Lecture recommandée : Pamphlets et autres œuvres polémiques sous l’Ancien Régime | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

Histoire & Littérature. Série d’éditos en huit épisodes (indépendants)

1. Romans - 2. Poésie - 3. Théâtre - 4. Lettres - 5. Histoire et Chronique - 6. Mémoires - 7. Pamphlets et autres œuvres polémiques - 8. Discours.

Cette lecture proposée a une triple actualité. En plus du semi-confinement et des librairies fermées, le climat socio-politique est à la polémique citoyenne, cependant que les caricatures de presse font débat (et procès), parallèlement à la liberté d’expression.

7. Pamphlets et autres œuvres polémiques (I).

Ces textes critiques à visée plus ou moins révolutionnaire, partisane, politique ou sociale, sont typiques du Siècle des Lumières. Mais le genre pamphlétaire existe depuis le Moyen Âge et se prolonge avec plus ou moins de talent jusqu’à nos jours. Faut-il en conclure que l’attaque violente visant un personnage politique ou les institutions du pays serait dans les gènes du Français ?

La plupart de ces textes ont défié la censure et/ou l’ordre établi en leur temps. Certains peuvent choquer aujourd’hui encore par leur violence : perversions sexuelles au XVIIIe (sadisme), slogans anarchistes  (fin XIXe) ou attaques personnelles dues à l’antisémitisme de l’extrême-droite dans l’entre-deux-guerres.

Premier épisode : sous l’Ancien Régime.

Le premier pamphlet de notre Histoire en citations vise une (forte) femme, Blanche de Castille, régente de France et mère du futur Saint-Louis. Deuxième personnage visé, le pape Clément V impliqué dans l’Affaire des Templiers. Premier pamphlet célèbre (et anonyme) daté des guerres de Religion, la Satire Ménippée vise les ligueurs (ultra)catholiques - c’est surtout un plaidoyer (collectif) pour le futur Henri IV, attaqué par d’autres plumes (anonymes) avant de mourir assassiné. Richelieu (« principal ministre » de Louis XIII) et son successeur Mazarin pendant la Fronde seront les prochaines cibles. Le XVIIe siècle nous laisse enfin une première bombe philosophique signée Descartes : le Discours de la Méthode.

Le Siècle des Lumières fait aujourd’hui figure de provocation générale contre l’ordre établi de l’Ancien Régime finissant. Il nous donne en héritage l’œuvre des philosophes : Montesquieu, Voltaire, Rousseau et Diderot font assaut de génie, chacun dans son genre ! D’autres essayistes, dont certains collaborent à l’Encyclopédie, laissent un nom et une œuvre. Mention particulière pour deux auteurs toujours sulfureux, Laclos et Sade, la palme de la provocation revenant à Meslier, promu post mortem par Voltaire. Coup de théâtre et coup de génie : Beaumarchais et sa bombe prérévolutionnaire, le Mariage de Figaro (1784). D’autres pamphlets (au sens littéral du mot) visent le Régent, les maîtresses de Louis XV et la reine Marie-Antoinette, détestée du peuple autant qu’elle fut adorée.

Toutes les citations de cet édito sont à retrouver dans nos Chroniques de l’Histoire en citations : en 10 volumes, l’histoire de France de la Gaule à nos jours vous est contée, en 3 500 citations numérotées, sourcées, contextualisée, signées par près de 1 200 auteurs.

I. Moyen Âge, XVIe et XVIIe s. Les premiers pamphlets politiques visent haut.

« Bien est France abâtardie !
Quand femme l’a en baillie. »209

Hugues de la FERTÉ (première moitié du XIIIe siècle), pamphlet. Étude sur la vie et le règne de Louis VIII (1894), Charles Petit-Dutaillis

« … Rois, ne vous confiez mie / À la gent de femmenie / Mais faites plutôt appeler / Ceux qui savent armes porter. »

Hugues de la Ferté et Hugues de Lusignan sont auteurs de couplets cinglants contre Blanche de Castille, régente à la mort de Louis VIII (1226), détestée des grands vassaux et assez forte pour les mater. Pressentant leur fronde, elle a fait sacrer à Reims son fils Louis (11 ans), sans attendre que tous les grands barons soient réunis.

En 1234, les deux Hugues, soutenus par le roi d’Angleterre, participent avec Raymond VII de Toulouse à une révolte féodale. L’aventure se terminera par la soumission des vassaux et la trêve signée avec le roi d’Angleterre.
La France sort plus grande et renforcée, après les dix ans de régence de cette femme qui a toutes les qualités (et les défauts) des grands hommes politiques. Elle a quand même donné naissance à l’un des plus grands rois du Moyen Âge, le futur Saint-Louis.

« Que le pape prenne garde […] On pourrait croire que c’est à prix d’or qu’il protège les Templiers, coupables et confès, contre le zèle catholique du roi de France. »254

Pierre DUBOIS (vers 1250-vers 1320), Pamphlet, 1308. La Magie et la sorcellerie en France (1974), Thomas de Cauzons

L’avocat écrit ces mots dans le dessein d’effrayer Clément V. Il conclut en clouant au pilori « les indécis [qui] sont les nerfs des testicules du Léviathan » ! Une image propre à faire trembler un pape hésitant par nature, bien embarrassé par l’affaire, et par ailleurs malade.

Le pape s’était mollement et tardivement ému du destin des Templiers, leur redonnant quelque espoir en février 1308 : il suspend l’action des inquisiteurs et annule les procédures engagées par Philippe le Bel. Fureur du roi ! Et riposte. Pierre Dubois, avocat du roi, écrit donc à sa demande, et le chancelier Nogaret manœuvre en coulisses.

Clément V, Français d’origine, se soumet bientôt à la volonté royale, et abandonne les Templiers à leur sort, demandant seulement qu’on y mette les formes, d’un point de vue juridique. Il y aura donc un nouveau procès, et quelques bulles.

« Quand Paris boira le Rhin, toute la Gaule aura sa fin. »508

Jean LE BON (XVIe siècle), Le Rhin au Roy (1568). « La Monarchie d’Ancien Régime et les frontières naturelles », Gaston Zeller, Revue d’histoire moderne (1933)

Pamphlet signé d’un Lorrain, connu aussi comme médecin de Charles IX et des Guise (branche cadette de la maison de Lorraine, politiquement très active et catholique).

Le Rhin au Roy rappelle les limites de l’ancienne Gaule et manifeste sa préférence pour une politique rhénane plutôt qu’italienne. Autrement dit, le Rhin est plus nécessaire que le Pô. On peut y voir une des premières expressions de la théorie des frontières naturelles de la France : Rhin, Alpes et Pyrénées forment ses limites continentales, mer du Nord et Manche (Channel), Atlantique et Méditerranée complétant l’hexagone.

