Femmes historiques : Histoire contemporaine (fin) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

Cet édito conclut notre série sur les femmes de l’histoire, en douze épisodes classés par périodes historiques. Nous vous invitons à les découvrir !

XII. Histoire contemporaine (fin)

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

1. Christine Lagarde (née en 1956), avocate d’affaires, ministre de droite parfois maladroite, promue directrice du FMI, puis présidente de la BCE.

« Il vaut mieux faire face au risque de l’échec plutôt que de vivre avec le regret de ne pas y être allée. »

Christine LAGARDE (née en 1956)

Christine Lagarde est née Lalouette dans une famille d’enseignants. Elle passe son baccalauréat au Havre avant de partir aux Etats-Unis et sa pratique de l’anglais se révèlera un atout essentiel. Diplômée, elle fait un stage au Capitole. Elle poursuit ses études à Nanterre puis à la faculté de droit de Paris X, obtient deux masters (anglais et droit social). Bref, une très bonne élève. Avec un échec : elle rate deux fois le concours d’entrée à l’ENA. Sans regret ?

En 1981, elle s’inscrit au Barreau et devient avocate chez Baker McKenzie, un des premiers cabinets d’avocats mondiaux (4 600 collaborateurs dans 35 pays). Elle gravit tous les échelons en 25 ans de carrière. Au passage, elle se marie, elle a deux enfants, puis divorce. Elle va enfin entrer en politique dans le gouvernement Villepin en 2005. Deux jours après sa nomination de ministre déléguée au Commerce extérieur, elle parle de réformer le Code du travail français « compliqué, lourd et constituant un frein à l’embauche », d’où rappel à l’ordre du Premier ministre. Mais elle se basait sur son expérience d’avocate et sera bientôt ministre à part entière.

« Dress, adress, redress. »

Christine LAGARDE (née en 1956), sa devise en VO

Ça sonne mieux en anglais devenu sa première langue de travail qu’en français : soigner son look, être percutante, prendre des décisions et faire le ménage quand il faut.

« Travaillez plus, vous multiplierez l’emploi ; dépensez plus, vous participerez à la croissance ; gagnez plus, vous augmenterez le pouvoir d’achat ! »

Christine LAGARDE (née en 1956), Discours à l’Assemblée nationale, 10 juillet 2007

Son passage au gouvernement Fillon s’inscrit logiquement dans son parcours politique. Elle poursuit en économiste émérite et convaincue dans la droite ligne du « Travailler plus pour gagner plus » cher au président Sarkozy. Pragmatique, elle ajoute : « C’est une vieille habitude nationale : la France est un pays qui pense. Il n’est guère d’idéologie dont nous n’ayons fait la théorie, et nous possédons probablement dans nos bibliothèques de quoi discuter pour les siècles à venir. C’est pourquoi j’aimerais vous dire : assez pensé, assez tergiversé, retroussons tout simplement nos manches ! » Mais avec la crise économique à venir, trouver un travail ne sera pas si simple.

« Entre l’égalité de tous sur la ligne de départ et les performances de chacun à l’arrivée, le travail fait de l’individu le seul responsable de son propre parcours. »

Christine LAGARDE (née en 1956), ministre de l’Économie, Discours à l’Assemblée nationale, 10 juillet 2007

La valeur travail est un concept économique ancien que l’on trouve chez Adam Smith, David Ricardo et surtout au cœur de la théorie marxiste : le prix de vente d’un bien ou d’un service est uniquement fonction de la quantité de travail nécessaire pour sa production ou sa réalisation. Il s’oppose au concept de prix de marché, résultante de l’offre et de la demande, également appelé valeur utilité .

Nicolas Sarkozy a littéralement recyclé le concept dans ses discours de campagne présidentielle gagnante en 2007 – et de nouveau en 2012, mais cette fois sans succès. Selon la gauche socialiste ou communiste, il n’en parle que pour mieux culpabiliser les privés d’emploi, ceux qui ont obtenu une réduction de leur temps de travail, ceux qui n’acceptent pas la précarité, la flexibilité, l’insupportable intensification du travail. Bon exemple de la manière dont le même « mot » peut être entendu et utilisé à des fins opposées.

« Pour faire face à la hausse du prix du pétrole, je conseille aux Français de faire du vélo. »

Christine LAGARDE (née en 1956), prix de l’humour politique 2008

Pour son allure grande dame et pour ce genre de réflexion, Madame la ministre de l’Économie mérite son surnom de « Marie-Antoinette », cette reine trop éloignée de ses sujets  à qui l’on attribue (peut-être à tort) la fameuse répartie visant à la fin de l’Ancien Régime les gens du peuple victimes de disette (sinon de famine) : « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche. » (cf. l’Histoire en citations, n° 1217). Cette ignorance fera son impopularité, avant que la Révolution ne la guillotine.

