Les perles de la langue française, du XVIIe siècle à nos jours | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

La langue française d’hier à aujourd’hui.
- Collection de perles plus ou moins fines -

L’histoire de la langue se confond avec l’histoire de France pour des raisons politiques et culturelles. L’Histoire en citations en rend compte et la chronologie s’impose.

Une fois n’est pas coutume, après un Moyen Âge inventif, la « belle époque » se situe à la Renaissance avec trois auteurs majeurs à divers titres : Rabelais, Ronsard, Montaigne.

Au XVIIe siècle, « la langue de Molière » vaut pour son parlé populaire. La Révolution nous étonne comme souvent. Des noms contemporains ont des trouvailles bienvenues : voir de Gaulle, Chirac et quelques surprises.
Mention spéciale aux chansons toujours en situation, nées d’un peuple anonyme et talentueux.

Restent les jurons, cas très particulier ! Ils ont la vie dure et un sens caché plaisant à débusquer. Pour ne pas blasphémer, « par le sang de Dieu » devient palsambleu. Bigre, fichtre, diantre cachent aussi leur jeu… et deux jurons originaux sont signés de deux rois, Henri IV et Ubu.
Au final, notre langue reste bel et bien vivante et nombre d’anachronismes, remis en situation,  sont plaisants à (re)découvrir : matamorisme, sauvageons & Cie.

 

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XVIIe SIÈCLE CLASSIQUE

« Et pour un même fait, de même intelligence,
L’un est justicié [passible de la justice], l’autre aura récompense.
Car selon l’intérêt, le crédit ou l’appui
Le crime se condamne et s’absout aujourd’hui. »598

Mathurin RÉGNIER (1573-1613), Satire III, La Vie de la cour (1608-1612)

La satire est un genre à la mode au début du XVIIe siècle. Régnier dénonce et ridiculise avec verve les vices et les travers de son temps, les mœurs de la cour, l’affectation des jeunes gens à la mode. Contre cette cour où règnent l’injustice, la versatilité, la superficialité plus tard moquées par Boileau, La Fontaine, Molière et bien d’autres, Régnier s’en donne à cœur joie : « Je n’ai point tant d’esprit pour tant de menterie. / Je ne puis m’adonner à la cajolerie ; / Selon les accidents, les humeurs ou les jours / Changer comme d’habits tous les mois de discours. »

« Hélas, ma pauvre barbe, qui est-ce qui t’a faite ainsi ?
C’est le grand roi Louis,
Treizième du nom,
Qui toute a esbarbé [rasé] sa maison. »677

La Barbe à la royale, chanson. Historiettes : mémoires pour servir à l’histoire du XVIIe siècle (posthume, 1834), Tallemant des Réaux

On plaisante sur ce nouveau coup d’autorité du roi Louis XIII qui s’affirme enfin, et parfois dans les petites choses.

Au fil de ses Historiettes, le mémorialiste rapporte qu’« un jour, le roi coupa la barbe à quelques officiers, ne leur laissant à la lèvre supérieure qu’un petit bouquet nommé royale ». La barbiche est bien visible, sur les portraits de l’époque, notamment ceux du roi et de Richelieu, son « Principal ministre ».

« Et vous, qui êtes cause de leur folie, sottes billevesées [balivernes, sottises], pernicieux amusements des esprits oisifs, romans, vers, chansons, sonnets et sonnettes, puissiez-vous être à tous les diables ! »

MOLIERE (1622-1673), Les Précieuses ridicules (1659)

Quatre siècles après sa naissance, on désigne toujours le français comme « la langue de Molière », au même titre que l’anglais reste « la langue de Shakespeare » et l’allemand « la langue de Goethe ». C’est dire l’importance d’une langue dans l’histoire et l’identité d’un pays.

L’un des grands mérites de Molière, cet homme de théâtre qui doit plaire au roi, à la cour et aux bourgeois pour exercer son métier (tout à la fois auteur, acteur, chef de troupe et metteur en scène avant même que cela existe), c’est de donner la parole au peuple plus vrai que nature, terriblement ou drôlement humain. Plus typés que les jeunes premiers ou premières, ses domestiques et plus encore ses servantes sont réputées être de « bons rôles » par leur franc-parler, leur humour, leur sacré caractère.

« Mon assiette, mon assiette ! Tout doux, s’il vous plaît. Vertubleu ! petit compère, que vous êtes habile à donner des assiettes nettes ! »

MOLIERE (1622-1673), Dom Juan (1665), rôle de Sganarelle

Vertubleu : forme euphémique de « par la vertu de Dieu ! » Don Juan qui provoque Dieu à plaisir se moque de Sganarelle son valet qui a la « foi du charbonnier ».

« Par la sambleu ! messieurs, je ne croyais pas être si plaisant que je suis. »

MOLIERE (1622-1673), Le Misanthrope (1666)

« Par le sang de Dieu », ce juron qui remonte au XIVème siècle s’écrit plus souvent « palsambleu ».

« La peste soit de l’avarice et des avaricieux. »

MOLIERE (1622-1673, L’Avare (1668), rôle de La Flèche

Dans la bouche du domestique de Cléante (fils d’Harpagon et amoureux de Marianne), avaricieux fait naturellement image et bien plus vicieux qu’avare !

« Tudieu ! l’ami, sans vous rien dire,
Comme vous baillez des soufflets ! »

MOLIERE (1622-1673), Amphitryon (1668)

Encore un juron très courant, forme euphémique de « tue Dieu ! » « par la vertu de Dieu ! » Quant au verbe bailler, on le retrouve avec divers sens populaires dans l’Étourdi – « Vous me la baillez bonne » -, l’École des femmes – « Je m’en vais te bailler une comparaison ! »

« Je suis toute ébaubie [ébahie, ahurie], et je tombe des nues ! »

MOLIERE (1622-1673), Le Tartuffe ou l’Imposteur (1669), rôle de Madame Pernelle

Ainsi parle la mère d’Orgon, « fane » inconditionnelle de Tartuffe l’imposteur qui va faire le malheur dans la maison de son fils, le crédule Orgon.

« Hé ! ventrebleu ! s’il y a ici quelque chose de vilain, ce ne sont point mes jurements [jurons]; ce sont vos actions. »;

MOLIERE (1622-1673), La Comtesse d’Escarbagnas (1671)

Encore une parole de bon sens, ponctuée par un juron et ainsi renforcée. Ventredieu ! Ventrebleu ! Ventre-saint-gris ! Forme euphémique de « ventre de Dieu ». Rappelons que Ventre-saint-gris est un juron attribué au roi Henri IV, le moins catholique de nos rois, étant né protestant et pas vraiment croyant, non plus que pratiquant.

« Vous nous feriez grand plaisir de nous donner cette petite émerillonnée, cette petite infante [jeune enfant] qui est à la portière auprès de sa mère. »

Marquise de SÉVIGNÉ (1626-1696), Lettres à M. de Grignan (son gendre)

Le mot vient d’un oiseau nommé « émerillon », petit rapace diurne du genre des faucons que l’on dressait autrefois pour la chasse. Le nom de l’oiseau est employé pour exprimer une idée de vivacité : « être émerillonné », c’est être gai, vif comme un émerillon. Comme souvent, le mot fait image.