Les rois de l’Ancien Régime ont plus ou moins consciemment raisonné ainsi pour constituer le pays tel qu’il existe aujourd’hui, mais au XVIe siècle, le mirage italien leur a longtemps tourné la tête. Sans oublier que Catherine de Médicis, l’actuelle régente, fille de Laurent II de Médicis, est née à Florence.

« À chacun Nature donne
Des pieds pour le secourir :
Les pieds sauvent la personne ;
Il n’est que de bien courir.
Ce vaillant prince d’Aumale,
Pour avoir fort bien couru,
Quoiqu’il ait perdu sa malle,
N’a pas la mort encouru. »570

Jean PASSERAT (1536-1602), La Satire Ménippée (1594)

Cet « immortel pamphlet » (selon Gustave Lanson) est d’abord un écrit de circonstance, œuvre collective d’un groupe de bourgeois de Paris, qui traitera souvent avec humour les drames de l’époque. Le ridicule n’est-il pas le meilleur moyen de tuer l’adversaire ? Principaux visés, les ligueurs catholiques. Ici, Passerat, poète humaniste, s’en prend à d’Aumale, ligueur de la maison de Lorraine, défait à la bataille de Senlis, au printemps 1589.

Ce feuilleton satirique reflète l’état d’esprit des Politiques, ces modérés favorables à Henri de Navarre, le futur Henri IV, qui s’annonce comme la dernière vraie chance pour la France.

« Nous voulons un Roi pour avoir la paix. »600

Pierre PITHOU (1539-1596), « Harangue de M. d’Aubray », La Satire Ménippée (1594)

Après plus de quatre-vingts années de guerres civiles et étrangères, la France exprime sa lassitude et son rejet des fanatiques, catholiques ou protestants. Ce pamphlet politique, ouvrage collectif, revu et corrigé par le jurisconsulte Pierre Pithou, est destiné à soutenir Henri IV, à la veille de la convocation des États généraux de 1593. Il circule d’abord sous le manteau, avant d’être édité et de rencontrer un vrai succès populaire. C’est dû aux idées exprimées, mais aussi à la qualité littéraire de l’œuvre. Le titre se réfère à Ménippe, poète et philosophe (dit) cynique du IIIe siècle av. J.-C., esclave affranchi, auteur d’écrits bouffons, moitié en vers, moitié en prose, à l’origine d’un genre appelé « satyre ménippée ». Seule reste celle datée de 1594, belle illustration de l’esprit français, à la fois gallican et rabelaisien.

« Ô Paris qui n’est plus Paris, mais une spélonque [antre] de bêtes farouches, une citadelle d’Espagnols, Wallons et Napolitains, un asile et sûre retraite de voleurs, meurtriers et assassinateurs, ne veux-tu jamais te ressentir de ta dignité et te souvenir qui tu as été, au prix de ce que tu es ! »613

Pierre PITHOU (1539-1596), Harangue de M. d’Aubray. La Satire Ménippée (1594)

Passage le plus célèbre du pamphlet écrit pour soutenir Henri IV contre les extrémistes catholiques. Le roi hérite d’une capitale aux mains des ligueurs qui font régner la terreur, et des Habsbourg qui ont des ambitions dynastiques sur la France.

« Tu fais le catholique
Mais c’est pour nous piper
Et comme un hypocrite
Tâche à nous attraper,
Puis, sous bonne mine,
Nous mettre en ruine. »626

Pamphlet ligueur (anonyme). La Satire en France ou la littérature militante au XVIe siècle (1886), Charles Félix Lenient

Ni la conversion ni le sacre du roi Henri IV ne peuvent rallier les catholiques irréductibles (baptisés parfois papistes) : les tentatives d’assassinat qui marqueront tout son règne le prouvent assez.

« Hérétique point ne seras
De fait ni de consentement.
Tous tes péchés confesseras
Au Saint Père dévotement […]
En ce faisant te garderas
Du couteau de frère Clément. »635

Les Commandements d’Henri (1597). Petites ignorances historiques et littéraires (1888), Charles Rozan

Les prétendus commandements sont au nombre de dix, dans ce pamphlet papiste en forme de parodie. Rappelons que frère Clément fut l’assassin d’Henri III.

La conversion d’Henri IV semble suspecte aux ultra-catholiques, plus chrétiens que le pape qui finit par lui accorder son absolution (septembre 1595), incitant Mayenne (gouverneur de Bourgogne) et la maison de Lorraine à faire la paix avec le roi. Le maréchal de Joyeuse (gouverneur du Languedoc) et le duc d’Épernon (gouverneur de Provence) ont suivi, obtenant leur grâce et se soumettant, moyennant finances ou avantages personnels. Henri IV sait pardonner – en bon politique plus encore qu’en bon chrétien. Mais les Espagnols, partis de Paris, n’ont pas quitté le royaume.

« Ce fou n’a qu’une idée, abattre la maison d’Autriche […] Il déclenchera la guerre générale et les hordes de barbares se jetteront sur le trottoir français. »705

Pamphlet contre Richelieu. Mazarin (1972), Paul Guth

En cette année 1630, que d’opposants à la politique anti-habsbourgeoise de Richelieu ! Le garde des Sceaux Michel de Marillac (farouchement antiprotestant et prônant la paix et l’alliance avec l’Espagne), le frère du roi qui est de tous les complots, la reine et la reine mère, à présent très hostile au cardinal et âme du parti dévot.

Richelieu, de son côté, paie des publicistes à gages pour mener une propagande anti-espagnole incessante, d’où une guérilla de libelles et de pamphlets.

À dater de mai 1631, La Gazette, hebdomadaire de Théophraste Renaudot, organe officieux du gouvernement, a pour but de réduire les « faux bruits qui servent souvent d’allumettes aux mouvements et séditions intestines ». Elle use de son monopole officiel pour diffuser les nouvelles et faire passer les articles transmis par le roi et Richelieu : tirage moyen de 1 200 exemplaires, qui deviendront 12 000 au siècle suivant. Organe officiel du ministre des Affaires étrangères sous le nom de Gazette de France à dater de 1762, cet ancêtre de nos journaux paraîtra jusqu’en 1915.

« Savez-vous bien la différence
Qu’il y a entre son Éminence
Et feu Monsieur le Cardinal ?
La réponse en est toute prête :
L’un conduisait son animal,
Et l’autre monte sur sa bête. »765

César BLOT (1610-1655), mazarinade. Mazarin (1972), Paul Guth

Un des 6 500 pamphlets contre Mazarin, exceptionnellement signé (sans crainte de représailles contre l’insolent).

L’Éminence (Mazarin) succède en mai 1643 au Cardinal (Richelieu). L’« animal » est Louis XIII et la « bête », Anne d’Autriche, par ailleurs qualifiée de « pute de reine ». En termes peu galants, cela signifie que la pratique du ministériat est reconduite sous la régence, avec l’ancien collaborateur de Richelieu comme principal ministre : Mazarin déjà impopulaire, déjà menacé.

