Les Mots de la fin des Empereurs, rois et reines, chrétiens | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

Voici quelque 200 Mots, parfois apocryphes, mais toujours sourcés comme dans l’Histoire en citations.

La présentation chronologique montre qu’on ne mourait pas sous l’Antiquité ni même au XIXe siècle comme aujourd’hui. Autre leçon de l’histoire, on meurt souvent comme on a vécu, roi ou empereur, chef d’État ou militaire, chrétien ou athée, poète ou philosophe, dramaturge ou acteur, artiste ou scientifique, d’où le classement thématique en neuf catégories. Le sexe ou l’âge ne jouent guère et certaines « morts à contremploi » surprennent.

Quelques personnages cumulent deux ou trois mots de la fin : Jésus, Voltaire, Hugo… Une période se révèle particulièrement riche, la Révolution : pendant six ans, la guillotine tue beaucoup plus que la maladie ou la vieillesse et la situation donne du talent, voire du génie (improvisé ou pas).

Quelques mots sont bissés au fil des siècles, le plus fréquent étant le plus émouvant : « Maman. »

Au final, on notera l’étonnante variété de tons et de styles, entre le drame et l’humour, le courage et la peur, le lyrisme ou la pudeur, la simplicité quotidienne ou la pause pour l’éternité. Reste une impression dominante : la sincérité de ces derniers instants. À vous de juger, dans cet édito en quatre semaines.

I. Empereurs, rois et reines, chrétiens.

MOURIR EN EMPEREUR

« Toi aussi, mon fils ! »
« Tu quoque mi fili. »

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.). De viris illustribus (1775) rédigé par l’abbé Lhomond, (Des hommes illustres de Rome, de Romulus à Auguste)  source biographique essentielle jusqu’à la fin des années 1960.

L’abbé s’inspire de la mort de César rapportée pour la première fois par l’historien Suétone (Vie de César) : « Il fut ainsi percé de vingt-trois coups : au premier seulement, il poussa un gémissement, sans dire une parole. Toutefois, quelques écrivains rapportent que, voyant s’avancer contre lui Marcus Brutus, il dit en grec : “Toi aussi, mon fils !”.

Douloureuse surprise de l’empereur, se voyant attaqué par Brutus qui lui devait tout et qu’il considérait comme son fils. Agonisant, César s’exprime en grec, retrouvant la langue de son enfance (celle de tous les Romains de la classe supérieure).

«  Acta est fabula.  »
« La pièce est jouée. »

AUGUSTE (63 av. J.-C.-14), son mot de la fin. L’École normale : journal de l’enseignement pratique, volume V (1861), Pierre Larousse.

« La pièce est jouée », c’est aussi par ces mots que s’achevaient les représentations théâtrales dans l’Empire.

Petit-neveu, fils adoptif (posthume) et héritier de César, Octave, sacré empereur sous le nom d’Auguste, est devenu seul maître de l’Empire romain, en 30 av. J.-C. Ce premier empereur bénéficie d’un très long règne. Il finit de pacifier la Gaule, triomphant des dernières résistances dans les Alpes et les Pyrénées. En 27 av. J.-C., il fixe les bases administratives de la Gaule romaine. Le pays est divisé en quatre provinces : la Narbonnaise (ancienne province au sud-est), l’Aquitaine (au sud-ouest), la Celtique ou Lyonnaise (au centre, la plus étendue) et la Belgique au nord.

Auguste meurt à 75 ans, sans doute de causes naturelles, mais ce serait trop beau pour être vrai ! Des rumeurs (oui, déjà…) évoquent un empoisonnement à l’initiative de son épouse Livie. Tibère, son fils adoptif) lui succède à la tête de l’Empire romain. Auguste est divinisé par le Sénat – de son vivant, il avait refusé cet hommage à son génie, malgré le culte voué à sa personne qui s’était progressivement répandu dans l’Empire, notamment en Orient.

Bref, une belle personne et un belle fin, fait quasiment unique dans le métier impérial…

« Je suis toujours vivant. »

CALIGULA (12-41) à ses gardes qui lui ont asséné trente coups de glaive.

Last Words, Last Words… Out ! (2020) Miguel S.Ruiz. C’est l’un des nombreux dictionnaires qui recensent avec bonheur les mots de la fin qu’il faut encore vérifier et contextualiser soigneusement. 

Empereur romain réputé pour sa cruauté. Caligula est le petit neveu et fils adoptif de l’empereur Tibère, auquel il succède entre 37 et 41. Il est pourtant aimé par le peuple, car il apporte la paix dans Rome après la fin de règne très mouvementé de Tibère.

Son assassinat est précédé d’une série de conjurations manquées, à l’initiative de ses sœurs et de son favori (Marc-Émile Lépide). Un dernier complot a raison de l’empereur : Caligula est assassiné par les soldats de sa garde personnelle qui ont finalement raison de son énergie vitale.

« Malheur ! Je me suis couvert de merde. »

CLAUDE (10-54), empereur  incontinent. Last Words, Last Words… Out ! (2020) Miguel S.Ruiz.

Quatrième empereur romain, régnant de 41 à 54 apr. J.-C., et premier empereur né hors d’Italie.

Enfant méprisé en raison de ses déficiences physiques (élocution et démarche incertaines), mal-aimé de la famille impériale, tenu à l’écart de toute activité publique, il sera pourtant proclamé empereur par les prétoriens qu’il comble en retour d’une gratification considérable (un donativum), inaugurant une dépendance dangereuse.

Dépourvu d’expérience politique mais cultivé, Claude se montre un administrateur capable. Il s’intéresse aux affaires publiques, travaille avec le Sénat sur les lois. Son administration de l’Empire renforce la centralisation en organisant des bureaux dirigés par ses affranchis. Il agrandit l’Empire en annexant de nouveaux territoires, les futures provinces de Lycie, Maurétanie, Norique et Thrace. En 43, il entame la conquête de la Bretagne, ce qui lui vaut, ainsi qu’à son fils, le surnom de Britannicus.

