Voltaire : « Il a fallu des siècles pour rendre justice à l’humanité, pour sentir qu’il était horrible que le grand nombre semât, et le petit recueillît. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Siècle des Lumières.
Prologue (suite).

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

Économie, fiscalité, colonies

« Il a fallu des siècles pour rendre justice à l’humanité, pour sentir qu’il était horrible que le grand nombre semât, et le petit recueillît. »964

VOLTAIRE (1694-1778), Lettres philosophiques (1734)

Le philosophe parle au nom de la justice sociale pour l’ensemble du peuple qui travaille, et surtout pour les « laboureurs qui exercent la plus noble et la plus méprisée des professions ». Il donne en exemple l’Angleterre : absence de privilèges terriens et égalité devant l’impôt. Mais la réalité économique est tout autre en France.

« Impositions indirectes ; pauvres paysans. Pauvres paysans ; pauvre royaume. Pauvre royaume ; pauvre souverain. »965

Pierre Samuel DUPONT de NEMOURS (1739-1817), De l’origine et des progrès d’une science nouvelle (1768)

Parole d’économiste et voici tracé le cercle vicieux de l’économie. La fiscalité frappe la masse des paysans pauvres, alors que les privilégiés aux grandes fortunes (fermiers généraux, financiers, courtisans) sont intouchables et l’essentiel des revenus industriels et commerciaux y échappe (…) L’Ancien Régime mourra de cette crise financière sans solution (…)

« Le peuple est taillable et corvéable à merci. »966

Jean-François JOLY de FLEURY (1718-1802). Dictionnaire de français Littré, au mot « taillable »

Une réalité qui date du Moyen Âge, mais le mot est prononcé quand Turgot tente l’abolition de la corvée, en 1775-1776. La taille est le seul impôt direct de l’Ancien Régime (…) Très injustement réparti, il retombe lourdement sur les plus pauvres (…) Même injustice pour la corvée royale – impôt en nature sous forme de journées de travail.

« On taxe tout, hormis l’air que nous respirons. »967

Mme du DEFFAND (1697-1780). Histoire de France (1924), Jacques Bainville

Et l’historien ajoute : « Ce qui viendra d’ailleurs sous la Révolution, avec l’impôt des portes et fenêtres. » La marquise, amie des encyclopédistes, paie proportionnellement beaucoup moins que le peuple, et peut pourtant se plaindre d’impôts nouveaux, tels les vingtièmes, censés frapper les nobles et les propriétaires (…)

« Laissez faire, laissez passer. »968

Maxime résumant la doctrine et la politique économique libérales, attribuée à François QUESNAY (1696-1774) et reprise par Adam SMITH (1723-1790)

François Quesnay, par ailleurs médecin de Louis XV, fonde la première école de pensée libérale – les physiocrates – et expose sa doctrine dans le Tableau économique (1758). Selon lui, seule l’agriculture est source de la richesse qui se répartit dans le corps social : il encourage donc son développement, tout en prônant le libre-échange (…)

« Toutes ces maîtrises et toutes ces jurandes n’ont été inventées que pour tirer de l’argent des pauvres ouvriers, pour enrichir les traitants et pour écraser la nation. »969

VOLTAIRE (1694-1778) stigmatisant les corporations en 1776, Correspondance (posthume). Encyclopædia Universalis, article « Corporations »

Turgot, partisan de la liberté du travail dans l’industrie aussi bien que dans le commerce et l’agriculture, abolit les corporations, maîtrises et jurandes en janvier 1776. Elles sont rétablies aussitôt après son départ, en mai 1776. Toute l’économie se trouve ainsi prisonnière de réglementations jadis utiles et à présent paralysantes.

« La jurisprudence d’Espagne est précisément comme celle de France : on change de lois en changeant de chevaux de poste, et on perd à Séville le procès qu’on aurait gagné à Saragosse. »970

VOLTAIRE (1694-1778), Lettre à M. Servan, avocat général de Grenoble, 13 janvier 1768. Dictionnaire de français Littré, au mot « perdre »

Cela traduit la diversité des lois selon les provinces. À la fin du règne de Louis XV, les parlementaires ayant été exilés, le ministre Maupeou projette une vaste réforme et un code unique, mais plus rien ne sera possible, après le retour des magistrats rappelés par Louis XVI (…) La grande réforme ne pourra se faire qu’avec la Révolution.

« Les colonies fondées par les diverses puissances de l’Europe ont toutes été établies pour l’utilité de la métropole. »971

Duc de CHOISEUL (1719-1785), secrétaire d’État en 1767 (…)

Phrase très souvent citée pour illustrer (et stigmatiser souvent) le colonialisme français sous l’Ancien Régime. Choiseul (…) exprime la position officielle de la France, mais également l’opinion dominante en Europe, depuis deux siècles : tout grand pays se doit d’avoir un empire colonial. Méconnaître cette réalité est source d’anachronisme (…)

« Les colonies sont comme des fruits qui tiennent à l’arbre jusqu’à ce qu’ils en aient reçu une nourriture suffisante, alors ils s’en détachent. »972

TURGOT (1727-1781), en 1748. Discours politiques (2007), Abraham Sighoko Fossi

Les physiocrates et les libéraux sont plus anticolonialistes que Choiseul, avec un argument qui vaudra également au XIXe siècle : l’intérêt des colonies pour la métropole est rien moins qu’évident (…)

« Si un Taïtien [Tahitien] débarquait un jour sur vos côtes et s’il gravait sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : ce pays appartient aux habitants de Taïti [Tahiti], qu’en penserais-tu ? »973

DIDEROT (1713-1784). Encyclopædia Universalis, article « Denis Diderot »

Certains philosophes, comme Diderot, vont plus loin dans l’anticolonialisme que Turgot et mettent en cause le principe même de la colonisation, en particulier le droit de l’occupant. D’autres, tel l’abbé Raynal, affichent carrément leur anticolonialisme, ou tel Montesquieu, réagissent contre le principe même de l’esclavage.

« L’esclavage n’est pas seulement un état humiliant pour celui qui le subit, mais pour l’humanité qui en est dégradée. »974

Chevalier de JAUCOURT (1704-1779). L’Encyclopédie, article « Esclavage »

L’esclavage est flétri au nom du droit naturel et de la dignité humaine. Diderot dénonce par ailleurs un esclavage plus subtil et donc pervers : « Avoir des esclaves n’est rien, mais ce qui est intolérable, c’est d’avoir des esclaves en les appelant citoyens. »

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