La Cabale des Importants, faction regroupant les Grands, victimes hier de la politique de Richelieu et voulant leur revanche, ourdit un complot (27 mai 1643). À sa tête, la duchesse de Chevreuse et le duc de Beaufort, petit-fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées : proche du peuple, le « roi des Halles » n’a pas la morgue des Importants. Ils veulent éliminer « le Mazarin », dépouiller la Maison de Condé (comblée de biens et privilèges par Richelieu), signer la paix avec l’Espagne et l’Autriche. Mazarin apprend la conspiration : Beaufort est embastillé, la duchesse et les autres conjurés, exilés. C’est une répétition générale de la Fronde où les mêmes acteurs se retrouveront, cinq ans après.

« Tel qui disait : « Faut qu’on l’assomme ! »
Dit à présent : « Qu’il est bon homme ! »
Tel qui disait : « Le Mascarin !
Le Mazarin ! Le Nazarin ! »
Avec un ton de révérence
Dit désormais : « Son Éminence ! » »795

Pamphlet pour Mazarin (1652). Histoire de la Bibliothèque Mazarine depuis sa fondation jusqu’à nos jours (1860), Alfred Franklin

Fin de la Fronde. La France est à bout de souffle et Paris se lasse de tant d’excès, après la journée des Pailles et le massacre qui s’ensuit. Les bourgeois deviennent hostiles à Condé, qui fuit aux Pays-Bas espagnols – la Belgique actuelle. Cependant que les marchands de Paris et les officiers de la garde bourgeoise rappellent le jeune roi qui rentre – définitivement cette fois, et triomphalement ! Le 21 octobre 1652, Louis XIV s’installe au Louvre.

Mazarin, rappelé par le roi et la reine mère, rentre à son tour. L’opinion s’est complètement retournée.

« Je pense, donc je suis. »722

René DESCARTES (1596-1650), Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences, plus la dioptrique, les météores et la géométrie, qui sont des essais de cette méthode (1637)

Événement majeur dépassant le cadre de la littérature pour devenir fait de société. Le titre est à lui seul une citation et tout un programme. Et la formule lapidaire, restée célèbre, va déclencher, avec quelques autres, des polémiques qui finiront par la mise à l’Index des œuvres de Descartes, après sa mort.

Philosophe, mathématicien et physicien, l’auteur s’est prudemment réfugié dans la proche, protestante et bourgeoise Hollande, pour poursuivre son œuvre. La condamnation de Galilée par le Saint-Office n’est pas si lointaine (1633). Coupable d’avoir affirmé, contre la Bible, que la Terre tourne autour du Soleil, et non l’inverse, l’astronome italien aurait dit : « Et pourtant, elle tourne. »

Descartes a d’autres audaces et la première est simple : il faut vérifier par le raisonnement toutes les idées ou vérités reçues. C’est cela, l’essentiel de sa méthode. Mais c’est une rupture avec tout ce qui est enseigné dans les universités. Le cartésianisme aura des vertus déstabilisantes et des conséquences scientifiques que l’auteur ne soupçonnait pas !

« Toute la philosophie est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le tronc la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences. »595

René DESCARTES (1596-1650), Discours de la méthode (1637)

Le cartésianisme est un succès mondain – en même temps que savant – et Descartes suscite, sans l’avoir voulu, d’immenses polémiques. Son « doute méthodique » va laïciser la pensée européenne et engager la recherche dans la conquête de la nature et de ses secrets. Mais l’œuvre sera condamnée par l’Église et bientôt mise à l’Index – Descartes, prudent, s’est réfugié en Hollande.

II. Siècle des Lumières : pamphlétaire et polémique par définition.

1. Les œuvres des philosophes.

« Depuis l’Évangile jusqu’au Contrat social, ce sont les livres qui ont fait les révolutions. »1000

Vicomte Louis de BONALD (1754-1840), Mélanges littéraires, politiques et philosophiques, « Sur les éloges historiques de MM. Séguier et de Malesherbes »

Les philosophes n’étaient pas révolutionnaires, mais leur pensée le devint, diffusée par leurs œuvres. En schématisant : à Voltaire le temps de la pré-Révolution ; Montesquieu triomphe sous la Constituante où Diderot aussi a son heure ; puis Législative et Convention s’inscrivent sous le signe de Rousseau qui inspire l’élan des discours jacobins.

« Il faut tout examiner, tout remuer sans exception et sans ménagement. »995

D’ALEMBERT (1717-1783), L’Encyclopédie, Discours préliminaire (1751)

Tel est le credo de cette immense entreprise collective : lutte contre les préjugés, triomphe de la raison. L’œuvre sera parfois moins hardie que la pensée de tel ou tel philosophe, il faut ruser avec la censure, les grands articles respectent une certaine orthodoxie. La tactique des renvois à des petits articles permet d’avancer des opinions plus osées – le public a vite compris le jeu. Les censeurs aussi, parfois. Un arrêt du Conseil d’État interdit la vente et la détention des deux premiers tomes, le 7 février 1752. En mai, le gouvernement plus libéral prie d’Alembert et Diderot de se remettre au travail.

Ce monument philosophique et scientifique, malgré ses erreurs et ses lacunes, va diffuser la pensée nouvelle et promouvoir un état d’esprit universellement curieux et critique.

« L’Encyclopédie fut bien plus qu’un livre. Ce fut une faction. À travers les persécutions, elle alla grossissant. L’Europe entière s’y mit. Belle conspiration générale qui devint celle de tout le monde. Troie entière s’embarqua elle-même dans le cheval de Troie. »1132

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France au dix-huitième siècle, Louis XV (1866)

L’affaire de l’Encyclopédie commence : le scepticisme de l’article « Certitude » alerte les jésuites, et les jansénistes se mettent pour une fois dans leur camp.

Le 7 février 1752, un arrêt du Conseil d’État interdit la vente et la détention des deux premiers tomes : l’Encyclopédie est accusée « d’élever les fondements de l’irréligion et de l’incrédulité […] d’insérer plusieurs maximes tendant à détruire l’autorité royale, à établir l’esprit d’indépendance et de révolte ». Mme de Pompadour, par haine des jésuites, s’oppose à la persécution des Encyclopédistes, et Malesherbes, directeur de la librairie (chargé de surveiller la publication des livres et donc responsable de la censure), veut une politique libérale. En mai 1752, le gouvernement prie Diderot et d’Alembert de se remettre à l’ouvrage. Mais la cabale continuera.

« Il faut répondre à un livre par un livre, et non par des prisons et des supplices qui détruisent l’homme, sans détruire ses raisons. »992

Baron d’HOLBACH (1723-1789), La Politique naturelle ou Discours sur les vrais principes de gouvernement (1774)

Le siècle des Lumières voit la victoire des idées, mais c’est encore un temps de persécution contre la liberté de pensée : tous les philosophes souffrent de la censure, plusieurs sont embastillés, à commencer par Voltaire, et l’intolérance (surtout en matière religieuse) dresse des bûchers où les livres ne sont pas seuls à brûler.