Sa vie privée est malheureuse : Messaline, sa troisième épouse, lui donne deux enfants, mais son inconduite et ou son ambition politique poussent Claude à la faire exécuter. En quatrièmes noces, il épouse sa nièce Agrippine la Jeune qui lui fait adopter Néron. Il meurt empoisonné à l’instigation d’Agrippine - selon l’avis de la plupart des historiens. Néron lui succède.

« Quel artiste périt en moi ! »

NÉRON (37-68 ap. J.-C.). La Vie des douze Césars (De vita duodecim Caesarum), livre VI. Suétone.

Vaniteux et tyrannique, il est aussi amoureux des arts. Passionné de peinture et de sculpture, il raffole des représentations publiques où il s’exhibe, comédien, joueur de flûte, mime, danseur ou chanteur, voire même  conducteur de char dans les courses de chevaux du cirque. Il accueille les ovations et les prix avec une feinte modestie.

Suétone dresse un portrait à charge parfois invraisemblable : Néron interdit à la foule de sortir d’un théâtre où il se produit. Certaines femmes accouchaient lors des représentations. D’autres spectateurs se font passer pour morts afin d’être évacués !

Les caprices sanglants se multiplient en fin de règne, on le soupçonne même d’avoir déclenché le grand incendie de Rome pour la beauté du spectacle… Après quatorze années, le Sénat déclara Néron ennemi public. Prévenu, il refuse de prendre la fuite, adoptant la posture stoïque de son maître Sénèque - qu’il poussait au suicide. Il choisit la même fin et se fait poignarder par son fidèle secrétaire Épaphrodite.

« Il faut qu’un empereur meure debout. ».

VESPASIEN (9-79). La Vie des douze Césars (De vita duodecim Caesarum), livre VI, Suétone.

Se sachant mourant, il se moque d’abord de la divinisation dont les empereurs font l’objet après leur mort : «  Vae, puto deus fio », « Malheur ! Je crois que je deviens dieu. » Mais au dernier moment, victime d’une diarrhée qui l’épuise, dans un ultime effort pour se lever, il expira entre les bras de ceux qui l’assistaient.

Vespasien fut un grand et bon réformateur de l’Empire Romain et sur tous les plans : armée, finances, lois, urbanisme. Son nom reste pourtant attaché aux toilettes publiques. Il créa une taxe sur la collecte d’urine, qui était à ‹époque le seul agent fixant pour les teintures. « Son fils Titus lui reprochait d’avoir mis un impôt sur les urines. Il lui mit sous le nez le premier argent qu’il perçut de cet impôt, et lui demanda s’il sentait mauvais. Titus lui ayant répondu que non : « C’est pourtant du liquide », dit Vespasien. Cette conversation nous est restée sous forme de proverbe « l’argent n’a pas d’odeur » et les premières toilettes publiques de Paris furent nommées vespasiennes, en souvenir de cette initiative restée célèbre – avec ou sans allusion à la posture impériale ?

Le second mot de la fin plus auguste et solennel est confirmé de bonne source : « Il paraît que je vais être bientôt dieu. » L’Art de mourir (1932), Paul Morand.

« Tu as vaincu, Galiléen. »

JULIEN l’Apostat (331-363), mourant en 363. Histoire de France, tome XVIII (1878), Jules Michelet

C’est le mot de la fin du plus redoutable ennemi du christianisme naissant.

Julien a échappé au massacre de sa famille, ordonné par son cousin Constance II, fils et successeur de Constantin Ier. Éloigné de la cour, le jeune prince se passionne pour la philosophie néoplatonicienne, alors qu’une éducation chrétienne trop sévère lui fait prendre cette religion en horreur. Excellent guerrier, il écrase les Alamans (hordes germaniques) à Strasbourg (357) et ses soldats le proclament empereur. La mort de son cousin fait de lui le seul maître de l’Empire, en 361. Il se rallie les hérétiques et s’efforce de rétablir les anciens cultes païens, d’où son surnom d’Apostat.

En guerre contre les Parthes (maîtres de l’ancien Empire perse) et en pleine débâcle de l’ennemi, Julien est atteint par un javelot. Il se croit frappé par une main invisible : le Galiléen Jésus le châtie pour avoir renié le christianisme.

Hormis ce règne bref, l’évangélisation des villes, puis des campagnes, se poursuit.

« Laissez-moi, je mourrai bien sans vos remèdes. »

CHARLEMAGNE (742-814) à ses médecins. Petit dictionnaire des phrases qui ont fait l’histoire (2005), Gilles Henry.

Selon le docteur Augustin Cabanès, historien de la médecine française, il meurt d’une pneumonie aigüe. Passionné par les sciences, il comblait d’honneurs tous ceux qui la professaient. Mais sentant venir la fin, il eut ce mot de sagesse et cette réaction humaine qui se retrouvera au fil des siècles dans la bouche des plus grands noms.

« C’est le moment. Jésus ! Jésus ! »

CHARLES QUINT (1500-1558). Last Words, Last Words… Out ! (2020), Miguel S.Ruiz.

Héritier de l’Espagne et de son empire colonial, des dix-sept provinces des Pays-Bas, du royaume de Naples, des possessions autrichiennes, et élu empereur des Romains en 1519, il est le monarque le plus puissant de la première moitié du XVIe siècle.

Dernier empereur germanique à souhaiter réaliser le rêve poursuivi par Charlemagne d’un empire prenant la tête de la chrétienté, avec cette volonté d’unité chrétienne face à la progression de l’Empire ottoman dans les Balkans et en Méditerranée. Au terme d’une vie de combats, miné et désabusé par ses échecs face à la France, aux luthériens et à sa propre famille, il se dépouille progressivement de ses pouvoirs. Par une série de conventions avec son frère Ferdinand, il lui cède les États autrichiens et la dignité impériale. Il se retire le 3 février 1557 dans le monastère dédié à Saint Jérôme de Yuste, dans une petite maison aménagée pour lui ; il y meurt le 21 septembre 1558, à l’âge de 58 ans, de la malaria (maladie endémique dans la région jusqu’en 1960).

« France… Armée… Joséphine. »

NAPOLÉON (1769-1821). associationhéritages.com Héritages. La culture pour les jeune et par les jeunes.

