt-cinq ans servirent de ralliement à tous les ennemis de la France ! Arborez cette cocarde tricolore ; vous la portiez dans nos grandes journées […] Reprenez ces aigles que vous aviez à Ulm, à Austerlitz, à Iéna. »

Il n’en faut pas plus, pas moins non plus, pour que Napoléon gagne cet incroyable pari : rallier les troupes envoyées pour l’arrêter, soulever d’enthousiasme les populations, et traverser la France en vingt jours, sous les yeux de l’Europe pétrifiée. Ainsi commence le vol de l’Aigle, sur la route Napoléon de Golfe-Juan à Grenoble, en passant par Castellane, Barrême, Digne-les-Bains, Malijai et Sisteron.

« Soldats du 5e, je suis votre empereur. Reconnaissez-moi. S’il est parmi vous un soldat qui veuille tuer son empereur, me voilà ! »1932

NAPOLÉON Ier (1769-1821) ouvrant sa redingote grise et montrant sa poitrine nue aux soldats venus l’arrêter, 7 mars 1815. 1815 (1893), Henry Houssaye

La scène se passe à Laffrey, près de Grenoble. L’officier fidèle au roi a crié « Feu ! » à ses hommes, Napoléon a eu ce geste, ce mot. Aucun ne tire, le cri de « Vive l’empereur ! » répond à sa voix, tous les soldats jettent les cocardes blanches et remettent les cocardes tricolores remisées dans leur sac, il y a un an. Tous se rallient à l’empereur, dans la « prairie de la Rencontre » : Stendhal raconte la scène, Steuben (artiste allemand) la peint et l’immortalise.

Le vol de l’Aigle continue, sur la route Napoléon qui mène de Golfe-Juan à Grenoble (aujourd’hui RN 85). Il passe par Grasse, Digne et Gap. Entouré d’une poignée de fidèles qui grandit à chaque étape, il se rend à Lyon en traversant les montagnes, pour éviter les villes royalistes. Il fait 324 km en six jours. La rapidité est le premier atout de cette expédition. Et pourtant, on va d’abord à cheval, et même à pied, sur de mauvaises routes, parfois dans la neige. L’armée bivouaque (campe) comme elle peut. Cambronne est à l’avant-garde : ordre lui est donné de ne pas tirer. À l’arrière-garde, le général Drouot fait imprimer des déclarations.

Le 10 mars, l’entrée à Lyon est triomphale. Napoléon continue en calèche, de mieux en mieux équipé, escorté. Il écrit des lettres à Marie-Louise et promulgue une série de décrets. Il a prévu d’être à Paris le 20 mars. Mais l’incroyable come-back finira par le 18 juin par désastre de Waterloo (en Belgique).

« Tout à coup, une porte s’ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, Monsieur de Talleyrand soutenu par Monsieur Fouché. »1953

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Arrivant à Saint-Denis pour y retrouver Louis XVIII rentré en France, il aperçoit Talleyrand et Fouché venus se rallier au roi. Il décrit l’effet que lui causa cette entrée des deux hommes allant se présenter, ce 7 juillet 1815, à Louis XVIII qui leur rendra leurs portefeuilles – Affaires étrangères et Police. « La vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l’évêque apostat fut caution du serment. »

Le plus grand auteur de sa génération est lui-même ministre – de l’Intérieur, sous les Cent-Jours. L’année suivante, rayé de la liste des ministres d’État, il perd sa pension. Parce que, dit-il, « je m’élevais contre l’établissement d’un ministre de la Police générale dans un pays constitutionnel ». Le poste va rester, mais Fouché le perd en 1816 pour devenir un proscrit, exilé en tant que régicide (député de la Convention, il a voté la mort de Louis XVI). Quant à Talleyrand, honni des ultras comme des libéraux, il n’a pratiquement plus aucun rôle politique sous la seconde Restauration. Mais c’est notre premier grand auteur romantique, avant Hugo.

« Français que Reims a réunis, / Criez : « Montjoie et Saint-Denis ! »
On a refait la sainte Ampoule / Et comme au temps de nos aïeux
Des passereaux, lâchés en foule / Dans l’église volent joyeux […]
Le peuple crie : « Oiseaux, plus que nous soyez sages, / Gardez bien votre liberté ! » »1999

BÉRANGER (1780-1857), Le Sacre de Charles le simple (1825), chanson. Causes célèbres de tous les peuples (1858), Armand Fouquier

Notre meilleur chansonnier chroniqueur a beau jeu d’ironiser à l’unisson du peuple, choqué par tant de pompe et par tout ce que cela annonce.

Ce sacre à Saint-Denis reprend le cérémonial de l’Ancien Régime, les sept onctions et les serments sur les Évangiles. Il se déroule sur trois jours : 28 mai, cérémonie des vêpres ; 29 mai, cérémonie du sacre ; 30 mai, remise de récompense pour les chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit, pour finir ; le 31 mai, par le toucher des écrouelles. Le sacre symbolise pour le roi et les élites un retour à la monarchie absolue.

Le peuple ne peut quand même pas oublier la Révolution et l’Empire ! Et l’opposition va se manifester contre le dernier « roi de France » jusqu’à la prochaine révolution.

« Vivre libres en travaillant ou mourir en combattant. »2069

Cri célèbre de l’émeute des canuts, 22 novembre 1831. Histoire du mouvement ouvrier, tome I (1948), Édouard Dolléans

C’est aussi la devise inscrite sur leur drapeau noir, symbole de l’anarchie. Mais à Lyon, la révolte des ouvriers de la soie est d’origine économique et non politique. Les soyeux (fabricants) ne respectent pas le nouveau tarif des salaires, signé par leurs délégués dont ils contestent le mandat.

Commencent alors les « trois glorieuses du prolétariat lyonnais » : grève, puis insurrection. Au matin du 22 novembre, les canuts de La Croix-Rousse (quartier populaire) descendent sur la ville en criant leur révolte. Ils se retrouvent sans le vouloir maîtres de Lyon vidée de sa garnison qui risquait de pactiser avec les insurgés.

« Mais notre règne arrivera
Quand votre règne finira.
Alors nous tisserons le linceul du vieux monde
Car on entend déjà la révolte qui gronde ! »2070

Aristide BRUANT (1851-1925), La Complainte des canuts, chanson. La Révolte des canuts (1975), Maurice Moissonnier

Bruant immortalisera cette révolte des canuts de Lyon en 1831, dans un chant dont la résonance reflète surtout l’esprit d’anarchie, propre à l’auteur et à son époque (la Troisième République).