2. La bande des quatre : Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot.

Montesquieu

« Les lois […] sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses. »1004

MONTESQUIEU (1689-1755), L’Esprit des Lois (1748)

L’Esprit des Lois est la grande œuvre de sa vie. Il paraît en octobre 1648 à Genève : succès considérable, 22 éditions en un an et demi ! « C’est de l’esprit sur les lois », dit Mme du Deffand – ce n’est qu’un mot, et il est injuste.

Montesquieu crée ici une science des lois : il cherche leur « âme », discerne un ordre, une raison et s’efforce de comprendre. Mais la démarche est parfois mal comprise : expliquer l’esclavage, le despotisme, les lois qui les instaurent, ce n’est pas les justifier pour autant. Montesquieu dit seulement ce qui est, avant de dire ce qui devrait être.

« Dans l’état de nature, les hommes naissent bien dans l’égalité ; mais ils n’y sauraient rester. La société la leur fait perdre, et ils ne redeviennent égaux que par les lois. »1005

MONTESQUIEU (1689-1755), L’Esprit des Lois (1748)

Montesquieu a plus souvent parlé de liberté que d’égalité – opposé en cela à Rousseau. Mais dans cette justification des lois dans la société, il existe un cousinage avec l’idée de base du Contrat social. Tout l’Ancien Régime étant fondé sur les privilèges (fiscaux et autres), donc sur un principe fondamental d’inégalité, seule une réforme littéralement révolutionnaire pouvait amener l’égalité. Des ministres éclairés en proposeront des amorces, sans pouvoir les imposer aux privilégiés qui conduiront inéluctablement « leur » régime à sa perte.

« Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi […], mais elle doit être loi parce qu’elle est juste. »1006

MONTESQUIEU (1689-1755), Cahiers (posthume)

Que de chemin parcouru depuis Montaigne : « Les lois se maintiennent en crédit non parce qu’elles sont justes, mais parce qu’elles sont lois » (Essais) et Pascal : « Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes, car il n’y obéit qu’à cause qu’il les croit justes » (Pensées). Et comme tous les philosophes des Lumières, Montesquieu assure (Préface de L’Esprit des lois) : « Il n’est pas indifférent que le peuple soit éclairé. » Toutes ces idées nouvelles qui circulent dans des cercles de plus en plus larges vont fissurer l’édifice social et amener l’explosion révolutionnaire que le prudent Montesquieu ne souhaitait pas.

« Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. »1011

MONTESQUIEU (1689-1755), L’Esprit des Lois (1748)

C’est le fameux principe de la séparation des pouvoirs : « Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps […] exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers. »

La constitution anglaise, monarchique en apparence, républicaine en réalité, présente un bon équilibre des trois pouvoirs : elle séduit fort le philosophe qui l’a vu fonctionner sur place. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (article 16) consacrera cette séparation des pouvoirs, en 1789.

« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir. »1012

MONTESQUIEU (1689-1755), L’Esprit des Lois (1748)

En plus de la séparation des pouvoirs, il souhaite leur équilibre : pouvoirs intermédiaires (noblesse, Parlements) face à l’arbitraire royal. D’où une monarchie tempérée, très loin du régime devenu despotique sous Mazarin, Richelieu et Louis XIV.

Les Monarchiens des premiers mois de la Révolution tenteront de faire triompher cette évolution qui aurait fait l’économie d’une révolution. Mais Condorcet, dès avant la Révolution, réfutait ce système de l’« équilibre » comme absurde : « Un esclave qui aurait deux maîtres, souvent divisés entre eux, cesserait-il d’être esclave ? »

« Le gouvernement est comme toutes les choses du monde ; pour le conserver, il faut l’aimer. »1013

MONTESQUIEU (1689-1755), L’Esprit des Lois (1748)

Théorie mise à part, cette phrase de grand bon sens explique tout, y compris le chaos politique du siècle des Lumières et la mort d’un Ancien Régime mal aimé de tous les Français, qu’ils soient du peuple ou des ordres privilégiés.

« C’est de l’esprit sur les lois » a dit Mme du Deffand qui tient le plus célèbre salon du siècle. C’est « le plus grand livre du XVIIIe siècle », écrira au XXe le philosophe Paul Janet qui le place aussi haut que la Politique d’Aristote. Seule certitude, l’Encyclopédie à venir doit beaucoup à cette dernière œuvre de Montesquieu. Aujourd’hui encore, on se réfère à Montesquieu : pour sa classification des trois formes de gouvernement (républicain, monarchique, despotique), et pour son principe de la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire).

Voltaire

« Les rois sont avec leurs ministres comme les cocus avec leurs femmes : ils ne savent jamais ce qui se passe. »952

VOLTAIRE (1694-1778), Le Sottisier (posthume, 1880)

Louis XV s’intéressa sans doute tardivement à son métier de roi – les historiens sont partagés sur ce point. Louis XVI, très consciencieux, fut vite dépassé par la situation et la complexité des problèmes. Mais les ministres eux-mêmes sont fort peu au courant de l’état du royaume, faute de bonnes enquêtes et statistiques pour éclairer leur politique.

« Cultivons notre jardin. »1021

VOLTAIRE (1694-1778), Candide (1759)

Conclusion du conte, non sans rapport avec les soucis du jardinier qui vient d’acheter le château de Ferney. Mais la formule est surtout symbolique et souvent mal comprise. C’est tout sauf de l’égoïsme : « notre jardin », c’est le monde. Et si la Providence se désintéresse des hommes, il leur appartient d’agir et de rendre meilleur leur « jardin », de faire prospérer leur terre, d’y travailler pour le progrès. C’est un credo écologique, avant la lettre.

« Il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent. »1023

VOLTAIRE (1694-1778), Zadig ou la destinée (1747)

Ainsi parle Zadig, « celui qui dit la vérité », alias Voltaire. Quand la Révolution va mettre au Panthéon le grand homme (seul à partager cet honneur avec Rousseau), sur son sarcophage qui traverse Paris le 11 juillet 1791, on lira : « Il défendit Calas, Sirven, La Barre, Montbailli. » Plus que le philosophe réformateur ou le théoricien spéculateur, la Révolution honore l’« homme aux Calas », l’infatigable combattant pour que justice soit faite. Dans son Dictionnaire philosophique et en divers essais, il se bat pour une réforme de la justice, dénonce les juges qui achètent leurs charges et n’offrent pas les garanties d’intelligence, de compétence et d’impartialité, se contentant de présomptions et de convictions personnelles. Il réclame que tout jugement soit accompagné de motifs et que toute peine soit proportionnelle au délit.

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »1031

VOLTAIRE (1694-1778), citation apocryphe

Citation non « sourcée », phrase sans doute jamais écrite, peut-être dite. L’œuvre immense et protéiforme de cet auteur philosophe est si riche en bons et beaux mots ! Mais elle reflète l’homme, sa pensée, sa vie et même son style. D’où la fortune historique et somme toute méritée de cette citation apocryphe.