Napoléon se trouve en exil à Sainte-Hélène depuis Waterloo et la seconde abdication en 1815, dans des conditions morales et matérielles de plus en plus insupportables à cet homme d’action.

Il tombe gravement malade à partir du mois de mars 1821 : fortes douleurs à l’estomac (comme son père sans doute mort d’un cancer), fièvre, délires et difficultés d’élocution. Il peine à se lever encore… Début mai, très affaibli par des traitements à base de mercure prescrit par Antommarchi, son médecin, il entre en agonie. Les symptômes s’aggravent et le 4 mai au soir, l’Empereur tombe dans un état proche du coma. Il prononce alors ses trois mots. Rien de surprenant : ils reflètent la triple obsession de ce personnage hors du commun, le plus célèbre au monde après Jésus-Christ.
Autre trilogie citée par Paul Morand dans L’Art de mourir (1932) : « Mon fils … l’armée … Desaix ».

« N’est-ce pas que nous n’avons pas été lâches à Sedan ? »,

NAPOLÉON III (1808-1873) à son médecin Henri Conneau. Napoléon III (2013) Éric Anceau.

Obsession de « Napoléon le Petit » (ainsi surnommé par Hugo dans son pamphlet suite au coup d’État du 2 décembre 1851) et question posée jusqu’à sa dernière heure par le « Sire de Fish-ton-Kan » (cruellement brocardé par la rue qui chante sa défaite, en septembre 1870).

Encerclé à la tête de l’armée par les Prussiens à Sedan et vu le déséquilibre des forces, l’empereur veut éviter la boucherie (estimée à 60 000 morts) et déclare le 1er septembre 1870 : « Je sais le désastre. L’armée s’est sacrifiée. C’est à mon tour de m’immoler. Je suis résolu à demander un armistice. » La capitulation est signée dans la nuit. Conditions terribles : toute l’armée de Sedan sera internée en Allemagne, y compris l’empereur, désormais prisonnier. Apprenant la nouvelle, Paris se soulève, le 4. Le régime s’effondre et la République est proclamée.
Faut-il ajouter que Napoléon III avait voulu se battre malgré la très douloureuse maladie de la pierre (calculs de la vessie) dont il meurt trois ans plus tard.

MOURIR EN ROI et REINE

« Jérusalem. »

LOUIS IX (1214-1270), mourant le 25 août 1270, devant Tunis

Le fidèle Joinville n’est pas de cette dernière aventure, ayant tenté de dissuader le roi de partir avec ses trois fils, persuadé qu’il est plus utile en France, à ses sujets. Le roi n’écoute pas son ami et conseiller, il s’embarque le 1er juillet 1270, déjà malade, pour la huitième (et dernière) croisade, dans l’espoir de convertir le sultan de Tunisie.

Le futur Saint Louis meurt à 56 ans. On ne trouve pas plus chrétien, dans le genre souverain.

« Pesez, Louis, pesez ce que c’est que d’être roi de France. »

PHILIPPE IV le Bel (1268-1314) à son fils aîné Louis, le jour de sa mort, 29 novembre 1314. La Nouvelle Revue des deux mondes (1973).

C’est le « mot de la fin » politique du dernier grand Capétien.

Certes impopulaire de son vivant et mal aimé de certains historiens, il a fait faire des progrès décisifs à la royauté : diversification des organes de gouvernement (Parlement, Chambre des comptes, etc.), grandes ordonnances de « réformation » du royaume, raffermissement de l’État contre la féodalité, lutte contre la justice ecclésiastique et indispensable centralisation. La France est à présent le pays le plus riche et le plus peuplé d’Europe.

Son fils va devenir Louis X le Hutin, dit aussi « le Querelleur ». Suivant l’exemple de rapacité de son père, il dépouille les juifs et les banquiers lombards, et vend des chartes d’affranchissement aux serfs.

« Fi de la vie ! Qu’on ne m’en parle plus ! »

MARGUERITE d’ÉCOSSE (1425-1444). Dictionnaire Littré.

Le futur Louis XI avait 13 ans, elle 11 et ils étaient déjà prédestinés à se marier depuis cinq ans – elle était fille de Jacques Ier d’Écosse et en termes de géopolitique, c’était important après la terrible guerre de Cent Ans entre les deux pays. Mais le dauphin, homme austère bientôt surnommé l’universelle aragne, la rendra tellement malheureuse que, mourant à 20 ans, la dauphine désabusée soupira ces ultimes paroles.

« Je loue mon Dieu et le remercie de ce qu’il lui plaît que le plus grand pécheur du monde meure le jour de la fête de la pécheresse. »

CHARLES VII (1403-1461), mot de la fin doublement chrétien du roi mourant le jour de la sainte Madeleine, 22 juillet 1461.

La piété va de pair avec la royauté. Pécheur, certes : après la mort d’Agnès Sorel, la Dame de Beauté, première d’une longue liste de favorites officielles des rois de France, ce roi, bien que maladif, vivait entouré d’un essaim de femmes faciles. Il est vrai que Charles avait été si mal aimé de sa mère (Isabeau de Bavière), si malheureux, si méprisé au début de sa vie !

Ce dauphin médiocre se révéla à mi règne un bon roi : libération du territoire et reconquête d’une partie de la France sur les Anglais (avec l’aide de Dieu et de Jeanne d’Arc), réorganisation du royaume, création d’une armée permanente, rétablissement des finances et de la monnaie avec levée d’impôts réguliers. Son fils Louis XI va continuer sur sa lancée : extension de la maison France et abaissement des grands féodaux. Dernier roi du Moyen Âge - grand roi et très pieux.

« Mignonne, je vous donne ma mort pour vos étrennes. »

LOUIS XII (1462-1515) à sa trop jeune épouse Marie d’Angleterre. Actes et Paroles, Pendant l’exil (1864), Victor Hugo.

« Le roi mourut de trop aimer sa femme, comme plus tard François II, doucement tués l’un et l’autre par une Marie. Cette idylle fut brève. Le 1er janvier 1515, après quatre-vingt-trois jours ou plutôt quatre-vingt-trois nuits de mariage, Louis XII expira, et comme c’était le jour de l’an, il dit à sa femme… » Et Louis XII, 52 ans, surnommé le « Père du peuple ». cède la place à son gendre et successeur, François Ier à qui il a fiancé sa fille Claude.