« Du travail ou la mort. Nous aimons mieux périr d’une balle que de faim. »2071

Réponse des ouvriers au préfet. Compte-rendu des événements qui ont eu lieu dans la ville de Lyon au mois de novembre 1831 (1832), Louis Bouvier-Dumolart

L’Hôtel de Ville de Lyon est occupé par les insurgés, mais de nouvelles troupes, commandées par le maréchal Soult et le duc d’Orléans, réoccupent la ville, expulsent 10 000 ouvriers, le 5 décembre 1831. Bilan : 171 morts civils, 170 militaires, 600 arrestations. On destitue le préfet trop bienveillant à l’égard des revendications ouvrières. Le tarif à l’origine de la révolte est proclamé nul et non avenu : échec total de la première grande grève de l’histoire de France. Mais elle fera école.

« Ou la conquête, ou l’abandon. »2104

Thomas Robert BUGEAUD (1784-1849), Chambre des députés, 15 février 1840. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

La politique algérienne de la France est trop hésitante aux yeux du futur maréchal. Le traité signé en 1837 entre Bugeaud et l’émir Abd el-Kader a été violé. La France y faisait pourtant d’importantes concessions, reconnaissant la souveraineté de l’« émir des croyants » sur près des deux tiers de l’Algérie et se contentant d’une occupation du littoral. Abd el-Kader a profité de la trêve pour se constituer une armée, proclamant en 1839 la guerre sainte contre les Français qui occupent l’Algérie depuis 1830. Le militaire met donc les politiques face à leurs responsabilités.

Bugeaud considère pourtant l’Algérie comme « le plus funeste des présents que la Restauration ait fait à la Révolution de juillet », prônant l’occupation restreinte de quelques bases stratégiques, pour empêcher les raids barbaresques.

Victor Hugo, le 15 janvier 1840, balaie ses réticences, entraînant la France sur la voie de la colonisation par l’émigration civile massive : « Je crois que notre nouvelle conquête est chose heureuse et grande. C’est la civilisation qui marche sur la barbarie. C’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit. Nous sommes les Grecs du monde, c’est à nous d’illuminer le monde. Notre mission s’accomplit. Vous pensez autrement que moi, c’est tout simple. Vous parlez en soldat, en homme d’action. Moi je parle en philosophe et en penseur. » Impossible de juger sans commettre le péché d’anachronisme, trop fréquent en matière historique.

« Cent mille hommes et cent millions pendant sept ans ! »2106

Thomas Robert BUGEAUD (1784-1849) à Louis-Philippe. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

Le général pose ses conditions pour accepter d’être gouverneur de l’Algérie. Le roi cède. Bugeaud est nommé gouverneur, le 29 décembre 1840. Partisan de la guerre acharnée, dix ans après la prise d’Alger, Bugeaud fait la conquête de l’Algérie et y gagne son bâton de maréchal en 1843.

« Ense et aratro. » « Par l’épée et par la charrue. »2107

Thomas Robert BUGEAUD (1784-1849), devise du maréchal, gouverneur de l’Algérie. Ismayl Urbain : une autre conquête de l’Algérie (2001), Michel Levallois

Cela signifie que l’on sert son pays en temps de guerre par les armes, en temps de paix par les travaux de l’agriculture. Bugeaud est le premier des officiers coloniaux à mener de front en Algérie les opérations de sécurité et les travaux de colonisation : défrichements, routes, concessions de terre pour attirer de nouveaux colons, etc.

« [La colonisation ne se fait pas] dans des pots de fleurs sur les terrasses d’Alger. »2111

Thomas Robert BUGEAUD (1784-1849). Lettres inédites du Maréchal Bugeaud, duc d’Isly, 1808-1849 (posthume, 1922)

Avec son franc-parler militaire, le maréchal déplore le manque de moyens que lui donne la France.

Les députés sont bien loin de la réalité des opérations sur le terrain, en 1842. Le ministère Soult-Guizot a des problèmes plus hexagonaux – politiques, économiques et sociaux – et d’autres colonies sont à l’ordre du jour : occupation de l’archipel des Marquises, protectorat à Tahiti, fondations de comptoirs fortifiés en Côte d’Ivoire. Faute de crédits suffisants, Bugeaud, devenu maréchal pour son action en Algérie, démissionnera de son poste de gouverneur en 1847.

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DEUXIEME REPUBLIQUE

« Il est des morts qu’il faut qu’on tue. »2229

Fernand DESNOYERS (1828-1869), protestant contre une statue de Casimir Delavigne érigée au Havre, 1852. La Nouvelle Revue, volume XXXIX (1906)

Homme de lettres et poète misanthrope, il a fait le voyage de Paris au Havre pour dire son indignation : Delavigne est un auteur dramatique et poète libéral mort en 1843, à qui sa ville natale rend hommage. Durant les journées révolutionnaires de 1830, il écrivit La Parisienne, chant patriotique devenu immédiatement chant populaire, et La Varsovienne, chantée par les Polonais dans les combats qui les opposent aux Russes.

L’hostilité du conservateur Desnoyers s’exprime en ces vers : « Habitants du Havre, Havrais / Je viens de Paris tout exprès / Pour jeter à bas la statue / De Casimir Delavigne / Il est des morts qu’il faut qu’on tue. »

« Votre religion, comme la nôtre, apprend à se soumettre aux décrets de la Providence. Or, si la France est maîtresse de l’Algérie, c’est que Dieu l’a voulu, et la nation ne renoncera jamais à cette conquête. »2230

Louis-Napoléon BONAPARTE (1808-1873), Allocution à Abd el-Kader, 16 octobre 1852. Conquête de l’Algérie (1867), Céline Fallet

L’émir, en lutte contre la France poursuivant la conquête de l’Algérie commencée le 5 juillet 1830, a dû se rendre le 23 décembre 1847. Fait prisonnier, il est libéré ce 16 octobre par Louis-Napoléon. Le guerrier va renoncer à se battre, se retirant au Proche-Orient pour consacrer la fin de sa vie à l’étude et à la méditation religieuse.

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SECOND EMPIRE

« Nos cœurs ont suivi le cours de nos rivières. »2280

Parole des Savoyards, devenu proverbe, printemps 1860. Napoléon III et le Second Empire : le zénith impérial, 1853-1860 (1976), André Castelot

Selon les sources, la forme peut varier : « Nos cœurs vont là où vont nos rivières », « Notre cœur va du côté où coulent nos rivières », etc. Pour dire que les Savoyards votent leur rattachement à la France, par plébiscite des 22 et 23 avril 1860, en vertu du traité de Turin du 24 mars 1860 (épilogue de la campagne d’Italie de 1859). Avec 250 000 oui, contre seulement 230 non !