« Le pape est une idole à qui on lie les mains et dont on baise les pieds »1141

VOLTAIRE (1694-1778), Le Sottisier (posthume, 1880)

Il s’en amuse et se réjouit pour une autre raison, dans une lettre à d’Alembert (13 novembre 1756) : « Pendant la guerre des Parlements et des évêques, les gens raisonnables ont beau jeu et vous aurez le loisir de farcir l’Encyclopédie de vérités qu’on n’eût pas osé dire, il y a vingt ans. »

Mais ces querelles franco-françaises, partisanes et mesquines, sont du plus mauvais effet : Église, Parlement, pouvoir royal se déconsidèrent aux yeux de l’opinion. Laquelle a d’autres soucis, avec la guerre.

« Je sème un grain qui pourra produire un jour une moisson. »1176

VOLTAIRE (1694-1778), Traité sur la tolérance (1763)

Il écrit ce traité pour Calas, et pour que justice soit rendue. Il ajoute : « Attendons tout du temps, de la bonté du roi, de la sagesse de ses ministres, et de l’esprit de raison qui commence à répandre partout sa lumière. » Deux ans après, c’est la réhabilitation de Calas ! Les mêmes mots se retrouvent alors dans ses Lettres, avec cette conclusion : « Il y a donc de la justice et de l’humanité chez les hommes. »

Le Grand Conseil, le 9 mars 1765, à l’unanimité des quarante juges, s’est prononcé en faveur du négociant protestant, victime d’une des plus graves erreurs judiciaires du siècle. Au terme de trois ans de lutte, c’est une victoire personnelle du philosophe et le triomphe de la justice sur des institutions judiciaires souvent incompétentes, et d’autant plus partiales que l’accusé n’était pas de religion catholique !

L’auteur va continuer de s’engager dans les grandes affaires de son temps. À 60 ans passés, Voltaire sait abandonner une œuvre en cours, pour sauver un innocent, ou du moins sa mémoire. Alors que Rousseau, auteur de l’Émile, traité sur l’éducation, abandonne à l’Assistance publique les cinq enfants qu’il fait à une servante illettrée.

Rousseau

« Vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne ! »1037

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755)

Le Discours sur l’inégalité est un brûlot dangereux pour la société. Constat numéro un, l’inégalité naît de la propriété : « Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire : « Ceci est à moi », et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargné au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : « Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus… » »

Propos brûlants, mise en cause du principe de la propriété sur lequel reposent les sociétés modernes : c’est la voie ouverte au socialisme. Rousseau se montre ici le plus hardi des philosophes.

« L’homme est né libre et partout il est dans les fers. »1039

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), Du contrat social, Préambule (1762)

Le Contrat social est l’œuvre maîtresse du philosophe. Il constate l’échec des sociétés modernes. Et d’ajouter aussitôt : « Comment ce changement s’est-il fait ? Je l’ignore. Qu’est-ce qui peut le rendre légitime ? Je crois pouvoir résoudre cette question (…) Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant. Tel est le problème fondamental dont le Contrat social donne la solution. »

Il méditait depuis longtemps de livrer le message de son idéal politique : selon Edgar Quinet, le Contrat social est le « livre de la loi » de la Révolution et Rousseau « est lui-même à cette Révolution ce que le germe est à l’arbre ».

« La souveraineté n’étant que l’exercice de la volonté générale ne peut jamais s’aliéner, et le [peuple] souverain, qui n’est qu’un être collectif, ne peut être représenté que par lui-même ; le pouvoir peut bien se transmettre, mais non la volonté. »1043

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), Du contrat social (1762)

C’est clair et redit plusieurs fois : « La volonté ne se représente pas. » Selon Rousseau, le peuple souverain ne saurait déléguer à des représentants le pouvoir de faire des lois à sa place : la volonté générale doit s’exprimer directement. Principe inapplicable qui fera dire à Sieyès que Rousseau est un « philosophe aussi parfait de sentiment que faible de vues ».

De façon plus réaliste, Rousseau charge l’exécutif (prince ou gouvernement) d’appliquer les lois, mais il reste à tout moment révocable. La souveraineté du peuple sera proclamée dès la Constituante, mais associée au principe de représentativité. Robespierre plus tard au pouvoir invoquera sa méfiance pour la représentation, chaque fois que l’Assemblée ne lui semble pas « marcher dans le sens de la Révolution ».

« Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi. »1044

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), Du contrat social (1762)

Le principe de la ratification populaire des lois est l’une des rares idées rousseauistes précises, apportée à la Révolution et adoptée par la Constitution de 1793. Le plus souvent, l’inspiration est au niveau de principes aussi généraux que généreux, dont la relative indétermination permettra d’ailleurs d’inspirer des politiques contradictoires. Mais n’est-ce pas là le destin politique de bien des idées philosophiques et théoriques !

« Tant qu’un peuple est contraint d’obéir et qu’il obéit, il fait bien ; sitôt qu’il peut secouer le joug et qu’il le secoue, il fait encore mieux. »1047

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), Du contrat social (1762)

C’est le droit à l’insurrection, et même le devoir, quand le contrat social est violé. Il sera reconnu dans l’éphémère Constitution de 1793 - inappliquée, d’ailleurs inapplicable sur ce point.

« Vous vous fiez à l’ordre actuel de la société sans songer que cet ordre est sujet à des révolutions inévitables […] Nous approchons de l’état de crise et du siècle des révolutions. »1167

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), Du contrat social (1762)

En note, il ajoute : « Je tiens pour impossible que les grandes monarchies de l’Europe aient encore longtemps à durer. » La guerre de Sept Ans fut le révélateur d’une crise morale profonde, ayant épuisé tous les pays, même l’Angleterre et la Prusse, gagnantes, mais à quel prix ! Les pertes militaires sont partout considérables et les populations civiles ont souffert, y compris du pillage, des famines.

Les philosophes des Lumières, prophètes des idées nouvelles sans être pour autant révolutionnaires, voient-ils venir la Révolution ? La même année 1762, Rousseau publie L’Émile et La Profession de foi du vicaire savoyard. C’en est trop pour le Parlement, irrité surtout par ses idées religieuses : décrété de prise de corps, il passe en Suisse et l’homme traqué commence huit années d’errance, persécuté dans sa vie et dans sa tête malade.

Diderot

« Si un Taïtien [Tahitien] débarquait un jour sur vos côtes et s’il gravait sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : ce pays appartient aux habitants de Taïti [Tahiti], qu’en penserais-tu ? »973

DIDEROT (1713-1784). Encyclopædia Universalis, article « Denis Diderot »

Certains philosophes, comme Diderot, vont très loin dans l’anticolonialisme et mettent en cause le principe même de la colonisation, en particulier le droit de l’occupant. D’autres, tel l’abbé Raynal, affichent carrément leur anticolonialisme, ou tel Montesquieu, réagissent contre le principe même de l’esclavage.