Les médias ont déjà relevé quelques autres « gaffes » à son arrivée à Bercy. 20 août 2007, juste avant la crise des subprimes qui entraînera la faillite de Lehman Brothers, elle déclare que « le gros de la crise est derrière nous ». Son annonce d’un « plan de rigueur » quelques jours plus tard contraint Fillon à intervenir pour clore la polémique.

« Est-ce que j’ai une tête à être copine avec Bernard Tapie ? »

Christine LAGARDE (née en 1956) en direct à la télé. L’Express, 29 juillet 2008

La plus grosse blague de « Christine Lagaffe » reste attachée à l’affaire ultra-médiatisée CL/Tapie. La Cour de Justice de la République (CJR) est saisie pour examiner les faits et gestes de la ministre dans l’incroyable feuilleton qui conduit l’État à verser 403 millions d’euros à Bernard Tapie. Pourquoi l’ex-avocate, brillante technicienne du droit, a-t-elle fait trancher le litige judiciaire opposant l’homme d’affaires à l’État et au Crédit lyonnais dans le dossier Adidas par un tribunal arbitral privé, au lieu de laisser faire la justice ? La ministre de l’Économie sait qu’elle n’échappera pas aux questions et aux soupçons.

La proposition de son amie Angela Merkel arrive à temps pour la sauver : partir à Washington pour remplacer DSK (lui-même embourbé dans l’affaire du Sofitel de New York) à la tête du FMI. Elle va donc sortir du bourbier judiciaire par le haut.

« Un honneur et une joie. »

Christine LAGARDE (née en 1956), nouvelle directrice générale du FMI sur son compte Twitter. Le Figaro, 29/06/2011

Elle dira bientôt avec une métaphore économique qui lui est familière : « Il faut faire comme on peut en s’aimant un peu soi-même. Il faut entretenir le capital humain dont on dispose. »

Deux succès politiques pour son premier mandat : la reconnaissance du yuan chinois comme monnaie de référence et le lancement d’une réforme du FMI visant à donner plus de poids aux pays émergents.

Mais le 25 mai 2012, elle estime que « les Grecs devraient commencer par s’entraider collectivement en payant tous leurs impôts. » D’où une polémique, étant donné la défiscalisation dont bénéficient les directeurs généraux du FMI. En janvier 2015, à la suite de la mort du roi Abdallah d’Arabie saoudite, pays qui applique la charia et méprise les droits des femmes, elle déclare que ce dirigeant  était « de manière discrète, un grand défenseur des femmes. » D’où polémique !

Seule candidate à sa succession en 2016, elle est reconduite pour un nouveau mandat de cinq ans. Elle démissionnera du FMI pour devenir présidente de la Banque centrale européenne (BCE), succédant à Mario Draghi.

« La stabilité des marchés ne devrait pas faire l’objet d’un tweet par-ci ou d’un tweet par-là. Cela exige de la considération, de la réflexion, du calme, des décisions mesurées et rationnelles »

Christine LAGARDE (née en 1956), nouvelle directrice de la Banque Centrale européenne, Le Figaro, 19 octobre 2019

Dès son arrivée, elle s’agace contre les tweets du président des États-Unis Donald Trump à l’encontre de la Réserve fédérale des États-Unis (FED). Sur la forme, elle dit tout haut ce que tous les gens sensés pensent tout bas.

Elle oublie bientôt son orthodoxie monétaire pour gérer la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, mettant en place le Pandemic Emergency Purchase Programme qui permet à la BCE de faire baisser les taux d’intérêt sur les dettes publiques et de rendre les déficits liés à l’épidémie soutenables. Mais malgré la crise économique, la possibilité d’effacer la dette publique lui paraît « inenvisageable (…) une violation du traité européen qui interdit strictement le financement monétaire des États. »

Première femme à avoir été ministre de l’Économie dans un pays du G8, première femme à avoir exercé les fonctions de directrice générale du FMI (hors périodes d’intérim) et première femme présidente de la BCE, Politico la classe en 2021 parmi les 28 personnalités européennes les plus puissantes d’Europe.

2. Ursula von der Leyen (née en 1957), ministre allemande devenue la voix de la Commission européenne avec une aimable ténacité.

« Sakharov parlait toujours de sa foi inébranlable dans la force cachée de l’esprit humain. »

Ursula von der LEYEN (née en 1957), nouvelle présidente de la Commission européenne, 16 septembre 2020, Ouest-France

Femme d’État allemande née en Belgique (et bilingue allemand-français), membre de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et très proche d’Angela Merkel, plusieurs fois ministre fédérale, (Famille, Travail, Défense), elle semblait une possible chancelière pour remplacer la partante, avant d’être élue par le Parlement européen présidente de la Commission européenne, le 1er décembre 2019.