« Louis, avec sa charmante,
Enfermé dans Trianon,
Sur la misère présente,
Se lamente sur ce ton :
Et allons, ma tourlourette [femme gaie, aimant s’amuser]
Et allons, ma tourlouron. »934

Louis avec sa charmante, chanson (anonyme). Le Nouveau Siècle de Louis XIV ou Choix de chansons historiques et satiriques (1857), Gustave Brunet

Tourlourette et tourlouron, deux synonymes qui font également image. Notons aussi que l’anonymat protège l’auteur qui au temps de la monarchie absolue ose cette critique sur le couple royal, Louis XIV ayant perdu une part de sa popularité de Roi-Soleil en cette triste fin de règne. La crise économique et sociale ronge le pays et même à la cour, les marchands exigent d’être payés comptant, pour livrer au roi le linge à son usage personnel.

Louis XIV, très éprouvé, trouve un réconfort moral auprès de Mme de Maintenon, pas vraiment du genre « tourlourette ni tourlouron », mais en pieuse femme, elle sacrifie au devoir conjugal.

SIÈCLE DES LUMIÈRES

« Les ailes de mes anges [alias M. et Mme d’Argental] m’ont obombré [protégé] mon cher et respectable ami ; j’ai le brevet pour Ferney plus favorable que je n’avais osé le demander et l’espérer. »

VOLTAIRE (1694-1778), Lettre à d’Argental, 3 juin 1759. Correspondance

Obombré, cité dans le Littré, est ici au sens figuré. Au sens réel, on trouvera : « Les rues s’enténèbrent doucement et se retrouvent donc obombrées. »

Voltaire qui fut courtisan plus que tout autre philosophe des Lumières trouva nombre d’appuis haut placés, tel son grand ami d’Argental  prêt à favoriser son installation dans le futur domaine de Ferney : « Cher protecteur de mon âme, je n’ay point fait de sottise car je n’ay rien fait du tout. Je n’ay vu ny homme ny prêtre. À Jeudy. Je verrai le plus aimable des hommes, et j’espère bien lui faire ma cour auparavant. Comment se porte l’autre ange ? »

Charles-Augustin de Ferriol d’Argental, neveu de la salonnière Mme de Tencin, fut avec sa femme très lié à Voltaire qui les appelait toujours « mes anges » ou « mes divins anges » - rappelons que le philosophe se disait déiste et non pas athée.

« Je figurerais mal dans un cercle de petits mirliflores. »

Mme d’ÉPINAY (1726-1783), Mémoires (posthumes)

Femme de lettres parmi tant d’autres au siècle des Lumières, elle tient salon avec un art de la conversation qui fait merveille et permet la circulation des idées nouvelles auprès d’un public « éclairé », mais très mélangé. Mirliflore est défini dans le Littré comme « un jeune homme qui fait l’agréable, le merveilleux ».

« Les Français sont inquiets et murmurateurs, les rênes du gouvernement ne sont jamais conduites à leur gré… On dirait que la plainte et le murmure rentrent dans l’essence de leur caractère. »1190

Dauphin louis, futur Louis XVI (1754-1793), Réflexions sur les entretiens avec le duc de La Vauguyon

Il s’entretient avec son gouverneur, au lendemain du « coup d’État royal » de 1770. Après la disgrâce de Choiseul (23 décembre 1770), le « triumvirat » Maupeou-Terray-d’Aiguillon est au pouvoir jusqu’à la mort de Louis XV. Le roi soutient ses trois ministres et réaffirme : « Je ne changerai pas. » En quatre années, le chancelier Maupeou et le contrôleur des Finances Terray essaient de réformer la France. La tâche du grand financier est la plus ingrate. Ses projets à long terme sont bons, mais dans l’immédiat, il pare au plus pressé : il établit de nouvelles taxes, rétablit le second vingtième sans les exemptions injustifiables, réduit les pensions et traitements, supprime avec courage des offices inutiles. La rumeur publique l’accuse de vouloir spéculer sur les grains, quand il établit le monopole royal, dit « pacte de famine ». Les mesures de l’abbé Terray sont si impopulaires qu’elles lui valent le surnom de Vide-Gousset (voleur).

« Notre saint père est un dindon
Le calotin [membre ou défenseurs du clergé] est un fripon
Notre archevêque un scélérat
Alleluya. »1250

Première chanson anticléricale attaquant le pape (sans titre, et sans auteur). Dictionnaire des chansons de la Révolution (1988), Ginette Marty, Georges Marty

Le clergé était une cible habituelle au XVIIIe, mais cette fois, Pie VI en personne est mis en cause. Ce n’est que le début des ennuis pour le 248e pape qui verra passer la Révolution française et la campagne d’Italie de Bonaparte.

« Les notables ont fini
Leurs sacrés brouillamini [embrouillamini].
Mais leur compte est foutu :
Ils s’en retournent la pelle au cul. »1252

Considérations politiques de Messieurs les notables de la halle au pain (1787), chanson. Robespierre : la vérité de la Révolution (1992), Jean Huguet

Pas besoin de traduire au mot à mot : le ton se durcit ! Le peuple a compris et perdu tout espoir : ces Messieurs n’ont rien voulu céder de leurs privilèges et le roi a cédé en renvoyant le populaire ministre Calonne. Dans cette chanson poissarde et naturellement anonyme, la défiance et l’amertume ont déjà un ton révolutionnaire.

« Ces grands États généraux
F’ront-ils du brouet d’andouille ?
Ces messieurs s’ront-ils si sots
Que d’s’en retourner chez eux bredouilles,
Quand par miracle un bon roi
Veut faire l’bien d’si bonne foi ? »1259

Motion des harengères de la halle (1788), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Saluons au passage le talent chansonnier du peuple – ici, des femmes du peuple, ces Dames de la Halle au franc-parler. Et rappelons la citation d’Eugène Scribe, auteur de théâtre populaire (le plus joué au XIXe siècle pour ses vaudevilles) : « En France et sous nos rois, la chanson fut longtemps la seule opposition possible ; on définissait le gouvernement d’alors comme une monarchie absolue tempérée par des chansons. » (Discours de réception à l’Académie française, 1834).

Le peuple est reconnaissant au roi de la convocation des États généraux. Il a quand même un doute après l’échec de la dernière Assemblée des notables. Quoiqu’il en soit, « la convocation des États généraux de 1789 est l’ère véritable de la naissance du peuple. Elle appela le peuple entier à l’exercice de ses droits », écrira Michelet (Histoire de la Révolution française).

RÉVOLUTION

« Ils veulent rester ? Eh bien ! Foutre, qu’ils restent ! »1322

LOUIS XVI (1754-1793), au marquis de Dreux-Brézé, le soir du 23 juin 1789. Les Hommes de la liberté, tome 5, Le Sang de la Bastille (1987), Claude Manceron

Le roi, très pieux et bien éduqué, est paradoxalement le premier à s’exprimer de la sorte à cette époque, sans même user de la forme atténuée, fichre ! Mais ce juron a un bel avenir révolutionnaire. Donc, à suivre.