« Il est très important de ne pas prendre de la ciguë pour du persil, mais nullement de croire ou de ne pas croire en Dieu. »1055

DIDEROT (1713-1784), La Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient (1749)

L’élève des jésuites a vite « mal » tourné : du déisme au scepticisme, puis à l’athéisme et au matérialisme. Cette trop libre pensée lui vaut trois mois de prison au donjon de Vincennes. Il s’efforcera ensuite d’être un peu plus prudent.

« Le fanatisme est une peste qui reproduit de temps en temps des germes capables d’infester la terre. »1057

DIDEROT (1713-1784), Encyclopédie, article « Christianisme »

L’Encyclopédie est aussi hardie sur le plan religieux que prudente en politique, sauf quand Diderot prend la plume. Frère de Voltaire par la pensée, il écrit dans l’article Intolérance : « L’intolérant est un méchant homme, un mauvais chrétien, un sujet dangereux, un mauvais politique et un mauvais citoyen. »

« Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d’en jouir aussitôt qu’il jouit de la raison. »1059

DIDEROT (1713-1784), Encyclopédie, article « Autorité politique »

Diderot, auteur de plus de mille articles, rédige le plus hardi en matière politique : c’est la condamnation de l’absolutisme, qui s’inspire de Locke et rejoint le Rousseau du Contrat social. Selon Diderot, la seule autorité établie par la nature est la puissance paternelle, limitée dans le temps. Toute autre autorité ne peut avoir que deux sources : « la force et la violence de celui qui s’en est emparé, ou le consentement de ceux qui s’y sont soumis par un contrat ».

« Le prince tient de ses sujets mêmes l’autorité qu’il a sur eux ; et cette autorité est bornée par les lois de la nature et de l’État. »1061

DIDEROT (1713-1784), Encyclopédie, article « Autorité politique »

C’est la négation formelle de la monarchie de droit divin. « Le prince ne peut donc pas disposer de son pouvoir et de ses sujets sans le consentement de la nation et indépendamment du choix marqué dans le contrat de soumission. » Dans l’article Pouvoir, il reprend la même idée : « Le consentement des hommes réunis en société est le fondement du pouvoir. »

« Une guerre interminable, c’est celle du peuple qui veut être libre, et du roi qui veut commander. »1064

DIDEROT (1713-1784), Principes de politique des souverains

Vue prophétique. Tous les philosophes du siècle ont d’ailleurs annoncé la Révolution, sans la vouloir et sans le savoir.

3. Autres auteurs et même esprit pamphlétaire ou provocateur.

Chamfort, poète et moraliste, une mine de citations.

« Amitié de cour, foi de renards, société de loups. »954

CHAMFORT (1740-1794), Pensées, maximes et anecdotes (posthume, 1803)

Homme attachant, écrivain très apprécié des salons littéraires, Académicien, journaliste critique et moraliste pessimiste – une syphilis compromit sa carrière et sa vie.

La cour reste un microcosme où les places sont chères et les appelés toujours en plus grand nombre que les élus. Mais elle cesse d’être l’appareil d’État comme sous Louis XIV, pour devenir l’instrument des intérêts particuliers de la haute noblesse, lieu de toutes les intrigues, cabales et corruptions sous Louis XV. Pire encore sous Louis XVI : les coteries se font plus insolentes autour de la reine et des frères du roi, cependant que les scandales éclaboussent le trône.

« Qu’est-ce qu’un cardinal ? C’est un prêtre habillé de rouge qui a cent mille écus du roi, pour se moquer de lui au nom du pape. »960

CHAMFORT (1740-1794), Pensées, maximes et anecdotes (posthume, 1803)

Le clergé reste l’un des fondements de l’Ancien Régime et sans doute le plus profondément loyaliste. Mais la religion est contestée dans son ensemble, ébranlée par la philosophie nouvelle et déconsidérée par diverses pratiques et querelles, cependant que le haut clergé (tous les évêques sont nobles après 1760) a des préoccupations plus laïques que religieuses.

« Les bourgeois, par une vanité ridicule, font de leur fille un fumier pour les terres des gens de qualité. »962

CHAMFORT (1740-1794), Pensées, maximes et anecdotes (posthume, 1803)

Alliances d’intérêts ou mésalliances contre nature, selon le point de vue, cette pratique est courante depuis la fin du siècle de Louis XIV : la bourgeoisie est avide de gentilhommerie et la noblesse à court d’argent.

« La société est composée de deux grandes classes : ceux qui ont plus de dîners que d’appétit et ceux qui ont plus d’appétit que de dîners. »984

CHAMFORT (1740-1794), Pensées, maximes et anecdotes (posthume, 1803)

Cette vérité, valable en tout temps et tout lieu, s’impose plus cruellement à la fin de l’Ancien Régime où les riches (privilégiés) se sont enrichis, sans que les pauvres (surimposés) aient leur juste part de la prospérité économique du pays.

« Un homme d’esprit me disait l’autre jour que le gouvernement de la France était une monarchie absolue tempérée par des chansons. »993

CHAMFORT (1740-1794), Pensées, maximes et anecdotes (posthume, 1803)

Au siècle de Louis XIV, la chanson (le plus souvent anonyme) était l’une des rares formes d’opposition possibles. Au siècle des Lumières, elle garde cette fonction. Diderot parlant du peuple dans ses Principes de politique des souverains écrit : « Il faut lui permettre la satire et la plainte : la haine renfermée est plus dangereuse que la haine ouverte. » Avec la masse des pamphlets et libelles polémiques et parfois orduriers dont l’époque se fit l’écho, on a pu parler de ces « basses Lumières » qui sapent les bases du régime presque aussi sûrement que les pensées philosophiques.

Économistes, ministres et autres philosophes.

« Impositions indirectes ; pauvres paysans. Pauvres paysans ; pauvre royaume. Pauvre royaume ; pauvre souverain. »965

Pierre Samuel DUPONT de NEMOURS (1739-1817), De l’origine et des progrès d’une science nouvelle (1768)

Parole d’économiste - et voici tracé le cercle vicieux de l’économie. La fiscalité frappe la masse des paysans pauvres, alors que les privilégiés aux grandes fortunes (fermiers généraux, financiers, courtisans) sont intouchables et que l’essentiel des revenus industriels et commerciaux y échappe. Le faible pouvoir d’achat de la paysannerie – 90 % de la population – ne permet pas la consommation accrue de produits manufacturés et ne peut donc stimuler le développement de l’industrie courante, comme en Angleterre. Enfin, le rendement d’impôts perçus sur des contribuables trop pauvres ne peut alimenter suffisamment les caisses de l’État. L’Ancien Régime mourra de cette crise financière sans solution, hormis une réforme fondamentale de l’État : il faudra une révolution pour y arriver.