La jeune veuve n’avait pas vingt ans. Après un second mariage avec un favori de frère Henri VIII, elle meurt à 33 ans. Cette Marie Tudor (de la maison Tudor) ne doit pas être confondue avec l’autre, surnommée « Marie la Sanglante ».

« Si l’on ouvrait mon cœur, on y trouverait gravé le nom de Calais. »

Marie TUDOR (1516-1558). Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789 (1844), Henri Martin.

Femme dans son expression, et reine d’Angleterre, elle mourra, dit-on, du chagrin causé par la perte de Calais, seule place restée anglaise en France à la fin de la guerre de Cent Ans. Sauvée du massacre par les célèbres bourgeois de Calais… et par Philippine, la reine d’Angleterre (1347), cette ville fut quelque peu oubliée par les rois de France, davantage intéressés par la fascinante Italie. Mais François de Guise (le Balafré), nommé lieutenant général du royaume par François Ier, a repris Calais aux Anglais le 13 janvier 1558, après un siège très bref (six jours) et malgré les renforts envoyés par Marie Tudor.

La perte de cette ville rend encore plus impopulaire Marie la Catholique, dite aussi la Sanglante pour avoir persécuté les protestants anglais. La reine meurt au terme d’une longue agonie, cœur brisé d’avoir perdu Calais, certes, mais aussi le roi Philippe II qui s’est éloigné d’elle pour retourner en Espagne, après un an de mariage. Vit-on jamais roi de France ou d’Angleterre mourir d’amour… ?

« Que mon peuple persiste et demeure ferme en la foi en laquelle je meurs. »

HENRI II (1519-1559), le 10 juillet 1559, au terme d’une terrible agonie. Henri II, roi gentilhomme (2007), Georges Bordonove.

Le roi meurt des suites d’un accident de tournoi – blessure à l’œil, coup de lance donné par le comte de Montgomery, capitaine des gardes et régicide involontaire. Nostradamus qui a prédit ce malheur devient astrologue de la cour.

Après dix jours d’atroces souffrances et malgré tous les soins du célèbre Ambroise Paré, ce grand roi meurt en s’affichant comme chrétien, peu avant que la France ne se déchire en huit guerres de Religion (1562 à 1598). Il laisse trois fils qui n’auront jamais son autorité, et d’abord l’aîné François II, 15 ans. Le jeune prince confie le gouvernement à sa mère Catherine de Médicis : elle donne le pouvoir à ses oncles, les Guise. Sous l’influence de cette famille très catholique, la guerre aux protestants sera tragique.

« Charles IX, près de sa fin, restant longtemps sans sonner mot, dit en se tournant, comme s’il se fût réveillé :
— Appelez-moi mon frère !
La reine mère envoie chercher le duc d’Alençon.
— Non, madame, je veux le roi de Navarre ; c’est celui-là qui est mon frère. »

CHARLES IX (1550-1574), sur son lit de mort au château de Vincennes, le 30 mai 1574. Mot de la fin. Histoire de France au seizième siècle, La Ligue et Henri IV (1856), Jules Michelet.

Charles IX préfère son beau-frère Henri de Navarre – le mari qu’il a voulu pour sa sœur la reine Margot – à son frère de sang, le duc d’Alençon, quatrième fils de Catherine de Médicis, atteint du même mal qui emporte le jeune roi, deux ans après la Saint-Barthélemy.

« Ah ! le méchant moine, il m’a tué, qu’on le tue ! »

HENRI III (1551-1589), Saint-Cloud, 1er août 1589. Mémoires relatifs à l’histoire de France, Journal de Henri III (posthume), Pierre de l’Estoile.

Dominicain de 22 ans, ligueur fanatique, Jacques Clément préparait son geste : le complot est connu, approuvé de nombreux catholiques et béni par le pape Sixte Quint. Le moine réussit à approcher le roi – seul, sur sa chaise percée. La garde personnelle (les Quarante-Cinq), alertée par les cris du roi poignardé, transperce l’assassin à coups d’épée : défenestré, le corps est sitôt tiré par quatre chevaux, écartelé, et brûlé sur le bûcher, pour régicide. La scène se rejouera avec Ravaillac et Henri IV.

« Seul Henri de Navarre a droit au trône, et il est d’un caractère trop sincère et trop noble pour ne pas rentrer dans le sein de l’Église ; tôt ou tard, il reviendra à la vérité. »

HENRI III (1551-1589), sur son lit de mort, « second mot de la fin », 1er août 1589. Les Grandes conversions - La Conversion et l’abjuration d’Henri IV, roi de France et de Navarre (1938), Henri Gaubert.

Le roi blessé à mort, transporté sur son lit, met en garde son allié contre le danger qui le menace à son tour, et le conjure de se convertir. Enfin et surtout, il trouve la force de désigner son successeur au trône et de le faire reconnaître face aux nobles présents. En même temps, il prophétise la conversion d’Henri de Navarre. De tous les mots de la fin qui ponctuent l’histoire de France, celui d’Henri III a une portée doublement remarquable.

Le roi meurt le lendemain : fin de la dynastie des Valois au pouvoir depuis 1328, et place à la dynastie des Bourbons.

« Ma fortune pour un instant de plus. »

ÉLISABETH Ier d’Angleterre (1533-1603). Dictionnaire des dernières paroles (2004), Michel Gaillard.

Mot de la fin shakespearien qui renvoie à Richard III : « Mon royaume pour un cheval », quand le roi perd son cheval sur le champ de bataille et en demande un autre contre toutes ses possessions. L’Angleterre vit un « âge d’or » sous Élisabeth la « Reine vierge », fille d’Henri VIII et dernier membre de la dynastie des Tudor : rayonnement du théâtre anglais (Shakespeare et Marlowe) et de l’architecture, installation de colonies dans le Nouveau Monde. Personnage éminemment théâtral et fascinante par ses mystères, elle meurt à 69 ans après 44 ans de règne et laisse place à la dynastie des Tudor.