C’est en français qu’elle a commencé son premier discours sur l’État de l’Union européenne, citant l’opposant soviétique Andreï Sakharov pour rendre hommage aux personnels soignants au cœur de la pandémie : « Leur sens du devoir nous inspire » déclare-t-elle sous les applaudissements des eurodéputés présents à Bruxelles.

Avec la crise sanitaire, « un virus mille fois plus petit qu’un grain de sable nous a montré la fragilité de la vie et d’un modèle économique. Les citoyens veulent sortir du coronavirus et de l’incertitude, ils sont prêts au changement. C’est le moment pour l’Europe de montrer une nouvelle vitalité – un « service minimum » a quand même fini par s’organiser (fourniture de matériels, gants, masques, blouses, etc. vaccins, rapatriements des malades…).

Elle a également critiqué les États membres pour avoir ralenti l’UE sur les dossiers de politique étrangère, pointant l’unanimité nécessaire en la matière : « Qu’est-ce qui nous retient, a-t-elle demandé. Pourquoi même de simples déclarations sur les valeurs de l’UE sont-elles retardées, édulcorées ou retenues en otage pour d’autres motifs ? »

L’inertie des responsables politiques est maintes fois dénoncée par les femmes qui ont souvent plus de sens pratique que leurs confrères, mais quand l’unanimité est requise entre 27 États différents, cela confine à l’inertie.

« Lorsque les États membres disent que l’Europe est trop lente, je leur dis d’être courageux et d’enfin passer au vote à la majorité qualifiée, au moins sur les droits de l’homme et la mise en œuvre des sanctions. »

Ursula von der LEYEN (née en 1957), présidente de la Commission européenne, discours sur l’état de l’Union européenne, 15 septembre 2021

Elle dénonce là encore un « manque de volonté politique… Vous pouvez disposer des forces les plus avancées du monde, mais si vous n’êtes jamais prêts à les utiliser, à quoi servent-elles ? »

La solution est simple, mais le processus est complexe et le débat de fond toujours vif. Certains États se prononcent pour une remise en question de la règle de l’unanimité. Le 9 mai 2022, à l’occasion de la Journée de l’Europe et de la remise des conclusions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, le président Macron s’est dit favorable au vote à la majorité qualifiée dans les principales prises de décisions européennes. Cela implique une révision des traités et les négociations risquent d’être complexes : 13 États membres sur les 27 ont déjà cosigné un texte s’opposant à une telle réforme, tenant à leur droit de veto qui peut toujours tout bloquer.

« Nous devons défendre la liberté d’être qui l’on est, de dire ce qui nous passe par la tête, d’aimer celui ou celle que l’on veut aimer. »

Ursula von der LEYEN (née en 1957), présidente de la Commission européenne, discours sur l’état de l’Union européenne, 15 septembre 2021

Devant un parlement décidé cette fois à faire avancer les droits des personnes LGBTQI+, elle appelle à défendre les valeurs européennes, menacées par le nationalisme conservateur de certains États, au premier rang desquels la Hongrie et la Pologne.

« L’avenir de l’Union européenne s’écrit aussi en Ukraine. Nous présentons aujourd’hui le sixième train de sanctions (…) Nous voulons que l’Ukraine gagne cette guerre. Mais nous voulons aussi mettre en place les conditions nécessaires à la réussite de l’Ukraine après la guerre. Et, à terme, ce plan ouvrira la voie à l’avenir de l’Ukraine au sein de l’Union européenne. Slava Ukraini et vive l’Europe ! »

Ursula von der LEYEN (née en 1957), présidente de la Commission européenne, discours du 4 mai 2022 à Strasbourg

La guerre en Ukraine fait surgir plus que jamais les divisions de l’Europe sur l’aide qu’il convient d’apporter au pays attaqué par son grand voisin russe. Ce long discours énonce clairement et point par point ce qui a été fait, ce qui pourrait être fait pour aider l’Ukraine en guerre, ce qui devra être fait pour la reconstruction d’après-guerre. L’avenir de l’Europe se joue peut-être là et maintenant. Le président Macron semble penser comme la présidente de la Commission, mais le « calendrier des opérations de paix » est nettement différent. Dans cette Histoire en marche, imaginons un instant la parole et l’action d’un de Gaulle, un Clemenceau, un Jaurès ou un Churchill…

3. Michelle Obama (née en 1964), First Lady encore plus charismatique que son mari, sexy, drôle et généreuse, féministe et féminine, elle garde une cote de popularité exceptionnelle.