« Les colonies fondées par les diverses puissances de l’Europe ont toutes été établies pour l’utilité de la métropole. »971

Duc de CHOISEUL (1719-1785), secrétaire d’État en 1767

Choiseul et la France d’outre-mer après le traité de Paris : étude sur la politique coloniale au XVIIIe siècle (1892), Eugène Daubigny.

Pratiquement chef de gouvernement en 1767 – secrétaire d’État aux Affaires étrangères, également ministre de la Guerre et de la Marine - il exprime la position de la France et l’opinion dominante en Europe, depuis deux siècles : tout grand pays se doit d’avoir un empire colonial. L’Encyclopédie présente la même conception : « Les colonies n’étant établies que pour l’utilité de la métropole […] doivent être sous sa dépendance et par conséquent sous sa protection. » Méconnaître cette réalité est source d’anachronisme. Mais une opinion contraire existe, minoritaire.

« Les colonies sont comme des fruits qui tiennent à l’arbre jusqu’à ce qu’ils en aient reçu une nourriture suffisante, alors ils s’en détachent. »972

TURGOT (1727-1781), en 1748. Discours politiques (2007), Abraham Sighoko Fossi

Les physiocrates et les libéraux sont plus anticolonialistes que Choiseul, avec un argument qui vaudra également au XIXe siècle : l’intérêt des colonies pour la métropole est rien moins qu’évident.

Turgot (ministre, en 1774) appartient à cette nouvelle génération d’homme politique ayant une vocation économique et pas seulement juridique. La France en aura bien besoin.

« L’esclavage n’est pas seulement un état humiliant pour celui qui le subit, mais pour l’humanité qui en est dégradée. »974

Chevalier de JAUCOURT (1704-1779). L’Encyclopédie, article « Esclavage »

Érudit, protestant, ami de Diderot et d’Alembert, philosophe contributeur à l’Encyclopédie. Il flétrit l’esclavage au nom du droit naturel et de la dignité humaine. Diderot dénonce par ailleurs un esclavage plus subtil et donc pervers : « Avoir des esclaves n’est rien, mais ce qui est intolérable, c’est d’avoir des esclaves en les appelant citoyens. »

Le trio des grands provocateurs : Laclos, Sade, Meslier.

« Le luxe absorbe tout : on le blâme, mais il faut l’imiter ; et le superflu finit par priver du nécessaire. »987

Choderlos de LACLOS (1741-1803), Les Liaisons dangereuses (1782)

Lettre de la marquise de Merteuil à Mme de Volanges. L’auteur est resté célèbre pour cette seule œuvre, sous-titrée : Lettres recueillies dans une société et publiées pour l’instruction de quelques autres. Le cinéma l’a rendue très populaire.

« Mon plus grand chagrin est qu’il n’existe réellement pas de Dieu et de me voir privé, par-là, du plaisir de l’insulter plus positivement. »989

Marquis de SADE (1740-1814), L’Histoire de Juliette (1797)

Au-delà des philosophes vaguement déistes ou résolument athées, Sade se pose comme le plus irréligieux des grands marginaux du siècle. Jamais la perversion n’a été poussée si loin et deux siècles plus tard, elle demeure exemplaire et scandaleuse. Le « divin marquis » joue à vivre les provocations qu’il conte et sera condamné à mort pour violences sexuelles, dès 1772. Dans la Philosophie dans le boudoir, il écrit comme pour se justifier : « Je ne m’adresse qu’à des gens capables de m’entendre, et ceux-là me liront sans danger. »

« Respectons éternellement le vice et ne frappons que la vertu. »1182

Marquis de SADE (1740-1814), L’Histoire de Juliette (1797)

1768 : Sade est emprisonné sept mois, ayant enlevé et torturé une passante. En 1763, les deux semaines au donjon de Vincennes pour « débauche outrée » n’étaient qu’un premier avertissement. Le divin marquis passera au total trente années de sa vie en prison.

« Depuis l’âge de quinze ans, ma tête ne s’est embrasée qu’à l’idée de périr victime des passions cruelles du libertinage. » Né de haute noblesse provençale, élève des jésuites, très jeune combattant de la guerre de Sept Ans, marié en 1763, il est condamné à mort en 1772 pour violences sexuelles. Incarcéré en Savoie, évadé, emprisonné de nouveau à Vincennes, puis à la Bastille, transféré à Charenton quelques jours avant le 14 juillet 1789, libéré le 2 avril 1790 par le décret sur les lettres de cachet, avant de nouvelles incarcérations. Sa famille veille à ce qu’il ne sorte plus de l’hospice de Charenton où il meurt en 1814.

Son œuvre, interdite, circule sous le manteau tout au long du XIXe siècle. Elle est réhabilitée au XXe, avec les honneurs d’une édition dans la Pléiade. Premier auteur érotique de la littérature moderne, il donne au dictionnaire le mot sadisme : « perversion sexuelle par laquelle une personne ne peut atteindre l’orgasme qu’en faisant souffrir (physiquement ou moralement) l’objet de ses désirs » (Le Robert).

« Je voudrais, et ce sera le dernier et le plus ardent de mes souhaits, je voudrais que le dernier des rois fût étranglé avec les boyaux du dernier prêtre. »1165

Jean MESLIER (1664-1729), Mon testament (posthume, 1762)

Étonnant destin de cet homme et de cette œuvre. Curé dans les Ardennes, il scandalise en prenant à son service des bonnes trop jeunes et dénonce en chaire les mauvais traitements du seigneur sur les paysans de sa paroisse. L’évêché semonce le curé comme il se doit. Il se range en apparence, mais écrit en secret des pages incendiaires, volumineux mémoire recopié en trois exemplaires et légué à ses paroissiens, à sa mort (1729).

Des copies circulent sous le manteau, toute l’Europe des Lumières a lu Meslier - qui a lui-même lu et annoté la Bible, les auteurs latins, Montaigne, Pascal, Fénelon, Saint-Simon. Voltaire décide de publier le Testament. Mais ce cri de haine contre le roi et la religion est d’une telle violence qu’il réécrit nombre de passages, transformant l’athéisme extrême en déisme prudent. Voltaire n’est ni anarchiste ni révolutionnaire. L’histoire de la pensée politique fera de Meslier le précurseur des Lumières, mais aussi du socialisme, avant Mably, et du communisme, avant Babeuf.

Le cas Beaumarchais, coup de théâtre et coup de génie.

« Un Grand nous fait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal. »1215

BEAUMARCHAIS (1732-1799), Le Barbier de Séville (1775)

Sa vie fut un roman, celle d’un aventurier, libertin, parvenu, trafiquant d’armes, très représentatif de la fermentation sociale qui précède la Révolution. Fils d’un horloger, professeur de harpe des filles de Louis XV, puis juge des délits de braconnage sur les terres royales, Pierre Augustin Caron de Beaumarchais est introduit dans le monde de la finance. Un procès l’oppose à un Grand (le comte de La Blache) et lui vaut une notoriété subite, en lui offrant l’occasion de dénoncer publiquement la vénalité d’un de ses juges. En 1777, Beaumarchais inventera la « grève de la plume », mobilisant ses confrères et créant la première société d’auteurs au monde, pour la défense des intérêts d’une corporation jusqu’alors exploitée par les Comédiens-Français. C’est dire comme ce personnage combattant agit et innove sur tous les terrains.

