Pierre de Ronsard | L’Histoire en citations
Citation du jour

« Le Grec vanteur la Grèce vantera
Et l’Espagnol l’Espagne chantera
L’Italien les Itales fertiles,
Mais moi, François, la France aux belles villes. »

Pierre de RONSARD (1524-1585), Hymne de France (1555-1556)

Le jeune « écuyer d’écurie » entre dans la carrière des lettres. L’éloge de la France est un thème classique, l’expression d’un sentiment national profond, sensible en d’autres lieux, mais sans doute plus intense en cette terre bénie des dieux, faite d’équilibre et de charme, et qui inspirera, le danger revenu avec les guerres étrangères et civiles, des chansons déjà patriotiques et les Discours enflammés d’une littérature engagée.

« Soyez comme un bon Prince amoureux de la gloire,
Et faites que de vous se remplisse une histoire,
Du temps victorieux, vous faisant immortel,
Comme Charles le Grand [Charlemagne] ou bien Charles Martel. »

Pierre de RONSARD (1524-1585), L’Institution pour l’adolescence du Roi (1562)

Renonçant à la carrière des armes et à la diplomatie pour cause de surdité précoce, Ronsard devient le prince des poètes, puis le poète des princes, sans être jamais bassement courtisan. Sincèrement patriote, il élabore un art de gouverner à l’intention du roi Charles IX, alors âgé de 12 ans.

« Je veux de siècle en siècle au monde publier
D’une plume de fer sur un papier d’acier,
Que ses propres enfants l’ont prise et dévêtue,
Et jusques à la mort vilainement battue. »

Pierre de RONSARD (1524-1585), Continuation du discours des misères de ce temps (1562)

Le poète des célèbres Discours se jette dans la mêlée pour parler de la France en peine, en proie aux horreurs de la guerre civile qui ne fait pourtant que commencer. Fidèle à la foi catholique, il s’en prend aux protestants tenus pour responsables des troubles.

Après le beau XVIe siècle de la Renaissance et du rêve italien, la France des guerres de Religion sombre dans le cauchemar de l’anarchie, de la haine et du fanatisme : tous les Grands du royaume seront impliqués, et nombre d’entre eux mourront en combattant, ou assassinés – jusqu’au roi Henri III, en 1589.

« Sus donc Paris regarde quel doit être
Ton heur futur, en adorant ton maître,
Ton nouveau Dieu, dont la divinité
T’enrichira d’une immortalité. »

Pierre de RONSARD (1524-1585), Entrée du Roi Très-Chrétien Henry II à Paris, l’an 1549

Le « prince des poètes » écrit ces vers pour l’Entrée du nouveau roi.

Henri II est plus austère que son père François Ier, sa cour sera moins brillante, mais le prestige du monarque est exalté d’une autre manière. Les Entrées solennelles dans les villes sont l’occasion de fêtes à l’italienne, avec arcs de triomphe, statues à l’antique, pyramides et obélisques, tout un paysage urbain s’inspirant des anciens triomphes de Rome. Et les meilleurs poètes rivalisent pour honorer le roi qui fait figure d’Hercule gaulois.

« Mais comme un Roi chrétien est doux et débonnaire,
Et comme son enfant duquel il a souci,
Vrai père, aime son peuple et sa Noblesse aussi. »

Pierre de RONSARD (1524-1585), Exhortation au camp du roi Henri II pour bien combattre le jour de la bataille

Ronsard est (depuis octobre 1558) aumônier ordinaire et conseiller du roi dont il est ami d’enfance. Prince des poètes, devenu poète des princes, il sera richement pensionné pour fournir la cour en poésies de circonstances – ce qui nuit quelque peu à son génie poétique.

En 1557, le roi de France a rompu la trêve de cinq ans signée avec Philippe II d’Espagne succédant à Charles Quint. Les Français, qui battent les Anglais à Calais, sont en revanche battus par les Espagnols à Saint-Quentin (le connétable de Montmorency y est fait prisonnier) et Gravelines. Cette fois, Henri II veut en finir avec ces guerres qui ne mènent à rien, notamment en Italie.

« De là vient le discord sous lequel nous vivons,
De là vient que le fils fait la guerre à son père,
La femme à son mari, et le frère à son frère. »

Pierre de RONSARD (1524-1585), Discours des misères de ce temps, Remontrance au peuple de France (1562)

Prince des poètes, devenu poète des princes, il est à présent protégé par Michel de L’Hospital.

Le massacre de Wassy est l’acte I des grandes « misères de ce temps », qui inspirent ses Discours au patriotisme écorché vif et font de ce fervent catholique un auteur engagé.

Le 1er mars 1562, François de Guise et ses gens, revenant de Lorraine, voient des protestants au prêche dans la ville de Wassy – pratique interdite par l’édit de janvier. Ils foncent dans la foule au son des trompettes. Bilan : 74 morts et une centaine de blessés. C’est la « première Saint-Barthélemy » et les massacres de huguenots se suivent et se ressemblent dramatiquement à Sens et à Tours, dans le Maine et l’Anjou.

Ainsi commence la première des huit guerres de Religion – trente-six années de guerre civile, presque sans répit, jusqu’à l’édit de Nantes (1598).

