Voltaire : « Eh ! mon ami, qui vous a dit que vous descendez en droite ligne d'un Franc ? »

Voltaire, né un 21 novembre. Voici la fin de son portrait, commencé sur notre site en 2017. Dans L’Histoire en citations, c’est le 4e auteur le plus cité - après Napoléon, De Gaulle, Hugo.

Philosophe des Lumières, il nous est plus familier que Montesquieu, Diderot et Rousseau. Humour ravageur, esprit bien français, citoyen européen, franc-parler politiquement incorrect et inclassable, culture encyclopédique, polygraphe infatigable, premier intellectuel engagé.

Redécouvrons d’abord l’historien ! On cite souvent son Siècle de Louis XIV, rarement l’Histoire de Charles XII, l’Histoire de la Russie sous Pierre le Grand. Sa culture et sa méthode, reconnues par les historiens de métier, se retrouvent dans nombre de ses œuvres qui font toujours référence.

Feuilletez notre Chronique sur le Siècle des Lumières pour en savoir plus

« “Les Francs dont nous descendons.” Eh ! mon ami, qui vous a dit que vous descendez en droite ligne d’un Franc ? Hildvic ou Clodvic, que nous nommons Clovis, n’avait probablement pas plus de vingt mille hommes […] quand il subjugua environ huit ou dix millions de Welches ou Gaulois. »51

VOLTAIRE (1694-1778), Dictionnaire philosophique (1764). Juste remarque, à la définition du terme de « Francs ».

Judicieuse remarque, quand il définit le terme de Francs, sous la Gaule. Dans le même esprit, on a chansonné en même temps que remis en question « nos ancêtres les Gaulois ».

« Nos guerres civiles, sous Charles VI, avaient été cruelles, celles de la Ligue furent abominables, celle de la Fronde fut ridicule. »747

VOLTAIRE (1694-1778), Lettres philosophiques (1734)

Les attendus de ce jugement sont très circonstanciés : « Pour la dernière guerre de Paris, elle ne mérite que des sifflets… Le Parlement ne savait ni ce qu’il voulait, ni ce qu’il ne voulait pas ; il levait des troupes par arrêt, il les cassait ; il menaçait, il demandait pardon ; il mettait à prix la tête du cardinal Mazarin et ensuite venait le complimenter en cérémonie. » Quant au cardinal de Retz, il en fait un portrait plus cruel que nature !

« Le cardinal de Retz se vante d’avoir seul armé tout Paris dans cette journée, qui fut nommée des Barricades et qui était la seconde de cette espèce. »774

VOLTAIRE (1694-1778), Le Siècle de Louis XIV (1751)

Rappelons que la première fois (12 mai 1588), c’était le duc de Guise et la Ligue des ultra-catholiques contre Henri III. Cette « seconde » journée des Barricades sera suivie de bien d’autres, après le siècle de Voltaire et des Lumières.

« Louis XIV le reçut comme un père et le peuple comme un maître. »796

VOLTAIRE (1694-1778) évoquant le retour de Mazarin, 3 février 1653. Le Siècle de Louis XIV (1751), Voltaire

Fin de la Fronde. Le roi, majeur depuis deux ans, va laisser le cardinal gouverner la France jusqu’à sa mort, en 1661. Il va apprendre son royal métier auprès de son Premier ministre et tuteur. Mais la Fronde lui servira de leçon.

« La chute de ce ministre [Fouquet] à qui on avait bien moins de reproches à faire qu’au cardinal Mazarin, fit voir qu’il n’appartient pas à tout le monde de faire les mêmes fautes. »859

VOLTAIRE (1694-1778), Le Siècle de Louis XIV (1751)

Fouquet voulut éblouir le roi qui voulait seul éblouir le monde. Son arrestation est le premier acte politique du règne : Louis XIV prenant ainsi le pouvoir surprend tout son entourage.

« Non seulement il s’est fait de grandes choses sous son règne, mais c’est lui qui les faisait. »816

VOLTAIRE (1694-1778), Le Siècle de Louis XIV (1751)

Pour cette raison, le Grand Siècle est bien le « siècle de Louis XIV ». En historien très documenté, Voltaire traite des événements militaires et diplomatiques, insiste sur le développement du commerce et le rayonnement des arts et des lettres, mettant cependant les affaires religieuses au passif du règne de ce « despote éclairé ».

« Les troupes furent envoyées dans toutes les villes où il y avait le plus de protestants ; et comme les dragons, assez mal disciplinés dans ce temps-là, furent ceux qui commirent le plus d’excès, on appela cette exécution la “dragonnade”. »898

VOLTAIRE (1694-1778), Le Siècle de Louis XIV (1751)

Ces exactions durèrent cinq ans. On fit loger des dragons chez les protestants, en leur permettant toutes sortes de sévices. Les « missionnaires bottés » obtinrent ainsi 30 000 conversions en quelques mois. On présenta au roi de longues listes de convertis. Ignorait-il les violences qui se cachaient derrière ? Crut-il que la révocation ne serait qu’une simple formalité ?

« La plaie de la révocation de l’édit de Nantes saigne encore en France. »900

VOLTAIRE (1694-1778), Correspondance (Lettre au comte de Schouvalof, 30 septembre 1767)

L’édit de Fontainebleau (1685) révoque l’édit de Nantes (pris par Henri IV en 1598) : pasteurs bannis, écoles protestantes fermées, temples détruits, enfants des « convertis » baptisés, interdiction de quitter la France sous peine de galères.

« Louis XIV fit plus de bien à sa nation que vingt de ses prédécesseurs ensemble ; et il s’en faut beaucoup qu’il fît ce qu’il aurait pu. »949

VOLTAIRE (1694-1778), Le Siècle de Louis XIV (1751)

« Il s’est fait de grandes choses sous son règne » qui reste pour son rayonnement culturel, mais le passif est lourd, avec les guerres et la révocation de l’édit de Nantes.