Il répond ainsi et sans cérémonie à son grand maître des cérémonies, venu lui rendre compte des événements du jour : les députés refusent d’obéir à son ordre d’évacuer la Salle du jeu de paume, suite au Serment du 22 juin de ne pas se séparer avant le vote d’une nouvelle Constitution. Le roi recule à l’idée du « sang versé » – c’est une obsession, chez lui. Par ailleurs, les régiments dont il dispose sur place ne sont pas sûrs ou pas suffisants pour mater une éventuelle révolte.

Plus généralement, par sa faiblesse de caractère, sa naïveté politique, ses scrupules maladifs et ses perpétuels changements d’avis, c’est le roi le moins armé pour affronter les événements.

« Aristocrate, te voilà donc tondu,
Le Champ de Mars te fout la pelle au cul,
Aristocrate, te voilà confondu.
J’bais’rons vos femmes, et vous serez cocus,
Aristocrates, je vous vois tous cornus. »1373

Le Tombeau des aristocrates (anonyme), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Chanté le 14 juillet 1790 sur le Champ de Mars (avec « La Pelle au cul », version voisine), le jour même de la Fédération, fête de la réconciliation nationale. C’est un tout autre ton que le premier « ça ira », lequel connaîtra nombre de parodies fort dures pour les aristos. Cela montre la complexité de cette Révolution où tous les courants d’opinion se croisent et le parfait reflet de l’opinion publique que sont les chansons.

« Il vaut mieux encore un roi soliveau [sans autorité] qu’une grue [putain] républicaine. »1416

Antoine Joseph GORSAS (1751-1793), Le Courrier de Versailles, fin juin 1792

Auteur de pamphlets qui lui valurent la prison sous l’Ancien Régime, l’auteur fonde un journal en 1789. Il y écrit ces mots au lendemain du 20 juin. Ayant participé à cette journée révolutionnaire, il semble plus que tout redouter la démagogie et la dérive républicaine. Notons que la grue, terme misogyne fréquent, désigne une prostituée qui attend longtemps le client debout sur le trottoir, obligée de « faire le pied de grue ».

« Allons, avec la cocarde, / Aux tyrans, foutre malheur ;
Puis, allons à l’accolade, / Foutons-nous là de bon cœur.
Au diable toutes les frontières / Qui nous tenaient désunis,
Foutre, il n’est point de barrières / Sur la terre des amis. »1454

Jacques HÉBERT (1757-1794), Le Réveil du Père Duchesne, chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Couplet dans le ton du Père Duchesne qui use obsessionnellement du « Foutre ! » C’est l’un des journaux les plus populaires de l’époque, distribué aux armées pour éveiller la conscience politique des soldats. À suivre…

« Le terrain qui sépare Paris de Pétersbourg et de Moscou sera bientôt francisé, municipalisé, jacobinisé. »1455

Pierre-Gaspard CHAUMETTE (1763-1794), Hôtel de Ville, 16 novembre 1792. La Révolution française (1965), François Furet, Denis Richet

Avis d’un Montagnard qui participa aux « massacres de septembre » et finira guillotiné, dans la même charrette que les hébertistes. Les trois adjectifs disent assez l’extrémisme du propos.

La Convention va décider le 16 décembre d’appliquer aux territoires occupés (Savoie, Belgique, Rhénanie) la même législation qu’en France : suppression des dîmes, droits féodaux et privilèges du clergé. Elle exige aussi d’importantes contributions de guerre, en plus du paiement des frais d’occupation, d’où de graves difficultés, notamment en Belgique. Le général Dumouriez viendra en faire part à la Convention.

« Partout ils mettent la cupidité à la place de l’amour de la patrie et leurs ridicules superstitions à la place de la raison : aussi je me demande s’il ne conviendrait pas de s’occuper d’une régénération guillotinière à leur égard. »1597

Marc Antoine BAUDOT (1765-1836). Les Cahiers bourbonnais (1989)

L’expression est littéralement terrifiante : c’est « la solution finale » qui s’appliquera à tous les ennemis de la République et autres suspects. Les juifs dont il est ici question ne sont pas épargnés sous la Terreur, malgré le décret d’émancipation qui en fit des citoyens semblables aux autres, à la fin de la Constituante.

« Mettre à la gueule du canon tous les accapareurs, les financiers, les avocats, les calotins [membres et défenseurs du clergé], et tous les bougres qui n’ont vécu jusqu’à présent que pour le malheur public. »1523

Jacques HÉBERT (1757-1794), Le Père Duchesne, fin juillet 1793. Anthologie de la subversion carabinée (2008), Noël Godin

« Bougre » est né au Moyen Âge durant la « croisade » contre les Albigeois, hérétiques au regard des catholiques et  massacrés au nom de la religion d’État. Selon le Larousse, le mot injurieux renvoie aux Bulgares, sources possibles de cette hérésie, passant aussi pour se livrer à la sodomie, « péché horrible à Dieu ». Il reprend vie sous la Révolution qui décrète la Terreur contre ses ennemis, suspects toujours plus nombreux, passibles de mort par la guillotine ou tout autre moyen plus expéditif (comme les noyades de Nantes).

Dans son journal, Hébert élargit la notion de suspect, multiplie les appels aux meurtres et adopte le programme des Enragés. Le Père Duchesne, seul grand journal populaire après la disparition de Marat (assassiné) et de L’Ami du peuple, aura jusqu’à 200 000 lecteurs. C’est dire l’influence de tels propos sur le peuple. La loi des Suspects (17 septembre 1793)  permet d’arrêter « tous ceux qui doivent être considérés comme défavorables au régime nouveau ». La Terreur sera alors légalisée.

« Foutre ! […] Il est bon que le peuple souverain s’accoutume à juger les rois. »1463

Jacques HÉBERT (1757-1794), Le Père Duchesne, décembre 1792. Histoire politique et littéraire de la presse en France (1860), Eugène Hatin

Foutre est un vieux verbe qui signifie simplement « baiser une femme » à l’origine – du latin futuere, copuler. La cote de ce nouveau juron atteint un sommet de popularité sous la Révolution, les meneurs faisant assaut de vulgarité pour mieux toucher les sans-culottes et Hébert en est le plus illustre exemple. Son journal au nom peut-être inspiré par un marchand de fourneaux qui jurait et sacrait à chaque phrase ne perd pas une occasion de renchérir et le jugement du roi Louis XVI déchaîne sa haine – en attendant le tour de l’ex reine. Hébert s’exaspère de tant de lenteurs et craint que « le plus grand scélérat qui eût jamais existé reste impuni », entre jurons et injures contre les Conventionnels, les traîtres, l’« ivrogne Capet » et tous les « capons ».