« Je l’admets : je suis plus forte que l’être humain moyen et je n’ai pas peur de dire ce que je pense. Ces traits de caractère ne viennent pas de la couleur de ma peau mais d’une croyance inébranlable en ma propre intelligence. »

Michelle OBAMA (née en 1964), Memento. Conduite de la vie Prenez en main votre destin, French Edition (2020)

Exceptionnellement, nous ne citerons pas d’autres sources, nous contentant de sélectionner et contextualiser ses meilleures citations, pour cerner le personnage.

Il ne faut pas s’étonner que ses phrases culte soient reprises dans des collections feel-good, tandis que son image inonde les réseaux sociaux, notamment Facebook, et crève l’écran sur You Tube.

C’est très américain et en son temps, la comédienne Jane Fonda s’est livrée au jeu avec talent. Beyonce agit de même aujourd’hui et Madonna (à suivre) est de la même race, en plus professionnelle. C’est aussi une question de mode et de société. Les influenceurs de tout sexe et tout pays fonctionnent de même.

Mais Mrs.O est une ex-First Lady et ça change tout : son image politique, son pouvoir d’agir et sa longévité médiatique.

Née d’une famille modeste, afro-américaine devenue avocate et toujours engagée (notamment dans l’accès aux soins des plus défavorisés), épouse du premier président noir aux USA Barak Obama, elle continue ses actions. Elle fut à plus d’un titre une First Lady remarquable. Intelligente, amoureuse, drôle, sexy, élégante, généreuse, engagée pendant les deux mandats de son époux, elle a fait campagne pour l’éducation des jeunes filles (Let Girls Learn) et lutté contre l’obésité infantile (Let’s Move !). Ils sont très nombreux à regretter Mrs. O. : sa cote de popularité reste au top, elle prit même à Hillary Clinton le titre honorifique de « femme la plus admirée des États-Unis » détenu depuis 17 ans – une autre force de la nature, mariée à un homme assurément plus faible.

« Nous devrions toujours avoir trois amis dans nos vies : un qui marche devant nous, que nous admirons et nous suivons ; un qui marche à nos côtés, qui est avec nous à chaque étape de notre vie ; et puis un qui se trouve derrière nous, que nous allons chercher et que nous amenons avec nous après avoir ouvert le chemin. »

Michelle OBAMA (née en 1964)

Métaphore originale et quasiment poétique. En plus de ses trois amis, citons aussi son mari Barak, à moins qu’il ne soit naturellement et tacitement présent dans ce tiercé gagnant pour elle.

« Mon message aux femmes : faites ce qui vous fait du bien, car il y aura toujours quelqu’un qui pense que vous devriez le faire différemment. Que vos choix soient des succès ou des échecs, au moins, ce sont les vôtres. »

Michelle OBAMA (née en 1964)

Critiquée, contestée, jalousée, elle le fut évidemment au poste qu’elle occupait en tant que femme de président - peut-être l’une des raisons qui l’a empêchée de se lancer à son tour dans la course présidentielle, ce dont certains Américains rêvent encore. Le poste de First Lady fit quand même partie des atouts dans son jeu – outre l’amour qui soude le couple, cette exposition médiatique est unique en son genre. Yvonne de Gaulle et Danielle Mitterrand ont profité de cette place de Première Dame, plus pour faire que pour être. Sans parler d’une autre américaine, Jackie Kennedy, cas très particulier dans un couple hyper-médiatique dont nous savons aujourd’hui à quel point l’image était fausse.

Qualité féminine plus rare chez le « deuxième sexe » cher à Beauvoir la féministe militante, Michelle Obama exprime également sa volonté personnelle et têtue : « Une des leçons que j’ai apprise, c’est qu’il faut toujours rester fidèle à vous-même et quoi qu’on vous dise, ne laissez jamais personne vous détourner de vos objectifs… Ne laissez personne parler pour vous, et ne comptez pas sur les autres pour se battre pour vous. » Les hommes pourraient aussi prendre exemple, même si leur égoïsme et leur volonté semblent plus naturels.

« Les femmes et les filles peuvent faire ce qu’elles veulent. Il n’y a pas de limite à ce que nous, les femmes, pouvons accomplir. »

Michelle OBAMA (née en 1964)

C’est sans doute vrai dans tous les domaines et à chaque époque, nous avons trouvé l’exemple de femmes volontaires, puissantes, hors norme qui en sont la preuve : « Il n’y a aucune limite à ce que nous pouvons accomplir en tant que femmes. » Combien d’héroïnes de cet édito pourraient encore cosigner : « La seule limite à la réussite, c’est l’ampleur de ses rêves et la volonté de faire en sorte qu’ils se réalisent. » Enfin, dernier message d’optimisme et de réalisme : « Il n’y a rien de magique dans la réussite. Il faut simplement travailler dur, faire des choix et persévérer. » Dont acte.

