Quatrième jour de notre série de citations sur la réforme. Réforme ? Sous la Cinquième République, tous les partis se disputent le mot, l’idée, la politique. C’est de bonne guerre, l’opinion publique aime le mot, l’idée, etc. mais quand il s’agit de passer à l’action, c’est une autre histoire - et toute la difficulté d’une bonne politique, dans l’histoire.
« Il y a peu de moments dans l’existence d’un peuple où il puisse autrement qu’en rêve se dire : Quelle est la société dans laquelle je veux vivre ? J’ai le sentiment que nous abordons un de ces moments. Nous pouvons donc entreprendre de construire une nouvelle société. »3116
(1915-2000), Discours à l’Assemblée nationale, 16 septembre 1969
Aucun discours parlementaire de Premier ministre n’eut plus de retentissement, sous la Cinquième République. La dénonciation du « conservatisme » et des « blocages » de la société française annonce un programme ambitieux de réformes - maître mot des quatre prochains présidents, mais malheureusement pas du président actuel (qui vient de succéder à de Gaulle, démissionnaire après l’échec de son référendum).
Chaban-Delmas, dans L’Ardeur (1975), donne de sa « nouvelle société » deux définitions : « L’une politique, c’est une société qui tend vers plus de justice et de liberté […] L’autre sociologique, c’est une société où chacun considère chacun comme un partenaire ».
L’opposition ne fait pas mauvais accueil au programme du Premier ministre, sur le principe, mais elle doute de sa réalisation : « On ne bâtit pas une nouvelle société sur des vœux pieux Tandis que vous parliez, je vous regardais et je ne doutais pas de votre sincérité. Et puis, je regardais votre majorité et je doutais de votre réussite. » Parole de François Mitterrand, député, le même jour à l’Assemblée qui précise : « Car cette majorité est, dans ses profondeurs, la représentation d’intérêts dont vous déplorez l’anachronisme et la peur du changement. »
Les difficultés viendront surtout du scepticisme du président de la République. Pompidou a des convictions économiques plus que sociologiques.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Celui qui n’accepte pas la rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, ne peut être adhérent au Parti socialiste. »3133
François MITTERRAND, Première déclaration du Premier secrétaire du PS, Congrès d’Épinay, 13 juin 1971
Et première question : « Réforme ou révolution ? J’ai envie de dire oui, révolution. Violente ou pacifique, la révolution c’est d’abord une rupture. » Au terme d’une OPA magistrale, Mitterrand a investi la « vieille maison » chère à Léon Blum en 1920, et l’a rebaptisée Parti socialiste. Prochaine étape : l’union avec le PC, force dominante de la gauche. Dix ans après, il arrive au pouvoir avec le socialisme à la française.
« Le changement, c’est nous ! le mouvement, c’est nous ! Et nous le prouvons, non en paroles, mais en actes. »3141
Pierre MESSMER, Premier ministre, Discours de Provins, 7 janvier 1973
Successeur de Chaban-Delmas, il conclut ce manifeste de la majorité, en vue des législatives de mars. Pompidou interviendra la veille du second tour, pour opposer les deux sociétés possibles : « Celle qui ignore ou supprime les libertés individuelles, la liberté politique, le droit de propriété et qui soumet la vie de chacun à l’autorité d’un parti et d’une administration totalitaire […] et une société libre, avec ses imperfections et ses injustices, qui respecte les droits de l’individu. » Au soir du 11 mars, la majorité demeure nettement majoritaire.
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.