Le plébiscite de 1860 est présenté comme l’application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais les Savoyards ont en fait ratifié une cession de territoire décidée en 1858 par accord secret, lors de l’entrevue de Plombières le 20 juillet – Cavour, au nom du roi Victor-Emmanuel II, se rend dans cette petite station thermale des Vosges où Napoléon III est en cure. Ils conviennent d’un troc, dans le cadre des négociations diplomatiques relatives à l’unification de l’Italie : en échange de l’aide diplomatique et militaire pour libérer la péninsule de l’occupation autrichienne, le duché de Savoie et le comté de Nice reviennent à la France, les Niçois faisant le même choix le 15 avril 1860. Ces conquêtes pacifiques sont à porter au crédit du Second Empire.

« L’extrême rapidité des voyages en chemin de fer est une chose anti médicale. Aller, comme on fait, en vingt heures, de Paris à la Méditerranée, en traversant d’heure en heure des climats si différents, c’est la chose la plus imprudente pour une personne nerveuse. Elle arrive ivre à Marseille, pleine d’agitation, de vertige. »2282

Jules MICHELET (1798-1874), La Mer (1861)

Pratiquement tous les progrès techniques ont commencé par susciter la peur, ou le déni d’utilité. Et le XIXe siècle, particulièrement riche en inventions, pourrait alimenter un étonnant bêtisier technologique.

Le chemin de fer n’échappe pas à la règle. Rappelons le mot de Thiers, en 1836 : « Il faudra donner des chemins de fer aux Parisiens comme un jouet, mais jamais on ne transportera ni un voyageur ni un bagage. »

Depuis le début du Second Empire, le réseau ferroviaire s’étend et rattrape enfin le retard pris sur l’Angleterre. L’État fixe le tracé des voies et finance les infrastructures (terrassement, ouvrages d’art), concédant l’exploitation des lignes à de grandes compagnies privées, Compagnies de l’Ouest, du Nord, de l’Est, et le fameux PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) né en 1857, axe vital de 862 km. Facteur essentiel de l’aménagement du territoire, le réseau passe de 3 000 km en 1852 à 17 000 km en 1870. Il s’inscrit désormais dans le paysage français et toute l’économie du pays en bénéficie.

Mais que d’inquiétudes, pour la santé des passagers ! Michelet n’est pas seul à s’en émouvoir. Selon François Arago, polytechnicien, astronome et physicien, mort en 1853 et témoignant donc des tout premiers chemins de fer, « le transport des soldats en wagon les efféminerait » et les voyageurs sont mis en garde contre le tunnel de Saint-Cloud qui peut causer « des fluxions de poitrine, des pleurésies et des catarrhes. »

« Je suis aussi bien l’empereur des Arabes que l’empereur des Français. »2284

NAPOLÉON III (1808-1873), Lettre publique de l’empereur au maréchal Pélissier, gouverneur militaire de l’Algérie, 6 février 1863. La Politique impériale exposée par les discours et proclamations de l’empereur Napoléon III (1868), Napoléon III

La Constitution de 1852 a déclaré l’Algérie « territoire français » et l’a divisée en trois départements. La colonisation officielle se poursuit avec 200 000 Européens (dont 120 000 Français), l’empereur précisant que « L’Algérie n’est pas une colonie proprement dite, mais un royaume arabe ; les indigènes ont comme les colons un « droit égal » à ma protection. »

Cette lettre définit la nouvelle politique impériale qui entend concilier les intérêts des musulmans et des Français. Elle rappelle que la Restauration, lors de la conquête en 1830, promit aux 3 millions d’Arabes de respecter leur religion et leurs propriétés : « La terre d’Afrique est assez vaste, les ressources à y développer sont assez nombreuses pour que chacun puisse y trouver sa place et donner libre essor à son activité, suivant sa nature, ses mœurs et ses besoins. »

« Le jour viendra où la race arabe, régénérée et confondue avec la race française, retrouvera une puissante individualité […] Je veux vous faire participer de plus en plus à l’administration de votre pays comme aux bienfaits de la civilisation. »2290

NAPOLÉON III (1808-1873), Proclamation de Napoléon III aux Arabes, mai 1865. Napoléon III en Algérie (1865), Octave Teissier

La bonne volonté n’est pas niable. Mais la contradiction des volontés impériales est aussi évidente : Napoléon III voit en l’Algérie « tout à la fois un royaume arabe, une colonie européenne, un camp français. »

« Je sais le désastre. L’armée s’est sacrifiée. C’est à mon tour de m’immoler. Je suis résolu à demander un armistice. »2317

NAPOLÉON III (1808-1873), encerclé à Sedan, 1er septembre 1870. Histoire contemporaine (1897), Samuel Denis

Il prend cette décision, alors que le général de Wimpffen « le plus ancien dans le grade le plus élevé », voulait forcer la ligne ennemie pour libérer Sedan (département des Ardennes) et ouvrir le passage à son empereur. Tentative héroïque, mais désespérée, que l’état-major n’osait pas déconseiller. Le bilan aurait été de 60 000 morts, une boucherie.

L’artillerie allemande continue de tirer sur la ville, 400 pièces de canon font pleuvoir des tonnes de projectiles, quand les premiers drapeaux blancs sont hissés sur les murailles. Guillaume donne l’ordre de faire cesser le feu, envoie deux officiers à Wimpffen pour le sommer de rendre la place.

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TROISIÈME RÉPUBLIQUE

« Que réclamons-nous de la France ? L’Alsace. »2337

Heinrich von TREITSCHKE (1834-1896), titre de sa brochure (Was fordern wir von Frankreich ?) publiée en août 1870. Le Correspondant, volume CCXXI (1905)

Historien allemand, député nationaliste à partir de 1871 (très populaire par ses théories antisémites), il soutient la politique de Bismarck : pour faire l’unité de l’Allemagne sous l’hégémonie de la Prusse, il faut une guerre victorieuse contre la France.

Quant à l’Alsace, c’est une histoire de mille ans ! Part de l’empire de Charlemagne, elle revient à Louis le Germanique en 870. Liée à l’Allemagne pendant huit cents ans, elle passe sous influence française au siècle de Louis XIV et la Révolution l’intègre au pays (sous forme des deux départements du Haut et du Bas-Rhin). La Marseillaise y naît avec Rouget de l’Isle, mais aussi les généraux Kléber, Kellermann, Rapp, Lefebvre. Au traité de Vienne de 1815, à la chute de l’Empire, la France réussit à conserver l’Alsace.

