Montesquieu est d’abord magistrat de métier. L’Esprit des Lois sera l’œuvre de sa vie. Publication en octobre 1748 : succès considérable, 22 éditions en un an et demi ! Mme du Deffand, parfaite salonnière du siècle, dit que « C’est de l’esprit sur les lois ». Ce n’est qu’un mot (d’esprit). En fait, Montesquieu crée la science des lois.
Toute démocratie digne de ce nom se réfère à sa pensée, comme toute philosophie se situe par rapport à Descartes - y compris pour le contrer. Difficile de choisir une citation, mais s’il ne fallait retenir qu’une idée force…
« Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. »1011
C’est le fameux principe de la séparation des pouvoirs : « Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers. »
La constitution anglaise, monarchique en apparence, républicaine en réalité, présente un bon équilibre des trois pouvoirs : elle séduit fort le philosophe qui l’a vu fonctionner sur place, comme Voltaire, également admirateur de cette monarchie (raisonnablement) constitutionnelle. En 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (article 16) consacrera cette séparation des pouvoirs.
En plus de la séparation des pouvoirs, Montesquieu souhaite leur équilibre : pouvoirs intermédiaires (noblesse, Parlements) face à l’arbitraire royal. D’où une monarchie tempérée, très loin du régime devenu despotique au XVIIe siècle, sous Mazarin, Richelieu, Louis XIV. Les Monarchiens des premiers mois de la Révolution (tels Mirabeau, Talleyrand, La Fayette) tenteront de faire triompher cette évolution qui aurait fait l’économie d’une révolution.
Montesquieu crée une science des lois : il cherche leur « âme », discerne un ordre, une raison et s’efforce de comprendre. Démarche parfois mal comprise : expliquer l’esclavage, le despotisme, les lois qui les instaurent, ce n’est pas les justifier pour autant. Le philosophe dit seulement ce qui est, avant de dire ce qui devrait être : « Les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses. »
Théorie mise à part, Montesquieu fait preuve d’un grand bon sens : « Le gouvernement est comme toutes les choses du monde ; pour le conserver, il faut l’aimer. » Mine de rien, cette petite phrase explique tout, y compris le chaos politique du siècle des Lumières et la mort d’un Ancien Régime mal aimé de tous les Français, qu’ils soient du peuple ou des ordres privilégiés.
Mme du Deffand avait décidément tort : l’Esprit des lois, c’est bien plus que de l’esprit sur les lois !
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.