3. Madonna (née en 1958), femme de spectacle complète, première popstar féminine, mégalo assumée contrôlant parfaitement son image et cumulant tous les records statistiques du succès.

« Je ne m’arrêterai pas avant d’être devenue aussi célèbre que Dieu. »

MADONNA (née en 1958), Madonna, Biographie intime (2004), J. Randy Taraborrelli

Madonna Louise Ciccone naît le 16 août 1958 dans le Michigan. Fille d’un ouvrier d’origine italienne, elle a cinq ans à la mort de sa mère. Elle grandit dans la banlieue de Détroit, entourée de ses frères et sœurs : une enfance difficile. Sa belle-mère l’inscrit dans une école catholique : cette éducation va la marquer de manière contradictoire et complexe ! Doutant d’elle quoique très douée pour les études (et boursière), elle part à New York, cumule les petits boulots, s’inscrit à l’American Dance Center, enchaîne les auditions. Elle a trouvé sa raison de vivre : être artiste, et la plus célèbre. Elle sort en 1983 un album de chansons « dance » éponyme : Madonna. Premier succès. Un an plus tard, première tournée et deuxième album : Like A Virgin se vendra à 21 millions d’exemplaires dans le monde. La success-story est bien partie, indissociable du scandale.

« Parfois, je pense que je suis née pour me montrer à la hauteur de mon prénom. Comment pourrais-je être autre chose que ce que je suis en m’appelant Madonna ? C’était soit ça, soit je finissais bonne sœur. »

MADONNA (née en 1958), « The Misfit », Lynn Hirschberg, Vanity Fair, avril 1991

« Je suis le résultat de mes bons et de mes mauvais choix » dira-t-elle souvent. Qu’on l’adore ou qu’on la déteste, son travail acharné va de pair avec une réussite exemplaire.

Désignée par le Guinness des records comme la chanteuse ayant vendu le plus de disques de tous les temps (plus de 335 millions), « The Queen of Pop » surfe sur tous les styles : la dance, le disco, la musique électronique, le rock, le jazz. Elle réinvente son image et sa musique au fil albums et des méga tournées, ignorant les tabous et multipliant les provocations sur la religion, la sexualité, la politique. Se renouvelant sans fin mais toujours elle-même, féminine et féministe à l’extrême, cette star mondiale influence encore les jeunes artistes du XXIe siècle.

« On m’a traité de trainée, de fille de joie et de salope, le genre de fille à toujours finir sur une banquette arrière. Si le public n’arrive pas à passer outre cette image que je renvoie au premier abord, tant pis. »

MADONNA (née en 1958), « Like A Virgin », Carl Arrington (1985) Like A Virgin », People, 11 mars 1985. Wikiquote

En 1985, sa première grande tournée, The Virgin Tour, est une révélation pour ses fans, même si la critique est sévère pour la « bimbo » : « Comme Marilyn Monroe, Madonna incarne et défend une vision de la sexualité féminine, et comme Monroe, elle est souvent rejetée comme artiste. » Playboy et Penthouse publient des photos nues d’elle prises pendant ses jeunes années à New York : « Je n’ai honte d’absolument rien » dit-elle. Son image de blonde sexy lui colle à la peau : « Tout le monde doit penser que je suis une nymphomane délirante, que mon appétit sexuel est insatiable, alors qu’en vrai je préfère lire un bouquin. » Vrai ou faux, Madonna ne sera jamais celle que l’on croit… « J’ai grandi avec deux images de la femme : la vierge et la pute. » Mais pour la promotion de son album Like a Prayer en 1989, elle précise : « Le malsain et le pervers m’ont toujours attirée. » (interview publiée dans le magazine SongTalk).

« Je pense que tout le monde devrait se marier au moins une fois, qu’on se rende compte combien cette institution est absurde et dépassée. »

MADONNA (née en 1958), Madonna’s dressed ! Interview de juin 1993. Wikiquote

Pour s’en persuader, elle s’est quand même mariée deux fois. Première expérience en 1985 avec Sean Penn, acteur (oscarisé), réalisateur, scénariste et producteur américain. Durant quatre ans, bagarres avec les paparazzis et abus d’alcool du mari. La presse évoque des violences conjugales. Il est condamné à 60 jours de prison pour l’agression d’un photographe (peine réduite à 33 jours). En juin 1987, il aurait frappé Madonna à la tête avec une batte de baseball. En décembre 1989, elle porte plainte au poste. Il est arrêté mais, une semaine plus tard, elle se rétracte. Ils mettent fin à leur relation. En 2015, Madonna affirmera sous serment que Sean Penn ne l’a jamais attaquée physiquement : « Ces allégations sont scandaleuses, malveillantes et fausses. » Conclusion ?