« Ce n’est rien. »

HENRI IV (1553-1610), 14 mai 1610. Histoire du règne de Henri IV (1862), Auguste Poirson.

Mot de la fin minimal et paradoxal. Il vient d’être poignardé par Ravaillac : l’homme a sauté dans le carrosse bloqué par un encombrement, rue de la Ferronnerie, alors que le roi se rendait à l’Arsenal, chez Sully son ministre et ami, souffrant. Le blessé a tressailli sous le coup, et redit « Ce n’est rien », avant de mourir.

Le régicide sera écartelé, après avoir été torturé : il affirma avoir agi seul. Sully, dans ses Mémoires, n’y croit pas. Tous les complots et attentats contre les rois de l’époque s’inspirent de la théorie du tyrannicide : « Nulle victime n’est plus agréable à Dieu qu’un tyran. » (Jean Gerson)

« Comment vous appelez-vous à présent ?
— Louis XIV, mon papa.
— Pas encore, mon fils, pas encore, mais ce sera peut-être pour bientôt. »:

LOUIS XIII (1601-1643), au futur roi qui n’a pas 5 ans, 21 avril 1643. Archives curieuses de l’histoire de France, depuis Louis XI jusqu’à Louis XVIII (1837), Félix Danjou.

À peine âgé de 40 ans, le roi n’a plus deux mois à vivre. Mais sa piété lui enlève toute crainte. C’est un fait assez rare dans l’histoire et son fils, l’heure et le jour venus (en 1715), fera preuve du même courage, avec une énergie incomparable.

« C’est par votre ignorance, l’état où je suis maintenant. »..

LOUIS XIII (1601-1643), à son médecin, 9 mai 1643. Les Deux Morts de Louis XIII (2008), Cédric Coraillon.

Après six semaines de coliques et de vomissements (longtemps assimilés à une tuberculose et aujourd’hui identifiés à la maladie de Crohn), il meurt le 14 mai, jour anniversaire de l’assassinat de son père Henri IV, et donc de son propre avènement. Louis XIII le Juste est le dernier roi de France que le peuple va pleurer.

« La plus éclatante victoire coûte trop cher, quand il faut la payer du sang de ses sujets. »

LOUIS XIV (1638-1715), Lettre à l’intention du Dauphin, août 1715. Louis XIV (1923), Louis Bertrand.

Aveu d’un roi qui a passionnément aimé la guerre et s’en repent très sincèrement. Écrite peu de jours avant sa mort, la lettre est confiée au maréchal de Villeroi son ami de toujours, pour être remise à Louis XV à ses 17 ans. Cet arrière-petit-fils n’a que 5 ans, seul héritier survivant après l’hécatombe familiale, ultime malédiction de cette triste fin de règne.

« Quoi Madame, vous vous affligez de me voir en état de bientôt mourir ? N’ai-je pas assez vécu ? M’avez-vous cru immortel ? »

LOUIS XIV (1638-1715), à Mme de Maintenon, 25 août 1715. La Santé de Louis XIV (2007), Stanis Perez.

La santé du roi décline rapidement et Fagon, son médecin personnel, semble le seul à ne pas le voir ! La cour et l’Europe guettent. Louis XIV, à presque 77 ans, malgré une ancienne goutte et une récente gangrène à la jambe, fait jusqu’au bout son métier de roi et les gestes de l’étiquette. Ses « mots de la fin » vont se succéder, parfaitement documentés, pieusement recueillis par ses proches, se succédant au jour le jour.

« Mon enfant, vous allez être un grand roi. Ne m’imitez pas dans le goût que j’ai eu pour les bâtiments ni dans celui que j’ai eu pour la guerre. Tâchez de soulager vos peuples, ce que je suis malheureux pour n’avoir pu faire. »

LOUIS XIV (1638-1715), au futur Louis XV, 26 août 1715. Mémoires (posthume), Saint-Simon.

Le roi reçoit le petit Dauphin dans sa chambre. Il lui donne une ultime leçon.

Le marquis de Dangeau, mémorialiste, nous a laissé un Journal de la cour de Louis XIV qui retrace avec minutie les derniers jours. Roi Très Chrétien, Louis XIV fait preuve d’autant de dignité que d’humilité. La guerre, entreprise et soutenue par souci de grandeur mais aussi par vanité, cause de la ruine des peuples, semble être son grand remords.

« Je m’en vais, Messieurs, mais l’État demeurera toujours. »

LOUIS XIV (1638-1715), à ses courtisans les plus proches, 26 août 1715. Louis XIV, son gouvernement et ses relations diplomatiques avec l’Europe (1842), Jean Baptiste Honoré Raymond Capefigue.

Le roi les remercie de leurs services et s’inquiète de ce qu’il adviendra après lui. Il leur recommande de servir le Dauphin : « C’est un enfant de cinq ans, qui peut essuyer bien des traverses, car je me souviens d’en avoir beaucoup essuyé pendant mon jeune âge. » Il leur demande enfin d’être « tous unis et d’accord ; c’est l’union et la force d’un État ». Message historique et politiquement toujours valable !

« Mon neveu, je vous fais Régent du royaume. Vous allez voir un roi dans le tombeau et un autre dans le berceau. Souvenez-vous toujours de la mémoire de l’un et des intérêts de l’autre. »

LOUIS XIV (1638-1715), à Philippe d’Orléans, Testament, 1715. Histoire de la Régence pendant la minorité de Louis XV, volume I (1922), Henri Leclercq.

Le texte sera lu au lendemain de sa mort. Le roi a institué un Conseil de régence dont le Régent en titre est président, la réalité du pouvoir allant au duc du Maine (fils légitimé de Mme de Maintenon). Son neveu, dont il se méfie non sans raison, ne s’en satisfera pas et le roi mourant a peu d’illusion sur l’avenir de ses dernières volontés royales.

« J’ai toujours ouï dire qu’il est difficile de mourir ; pour moi qui suis sur le point de ce moment si redoutable aux hommes, je ne trouve pas que cela soit difficile. »

LOUIS XIV (1638-1715), à Mme de Maintenon, 28 août 1715. Son mot de la fin. Archives curieuses de l’histoire de France depuis Louis XI jusqu’à Louis XVIII (1840), L. Cimber.