« Nous ne céderons ni un pouce de notre territoire, ni une pierre de nos forteresses. »2338

Jules FAVRE (1809-1880), Circulaire aux agents diplomatiques de la France, 6 septembre 1870. Histoire de quinze ans, 1870-1885 (1886), Edmond Benoît-Lévy

Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de la Défense nationale, sa lettre est rendue publique dans le Journal officiel du 7 septembre. Ce refus de toute concession territoriale va faire échouer sa prochaine entrevue à Ferrières (département de Seine-et-Marne) avec Bismarck (19-20 septembre) pour un éventuel armistice.

« Strasbourg à partir d’aujourd’hui sera et restera une ville allemande. »2341

Otto von BISMARCK (1815-1898), Déclaration placardée sur les murs de la capitale alsacienne, 8 octobre 1870. Encyclopædia Universalis, article « Alsace-Lorraine (question d’) »

Réponse aussitôt écrite sur les affiches en lettres énormes : « Jamais ».

Les députés alsaciens et lorrains, élus dans la nouvelle Assemblée nationale en février 1871, seront unis dans la même protestation, le 1er mars : « Nous déclarons encore une fois nul et non avenu un pacte qui dispose de nous sans notre consentement. »

La question d’Alsace-Lorraine va peser sur les relations entre la France et l’Allemagne jusqu’en 1918 et marquer la vie politique intérieure des deux pays, exaltant le nationalisme de l’un et le pangermanisme de l’autre.

« Bismarck qui n’est pas en peine / D’affamer les Parisiens
Nous demande la Lorraine, / L’Alsace et les Alsaciens.
La honte pour nos soldats, / Des milliards à son service.
Refrain : Ah ! zut à ton armistice, / Bismarck, nous n’en voulons pas. »2354

Alphonse LECLERCQ (1820-1881), L’Armistice (1870), chanson. La Chanson de la Commune : chansons et poèmes inspirés par la Commune de 1871 (1991), Robert Brécy

Thiers et Favre ont cédé au chancelier allemand. Mais le peuple résiste si bien que les Prussiens n’entreront dans Paris qu’un mois après la capitulation de la capitale, signée avec l’armistice le 28 janvier 1871.

« L’Assemblée refuse la parole à M. Victor Hugo, parce qu’il ne parle pas français ! »2357

Vicomte de LORGERIL (1811-1888), Assemblée nationale, Bordeaux, 8 mars 1871. Actes et Paroles. Depuis l’exil (1876), Victor Hugo

Ce député monarchiste, poète à ses heures, coupe la parole à l’élu de Paris. Hugo le républicain est déjà monté à la tribune pour condamner la paix infâme le 1er mars, pour déplorer que Paris soit décapitalisé au profit de Bordeaux, le 6. En cette séance houleuse du 8, il se fait insulter pour avoir défendu l’Italien Garibaldi, élu député d’Alger : il conteste l’invalidation de ce vieux révolutionnaire italien « venu mettre son épée au service de la France » dans la guerre contre les Prussiens. Mais Hugo va démissionner et regagner Paris - pour enterrer son fils Charles, mort d’apoplexie.

La haine est terrible entre l’Assemblée monarchiste, pacifiste, repliée à Bordeaux, bientôt à Versailles, et Paris où les forces révolutionnaires, remobilisées, refusent de reconnaître le pouvoir de cette « assemblée de ruraux » défaitistes.

« Le bon Dieu est trop Versaillais. »2378

Louise MICHEL (1830-1905), La Commune, Histoire et souvenirs (1898)

La Vierge rouge témoigne de l’inévitable victoire des Versaillais, vu l’inégalité des forces et de l’organisation. Bilan de la Semaine sanglante, du 22 au 28 mai 1871 : au moins 20 000 morts chez les insurgés, 35 000 selon Rochefort. De son côté, l’armée bien organisée des Versaillais a perdu moins de 900 hommes, depuis avril.

La Commune est l’un des plus grands massacres de notre histoire, tragédie qui se joue en quelques jours, Français contre Français, avec la bénédiction des occupants allemands, Bismarck ayant poussé à écraser l’insurrection. Il y aura 100 000 morts au total d’après certaines sources, compte tenu de la répression également sanglante, « terreur tricolore » qui suit la semaine historique – en comparaison, sous la Révolution, la Grande Terreur fit à Paris 1 300 victimes, du 10 juin au 27 juillet 1794.

« Nous, Allemands, savons mieux ce qui est bon pour les Alsaciens que ces malheureux eux-mêmes. »2412

Heinrich von TREITSCHKE (1834-1896). Comment la France jugeait l’Allemagne : histoire d’une illusion d’optique (s.d.), Henri Hauser

Cet historien allemand a soutenu la politique de Bismarck, écrivant en 1870 : « Que réclamons-nous de la France ? L’Alsace. » Le traité de Francfort du 10 mai 1871 a donné l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne. Mais un dixième des habitants des deux provinces refusent d’être allemands – ils sont accueillis en France - et en Algérie alors française.

Malgré la politique de germanisation et diverses mesures d’intimidation, la résistance des minorités annexées contre leur gré (Alsaciens-Lorrains, mais aussi Danois et Polonais) se révèle un grave échec, dans la vie politique de Bismarck.

« Va, passe ton chemin, ma mamelle est française,
N’entre pas sous mon toit, emporte ton enfant,
Mes garçons chanteront plus tard La Marseillaise,
Je ne vends pas mon lait au fils d’un Allemand. »2413

Gaston VILLEMER (1840-1892), paroles, et Lucien DELORMEL (1847-1899), musique, Le Fils de l’Allemand, chanson. Les Chansons d’Alsace-Lorraine (1885), Gaston Villemer et Lucien Delormel

« Vrais frères siamois de la littérature des beuglants », ce couple auteur-compositeur exploite systématiquement la veine patriotique et revancharde – après la mort de son confrère, Delormel fera équipe avec Garnier, dans un autre style : le music-hall, et la vedette Paulus.

Les refrains patriotico-sentimentaux se multiplient après la guerre et l’amputation du territoire (Alsace et Lorraine). Toute une littérature et une imagerie populaires se développent sur ce thème douloureux.

« Pensons-y toujours, n’en parlons jamais. »2419

Léon GAMBETTA (1838-1882), Discours de Saint-Quentin, 16 novembre 1871. Pages d’histoire, 1914-1918, Le Retour de l’Alsace-Lorraine à la France (1917), Henri Welschinger

Silence forcé de la France ; silence, encore plus forcé, de l’Alsace.

Gambetta, comme tous les Français, pense aux deux provinces sœurs d’Alsace-Lorraine devenues étrangères. Charles Maurras traduira à sa façon l’unanimité nationale autour du culte de l’Alsace-Lorraine en parlant de « la Revanche reine de France ». Paul Déroulède, créant la Ligue des patriotes en 1882, incarnera un patriotisme nationaliste et revanchard qui fera beaucoup de bruit et déchaîne pas mal de fureurs, jusqu’à la prochaine guerre.