« La plus grande joie du Père Duchesne après avoir vu de ses propres yeux la tête du Veto femelle séparée de son col de grue et sa grande colère contre les deux avocats du diable qui ont osé plaider la cause de cette guenon. »1543

Jacques HÉBERT (1757-1794), Le Père Duchesne, n° 299, titre du journal au lendemain du 16 octobre 1793. Les Derniers Jours de Marie-Antoinette (1933), Frantz Funck-Brentano

Voici l’oraison funèbre consacrée par le pamphlétaire jacobin à la reine sacrifiée. Rappelons que la grue désigne une prostituée qui attend longtemps le client debout sur le trottoir, obligée de « faire le pied de grue. » On traite aussi de guenon une femme laide – ou noire, quand le racisme se mêlera au sexisme.

Le titre est long. La chronique qui suit, ce n’est pas du Bossuet : la littérature révolutionnaire déploie volontiers cette démagogie populaire, ponctuée d’un chapelet de « foutre ! », juron si populaire que l’initial suffit : « J’aurais désiré, f…! que tous les brigands couronnés eussent vu à travers la chatière l’interrogatoire et le jugement de la tigresse d’Autriche. Quelle leçon pour eux, f…! Comme ils auraient frémi en contemplant deux ou trois cent mille sans-culottes environnant le Palais et attendant en silence le moment où l’arrêt fatal allait être prononcé ! Comme ils auraient été petits ces prétendus souverains devant la majesté du peuple ! Non, f…! jamais on ne vit un spectacle pareil… »

« Ah ! foutre oui ! ils l’ont bien mérité, ces bougres-là ! »
« C’est foutre pas de la faute au Père Duchêne ! »
« Foutre ! foutre ! Le Père Duchêne est bougrement en colère ! »
« Foutre de foutre ! qu’il a rigolé, le Père Duchêne ! »
« Garde à vous, patriotes : car je crois, foutre ! qu’on veut vous mettre dedans, et vous jeter encore une fois dans le pétrin. »

Jacques HÉBERT (1757-1794), Le Père Duchesne

Hébert et les hébertistes vont quand même finir par devenir trop extrêmes aux yeux de Robespierre et ses amis qualifiés d’ « Endormeurs ». Ils seront arrêtés, condamnés, jugés et exécutés en mars 1794. Le peuple (toujours plus ou moins manipulé) se retourne aussitôt contre l’idole de la veille, en singeant gaiement son vocabulaire.

« Son foutu mâtin de journal
Nous a bougrement fait de mal,
Qu’on le foute à la guillotine
Et toute sa clique coquine,
Ah ! ah ! ah ! mais vraiment
Guillotinez-les proprement. »1580

BEAUCHANT (fin du XVIIIe siècle), Impromptu sur le raccourcissement du Père Duchesne, printemps 1794, chanson. Actes du Tribunal révolutionnaire recueillis et commentés (1968), Gérard Walter

La chanson (exceptionnellement signée) désigne Hébert, l’Enragé directeur du journal le plus populaire, Le Père Duchesne. Trop populaire pour Robespierre qui accuse les ultra-révolutionnaires de monter la Commune de Paris contre la Convention. Le nouveau maître de la France ne pouvait pas se laisser déborder sur sa gauche ! Il élimine les Hébertistes, les « Enragés » et autres extrémistes, jugés pour crime de démagogie. Total : 19 exécutions, le 24 mars 1794. La rue chante, mais le peuple ne va bientôt plus adhérer à cette Révolution qui dévore ainsi ses enfants.

« Fouquier-Tinville avait promis / De guillotiner tout Paris,
Mais il en a menti, / Car il est raccourci [guillotiné]
Vive la guillotine / Pour ces bourreaux
Vils fléaux. »1617

La Carmagnole de Fouquier-Tinville, mai 1795, chanson. Chansons nationales et républicaines de 1789 à 1848 (1848), Théophile Marion Dumersan

La célèbre chanson révolutionnaire se fait gaiement cruelle : le plus célèbre accusateur public est exécuté le 6 mai 1795, après 41 jours de procès devant le Tribunal révolutionnaire (réformé). À travers Fouquier-Tinville et 23 coaccusés, on juge aussi cette justice d’exception.

DE L’EMPIRE À LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE

« Ce Corse terroriste nommé Bonaparte, le bras droit de Barras, qui n’a pas trente ans et nulle expérience de la guerre, petit bamboche [marionnette mal faite] à cheveux éparpillés, bâtard de Mandrin [imitation d’un bandit célèbre]. »1648

Jacques François MALLET du PAN (1749-1800). Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf

Suisse d’expression française et jadis très hostile à la Révolution française, il est devenu le porte-parole des émigrés et l’agent secret de la cour auprès des gouvernements antirévolutionnaires. Un article sur la conduite de Bonaparte en Italie (lors de sa campagne de 1797) irrite profondément le « Corse terroriste » et force l’écrivain journaliste à s’exiler. Bonaparte, pas plus que Napoléon, ne supporte la contradiction, l’opposition.

« Il était un p’tit homme / Qu’on appelait le grand
Courant à perdre haleine, / Croyant prendre Moscou,
Ce grand fou ! / Mais ce grand capitaine
N’y a vu, sabergé, que du feu ! »1867

La Campagne de Russie (automne 1812), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Sabergé : aucune trace de ce mot dans aucun dictionnaire, aucun document papier ou numérique. Un ami auteur et ex professeur d’histoire a sans doute trouvé la clé du mystère : « Çà, bergers, assemblons-nous » est une chanson de Noël, l’un des chants pastoraux chrétiens les plus connus. La simplification (fréquente dans les jurons) est tentante pour devenir exclamation, mot de ralliement.

Cette chanson se diffuse sous le manteau à Paris, tandis que commence la retraite de Russie d’octobre 1812. Le tsar accusa les Français d’avoir incendié Moscou. Sans doute se sont-ils contentés de piller la ville et d’achever ainsi de la détruire, après l’incendie qui aurait été ordonné par Rostopchine, gouverneur militaire (et père de la future comtesse de Ségur). Il a fait évacuer la ville où ne restent que 800 prisonniers de droit commun, leur promettant la réhabilitation s’ils mettaient le feu.

« Hommes noirs, d’où sortez-vous ?
Nous sortons de dessous terre,
Moitié renards, moitié loups.
Notre règle est un mystère.
Nous sommes fils de Loyola,
Vous savez pourquoi l’on nous exila.
Nous rentrons ; songez à vous taire !
Et que vos enfants suivent nos leçons.
C’est nous qui fessons, et qui refessons,
Les jolis petits, les jolis garçons. »1967

BÉRANGER (1780-1857), Les Révérends Pères, chanson. Histoire de la littérature française : de la révolution à la belle époque (1981), Paul Guth

RESTAURATION. Le plus célèbre chansonnier contemporain vise les jésuites, de retour avec la monarchie. Pie VII a rétabli leur ordre (7 août 1814). La Charte, en forme de compromis constitutionnel, reconnaît la liberté du culte, mais fait du catholicisme la religion d’État et les pères jésuites pensent avoir le quasi-monopole de l’éducation.

Les deux derniers vers aux accents plaisamment polissons dénoncent en fait la pédophilie pratiquée dans nombre de collèges catholiques. L’actualité récente a mis au jour les abus sexuels commis par des clercs sur les mineurs.