Après le Roi, c’est l’homme qui s’exprime en même temps que le chrétien. Ce sont les dernières paroles rapportées. Il mourra le 1er septembre.

La grandeur du roi face à l’adversité dans les dernières années et la dignité de l’homme devant la mort jusqu’aux dernières heures frappent même ses ennemis les plus intimes : Saint-Simon saluera « cette fermeté d’âme, cette égalité extérieure, cette espérance contre toute espérance, par courage, par sagesse, non par aveuglement ».

« Jamais je ne me suis senti mieux, ni plus tranquille. »

LOUIS XV (1710-1774). Last Words, Last Words… Out ! (2020), Miguel S.Ruiz.

« Quelque maladie qu’aient les princes, jamais ceux qui les entourent, ni les médecins, ne conviennent qu’ils soient mal que lorsqu’ils sont morts. La flatterie et la politique les conduisent jusqu’au tombeau. » écrit le Baron de BesenvaL (dans ses Mémoires (posthume, 1805). Tout s’est passé comme à la mort de Louis XIV. On cache au roi la gravité de son mal – la petite vérole (variole). Il est d’autant plus crédule qu’il croit l’avoir déjà eue et sa peur du diable lui fait écarter l’idée même de la mort.

Après une semaine d’atroces souffrances supportées avec le plus grand courage, la bougie allumée sur le rebord du balcon royal à Versailles est soufflée par son valet : le roi est mort, le 10 mai 1774. « Ami des propos libertins, / Buveur fameux, et roi célèbre / Par la chasse et par les catins : :Voilà ton oraison funèbre. » Le peuple chante à la mort du Bien Aimé qui a fini par se faire haïr. « On l’enterra promptement et sans la moindre escorte ; son corps passa vers minuit par le bois de Boulogne pour aller à Saint-Denis. À son passage, des cris de dérision ont été entendus : on répétait « taïaut ! taïaut ! » comme lorsqu’on voit un cerf et sur le ton ridicule dont il avait coutume de le prononcer » (Lettre de la comtesse de Boufflers).

La Révolution approche et Louis XVI sera bientôt guillotiné.

« Peuple, je meurs innocent ! »

LOUIS XVI (1754-1793), à la foule, place de la Révolution à Paris (aujourd’hui place de la Concorde), 21 janvier 1793. Mot de la fin, cité dans les Mémoires d’outre-tombe (posthume) de Chateaubriand.

Au terme d’un procès perdu d’avance, payant pour tous les crimes de l’Ancien Régime, le roi est guillotiné. Seul exemple avant lui, Charles Ier d’Angleterre, également victime de sa faiblesse face aux révolutionnaires de Cromwell (1649).

Le roulement de tambours de la garde nationale interrompt la suite de sa proclamation, entendue seulement par le bourreau Sanson et ses aides. La scène sera maintes fois reproduite en gravures et tableaux, avec le bourreau qui brandit la tête du roi, face au peuple amassé. L’importance de l’événement est telle pour les Français que l’imagination populaire et historienne se donnera libre cours.

« Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France. »

LOUIS XVI (1754-1793), au bourreau Sanson et à ses aides, 21 janvier 1793. Gallica.bnf.fr. Les essentiels.

Autre mot de la fin attribué au roi : « Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français. » Et encore : « Dieu veuille que ce sang ne retombe pas sur la France. » Cela relève de la « belle mort » pour nourrir la légende, réécrite en une citation apocryphe et conforme à l’esprit de cet acte à jamais mémorable. Dans la réalité, on lui a coupé la parole avant de lui couper la tête et le roi n’a pu dire que ces quatre mots : « Peuple, je meurs innocent. »

Reste un fait avéré. Louis XVI, tout au long de sa vie, eut une obsession louable et rare chez un roi : ne pas faire couler le sang des Français.

 « Pardonnez-moi, Monsieur le bourreau, je ne l’ai pas fait exprès. »

MARIE-ANTOINETTE (1755-1793) à Sanson, 16 octobre 1793. Autoportrait à la guillotine (2018), Christophe Bigot.

Au pied de la guillotine, les dernières paroles de Marie-Antoinette sont pour le bourreau qu’elle a heurté, dans un geste de recul : mot de la fin sans doute authentique, trop anodin pour devenir citation, mais quand il s’agit de la dernière reine de France.

La scène a été minutieusement relatée : descendant d’un bond de la charrette, Marie-Antoinette est sans doute pressée d’en finir. Elle gravit si vite le petit escalier en bois menant à l’échafaud qu’elle en perd son soulier couleur prune et marche sur le pied du bourreau Sanson. Autre version : « Monsieur, je vous demande excuse. Je ne l’ai pas fait exprès »… avant de se laisser attacher sur la machine de mort. Mais certains historiens avancent un autre mot de la fin : « Adieu mes enfants, je vais rejoindre votre père. »

MOURIR EN CHRÉTIEN

 « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

JÉSUS (7/5 av. J.-C.- 30 ou 33) mourant sur la Croix. Évangile de Matthieu et Évangile de Marc.

Autres mots de la fin : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Évangile de Luc) et « Tout est consommé » aussi traduit par « Tout est accompli » (Évangile de Jean).

« Pour moi, je suis tous les jours avec vous jusqu’à la fin du monde. »

JÉSUS (7/5 av. J.-C.- 30 ou 33) ressuscité juste avant l’Ascension. Évangile de Matthieu.

Et dans les Actes des Apôtres : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »

Rappelons la définition d’André Malraux dans l’Espoir (1937) : « Et le Christ ? — C’est un anarchiste qui a réussi. C’est le seul. »  Sous le règne de Tibère vit en Galilée un homme dont les enseignements vont bouleverser l’histoire du monde. De sa mort sur la croix va naître une religion qui lentement s’étendra sur l’Empire. Pour les Romains, les premiers chrétiens ne sont qu’une secte juive, dont le fondateur passe pour un agitateur politique. Pour les chrétiens, il est Dieu, fils de Dieu, ce Dieu étant un dieu unique, comme celui qu’adorent les juifs.