Mais les milieux gouvernementaux font preuve d’une grande réserve, sachant la France trop isolée pour mettre la revanche dans les faits. Il faudra beaucoup de temps et d’efforts pour se dresser devant l’Allemagne unie, avec à sa tête Guillaume Ier, vainqueur et proclamé empereur du nouveau Reich, Bismarck devenant chancelier (équivalent de Premier ministre) de cette nouvelle puissance européenne.

« La patrouille allemande passe,
Baissez la voix, mes chers petits,
Parler français n’est plus permis
Aux petits enfants de l’Alsace. »2420

Gaston VILLEMER (1840-1892), paroles, et Lucien DELORMEL (1847-1899), musique, Le Maître d’école alsacien, chanson. Les Chansons d’Alsace-Lorraine (1885), Gaston Villemer et Lucien Delormel

On retrouve les deux confrères et compères du chant patriotique, cependant que s’impose dans l’imagerie populaire ce personnage émouvant du maître alsacien donnant sa dernière leçon de français. Le dessinateur Hansi (1873-1951), né et mort à Colmar, fera carrière en exploitant le même sentiment, mais d’une manière beaucoup plus sincère et avec un vrai talent d’artiste.

« Que d’eau, que d’eau ! »2445

MAC-MAHON (1808-1893) à la vue des inondations catastrophiques, Toulouse, 26 juin 1875. Mac-Mahon (1895), abbé Berry

Le maire de Toulouse, ville sinistrée, voulant recevoir dignement le président de la République, s’est lancé dans un long discours. Le maréchal, pour couper court à ce déluge de paroles, regardant les plaines envahies par les eaux, a ce mot pour lequel il sera mal à propos plaisanté. Son militaire « J’y suis, j’y reste » avait plus fière allure.

« La connaissance de la patrie est le fondement de toute véritable instruction civique. »2450

G. BRUNO (1833-1923, Le Tour de la France par deux enfants (1877), Premiers mots de la préface

« … On se plaint continuellement que nos enfants ne connaissent pas assez leur pays : s’ils le connaissaient mieux, dit-on avec raison, ils l’aimeraient encore davantage et pourraient encore mieux le servir. »

Augustine Tuilerie, alias G. Bruno, fille et femme d’universitaires en renom, exalte la morale qu’une société bourgeoise veut imposer aux travailleurs. Son Tour de France triomphe en librairie avec 7 millions d’exemplaires vendus avant 1914.

121 chapitres exposent toutes les activités agricoles, industrielles, artisanales ou commerciales du pays, évoquent les grands hommes et les faits glorieux de l’Histoire. Les 121 sujets vont de Vercingétorix premier héros national à la fabrication du beurre en Normandie, des métiers à tricoter à l’apparition de la photographie. Chaque chapitre met en valeur un territoire dont on expose toutes les activités. Les questions des enfants trouvent des réponses simples, avec une carte pour l’enseignement de la géographie.

L’action romanesque, c’est le périple par divers moyens de transport des deux orphelins, André et Julien Volden, âgés de 14 et 7 ans. Suite à l’annexion de l’Alsace-Lorraine par les Prussiens et au décès de leur père (charpentier lorrain et veuf), ils quittent Phalsbourg et partent à la recherche d’un oncle paternel habitant Marseille. On évoque la saveur des mets du terroir ou l’étrangeté des patois atténuée par l’apprentissage du français. L’Histoire s’apprend à travers les monuments et les symboles, les vies exemplaires des inventeurs, soldats patriotes et bienfaiteurs.

« En vous enlevant Metz et une partie de la Lorraine, l’Empereur mon maître et les militaires qui lui ont imposé cette solution ont commis la plus grosse des fautes politiques. »2461

Otto von BISMARCK (1815-1898). Encyclopædia Universalis, article « Alsace-Lorraine (question d’) »

Le chancelier du Reich aurait fait cet aveu surprenant en 1878 au marquis de Gabriac, chargé d’affaires français à Berlin – sans faire d’ailleurs mention de l’Alsace. La question de l’Alsace-Lorraine empoisonnera les relations entre la France et l’Allemagne pendant toute la Troisième République.

« Buvons à la France, mais à la France tout entière, Monsieur le ministre de Prusse ! »2471

Sarah BERNHARDT (1844-1923), en tournée au Danemark, automne 1880. Ma double vie, Mémoires de Sarah Bernhardt (1907)

La star du théâtre français, mondialement célèbre, a déjà fait preuve de son patriotisme pendant la guerre de 1870, jouant pour de vrai le rôle d’infirmière au théâtre de l’Odéon transformé en hôpital.

Lors d’une triomphale tournée en Europe, elle entend le baron Magnus porter ce toast : « Je bois à la France qui nous donne de si grands artistes ! À la France, à la belle France que nous aimons tous. » D’où la cinglante réplique de la comédienne qui rappelle ainsi le drame de l’Alsace-Lorraine. L’orchestre de la cour fait éclater La Marseillaise - les Danois détestant les Allemands. Bismarck s’indigne et l’on frise l’incident diplomatique.

« Je désire reposer […] en face de cette ligne bleue des Vosges d’où monte jusqu’à mon cœur fidèle la plainte des vaincus. »2508

Jules FERRY (1832-1893), Testament. Jules Ferry (1903), Alfred Rambaud

Né à Saint-Dié, il reste dans l’histoire pour sa politique scolaire, mais aussi coloniale.

Ses derniers mots prouvent qu’il n’oubliait pas l’Alsace et la Lorraine perdues, alors même qu’il lançait la France à la conquête de la Tunisie et du Tonkin (Indochine, nord du Vietnam). Mal compris, Ferry a pu voir relancée, à la fin de sa vie, une nouvelle colonisation prise en main par des politiques, des militaires, des hommes d’affaires : Indochine, Madagascar, Afrique noire, Maroc.

« Salut, salut à vous,
Braves soldats du dix-septième […]
Vous auriez, en tirant sur nous,
Assassiné la République ! »2549

MONTÉHUS (1872-1952), Gloire au dix-septième, chanson. La République nous appelle (1965), Gaston Bonheur

Ce refrain célèbre un fait divers social. 1907 est une année de crise dans le Midi viticole. Le 18 juin, le 17e régiment d’infanterie de Béziers, déplacé à Agde, se mutine pour ne pas tirer sur une manifestation de vignerons. La plupart des fantassins sont natifs de la région : « On ne doit pas tuer ses père et mère, pour les grands qui sont au pouvoir. » Cette mutinerie est restée célèbre. Postérieur à l’événement, cet hymne deviendra un classique de la chanson antimilitariste française.