« Sire, ce n’est pas tout que d’être Roi de France,
Il faut que la vertu honore votre enfance :
Un Roi sans la vertu porte le sceptre en vain,
Qui ne lui sert sinon d’un fardeau dans la main. »

Pierre de RONSARD (1524-1585), L’Institution pour l’adolescence du Roi Très Chrétien (1562)

Le poète esquisse un plan d’éducation en alexandrins, puis passe à l’art de gouverner et aux devoirs d’un roi à peine âgé de 12 ans, dans une France déchirée par la guerre civile. L’auteur le plus célèbre de la Pléiade adopte un ton de généreuse gravité et de sollicitude inquiète, qui tranche sur les vers galants et l’épicurisme de l’Ode à Cassandre (« Mignonne, allons voir si la rose… ») ou plus tard des Sonnets pour Hélène (« Quand vous serez bien vieille, le soir à la chandelle… »).

Charles IX, tombé littéralement sous le charme de Ronsard, lui aménagera un appartement à l’intérieur de son palais.

Dans l’histoire, d’autres grands noms des lettres seront préposés à l’éducation des princes ou dauphins, et prendront cette tâche fort à coeur, comme Bossuet et Fénelon au XVIIe siècle.

« Mais ces nouveaux Chrétiens qui la France ont pillée,
Volée, assassinée, à force dépouillée,
Et de cent mille coups tout l’estomac battu,
Comme si brigandage était une vertu,
Vivent sans châtiment, et à les ouïr dire,
C’est Dieu qui les conduit, et ne s’en font que rire. »

Pierre de RONSARD (1524-1585), Continuation du discours des misères de ce temps (1562)

Ronsard, ardent catholique, s’en prend dans ce nouveau Discours aux protestants, rebelles au pouvoir royal et selon lui responsables des troubles. Il pleure sur la France comme sur une « pauvre femme atteinte de la mort » qui lui apparaît en image. Il l’apostrophe : « Ô princesse, / Qui presque de l’Europe as été la maîtresse, / Mère de tant de rois, conte-moi ton malheur, / Et dis-moi je te prie, d’où te vient ta douleur ». Il la décrit, si misérable : « Son sceptre lui pendait, et sa robe semée / De fleurs de lis était en cent lieux entamée ; / Son poil était hideux, son oeil hâve et profond, / Et nulle majesté ne lui haussait le front. »

Le poète est ici prophète des malheurs de son pays. De 1562 jusqu’à l’abjuration d’Henri IV (en 1593), la littérature aristocratique aussi bien que populaire ne cessera de s’attendrir sur la France et son destin.

« Je puis donner la mort,
Toi l’immortalité. »

CHARLES IX (1550-1574), à Ronsard : Ton esprit est, Ronsard…

Le poème royal commence ainsi : « Ton esprit est, Ronsard, plus gaillard que le mien ; / Mais mon corps est plus jeune et plus fort que le tien… »

Rendant hommage au poète engagé et enflammé des Discours, il continue : « L’art de faire des vers, dût-on s’en indigner, / Doit être à plus haut prix que celui de régner. / Tous deux également nous portons des couronnes ; / Mais roi, je la reçus ; poète, tu la donnes. »

Le jeune roi se sait malade, et mourra à 24 ans de la tuberculose. Ronsard lui survit, et connaîtra une demi-disgrâce.

« Bien qu’il meure en jeunesse, il a beaucoup vécu.
Si sa Royauté fut de peu d’âge suivie,
L’âge ne sert de rien, les gestes font la vie. »

Pierre de RONSARD (1524-1585), Le Tombeau du feu Roi Très Chrétien Charles IX - épitaphe

Dernière victime de la Saint-Barthélemy, le roi meurt un mois avant ses 24 ans, le 30 mai 1574. La tuberculose familiale fait des ravages chez les fils de Catherine de Médicis, mais le remords d’avoir donné l’ordre du massacre (qui lui fut arraché par sa mère) hanta les jours et les nuits du jeune roi et hâta sa fin.

« Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. »

Pierre de RONSARD (1524-1585), Sonnet à Hélène (1578)

Le poète s’est retiré de la cour, en demi-disgrâce après la mort de Charles IX, Henri III ayant ramené de Pologne son poète favori, le jeune Desportes.

Renonçant à l’engagement politique, il chante ici une fille d’honneur de Catherine de Médicis, Hélène de Surgères, aussi remarquable en beauté qu’en vertu et en intelligence, inconsolable d’avoir perdu son fiancé dans une guerre de Religion en 1570. La reine invite Ronsard à l’immortaliser. Il écrit d’abord « par ordre », puis reprend goût à ce genre pétrarquiste, comme à l’amour qui lui inspire alors ses plus beaux poèmes, à l’automne de sa vie : les Amours d’Hélène.

Ce « carpe diem » très inspiré de l’Antiquité est symbolique du style de la Renaissance et de tout ce siècle si pressé de vivre, de « jouir ou tuer » (Jules Michelet), aussi obsédé par l’idée de la mort qu’enchanté par l’amour. Ronsard mourra le 27 décembre 1585 à Saint-Cosme. Deux mois plus tard, à Paris, il a droit à des funérailles solennelles, premier poète français à être ainsi honoré.

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