La réussite de l’« anarchiste » qui termina sa vie comme un criminel mis en croix entre deux « larrons » est due à ses disciples et plus particulièrement à Paul de Tarse : il fera du message de Jésus une religion à vocation universelle. La Gaule sera tardivement acquise : l’évangélisation des villes, puis des campagnes, ne se fera qu’au ive siècle, le christianisme devenant religion d’État en 391.

« J’ai aimé la justice et détesté l’iniquité, je meurs donc dans l’exil. »

GRÉGOIRE VII (1015/20-1085). Last Words, Last Words… Out ! (2020) Miguel S.Ruiz.

C’est le principal artisan de la réforme grégorienne, en tant que conseiller du pape Léon IX et de ses successeurs, puis sous son propre pontificat.

Cette réforme de l’Église entend purifier les mœurs du clergé (obligation du célibat des prêtres, lutte contre diverses formes d’hérésie), le trafic des bénéfices et notamment des évêchés, d’où un conflit majeur avec l’empereur Henri IV. Celui-ci considère comme relevant de son pouvoir de donner l’investiture aux évêques. Au cours de la querelle des Investitures, Grégoire VII oblige l’empereur excommunié à faire une humiliante démarche de pénitence. Mais cet épisode ne suffit pas à régler le conflit et Henri reprend l’avantage en assiégeant le pape réfugié au château Saint-Ange.

Libéré par les Normands, le pape est chassé de Rome par la population, excédée par les excès de ses alliés. Grégoire VII meurt en exil, à Salerne, le 25 mai 1085. Il est considéré comme saint.

« Je me suis déjà rendu au Christ. À Dieu ne plaise que je [me] rende maintenant à ses ennemis. »

Un chevalier croisé, vers 1212. Histoire albigeoise : l’Église et l’État au Moyen Âge (posthume), Pierre des Vaux-de-Cernay, moine et historien contemporain.

Surpris par les hommes du comte de Foix (définitivement acquis aux cathares) et assailli de toute part, le chevalier répond par ces mots et meurt, percé de coups.

La croisade contre les Albigeois continue, menée par Simon de Montfort, guerrier hors pair. Venu comme la plupart du nord de la France (famille de barons de Montfort-l’Amaury), il s’est engagé autant par conviction religieuse que par esprit de conquête, un fief étant toujours bon à prendre.

« Je vois mon Seigneur, Il m’appelle à Lui. »

Saint ANTOINE de PADOUE (1195-1231). Saint Antoine de Padoue (2017), Valentin Strappazzon

Antoine de Padoue reste l’un des sains les plus populaires. Natif de Lisbonne, passé par Rome, il a parcouru la Méditerranée et l’Europe au XIIIe siècle. Modeste frère mendiant remarqué par François d’Assise et dont le pape Grégoire IX quête le conseil, prédicateur puissant et intellectuel ouvert aux idées neuves, évangélisateur inspiré en même temps que mystique contemplatif, c’est un personnage hors norme, comme l’Histoire en donne nombre d’exemples.

Lors d’un repas, vendredi 13 juin 1231, victime d’un infarctus, Antoine veut regagner sa communauté de Padoue. Le voyage à dos de bœufs l’épuise et le cortège s’arrête aux portes de la ville dans une petite église. L’âme d’Antoine est « absorbée dans l’abîme de la lumière », écrit son dernier biographe, le Père Strappazzon. Après des années de prédication harassante, ce fervent disciple du futur saint François part l’âme en paix pour rejoindre son Créateur. La nouvelle se répand aussitôt, les enfants se précipitent en criant :  « Le père saint est mort; saint Antoine est mort ». Toute la population le pleura, raconte encore le Père Strappazzon. Dès le jour de sa mise en terre, les miracles se multiplient, renforçant sa réputation de sainteté. Conscient de la nature exceptionnelle de l’homme, le pape Grégoire IX le canonise le 30 mai 1232, soit précisément 352 jours après sa mort. On raconte que les cloches de Lisbonne ont sonné miraculeusement ce jour-là, célébrant les retrouvailles d’Antoine avec son Sauveur.

« Les corps sont au roi de France, mais les âmes sont à Dieu ! »

Cris des Templiers brûlés vifs dans l’îlot aux Juifs, 19 mars 1314. Les Templiers (2004), Stéphane Ingrand.

Cet îlot, à la pointe de l’île de la Cité, doit son nom aux nombreux juifs qui ont subi le supplice du bûcher. Le peuple est friand de ce genre de spectacle, et les Templiers attirent la foule des grands jours. Cette citation entre dans une catégorie peu fournie : « mot de la fin collectif ».

Ils sont une trentaine de Templiers à rejoindre dans le supplice les deux principaux dignitaires, Jacques de Molay, le grand maître de l’Ordre, et Geoffroy de Charnay, le précepteur : après quatre ans de prison et de silence, ils ont proclamé leur innocence et dénoncé la calomnie, à la lecture publique de l’ultime sentence du 19 mars, sur le parvis de Notre-Dame, face à la foule amassée. C’est comme si le courage leur revenait soudain. Après sept ans d’« affaire des Templiers », le roi qui veut en finir a ordonné l’exécution groupée des plus « suspects », le soir même.

« Clément, juge inique et cruel bourreau, je t’ajourne à comparaître dans quarante jours devant le tribunal du souverain juge. »

Jacques de MOLAY (vers 1244-1314), sur le bûcher dans l’îlot aux Juifs, île de la Cité à Paris, 19 mars 1314. Histoire de l’Église de France : composée sur les documents originaux et authentiques, tome VI (1856), abbé Guettée.