« L’étude du Droit m’aigrit le caractère au plus haut point : je bougonne toujours, je rognonne, je maugrée, je grogne même contre moi-même et tout seul. »

Gustave FLAUBERT (1821-1880), Correspondance, 26 juillet 1842

MONARCHIE DE JUILLET. Sous Louis-Philippe, roi bourgeois et vieillissant (mal), le jeune Flaubert, fils de petite bourgeoisie provinciale (Rouen), s’insurge déjà contre tout ce qu’il méprise et déteste, ce règne de vile bourgeoisie et ces Français satisfaits du progrès économique. Il « rognonne » (parler indistinctement entre ses dents avec mécontentement ou colère) et va continuer avec son talent de romancier politiquement engagé, comme presque tous les auteurs de sa génération. Le pouvoir va bientôt tomber avec la nouvelle révolution (février 1848).

« Je hais celui qui jamais ne travaille
Et s’enrichit dans un honteux repos
C’est notr’ sueur qui gagn’ sa boustifaille [nourriture]
Voilà pourquoi j’aim’ pas les aristos. »2119

Gustave LEROY (1818-1860), Les Aristos (1848), chanson. La Poésie populaire en France au XIXe siècle (2005), Hélène Millot

DEUXIÈME RÉPUBLIQUE. Auteur, compositeur, chansonnier très populaire, il capte l’air du temps, fraternel et chaleureux, adoré du public des guinguettes. On reprend ses refrains dans les ateliers, dans la rue.

« Ce n’est pas la peine d’avoir risqué le coup d’État avec nous tous pour épouser une lorette [jeune élégante de mœurs légères]. »2254

Duc de PERSIGNY (1808-1872), à Napoléon III, décembre 1852. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

SECOND EMPIRE. Parole du seul honnête homme dans l’équipe d’aventuriers qui prépara le coup d’État du 2 décembre 1851 et se retrouve ministre de l’Intérieur. La « lorette » est quand même une jeune fille de vraie noblesse espagnole (par son père, trois fois Grand d’Espagne), fort belle et moins sotte qu’on ne le dira. Mais sa mère irlandaise, quelque peu aventurière, promenait sa fille en Europe dans l’espoir d’un bon mariage et l’empereur en est fou ! Il épousera donc Eugénie de Montijo.

« Osman, préfet de Bajazet,
Fut pris d’un étrange délire :
Il démolissait pour construire,
Et pour démolir, construisait.
Est-ce démence ? Je le nie.
On n’est pas fou pour être musulman ;
Tel fut Osman,
Père de l’osmanomanie. »2258

Gustave NADAUD (1820-1893), L’Osmanomanie, chanson. Chansons de Gustave Nadaud (1870)

Texte en forme de conte, signé d’un poète chansonnier qui fait la satire du Second Empire. Toutes ces formes de contestation échappent à l’anonymat, preuve que les auteurs courent moins de risques que jadis.

Nommé préfet de la Seine le 1er juillet 1853, le baron Haussmann voit grand et beau pour le Paris impérial. Il faut en finir avec le Paris de Balzac aux rues pittoresques, mais sales et mal éclairées, créer une capitale aussi moderne que Londres qui a séduit l’empereur, creuser des égouts, approvisionner en eau les Parisiens, aménager des espaces verts, loger une immigration rurale massive, percer de larges avenues pour faciliter l’action de la police et de l’artillerie contre d’éventuelles barricades. « Ce qu’auraient tenté sans profit / Les rats, les castors, les termites / Le feu, le fer et les jésuites / Il le voulut faire et le fit. / Puis quand son œuvre fut finie / Il s’endormit comme un bon musulman / Tel fut Osman / Père de l’Osmanomanie. »

On accuse le baron de sacrifier des joyaux anciens, d’avoir un goût immodéré pour la ligne droite et de jongler avec les opérations de crédit. L’« osmanomanie » va rimer avec mégalomanie. Mais la capitale est fière aujourd’hui encore de cet héritage architectural.

« Rugissons contre Monsieur Thiers ! Peut-on voir un plus triomphant imbécile, un croûtard plus abject, un plus étroniforme bourgeois ! Non, rien ne peut donner l’idée du vomissement que m’inspire ce vieux melon diplomatique, arrondissant sa bêtise sur le fumier de la bourgeoisie. »2293

Gustave FLAUBERT (1821-1880), Lettre à George Sand (1867), Correspondance

Thiers, élu député de Paris en mai 1863, est devenu le chef de l’opposition libérale (le Tiers Parti) depuis son discours du 11 janvier 1864 sur les « libertés nécessaires » (individuelle, électorale, de presse). À 70 ans, c’est un orateur toujours pugnace qui va tenir le devant de la scène politique pendant une décennie, jusqu’à sa mort en 1877.

Flaubert, prosateur distingué, romancier consacré (Madame Bovary, L’Éducation sentimentale), né bourgeois, déteste toujours la bourgeoisie pour sa vulgarité, son inculture, sa laideur… et Thiers qui l’incarne jusqu’à la caricature, surnommé Foutriquet pour sa houppe de cheveux et sa petite taille, 1m 55 ! La pire injure est quand même « étroniforme », en forme d’excrément, autant dire « une merde ».

« Quelques poils commençaient à obombrer les commissures de ses lèvres. »

Théophile GAUTIER (1811-1872), Capitaine Fracasse (1863)

Emprunté au latin obumbrare, il a pour sens « ombrager, couvrir d’ombre, obscurcir, dissimuler ». L’auteur de ce roman de cape et d’épée très populaire est aussi un romantique admirateur d’Hugo depuis la bataille d’Hernani (en 1830, il était parmi les « gilets rouges » les plus véhéments), le librettiste (à 20 ans) de Giselle, archétype du ballet romantique et un poète auquel le génial Baudelaire, créateur du nouveau symbolisme, dédie ses Fleurs du mal.

« Diantre ! fit Blazius, voilà qui est étrange ! »:

Théophile GAUTIER (1811-1872), Capitaine Fracasse (1863)

Altération et euphémisme de « Diable ». Les bons vieux jurons continuent de ponctuer les grand romans du siècle. Mais sur un point, l’auteur se distingue de ses confrères : la politique. Il revendique le droit de l’artiste à sa « tour d’ivoire ».

« Qu’importe que ce soit un sabre ou un goupillon, ou un parapluie qui nous gouverne ! C’est toujours un bâton. »2041

Théophile GAUTIER (1811-1872), Mademoiselle de Maupin (1835)

C’est l’exception à la règle de l’engagement politique, social et moral des Hugo, Lamartine et George Sand, Michelet et Tocqueville. Contre les « Jeunes-France » romantiques, ce « parfait magicien des lettres françaises » (selon Baudelaire) affirme très tôt la doctrine de « l’art pour l’art » dans la préface de Mademoiselle de Maupin. La métonymie se fait ici plaisante métaphore : le sabre désigne un militaire, le goupillon un prêtre, le parapluie un civil bourgeois. Quant au bâton, c’est la police qui fait autorité (et vice versa).