« Partout où notre drapeau se dresse, les populations accourent, se mettent à son abri, sachant qu’il les libère de l’anarchie et leur apporte la paix, la protection, le bien-être. Oui, cette guerre coloniale, tant décriée et si méconnue, est par excellence une guerre constructrice, une œuvre de paix et de civilisation, et il fallait que cela fût dit. »2559

Maréchal LYAUTEY (1854-1934), Paroles d’action, 1900-1926 (1927)

Après le traité de Fez (30 mars 1912) par lequel le sultan du Maroc accepte le protectorat français, Lyautey est nommé résident général de la République française en septembre 1912 et s’efforce de pacifier la région – mais la Guerre Mondiale interrompt son action. Le Maroc est d’ailleurs une raison de tension majeure entre la France, forte de son Entente cordiale avec l’Angleterre, et l’Allemagne privée d’empire colonial et cherchant à combattre l’influence française.

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PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

« Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre !
Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés ! »2588

Charles PÉGUY (1873-1914), Ève (1914)

Deux derniers alexandrins d’un poème qui en compte quelque 8 000. Le poète appelle de tous ses vœux et de tous ses vers la « génération de la revanche ». Lieutenant, il tombe à la tête d’une compagnie d’infanterie, frappé d’une balle au front à Villeroy, le 5 septembre, veille de la bataille de la Marne.

« Une troupe qui ne peut plus avancer devra coûte que coûte garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. »2589

Généralissime JOFFRE (1852-1931), Proclamation du 6 septembre 1914. Du lycée aux tranchées : guerre franco-allemande, 1914-1916 (1916), Jules Chancel

Ordre du jour resté célèbre. Une inflexibilité qui se passe de commentaire, suivie de cette simple phrase sur la discipline militaire : « Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée. »

Après le recul terrible du mois d’août et l’envahissement du nord-est de la France, la (première) bataille de la Marne va se dérouler du 6 au 9 septembre. Joffre et Gallieni (gouverneur de Paris) vont retourner la situation.

« Mon centre cède, ma droite recule, situation excellente, j’attaque. »2590

Général FOCH (1851-1929), Message au GQG (Grand Quartier Général), pendant la première bataille de la Marne, du 6 au 9 septembre 1914. Le Maréchal Foch (1918), Contamine de Latour

Pour Foch, une bataille se perd moralement et se gagne de même : « Une bataille gagnée, c’est une bataille dans laquelle on ne veut pas s’avouer vaincu. » La défaite semblait certaine, il la refuse. D’où ce télégraphe à Joffre.

Au moment le plus critique, le généralissime l’a mis à la tête de la IXe armée. Quatre jours de bataille acharnée, auxquels participent les fameux taxis de la Marne : 1 100 chauffeurs réquisitionnés ont conduit sur le front 5 000 hommes de la 7e DI (division d’infanterie). Le Trésor public versera 70 102 francs à la compagnie des taxis G7, appartenant au comte André Walewski (petit-fils de Napoléon Ier). C’est lui qui a qui a eu l’idée de cette opération, parfaitement menée par Gallieni, gouverneur de Paris.

Cette victoire (première bataille de la Marne) sauve de justesse la capitale de l’assaut allemand et redonne tout son prestige à Joffre.

« Je vais chanter le bois fameux / Où chaque soir, dans l’air brumeux,
Rode le Boche venimeux / À l’œil de traître,
Où nos poilus au cœur altier / Contre ce bandit de métier
Se sont battus sans lâcher pied / Au Bois le Prêtre. »2592

Lucien BOYER (1876-1942), Au Bois le Prêtre (1915), chanson

Destinée à maintenir le moral des troupes, cette chanson évoque un épisode de l’interminable guerre de tranchées. Le front s’étend de Craonne (département de l’Aisne) à l’Argonne (aux confins des Ardennes, de la Meuse et de la Marne). La France est occupée, en ses plus riches provinces, et c’est elle qui doit reconquérir sa terre perdue. Le Bois le Prêtre est, avec les Éparges, un des points de l’Argonne témoin des combats les plus acharnés en cette année 1915. « Après la guerre nous irons / Et nous nous agenouillerons / Sur chaque croix, nous écrirons / En grosses lettres : / Ci-gît un gars plein d’avenir / Qui sans un mot, sans un soupir / Pour la France est tombé martyr / Au Bois le Prêtre. »

« Verdun est le cœur de la France. »2595

GUILLAUME II (1859-1941), empereur d’Allemagne, 14 février 1916. L’Épopée de Verdun, 1917 (1917), Gaston Jollivet

1916. Nouvelle année de batailles indécises et sanglantes, dont le plus terrible exemple est Verdun. Le général en chef allemand Falkenhayn a décidé de s’en emparer et le Kaiser adresse à ses troupes une proclamation glorifiant l’attaque imminente : « Moi, Guillaume, je vois la Patrie allemande contrainte à l’offensive. Le peuple veut la paix ; mais pour établir la paix, il faut savoir clore la guerre par une bataille décisive. C’est à Verdun, cœur de la France, que vous cueillerez le fruit de vos peines. »

Pourquoi, Verdun ? Il y a bien des raisons : tactiques, stratégiques, logistiques, politiques. Et psychologiques. La prise de Verdun, ce serait l’effondrement du moral de l’armée : « Verdun n’est pas seulement la grande forteresse de l’Est destinée à barrer la route à l’invasion, c’est le boulevard moral de la France » dira le maréchal Pétain.

« Ils ne passeront pas. »2596

Défi des Français face aux Allemands, à Verdun. Verdun 1916 (2006), Malcolm Brown

L’offensive allemande sur Verdun, menée par le Kronprinz Frédéric-Guillaume, fils aîné du Kaiser Guillaume II, commence le 21 février 1916. Ses canons et mortiers sont très supérieurs aux nôtres, il a l’initiative, le premier choc est terrible – un déluge de feu – et le fort de Douaumont est pris par surprise. Mais Joffre réagit, fait appel à Pétain, la percée allemande échoue, et on se retrouve face à face, dans une guerre d’usure.

Cette résistance proclamée, c’est d’ailleurs la réaction espérée par les Allemands : voulant à tout prix défendre ce « cœur de la France », l’armée française va épuiser toutes ses forces et l’Allemagne gagnera.

Elle ne gagnera pas et « ils ne passeront pas », mais à quel prix ! Verdun demeure la bataille qui symbolise l’horreur de la Grande Guerre, dramatiquement coûteuse en hommes, ici Français contre Allemands. C’est aussi un tournant dans ce premier conflit mondial, avec une industrialisation très poussée, pour une technologie toujours plus meurtrière : obus et canons, lance-flammes et gaz asphyxiants.