Cette version du Barbier remporte un succès immédiat : premier acte théâtral véritablement prérévolutionnaire, en attendant la suite, Le Mariage

« C’est détestable ! Cela ne sera jamais joué ! […] Il faudrait détruire la Bastille pour que la représentation de la pièce ne fût pas une inconséquence dangereuse. »1234

LOUIS XVI (1754-1793), qui vient de lire Le Mariage de Figaro avant sa création sur scène. Encyclopædia Universalis, article « Le Mariage de Figaro »

Depuis quatre ans, Paris parle de cette pièce dont l’auteur, Beaumarchais, est déjà célèbre pour des raisons pas seulement littéraires – procès gagnés, aide à l’Amérique. Soumise à six censeurs, interdite de représentation à Versailles au dernier moment en 1783, puis jouée en théâtre privé, chez M. de Vaudreuil, le 23 septembre. Paris se presse pour la première publique à la Comédie-Française, le 27 avril 1784.

« Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs. »1235

BEAUMARCHAIS (1732-1799), Le Mariage de Figaro ou La Folle Journée (1784)

La censure royale a remplacé la censure religieuse de la Sorbonne au XVIIe siècle : 79 censeurs ont charge d’autoriser ou d’interdire livres ou pièces, selon leur moralité. La censure inquiétera plus ou moins tous les philosophes, qui iront se faire éditer en Suisse, Hollande, Angleterre. Abolie par la Révolution, rétablie en 1797, de nouveau abolie, rétablie, etc., c’est une longue histoire dans l’histoire, jusqu’au début du XXe siècle. Le théâtre, spectacle public, est exposé plus encore que le livre aux foudres ou aux tracasseries d’Anastasie aux grands ciseaux. Il est normal que Beaumarchais en traite, pour s’en moquer. En tout cas, l’auteur a écrit là son chef-d’œuvre.

« Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! Noblesse, fortune, un rang, des places ; tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ! Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus ! »958

BEAUMARCHAIS (1732-1799), Le Mariage de Figaro (1784)

L’apostrophe apparaît déjà révolutionnaire avant la Révolution et l’œuvre longtemps censurée connaîtra un immense succès, pour ses vertus polémiques autant que dramatiques.

 Il y a quelque chose de plus fou que ma pièce, c’est son succès ! »1236

BEAUMARCHAIS (1732-1799). Beaumarchais et son temps : études sur la société en France au XVIIIe siècle d’après des documents inédits (1836), Louis de Loménie

Auteur enchanté, après le triomphe de la création à la Comédie-Française. Sous-titrée La Folle Journée, la pièce sera jouée plus de cent fois de suite - un record, à l’époque. Mais Beaumarchais en fait trop, se retrouve à la prison de Saint-Lazare (mars 1785). Sa popularité ne sera plus jamais ce qu’elle fut au soir du Mariage qui prit valeur de symbole.

Selon Antoine Vitez, administrateur de la Comédie-Française qui monta la pièce pour le bicentenaire de la Révolution en 1989, « Le Mariage de Figaro est très légitimement considéré comme une pièce révolutionnaire ». Il est des œuvres de poètes géniaux qui prophétisent ce qui va se passer avec une acuité extrême. La Chinoise de Godard, c’était déjà Mai 68 avant Mai 68, et Les Bains de Maïakowski, en 1929, la description de ce que serait le stalinisme avant Staline.

4. Au fil de la Chronique : pamphlets et slogans, de la Régence (1715) à la Révolution (1789).

« Et ce prince admirable
Passe ses nuits à table
En se noyant de vin
Auprès de sa putain. »1073

Pamphlet (anonyme). Chansonnier historique du XVIIIe siècle (1879), Émile Raunié

L’impopularité du Régent s’exprime par des vers publiés ou chantés, rarement signés – prudence oblige. Aucun des princes qui vont gouverner la France n’échappera désormais à ce genre d’écrits. Louis XV le Bien-Aimé mourra haï du peuple. Marie-Antoinette, dauphine adulée, devenue reine, sera la cible de pamphlets par milliers.

Comme le dit Eugène Scribe dans son Discours de réception à l’Académie française (1834) : « En France et sous nos rois, la chanson fut longtemps la seule opposition possible ; on définissait le gouvernement d’alors comme une monarchie absolue tempérée par des chansons. »

« Autrefois de Versailles
Nous venait le bon goût,
Aujourd’hui la canaille
Règne et tient le haut bout.
Si la cour se ravale,
De quoi s’étonne-t-on ?
N’est-ce pas de la halle
Que nous vient le poisson ? »1163

Poissonnade de 1749. Chansonnier historique du XVIIIe siècle (1879), Émile Raunié

Si le peuple reproche son origine non noble à la dame, c’est de la cour que part le plus souvent ce genre de pamphlets (anonymes). La personne du roi est également attaquée. Les cabales se multiplient. Le lieutenant de police avoue son impuissance à traquer les auteurs et ceux qui leur tiennent la main : « Je connais Paris autant qu’on peut le connaître. Mais je ne connais pas Versailles. »

« Plus lubrique que Messaline,
Plus barbare que Médicis. »1242

Pamphlet contre la reine. Vers 1785. Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf

Dauphine jadis adorée, la reine est devenue terriblement impopulaire en dix ans, pour sa légèreté de mœurs, ses intrigues et son ascendant sur un roi faible jusqu’à la soumission. L’affaire du Collier (une escroquerie où elle n’est pour rien) va renforcer ce sentiment.

La Révolution héritera certes des œuvres de Voltaire et Rousseau, mais aussi des « basses Lumières », masse de libelles et pamphlets à scandale où le mauvais goût rivalise avec la violence verbale, inondant le marché clandestin du livre et sapant les fondements du régime. Après le Régent, les maîtresses de Louis XV et le clergé, Marie-Antoinette devient la cible privilégiée : quelque 3 000 pamphlets la visant relèvent, selon la plupart des historiens, de l’assassinat politique.

« Guerre aux châteaux, paix aux chaumières. »1281

CHAMFORT (1740-1794), qui s’enthousiasme pour la Révolution dès 1789. Encyclopédie Larousse, article « Sébastien-Roch Nicolas, dit Nicolas de Chamfort »

Parfois précédé de « Mort aux tyrans », souvent repris, ce slogan exprime le manichéisme de ces temps de trouble, dans un contexte de guerre étrangère (et de levée en masse) qui s’ajoute à la guerre civile.

La formule fera l’objet d’un décret à la Convention nationale, daté du 15 décembre 1792. Le 5 septembre 1793, autre décret dans la même logique : « La Terreur est à l’ordre du jour. »

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