« Pour Hugo et Lamartine, ces poètes peu sensibles au fond, arrivés à un certain âge, ils vont de plus belle : ils ne chantent plus, ils dégoisent. »

Charles-Augustin SAINTE-BEUVE (1804-1869), Poisons,1869

Auteur raté, surnommé « Sainte-Bévue » par Musset, c’est le critique le plus redouté de son temps, le plus détesté aussi, mais il reste comme le premier grand historien des lettres. « Dégoiser », c’est débiter rapidement, avec une volubilité excessive des propos. Les deux poètes incriminés ont tant et si bien écrit et parlé qu’ils ont pu céder à ce travers humain au crépuscule de leur vie.

« Pardi ! cria Gilquin, il y a plus de trois cent mille étrangers dans Paris. »

Émile ZOLA (1840-1902), Son Excellence Eugène Rougon (1876)

Façon de ne pas dire : « Par Dieu ! » pour donner plus de poids à une déclaration. Zola, après Hugo et Balzac, laisse une œuvre romanesque considérable, engagée et toujours populaire. Ils restent vraiment des classiques du genre.

« Bigre de bigre, ça ne lui allait pas, le mariage ! »,

Guy de MAUPASSANT (1850-1893), Une partie de campagne (1881)

Bigre est une atténuation de bougre, exclamation familière aux bourgeois qui n’osent pas dire le mot.

Bougre vient de loin : introduit en France au moment de la guerre des Albigeois, le mot signifie à l’origine « Bulgare ». L’hérésie des Albigeois, ou Cathares, avait été en effet importée de Bulgarie. Elle est réprimée au début du XIIIe siècle avec la sauvagerie qui caractérise toutes les guerres de religion. Bougre reparaît sous la Révolution et sans complexe, l’appel au peuple ne supportant pas de nuance !

Bigre est la version édulcorée de bougre, comme fich(tr)e celle de foutre. Un bougre désigne au XIXe siècle un homosexuel et par extension, un personnage méprisable. À l’usage, bougre et bigre sont devenus des jurons.

« Qu’alliez-vous faire à la Mad’leine,
Corbleu, ma moitié,
Qu’alliez-vous faire à la Mad’leine ? »

Jules LAFORGUE (1860-1887), Complainte de l’époux outragé (1885)

Corbleu, forme euphémique de « pour le cœur de Dieu ». Selon le dictionnaire de l’Académie, il marque une vive humeur. Laforgue, poète franco-uruguayen symboliste, meut à 28 ans du mal du siècle, la phtisie. Passionné de musique, de dessin et de mots qu’il inventait, détestant toute règle, il pratiqua le vers libre qui va devenir un genre à part entière, y compris dans la chanson.

« Il y a les magistrats vendus, / Il y a les financiers ventrus,
Il y a les argousins [bas officier des galères], / Mais pour tous ces coquins,
Il y a d’la dynamite, / Vive le son, vive le son,
Il y a d’la dynamite ! Dansons la ravachole ! / Vive le son d’l’explosion. »2504

Sébastien FAURE (1858-1942), La Ravachole, version anarchiste de La Carmagnole (1892), chanson. Ravachol et les anarchistes (1992), Jean Maitron

Ravachol est un criminel en série (tuant pour l’argent), devenu un mythe par la vertu de la dynamite et des relations nouées avec les militants anarchistes particulièrement actifs en Europe et au-delà (Russie et Amérique).

Sébastien Faure a lui-même un long parcours militant : ex-séminariste, ex-marxiste, il devient anarchiste à la fin des années 1880, libertaire avec Louise Michel, dreyfusard au moment de l’Affaire, avant de s’afficher pacifiste et antimilitariste au siècle suivant. L’anarchie va occuper la vie publique un quart de siècle : avec ses chansons, sa presse, ses héros et ses criminels, ses attentats, ses victimes – jusqu’au président de la République, Sadi Carnot.

« Cornegidouille, je suis le roi peut-être ! »

Alfred JARRY (1873-1907), Ubu roi (1896)

Voici le second juron inventé par un roi – après le « Jarnicoton » d’Henri IV. Mais ici, le roi est un personnage de fiction qui fait scandale à Paris, création et créature littéralement « ubuesque » - au caractère grotesque, à la fois cruel et couard, bouffon devenu roi à la place du roi. Considéré comme le précurseur du surréalisme, le jeune Jarry avait imaginé cette pièce pour des marionnettes. Publiée dans la Revue d’art de Paul Fort le poète, créée par la troupe du Théâtre de l’Œuvre au Nouveau Théâtre de Paris, elle va faire scandale. Elle lance le surréalisme et annonce le théâtre de l’absurde des années 1950.

« En avant cornegidouille ! Tudez [néologisme], saignez, écorchez, massacrez, corne d’Ubu ! »
« Cornegidouille ! Ouvrez, de par ma merde, par saint Jean, saint Pierre et saint Nicolas ! ouvrez, sabre à finances, corne finances, je viens chercher les impôts ! »

Alfred JARRY (1873-1907), Ubu roi (1896)

Ce juron marque la colère, l’étonnement… et toute une gamme de sentiments par lesquels passe le père Ubu. Un foutu caractère ! Il assassine le roi de Pologne pour avoir le pouvoir, il fait tuer les nobles pour s’accaparer leurs biens, mais il est menacé par le fils du roi défunt et mené en bateau par sa femme la mère Ubu qui lui vole son argent et l’oblige à fuir avec ses généraux. Il y a du Macbeth dans Ubu, mais Jarry n’est pas Shakespeare. Il laisse quand même un Nom, un immortel juron et un personnage inoubliable.

« Ouf ! fit l’abbé. Ah ! saperlipopette, ma fille, que venez-vous de m’apprendre là ? »/

Georges COURTELINE (1858-1929), La Pénitence (publié dans la revue Gil Blas, 1899)

Sacristi ! Sapristi ! Saperlotte ! Saprelotte ! Saperlipopette ! autant de quasi-synonymes.

Sapristi est une corruption de « sacristi ». Saperlipopette est la forme atténuée de « sapristi » et dans la bouche d’un abbé, même à la fin du XIXe siècle, cela s’impose.

L’auteur abandonne assez vite la littérature pour écrire de courtes farces : « Un acte, un seul acte, voilà ma mesure au théâtre. » Il se moque des bourgeois, des militaires, des femmes, de tous les ridicules médiocres. Courteline n’a pas le génie de Molière, juste un grand talent qui trouva son public en son temps et se joue encore, quoique rarement.

« Fichtre ! c’est grave. Nous sommes tous très intéressés, très mouches du coche. Folcoche se tord toujours, inconsciente, les deux mains sur le foie. Sa respiration siffle. Dois-je le dire ? mais nous respirons mieux depuis qu’elle étouffe. »

Hervé BAZIN (1911-1996), Vipère au poing (1948)

Euphémisme du verbe « foutre », après un croisement avec le verbe « ficher ». On peut dire : « Je n’y comprends fichtre rien ! » Il existe aussi l’adverbe « fichtrement ».