« Courage ! On les aura ! »2597

Général PÉTAIN (1856-1951), derniers mots de l’Ordre du jour rédigé le 10 avril 1916. Verdun, 1914-1918 (1996), Alain Denizot

Ce n’est pas sans mal et sans morts que Pétain va défendre Verdun !

Commandant de la IIe armée, il prend la direction des opérations après la première offensive allemande, réorganise le commandement et le ravitaillement des troupes par la Voie sacrée (qui relie Verdun à Bar-le-Duc). L’équilibre des forces est rétabli et la brèche colmatée. Il redonne confiance aux « poilus » et même s’il n’obtient pas les renforts demandés, il impose que les troupes soient périodiquement remplacées - c’est le système du « tourniquet », en vertu de quoi 70 % de l’armée française a « fait » Verdun.

Dix mois de batailles de tranchées, chaque jour 500 000 obus de la Ve armée allemande pour « saigner à blanc l’armée française », 80 % des pertes venant de l’artillerie. Chaque unité perdra plus de la moitié de ses effectifs – 162 000 morts et 216 000 blessés, côté français. La saignée est comparable, chez l’ennemi.

Dans l’« enfer de Verdun » - le mot est juste -, la résistance française devient aux yeux du monde un exemple d’héroïsme et de ténacité, demeurant une page de l’histoire de France et un symbole pour des générations. Cependant que Pétain reste comme le vainqueur de Verdun. Mais pour « avoir » ainsi les Allemands, la guerre d’usure a dépassé les forces physiques, morales, militaires du pays.

« Nous romprons le front allemand quand nous voudrons. »2598

Général NIVELLE (1856-1924), promesse en date du 13 janvier 1917. 1917 en Europe : l’année impossible (1997), Jean-Jacques Becker

Nivelle est promu commandant en chef (décembre 1916), remplaçant Joffre – nommé maréchal de France, mais très critiqué par les milieux politiques et sacrifié par le cabinet Briand après la bataille de la Somme. Cette énorme offensive franco-anglaise sera très coûteuse en hommes et en matériel lourd, pour un résultat minime, comme Verdun. Le pays perd confiance et des rapports signalent un fléchissement du moral dans l’armée. Nivelle fait croire à une fin de guerre rapide : partisan de la guerre offensive (comme Joffre), il supplante Foch et Pétain – pour quelques mois seulement.

Cette note est rédigée lors d’une réunion à Londres pour gagner à sa cause le cabinet anglais. Malheureusement, Nivelle se lance dans la bataille sans prendre en compte les particularités du lieu, ni le repositionnement des lignes ennemies, ni le brouillard qui gêne le réglage des tirs d’artillerie. La bataille est perdue en une heure, mais il s’obstine à envoyer l’infanterie au front.

« Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront, / Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les trouffions / Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros, / De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez la guerre, / Payez-la de votre peau ! »2599

La Chanson de Craonne, printemps 1917. La Chanson en son temps : de Béranger au juke-box (1969), Georges Coulonges

Anonyme, interdite pour son antimilitarisme, elle dit les souffrances des soldats révoltés contre les attaques inutiles et meurtrières lancées par des chefs comme Nivelle. Craonne, chef-lieu de canton de l’Aisne où Napoléon vainquit Blücher en mars 1814, devient un siècle après la tragédie du Chemin des Dames : 30 000 morts en deux semaines d’avril 1917. La « grève des attaques » commence le 2 mai. La répression touche quelque 30 000 mutins ou manifestants, d’où 3 427 condamnations, dont 554 à mort et 57 exécutions. Pétain a repris le commandement en chef à Nivelle, limogé le 15 mai. Fin des offensives inutiles, dès le 19.

« Il me semble qu’à cette heure, en cette heure terrible, grande et magnifique, mon devoir est accompli […] Au nom du peuple français, au nom du gouvernement de la République française, j’envoie le salut de la France une et indivisible à l’Alsace et à la Lorraine retrouvées. »2612

Georges CLEMENCEAU (1841-1929), Discours écrit et parlé à la Chambre des députés, 11 novembre 1918. Histoire politique de la Troisième République : la Grande Guerre, 1914-1918 (1967), Georges Bonnefous, Édouard Bonnefous

Le député Paul Deschanel, président de la Chambre, a appelé Clemenceau qui monte à la tribune sous les vivats, tire de sa poche un long papier. Et cet homme de 77 ans lit d’une voix claire. Avant de conclure… « Honneur à nos grands morts […] Grâce à eux, la France, hier soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, sera toujours soldat de l’idéal. » Pour la France, c’est le Père la Victoire, qui lui a donné le courage de vaincre. Pour les Alliés, la France qui a fourni l’effort de guerre essentiel ressort auréolée d’un immense prestige.

ENTRE-DEUX-GUERRES

« Il est plus facile de faire la guerre que la paix. »2633

Georges CLEMENCEAU (1841-1929), Discours de Verdun, 14 juillet 1919. Discours de paix (posthume), Georges Clemenceau

Le Père la Victoire est toujours à la tête du gouvernement d’une France épuisée par l’épreuve des quatre ans de guerre, même si une minorité artiste et privilégiée fête la décennie des Années folles d’après-guerre.

Le vieil homme est devenu le « Perd la Victoire » : piètre négociateur au traité de Versailles signé le 28 juin, il a laissé l’Anglais Lloyd George et l’Américain Wilson l’emporter sur presque tous les points. Et il ne sera pas président de la République, l’Assemblée préférant voter en 1920 pour un homme qui ne lui portera pas ombrage, Deschanel.

Les paroles de Clemenceau prononcées à Verdun sont prophétiques d’une autre réalité qui marque les vingt ans à venir : « L’Allemagne, vaincue, humiliée, désarmée, amputée, condamnée à payer à la France pendant une génération au moins le tribut des réparations, semblait avoir tout perdu. Elle gardait l’essentiel, la puissance politique, génératrice de toutes les autres » (Pierre Gaxotte, Histoire des Français).

« Cet état ne peut être basé que sur le travail indigène équitablement rémunéré. Le travail à peu près gratuit, si voisin du travail servile, ne peut être qu’une solution transitoire. »2639

Maréchal LYAUTEY (1854-1934), Paroles d’action, 1900-1926 (posthume, 1927)

Lyautey, éphémère ministre de la Guerre en 1916-1917, retourne au Maroc et poursuit sa politique coloniale, mal comprise de son temps : plutôt que l’assimilation, il préfère un développement culturel proprement marocain. Malgré cela, la domination européenne se trouve contestée par des mouvements politiques et sociaux, des révoltes de paysans suivies de répressions. La guerre du Rif (1925) écartera Lyautey. La Troisième République fait de la France la deuxième puissance coloniale du monde (après la Grande-Bretagne) : le triomphe de l’idée coloniale va culminer lors de l’Exposition de 1931 – la mauvaise conscience européenne viendra plus tard.