« C’est un animal sauvage, et, franchement, je crois que personne ne pourra la dompter. D’ailleurs, c’est sûrement la dernière chose qu’elle souhaite. Je ne la vois pas du tout en mégère apprivoisée ! »

Sean PENN (né en 1960), Madonna, Biographie intime (2004), J. Randy Taraborrelli

Madonna confirme : « Mieux vaut vivre un an comme un tigre, que cent comme un mouton. » Et après un second mariage suivi de divorce,  elle avouera : « Qui pourrait me supporter ? Je suis psychorigide. Je me shoote au travail. Je fais de l’insomnie. Je suis une control-freak. Voilà pourquoi je ne suis pas mariée. »

Elle a quand même six enfants, dont quatre adoptés. Et elle s’en occupe vraiment, quand elle en a le temps – c’est le lot de toutes les stars. Elle a aussi des relations homosexuelles qu’elle ne cache naturellement pas, au contraire : « Quand on veut être artiste, c’est dans la vie qu’on doit chercher son inspiration. »

« J’estime que j’ai déjà une bite dans le cerveau, je n’ai pas besoin d’en avoir une autre entre les jambes. »

MADONNA (née en 1958), Sex (1992)

Elle dit et montre tout (ou presque) dans ce livre illustré - scènes de lesbianisme, sadomasochisme, anulingus, viol, etc… Rien n’est véritablement photographié, tout est suggéré ou simulé, parfois de façon crue. La même année, elle sort son album Erotica. Le sexe est plus que jamais omniprésent dans sa vie, ses shows, ses confessions : « L’essence de la féminité est d’aimer absolument d’être une femme. » Elle smble quand même insaisissable, y compris à elle-même : « Je me sens plus terre à terre quand je suis brune et plus légère quand je suis blonde. C’est inexplicable. Et aussi je me sens plus italienne quand je suis brune. » Sa vie est un show et elle les enchaîne au fil des méga tournées qui se renouvellent toujours.

« Mon spectacle n’est pas blasphématoire. Au contraire, il est divertissant et très instructif ! Sa morale est la suivante : soyez fort, croyez en la liberté et en Dieu, aimez-vous, comprenez votre sexualité, ayez le sens de l’humour, masturbez-vous, ne jugez pas les gens selon leur religion, couleur ou orientation sexuelle, aimez la vie et votre famille. »

MADONNA (née en 1958), conférence de presse très américaine en Italie, réponse à l’Église catholique jugeant son nouveau show « immoral et blasphématoire »

Le Blond Ambition Tour est sa troisième tournée, du 13 avril 1990 à Tokyo au 5 août 1990 à Nice. Au total, 57 dates dont 29 aux USA. Madonna paraît au sommet de sa gloire et de sa beauté – qu’elle parviendra ensuite à conserver intacte au prix d’opérations qu’elle n’avoue pas plus qu’elle ne les nie, cas de pudeur exceptionnel. Le spectacle fait le plein, mais l’Italie est choquée, Rome la dénonce comme « hérétique ». La captation du concert filmée à Nice vaudra quand même à Madonna son premier Grammy Award, en 1992.

En 2006, septième tournée mondiale : le Confessions Tour, 60 dates à travers l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie. Madonna renoue avec la provocation et surenchérit : elle apparait crucifiée pendant l’interprétation de Live to Tell. Le Vatican y voit « un défi blasphématoire à la foi » et le porte-parole de Benoît XVI appelle à son excommunication. Les orthodoxes russes dénoncent « une parodie de la crucifixion du Christ. » La tournée entrainera divers incidents : fausse alerte à la bombe et plainte d’un mouvement de jeunesse conservateur aux Pays-Bas, menaces d’enlèvement par la mafia russe… Mais Madonna assure la totalité des concerts et engrange les recettes - 194 millions de dollars. « Les crucifixes sont sexy parce qu’il y a un homme nu dessus. »

« Je suis le fruit de ma propre expérience. Je suis ma propre œuvre d’art. »

MADONNA (née en 1958), interview en mai 1991 lors du festival de Cannes. « Joyeux anniversaire Madonna » : retour sur ses citations les plus inspirantes à l’occasion de ses 58 ans, dans Grazia, 16 août 2016

Elle fait la promotion du documentaire In Bed with Madonna. Comédienne jouant son propre rôle dans la vie comme à l’écran, on l’a vue dans Recherche Susan désespérément (1985). Les critiques positives pour ses débuts l’on poussée à continuer  : dans le rôle-titre d’Evita (1996), elle reçoit le Golden Globe de la meilleure actrice en 1997. Mais pour le journaliste Samuel Blumenfeld, « Madonna n’a jamais été une comédienne, le label ‘actrice de composition’ ne peut s’appliquer à celle qui n’aura jamais interprété d’autre rôle que le sien. »

En 2020, projet de biopic comme réalisatrice – mais qui d’autre pour jouer Madonna que Madonna ? Suspense à suivre.