Le romancier est surtout connu pour cette œuvre autobiographique, immense succès de librairie qui aura deux suites : La Mort du petit cheval et Le Cri de la Chouette. Reste le personnage de Folcoche : nom donné par les paysans à une truie qui dévore ses petits sitôt nés, mais également diminutif de folle et cochonne. Elle incarne la haine poussée à un point extrême de sadisme maternel et justifie ce désir de meurtre inavouable chez les trois enfants martyrisés, marqués naturellement à vie, à commencer par Brasse-Bouillon. Après divers conflits sado-masochistes et quelques tentatives de meurtre ratées, il conclut : « Merci ma mère. Je suis celui qui marche, une vipère au poing. »

« Le bois s’anuitait petit à petit, les oiseaux avaient cessé de chanter - il commençait à faire très sombre dans le sous-bois opaque. »

Julien GRACQ (1910-2007), Manuscrits de guerre (2011), cité dans le Littré

Ce verbe un tantinet désuet signifie « s’obscurcir avec la tombée de la nuit ». « Comme à chaque fin de journée, le soleil tombe et laisse place à la lune. Alors que les derniers rayons finissent d’éclairer la ville, les bâtiments s’anuitent. ».

Julien Gracq est connu pour avoir refusé le Goncourt en 1951 : un des paradoxes de cet auteur discret, œuvrant en divers genres mais en marge de tous les courants, toutes les écoles et les modes littéraires qui font florès à l’époque, encensé par la critique, édité de son vivant dans la Pléiade, étudié à l’université, traduit en 26 langues et quasiment inconnu du public.

« Parlez-vous franglais ? »2958

René ÉTIEMBLE (1909-2002), titre d’un essai (1964)

Ce linguiste promeut le mondialisme littéraire comme traducteur, critique, directeur de collection et universitaire, encourageant les échanges avec les écrivains et intellectuels de tous les pays et l’accueil des étudiants étrangers.

Mais dans cet essai « best-seller » (n’en déplaise à son auteur), il lutte contre la colonisation langagière qui n’a pas fini de mettre en péril le français dans l’hexagone et la francophonie dans le monde. L’anglais, porte-parole de la civilisation anglo-saxonne, gagne irrésistiblement du terrain.

« Je commence à en avoir plein le dos, moi, de votre yéti ! Qu’il se montre une bonne fois, cette espèce de loup-garou à la graisse de renoncule de mille tonnerres de Brest ! ».

HERGÉ (1907-1983), Le Capitaine Haddock dans Tintin au Tibet (1960)

Juron de marin pour exprimer un dépit ou une colère, « Tonnerre de Brest » a plusieurs origines possibles. Allusion au château de Brest dans le Finistère en Bretagne où un coup de canon chargé à blanc est tiré chaque jour à 7 heures et à 19 heures pour signaler l’ouverture et la fermeture des portes de l’arsenal. Cette tradition régla la vie des habitants durant trois siècles. Autre origine, le coup de canon tiré pour signaler l’évasion d’un prisonnier du bagne de Brest. Il s’ensuivait une poursuite avec la forte récompense attribuée à qui l’attraperait.

L’expression doit sa notoriété aux bandes dessinées des aventures de Tintin : le capitaine Haddock, l’un des personnages principaux de la série, jure volontiers dans ses moments de colère. Autres jurons peu usités : Bachi-bouzouk, Mille sabords, Flibustiers, Moule à gaufres.

« L’armée française, que deviendrait-elle, sinon un ramas anarchique et dérisoire de féodalités militaires, s’il arrivait que des éléments mettent des conditions à leur loyalisme ? […] Aucun soldat ne doit, sous peine de faute grave, s’associer à aucun moment, même passivement, à l’insurrection. »2990

Charles de GAULLE (1890-1970), Allocution radiotélévisée, 29 janvier 1960. De Gaulle : le souverain, 1959-1970 (1986), Jean Lacouture

Guerre d’Algérie. En tenue de général, le président de la République en appelle à la discipline des soldats et sauve la situation par ce discours. Selon Raymond Aron (Preuves, mars 1960) : « Durant ces cinq jours, rien n’existait plus, ni le régime, ni la Constitution, ni moins encore le gouvernement, hésitant et divisé : il ne restait plus rien qu’un homme, et un homme seul. » La semaine des Barricades aura des suites importantes : gouvernement remanié, affaires algériennes prises encore plus directement en main par l’Élysée.

De Gaulle se rend sur place début mars pour reprendre contact avec l’armée – c’est la « tournée des popotes » où les déclarations restent officieuses et contradictoires. Il parlera publiquement de République algérienne le 4 novembre 1960.

« Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. »3001

Charles de GAULLE (1890-1970), Allocution radiotélévisée, 23 avril 1961. Algérie 1962, la guerre est finie (2002), Jean Lacouture

À nouveau revêtu de sa tenue de général, voici le de Gaulle des grandes heures : « Au nom de la France, j’ordonne que tous les moyens soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire. » Il demande que s’applique l’article 16 de la Constitution (pouvoirs spéciaux), « dictature républicaine » justifiée par la situation.

Tous les bidasses entendent cette voix de la France sur leur transistor. Le contingent refuse de suivre le quarteron de généraux ovationnés par les pieds-noirs sur le Forum d’Alger, entre les cris « Algérie française » et « de Gaulle au poteau ! » Mais le vent tourne. Challe se livre le 26, suivi par Zeller. Salan et Jouhaud continuent dans la clandestinité, l’OAS résiste encore : combat d’hommes désespérés, d’autant plus dangereux.

« La réforme, oui, la chienlit, non. »3057

Charles de GAULLE (1890-1970), Bureau de l’Élysée, dimanche matin, 19 mai 1968. Le Printemps des enragés (1968), Christian Charrière

Anarchie, désordre, pagaïe, pour ne pas dire « bordel ». Mais à l’origine, cela renvoie au carnaval et au défilé des masques, ce qui n’est pas sans relation avec la fête populaire du mouvement de Mai 68, véritable happening qui tient la France en haleine (et en grève).
Le président, sitôt revenu de Roumanie, réunit les responsables de l’ordre qui n’existe plus, demande le nettoyage immédiat de la Sorbonne et de l’Odéon. Mais cela risque de déclencher un engrenage de violences et ses interlocuteurs obtiennent un sursis d’exécution. Il faut éviter l’irréparable.

La chienlit, c’est lui.3058

Slogan sous une marionnette en habit de général aux Beaux-Arts, 20 mai 1968

La chienlit ? Ce sont surtout 6 à 10 millions de grévistes. Et tout ce qui s’ensuit : usines occupées, essence rationnée, centres postaux bloqués, banques fermées. Les ménagères stockent. Les cafés sont pleins. La parole se déchaîne jusque dans les églises. La moindre petite ville a son mini-Odéon et sa micro-Sorbonne.