Dernières paroles attribuées au grand maître des Templiers. Ce « mot de la fin » est l’un des plus célèbres de l’histoire, pour diverses raisons. Quarante jours plus tard, le 20 avril, Clément V meurt d’étouffement, seul dans sa chambre à Avignon, comme aucun pape avant lui, ni après.
Autre version de la malédiction, tirée de la saga des Rois maudits de Maurice Druon et du feuilleton télévisé de Claude Barma qui popularisa l’affaire des Templiers au XXe siècle : « Pape Clément ! Chevalier Guillaume ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à comparaître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races ! »

Nogaret est déjà mort, il y a un an, et il peut s’agir d’un autre Guillaume. Mais le pape va mourir dans le délai imparti, comme Philippe le Bel, suite à une chute de cheval à la chasse (blessure infectée, ou accident cérébral). Plus troublant, le nombre de drames qui frapperont la descendance royale en quinze ans, au point d’ébranler la dynastie capétienne : assassinats, scandales, procès, morts subites, désastres militaires. Quant à la treizième génération… cela tombe sur Louis XVI, le roi de France guillotiné sous la Révolution.

« On ne fera pas un paradis exprès pour moi. »;

François de MALHERBE (1555-1628). Les Historiettes, tome I, posthume (1834), Tallemant des Réaux.

Poète pensionné par Henri IV, puis Marie de Médicis et Richelieu, il versifie avec plus de conscience professionnelle que de génie, passant du baroque au classique pour s’adapter à la mode, mais encensé par les théoriciens et par Boileau : « Enfin Malherbe vint. » Il part au mois d’octobre 1628.
Son confesseur, voyant que sa maladie était sans doute mortelle, le pressa de se confesser. Il se déroba poliment, arguant qu’il se confesserait à la Toussaint, comme de coutume. « Mais, monsieur, dit le confesseur, vous m’aviez toujours dit que vous vouliez faire comme les autres, en ce qui regarde le christianisme. Tous les bons chrétiens se confessent avant que de mourir. — Vous avez raison, reprit Malherbe, je veux donc aussi me confesser, je veux aller où vont tous les autres, on ne fera pas un paradis exprès pour moi, et il se confessa. » (Extrait d’un manuscrit de l’époque.)

« Que Dieu ne m’abandonne jamais ! »

Blaise PASCAL (1623-1662) recevant la dernière communion à 39 ans. Pascal (2016), Michel Schneider.

On pourrait le classer parmi les auteurs ou les scientifiques dont nombreux moururent en chrétiens, mais Pascal a vécu en chrétien torturé pour finir quasiment en saint !

C’est le surdoué du siècle. Mort à 39 ans, il eut tous les problèmes de santé (tuberculose, cancer à l’estomac, lésions cérébrales, insuffisances rénales révélées à l’autopsie), sans parler de tous les maux psychosomatiques récurrents. Mais l’éternel souffrant refuse les ordonnances des médecins, affirmant que « La maladie est l’état naturel du chrétien ». Enfant précoce, éduqué par son père, influencé par Descartes et son Discours de la méthode (1637), il se passionne  pour les sciences naturelles et appliquées. Physicien, il passe à l’étude des fluides, théorise la méthode scientifique, invente la « roue pascaline », première machine à calculer, après trois ans de développement et une cinquantaine de prototypes. Mathématicien, il publie un traité de géométrie projective à seize ans et initie le calcul des probabilités qui influencera plus tard les théories économiques modernes et les sciences sociales. Ce qui ne l’empêche pas de vivre ce qu’il appelle sa « période mondaine » (1648-1654), de fréquenter les salons et les libertins.

En novembre 1654, une expérience mystique va bouleverser sa vie et sa sœur, Jacqueline Pascal, âme forte s’il en est, le convertit au jansénisme pratiqué à l’abbaye de Port-Royal et considéré sous Louis XIV comme une hérésie à combattre. Sans renoncer aux travaux scientifiques, Pascal le moraliste se consacre à la réflexion philosophique et religieuse, écrit Les Provinciales et une œuvre théologique majeure, Les Pensées (publications posthumes).

Le 8 juillet 2017, le pape François annonce que Blaise Pascal « mériterait la béatification » et envisage de lancer la procédure officielle (entretien au quotidien italien La Repubblica).

« Dans un quart d’heure, j’en saurai bien long. »

Madame de MAINTENON (1635-1719). Vie et caractère de Madame de Maintenon d’après les œuvres du duc de Saint -Simon (1907), Édouard Pilastre

Étonnant destin de Françoise d’Aubigné. Née dans une famille ultra protestante, elle a vécu dans la misère, épousé le poète mondain Paul Scarron qui l’ « achète » et meurt en lui léguant de grosses dettes… mais aussi une grande culture et de belles relations qui la mènent à la cour. Elle devient gouvernante des enfants bâtards du roi et de sa maîtresse, Madame de Montespan. Convertie au catholicisme, elle épousera (secrètement) le roi Louis XIV et fera régner à la cour un climat très religieux qui convient au souverain vieillissant et de plus en plus chrétien, soumis dans une certaine mesure à « Madame de Maintenant » qu’il appelle aussi « sainte Françoise. »

Sa piété est évidente jusque dans l’intimité conjugale : « Quelle grâce de faire par pure vertu ce que tant d’autres femmes font sans mérite et par passion ! » Paul Godet des Marais, évêque de Chartres et directeur spirituel de la Maison de Saint-Cyr, confesseur de Mme de Maintenon, à sa pénitente qui se plaint en 1704 de ce qu’il « lui donne le bonsoir » jusqu’à deux fois par nuit : elle a 70 ans, et lui 66.

« Au paradis, vite, vite, au grand galop ! »

Madame Louise de FRANCE (1737-1787). Les mots de la fin ! - 200 adieux historiques (2017), Catherine Guennec.

Louise-Marie de France, dite Madame Louise, Madame Dernière ou Madame Huitième, dernière-née des enfants de Louis XV et Marie Leszczyńska, est appelée Madame Louise après son baptême en 1747. Elle entre au Carmel en 1770 sous le nom de Thérèse de Saint-Augustin, avec la charge de maîtresse des novices, puis d’économe. Élue prieure à trois reprises, morte en 1787 avec ce mot qui montre son aspiration au Ciel, elle sera déclarée vénérable en 1873.

N’oublions pas que la France reste très officiellement et réellement « la fille aînée de l’Église » jusqu’au XIXe siècle et que la religion chrétienne prédomine naturellement.

Lire la suite : les mots de la fin des Chefs d’État, hommes et femmes politiques, militaires.

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