« On a ri longtemps de ce mélodrame où l’auteur faisait dire à des soldats de Bouvines : « Nous autres, chevaliers de la guerre de Cent Ans ». C’est fort bien fait, mais il faut donc rire de nous-mêmes : nos jeunes gens s’intitulaient « génération de l’entre-deux-guerres » quatre ans avant l’accord de Munich. »2668

Jean-Paul SARTRE (1905-1980), Situations II (1948)

Munich, ce sera octobre 1938. Quatre ans plus tôt, l’Europe assiste à la montée au pouvoir d’Adolf Hitler. Autrichien naturalisé allemand, porté au pouvoir par la crise économique des années 1930 qui jette les millions d’ouvriers chômeurs et de petits rentiers ruinés vers les partis extrêmes, manipulant l’armée et les puissances financières, devenant chancelier du Reich le 30 janvier 1933, puis Führer, maître absolu, dictateur en 1934. Plébiscité, promettant à son pays de le libérer du « Diktat » de Versailles, mais lui annonçant déjà de gros sacrifices en échange : « Des canons plutôt que du beurre. »

« Nous ne sommes pas disposés à laisser placer Strasbourg sous le feu des canons allemands. »2673

Albert SARRAUT (1872-1962), à la radio, s’exprimant au nom de son gouvernement, 7 mars 1936. Les Accords de Munich et les origines de la guerre de 1939 (1988), François Paulhac

Président du Conseil, il s’adresse au pays quand Hitler réoccupe la Rhénanie démilitarisée le 7 mars 1936, reniant ainsi les accords de Locarno. Mais le gouvernement tergiverse. Il a de gros soucis de politique intérieure : montée du Front populaire, élections dans deux mois, suite et fin de l’affaire Stavisky (11 acquittements, 16 condamnations). L’Angleterre se défile de son côté et l’on ne peut rien faire, en tout cas pas la guerre, sans son pétrole et ses navires pétroliers. Le général Gamelin renonce finalement à toute riposte contre Hitler.

« Le nationalisme […] quel chemin il a fait […] Les puissants maîtres de l’or et de l’opinion universelle l’ont vite arraché aux mains des philosophes et des poètes. Ma Lorraine ! ma Provence ! ma Terre ! mes Morts ! Ils disaient : mes phosphates, mes pétroles, mon fer. »2694

Georges BERNANOS (1888-1948), Les Grands Cimetières sous la lune (1938)

Catholique lorrain né à Paris et monarchiste militant à l’Action française avant la guerre de 1914, réformé, engagé volontaire pour la guerre dans les tranchées, Bernanos connaît un grand succès de romancier, tout en dénonçant La Grande Peur des bien-pensants (1930), c’est-à-dire la faillite de la bourgeoisie française. Il récidive huit ans après, s’élevant contre son matérialisme avec une violence de pamphlétaire.

« Je sais bien que nous nous réveillerons de cette joie et qu’au-delà de ce grand mur de Versailles abattu par le poing allemand, une route inconnue s’ouvre pour nous, pleine d’embûches. »2699

François MAURIAC (1885-1970), Le Temps présent. François Mauriac (1990), Jean Lacouture

Lucidité au lendemain de Munich d’un romancier célèbre qui a déjà témoigné contre les cruautés de la guerre civile espagnole, aux côtés de l’autre grand romancier chrétien, Bernanos. C’en est fini des espoirs lors de la signature du traité de Versailles de 1919.

Léon Blum dénonce le « lâche soulagement ». Daladier lui-même, en signant, savait sans doute la guerre inéluctable et se résignait au pire tout en le différant. François de Wendel (grande famille de la bourgeoisie industrielle, député depuis 1914, puis sénateur de 1933 à 1940, en même temps que président du Comité des forges et régent de la Banque de France) dénonce à cette époque l’attitude de ses amis politiques dans son Journal intime : « Il y a actuellement un danger bolchevique intérieur et un danger allemand extérieur. Pour moi, le second est plus grand que le premier et je désapprouve nettement ceux qui règlent leur attitude sur la conception inverse. »

« J’ai appris la cuisine en faisant la cuisine. »

Eugénie BRAZIER (1895-1977). Chefs à la carte (2018), Thierry Marx et Bernard Thomasson

C’est la plus connue des « mères » lyonnaises. À juste titre, par sa forte personnalité, sa réussite exceptionnelle, une notoriété qui transcende la région de Lyon, les modes et les générations, tout en défiant un microcosme sexiste. La « mère Brazier » est la première femme dont le nom s’impose depuis Taillevent - premier chef cuisinier professionnel français du XIVe siècle, auteur du Viandier (livre de recettes et de technique).

« Elle fait plus que moi pour la renommée de la ville. »

Édouard HERRIOT (1872-1957 ), maire de Lyon (et président du Conseil, député, sénateur, ministre). Ouest-France, 23/10/2019

Et pourtant, Herriot fait partie des grands maires des grandes villes, de 1905 à 1940, puis de 1945 à sa mort, salué par le philosophe Alain : « puissant par le suffrage populaire, puissant par l’éloquence, puissant par l’espoir des foules » et François Mauriac « un gros homme charmant. Son charme naissait de ce contraste entre la culture, tous les dons d’une intelligence royale et la ruse, disons la finesse, politicienne. »

Des grands plats classiques ont fait la réputation de la Mère Brazier, son successeur Viannay n’en garde que quelques-uns « réinventés au gré des saisons et de la fantaisie » : l’artichaut au foie gras réunit un artichaut poivrade, surmonté d’une bille de foie gras avec un émincé de fond d’artichaut accompagné d’une tranche de foie gras rôti parfumé de balsamique ; la célébrissime « volaille de Bresse Demi-Deuil » (du nom des lamelles de truffes glissées sous la peau) rajeunit grâce aux légumes de saison. Le secret de sa réussite est simple : tradition et innovation, avec une « attention particulière aux cuissons, ajustées au degré près », aux « produits de saison » et aux « alliances », à l’image de ses coquilles Saint-Jacques au citron confit.

Une dizaine d’autres « mères lyonnaises » ont contribué au rayonnement de Lyon, mais quelques centaines ont nourri la ville et l’ont véritablement animée au sens étymologique : donner une âme.

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