« Mes fans gays savent que je ne juge pas leur mode de vie et que je les soutiens. C’est utile pour eux d’avoir quelqu’un qui le dit ouvertement et ils m’apprécient pour ça. »

MADONNA (née en 1958), « Madonna : the Saint, the Slut, the Sensation », Don Shewey, The Advocate (1991)

L’univers de la chanson féminine fournit son lot de figures au panthéon intime de l’homosexualité masculine. De Marlene Dietrich à Mylène Farmer, en passant par Dalida, Barbara, Kylie Minogue, Judy Garland, Barbra Streisand et même Sheila qui a vu son public familial changer quand elle s’est mise au disco. Les disco queen se multiplieront avec Amanda Lear, Gloria Gaynor, Donna Summer…

Madonna analyse sa popularité dans ce créneau particulier : « Je crois que l’une des raisons pour lesquelles la culture gay accepte plus facilement les femmes fortes et les divas est que la tension sexuelle a disparu. Le côté “cul” n’existe pas, si bien que les gays ne traitent avec les femmes que sur un plan intellectuel et émotionnel. »

à son comble avec Dalida : vamp et madone à la voix grave et aux épaules carrées, à la fois forte et fragile, morte suicidée. Le vouloir plaire et la conscience professionnelle de Madonna ont quand même des limites : « Je n’aime pas le drame. S’il faut être « tragique » pour plaire aux gays, alors, rien à foutre ! Je ne plairai qu’aux hétéros. »

« Je me tiens devant vous, comme un paillasson. Enfin, non, comme une artiste féminine. Merci de reconnaître ma capacité à poursuivre ma carrière durant 34 ans, malgré le sexisme flagrant, la misogynie constante et les nombreux abus qui ont pavé ma route. »

MADONNA (née en 1958), prix de la Femme de l’Année à la cérémonie du Billboard, 9 décembre 2016. L’Express, décembre 2016

Madonna profite de cette nouvelle consécration médiatique pour rappeler à quel point le milieu de la musique est misogyne - le mouvement #MeToo existe depuis 2007 aux États-Unis, mais il n’explosera que l’année suivante, suite à l’affaire Weinstein.

Discours poignant d’une quinquagénaire qui a beaucoup donné… beaucoup reçu aussi. Et qui continue, avec la même énergie, la même confiance, préparant son biopic et une prochaine giga tournée, dans une attitude en cela très américaine. Elle a évidemment inspiré Mariah Carey, Beyoncé, voire Céline Dion dans un autre style. Britney Spears (enfant star née en 1981) est un autre phénomène de société made in USA, mais un contre-modèle.

« J’ai toujours le même but que quand j’étais petite fille. Je veux mener le monde. »

MADONNA (née en 1958), Madonna, Biographie intime (2004), J. Randy Taraborrelli

… et devenir « aussi célèbre que Dieu ». Elle a toujours le sens du mot et la sincérité de celle qui n’a plus peur de rien : « J’ai toujours pensé que l’on devait me traiter comme une star. » Il y a quand même une limite : « Je veux être comme Gandhi, Martin Luther King et John Lennon, mais je veux rester vivante ! »

5. Jeannie Longo (née en 1958), coureuse cycliste au long cours dont le palmarès hors norme vaut biographie avec 69 titres nationaux et internationaux, réputation à peine entachée par un soupçon de dopage.

« Maman m’ayant appris à lire, écrire et compter bien avant six ans, j’ai démarré ma scolarité sur les chapeaux de roues. Mais au lycée, ça s’est gâté. Je me suis dissipée. On m’appelait « Calamity Jane », vu mes talents à faire des bêtises ! »

Jeannie LONGO (née en 1958), Jeannie Longo et l’impossible éternité, France Bleu, 18 juin 2013

Née à Annecy, élevée à Saint-Gervais-les-Bains au pays du Mont-Blanc, elle excelle en ski alpin et intègre l’équipe de France universitaire. « Je suis presque venue au vélo par accident. Je m’entraînais à vélo l’été, un jour, on m’a conseillé de prendre une licence de cyclisme pour voir ce que ça donnerait » dit-elle à la télévision en 2000, quand les lecteurs du Parisien la classent parmi les vingt personnalités ayant marqué le XXe siècle – avec Jean-Paul II, Marilyn Monroe, John Kennedy…

Surnommée « Terminator », elle reste aujourd’hui inégalée dans sa discipline : 59 titres de championne de France – toutes disciplines confondues -, 13 titres de championne du monde, 38 records du monde, trois victoires dans le Tours de France féminin et une victoire olympique. Sa fiche Wikipédia donne le détail : vertigineux et illisible pour les non-initiés.