« Tous les morbleus, tous les ventrebleus, / Les sacrebleus et les cornegidouilles,
Ainsi, parbleu, que les jarnibleus  / Et les palsambleus,
Tous les cristis, les ventres saint-gris,
Les par ma barbe et les noms d’une pipe,
Ainsi, pardi, que les sapristis / Et les sacristis,
Sans oublier les jarnicotons, / Les scrogneugneus et les bigres et les bougres,
Les saperlottes, les crénom de nom, / Les pestes, et pouah, diantre, fichtre et foutre,
Tous les Bon Dieu, / Tous les vertudieux, Tonnerr› de Brest et saperlipopette,
Ainsi, pardieu, que les jarnidieux / Et les pasquedieux. »

Georges BRASSENS (1921-1981 ), La Ronde des jurons, refrain

Ce petit recensement en forme de « spécial jurons » s’impose en guise de rappel historico-sémantique !

Dans la France née chrétienne et longtemps fille aînée de l’Église, il était interdit de blasphémer en prononçant le nom de Dieu, d’où l’usage du « bleu » pour remplacer. Exemples ? morbleu = mort de Dieu, palsembleu = par le sang de Dieu, jarnibleu et jarnidieux = je renie Dieu. Aujourd’hui encore, « bon sang » est une forme euphémique pour ne pas dire : « par le sang de Dieu » ou « par le sang du Christ » !

Brassens rappelle aussi le cornegidouille d’Ubu, le Jarnicoton d’Henri IV (« Je renie Coton », confesseur du roi), le Tonnerre de Best du capitaine Haddock chez Tintin… et le tout venant des foutres, bougres, fichtres et autres onomatopées. Bref, un vrai memento en chanson !

« Un chef, c’est fait pour cheffer. »3317

Jacques CHIRAC (1932-2019), Le Figaro Magazine, 20 juin 1992

L’autorité est une vertu première, il le fera savoir, et de quelle manière ! Le mot le plus dur vise le ministre le plus populaire du gouvernement Raffarin, Nicolas Sarkozy, qu’il a été obligé d’accepter au poste le plus important – ministre d’État, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, en mars 2004. Devant les velléités d’indépendance et la trop visible impatience de l’ambitieux à lui succéder, le président déclare, lors de la traditionnelle interview du 14 juillet, qu’il ne peut y avoir de différend entre eux, pour une raison simple : « Je décide et il exécute. » Interrogé sur la candidature de Sarkozy à la présidence de l’UMP : « Il démissionnera immédiatement, ou je le démissionnerai ».

Bernadette Chirac confirme : « Je suis mariée à un homme qui n’est pas corrézien pour rien. Il a un sens de l’autorité bien affirmé. Sa femme doit l’accompagner, le suivre, et ne pas prendre position à tout bout de champ » (Paris Match, juillet 2005).

« Que voulez-vous, je suis Français, et j’adore aller expliquer aux autres ce que je suis infoutu de faire chez moi. »3320

Jacques CHIRAC (1932-2019), Dans la peau de Jacques Chirac (2006), Karl Zéro et Michel Royer

Ce côté donneur de leçon remonte au siècle des Lumières et à la Révolution. Mais peu d’hommes publics confessent que c’est parfois un travers national ridicule. Chirac note d’ailleurs : « En matière de politique internationale, on ne retient mes propos que si je dis une connerie. »

« Si vous saviez le plaisir que j’ai pu éprouver à passer pour un blaireau, surtout au milieu de corniauds. »3321

Jacques CHIRAC (1932-2019), Dans la peau de Jacques Chirac (2006), Karl Zéro et Michel Royer

Trait de caractère original : aucun président de la République n’a pu tenir ce genre de propos à l’humour assumé, rigolard et franchouillard. Inutile de traduire, tout le monde comprend ce parler franc et clair, typiquement chiraquien.

« Moi, vous savez, je n’aime que deux choses : la trompette de cavalerie et les romans policiers. » Il cultive ce personnage populaire, ça l’amuse et ça plaît, c’est bon pour sa cote de popularité… Mais Chirac est plus cultivé qu’il ne veut paraître, contrairement à ceux qui pratiquent la méthode inverse. On apprend sa passion pour les arts premiers : spécialiste reconnu des civilisations dites (jadis) primitives, il voulait leur consacrer un musée, quand il était maire de Paris. Le Musée du quai Branly ouvre finalement en 2006. C’est aussi un fan de sumo, sport traditionnel japonais, au rituel vieux de quinze siècles.

« Il faut stopper l’ensauvagement d’une partie de la société. »

Gérald DARMANIN (né en 1982), nouveau ministre de l’Intérieur, 24 juillet 2020 au Figaro

Il persiste et signe, le 1er septembre  : « J’ai utilisé le mot d’ensauvagement et je le réitère. » Certains membres du nouveau gouvernement sont surpris. Éric Dupont-Moretti, garde des Sceaux, récuse le terme qui « entretient le sentiment d’insécurité », le président Emmanuel Macron préférant l’expression « banalisation de la violence ».

Ce mot nouveau a pourtant un long passé. Né au Moyen Âge, il fut repris par Marine Le Pen en 2013, 2015. En 2018, son parti, devenu Rassemblement national (RN), organise à l’Assemblée un débat intitulé « De la délinquance à l’ensauvagement ». La présidente du RN en fait un point d’articulation de son discours sécuritaire et nationaliste. Dans son discours de rentrée politique à Fréjus (6 septembre 2020), elle confirme et surenchérit, évoquant la barbarie et l’« ultra violence endémique ». Éric Zemmour assume désormais ce rôle d’extrémiste.

« Il faut se garder de faire du matamorisme. Il faut agir. »

Jean CASTEX (né en 1965), Premier ministre, Le Parisien, 26 août 2020

C’est un néologisme de sens, car le mot et la chose existent : procédé d’intimidation ou de défense employé par certains animaux. Les oiseaux gonflent leurs plumes. Les chats doublent de volume en hérissant leurs poils. Certains poissons-coffres ont aussi cette faculté, sans parler la Grenouille  qui veut se faire aussi gros que le Bœuf, chez La Fontaine.

Bien connu aussi, le Matamore de la commedia del arte incarne un soldat fanfaron qui se vante de batailles qu’il n’a pas menées. Dans le langage courant, un matamore use d’attitudes autoritaires pour promettre une action vigoureuse… C’est arrivé souvent à Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy.
Jean Castex, nouveau Premier ministre, vise ici Gérald Darmanin dénonçant l’ensauvagement et refuse la stratégie du « matamorisme » qui ne résout pas le problème de l’insécurité. Il faut se garder des effets d’annonce et des mots « clivants » dans une société déjà divisée, traumatisée. Plutôt que des mesures policières, il préfère embaucher des greffiers pour permettre à la justice de mieux fonctionner. Si cette annonce est suivie d’effets, elle ne peut être qu’approuvée.

Ainsi va le jeu de la politique et des mots d’actu, avec les petites phrases qui font les bonnes citations et l’Histoire qui se nourrit de néologismes. À suivre tous les trans, queers, bashing - greenwashing, écoblanchiment, collapsologie, climato- sceptique, économie circulaire, écoconception - gestes barrière, présentiel et distanciel, cluster et autres stars sémantiques incontestées, corona virus, Covid-19, delta, omicron, etc. Voir notre édito sur « Les Mots nouveaux ».

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