Michelet : « L'histoire de France commence avec la langue française. » | L’Histoire en citations
 Michelet L'histoire de France commence avec la langue française
Citation du jour

« L’histoire de France commence avec la langue française. La langue est le signe principal d’une nationalité. »391

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France, tome III (1840)

Critère incontournable à l’heure où la nationalité fait débat, comme hier l’identité nationale. La langue dans l’histoire est aussi intéressante que l’histoire de la langue, les deux évolutions se recoupant logiquement.

1539, une date à retenir. L’ordonnance de Villers-Cotterêts édictée par François Ier réorganise la justice : « [Les actes judiciaires seront] prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois (français) et non autrement. » Le roi abolit ainsi l’emploi du latin et de toute langue régionale dans les tribunaux, inaugurant une vraie politique linguistique. Selon F. Brunot et Ch. Bruneau (Précis de grammaire historique de la langue française), cette ordonnance est « l’acte le plus important du gouvernement dans toute l’histoire de la langue. Cette mesure, prise pour faciliter le travail de l’administration, fait du français la langue de l’État. »

La bataille du français n’est pas gagnée pour autant : les lettrés, les artistes et scientifiques de cette Renaissance fascinée par les Anciens (grecs et latins) et par l’Italie « pétrarquisent, latinisent et pindarisent » toujours à l’excès. Mais l’Histoire avance à mesure que la France gagne en force et en unité.

« Charles Quint, d’ailleurs ennemi mortel de la France, aimait si fort la langue française qu’il s’en servit pour haranguer les États des Pays-Bas le jour qu’il fit son abdication. »485

Antoine FURETIÈRE (1619-1688), Dictionnaire universel, Préface (posthume, 1690)

Le « vieux goutteux » décide d’abdiquer, quand les armées impériales doivent lever le siège de Metz, ville annexée par les Français et défendue par François de Guise. L’empereur qui abdique en 1556 (âgé de 56 ans) partage son immense empire entre son frère Ferdinand et son fils Philippe II. Le monarque chrétien le plus puissant du temps n’a pu triompher de la Réforme protestante, ni de la France de François Ier.

Rappelons ses origines de prince bourguignon : le français est sa langue maternelle et cet empereur d’Allemagne ne parla jamais couramment l’allemand. Il se sentait également étranger en son Espagne. De là à dire qu’il était Français… n’exagérons pas.

« On l’entend [la langue française] et on la parle dans toutes les cours de l’Europe, et il n’est point rare d’y trouver des gens qui parlent français et qui écrivent en français aussi purement que les Français mêmes. »823

Antoine FURETIÈRE (1619-1688), Dictionnaire universel, Préface (posthume, 1690)

L’auteur du célèbre dictionnaire s’irrite des lenteurs de l’Académie française à sortir le sien, et de ses lacunes en divers domaines scientifiques et artistiques. Il obtient du roi le privilège de publier son propre Dictionnaire, commencé en 1650. Un extrait, publié en 1684, lui vaut d’être exclu de l’Académie. Mais « le Furetière » lui survit, sans cesse réédité durant trois siècles, tout à l’honneur de la langue française.

Le prestige de la France, la profusion des œuvres, l’éclat de sa civilisation contribuent naturellement à cette vaste « francophonie » : déjà bien vivante au siècle précédent (où Charles Quint parlait français plus volontiers qu’allemand ou espagnol), elle atteint son apogée au siècle suivant, avec la philosophie des Lumières : « Le goût qu’on a dans l’Europe pour les Français est inséparable de celui qu’on a pour leur langue. » Rivarol, Discours sur l’universalité de la langue française (1784).

« Ne parlez point allemand, Monsieur ; à dater de ce jour, je n’entends plus d’autre langue que le français. »1186

MARIE-ANTOINETTE d’Autriche (1755-1793), à M. d’Antigny, chef de la Cité (Strasbourg), 7 mai 1770

Les Grands Procès de l’histoire (1924), Me Henri-Robert

Le maire de Strasbourg lui adressait la bienvenue en allemand, sa langue natale.

La jeune « princesse accomplie » va à la rencontre de son fiancé le dauphin Louis (futur Louis XVI) et toute la cour l’attend à Compiègne. Elle a déjà dû, selon l’étiquette, se dépouiller de tout ce qui pouvait la rattacher à son ancienne patrie.

Marie-Antoinette, à 14 ans, est sans doute l’une des princesses les moins couramment francophones, vue son éducation imparfaite à la cour d’Autriche. Et pourtant… elle parle français. Toutes les cours d’Europe parlent français. C’est par ailleurs la langue reine de la diplomatie, en raison de sa clarté.

« L’Assemblée refuse la parole à M. Victor Hugo, parce qu’il ne parle pas français ! »2357

Vicomte de LORGERIL (1811-1888), Assemblée nationale, Bordeaux, 8 mars 1871. Actes et Paroles. Depuis l’exil (1876), Victor Hugo

Député monarchiste et poète à ses heures, il coupe la parole à l’élu de Paris, le plus célèbre auteur du siècle, homme politique de premier plan, passé de la droite à la gauche et devenu républicain. On peut sourire de ce mot authentique, mais la situation est tragique.

Guerre franco-allemande et chute du Second Empire de Napoléon III, aux premiers jours de septembre 1870. Hugo est aussitôt revenu d’exil, il a vécu le siège de Paris avec les Parisiens, puis va plaider leur cause et celle de la France. Il est déjà monté à la tribune pour condamner la paix infâme signée le 1er mars, pour déplorer que Paris soit décapitalisée au profit de Bordeaux, le 6. En cette séance houleuse du 8, il se fait insulter pour avoir défendu l’Italien Garibaldi, élu député d’Alger (colonie française) : Hugo conteste l’invalidation de ce vieux révolutionnaire italien « venu mettre son épée au service de la France » dans la guerre contre les Prussiens.

La haine est terrible entre l’Assemblée monarchiste, pacifiste, et Paris où les forces révolutionnaires, remobilisées, refusent de reconnaître le pouvoir de cette « assemblée de ruraux » défaitistes.

« La patrouille allemande passe,
Baissez la voix, mes chers petits,
Parler français n’est plus permis
Aux petits enfants de l’Alsace. »2420

VILLEMER (1840-1892), paroles, et DELORMEL (1847-1899), musique

Le Maître d’école alsacien, Les Chansons d’Alsace-Lorraine (1885), Gaston Villemer et Lucien Delormel

La France est vaincue : le traité de Francfort du 10 mai 1871 a donné l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne. Un dixième des habitants de ces deux provinces refusent d’être allemands – ils sont accueillis en France (et en Algérie française). La politique de germanisation se heurte à la résistance des minorités annexées contre leur gré - échec politique de Bismarck. Et la « Revanche reine de France » va hanter les esprits jusqu’à la Première Guerre mondiale, en 1914.

Villemer et Delormel, les deux confrères et compères du chant patriotique, font vibrer cette corde infiniment sensible, cependant que s’impose, dans l’imagerie populaire, le personnage émouvant du maître alsacien donnant sa dernière leçon de français. Le dessinateur Hansi (1873-1951), né et mort à Colmar, fera carrière en exploitant le même sentiment, d’une manière beaucoup plus sincère et avec un vrai talent d’artiste.

La langue fait décidément partie de l’identité nationale.

Renaissance et guerres de Religion, Naissance de la monarchie absolue

 

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Commentaires (2)

  • anon

    Globalement l’histoire de France commence au mieux au XVI voire au XVII eme siecle. Et dire que le style gothique si européen s'est longtemps appelé le style français : c'est a perdre son latin.

    10 février 2016
  • anon

    Vous allez peiner tous les historiens de la Gaule et du Moyen Âge qui traitent de la France naissante et que cette Histoire cite fidèlement.
    Embarrasser les profs qui enseignent que Clovis, chef des Francs, est le premier d'une longue lignée de rois baptisés à Reims.
    Contredire Louis XI, dernier roi du Moyen Âge, qui a dit fièrement : « Je suis France » (n° 365) et l’a prouvé, agrandissant et unifiant le pays, face aux grands féodaux.
    Quant à notre cher Michelet, il consacra un livre d’« amoureux » à Jeanne d’Arc (1853) et j’en extrais cette citation : « Souvenons-nous toujours, Français, que la patrie, chez nous, est née du cœur d’une femme, de sa tendresse, de ses larmes, du sang qu’elle a donné pour nous. »(n°349)

    10 février 2016

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