« Le cyclisme est un sport de femme. Un sport physique et tactique, mais aussi esthétique. C’est beau, une femme sur un vélo… »

Jeannie LONGO (née en 1958), Ouest-France, 20 décembre /2012

Féministe à sa manière, fine quoique « carrée » et très musclée avec ses 47 kg pour 1,64 m, fière d’être « l’emmerdeuse » avec un caractère de mec et un esprit de compétition sans limite. Les prises de bec avec ses adversaires sont fréquentes – surtout les plus jeunes… Son individualisme la confina souvent dans l’isolement, sa logique de championne se heurtant à l’incompréhension collective, sa hargne de femme percutante plaidant parfois pour l’athlète persécutée.

C’est surtout sa longévité qui étonne, le double d’une carrière normale. Elle a plusieurs fois décidé d’abandonner pour diverses raisons, mais elle s’est toujours remise en selle et continue d’étonner dans la catégorie séniors. Son secret ? Elle le livre volontiers…

« Je suis totalement bio ! Mon corps ne supporte pas la chimie, pas plus que le parfum ou la lessive. Je ne mange que du frais que je passe un temps fou à cuisiner, et quelques compléments alimentaires. Je suis capable d’efforts intenses, je sais gérer mon corps et emballer mon cœur ! Et je m’entraîne toute l’année, même en plein hiver quand d’autres se bronzent au soleil des tropiques ! »

Jeannie LONGO (née en 1958), Jeannie Longo et l’impossible éternité, France Bleu, 18 juin 2013

Mais l’hygiène de vie irréprochable n’explique pas tout. Son ostéopathe ajoute « une force mentale hors du commun » comme tous les champions. Reste le soupçon de dopage qui va salir une partie de sa carrière et faire de l’ombre à sa légende, même si elle reste populaire. La planète du vélo en est sûre, elle ne serait pas devenue « la Longo » sans Patrice Ciprelli, ancien skieur lui aussi. À la fois mari, mentor, manager, entraîneur, Pygmalion discret surnommé « Le Sanglier », professionnel aguerri, exigeant en matière de discipline sportive, elle forme avec lui un couple fusionnel qui a toujours tracé son sillon de façon marginale, avec ses propres méthodes, sans se mélanger au gros du peloton.

« Une sorte de secte à deux qui a toujours fait bande à part. »

Jeannie LONGO (née en 1958), parole d’un directeur sportif resté anonyme, Jeannie Longo et l’impossible éternité, France Bleu,18 juin 2013

En 1987, elle est contrôlée positive à l’éphédrine à Colorado Springs aux USA, quelques jours après y avoir battu le record des 3 km, et dix jours avant un record de l’heure. Elle est suspendue un mois.

Le 9 septembre 2011, on annonce qu’elle a manqué par trois fois à ses obligations de localisation dans le cadre de la lutte antidopage au cours des 18 derniers mois. L’Agence française de lutte contre le dopage transmet son dossier à la Fédération française de cyclisme qui peut la suspendre pour une durée de trois mois à deux ans. Le 22 novembre, elle est « relaxée de toute poursuite disciplinaire » par la Fédération, l’athlète ne faisant plus partie de la liste des sportifs de haut niveau soumis au contrôle de l’Agence. Mais son mari longtemps soupçonné finira par être condamné le 4 juillet 2018 : un an de prison avec sursis pour importation frauduleuse d’EPO - molécule produite par l’organisme et qui stimule la production de globules rouges, ses dérivés sont utilisée en médecine et comme produits dopants. Tout en plaidant l’amour et la confiance de son public, la Longo se plaignait souvent de ce soupçon qui gâchait tout. La morale de l’histoire est triste.

« Je suis la poupée qu’il a fabriquée ! C’est un vrai tyran, un jusqu’au-boutiste. Chaque fois que j’ai voulu arrêter, il a toujours su me relancer. Si j’ai si longtemps couru, c’est pour ne pas le perdre. Notre lien, c’est le vélo. Sans le vélo, tout est fini ! » 

Jeannie LONGO (née en 1958), Jeannie Longo et l’impossible éternité, France Bleu, 18 juin 2013

Parfois, elle se lâche, déçue, amère, femme trompée. Patrice Ciprelli, mari volage surnommé « Cipré–du–lit » a coaché la jeune cycliste et principale rivale Edwige Pitel, jusqu’à en faire sa maîtresse. Elle évoque l’enfant qu’elle a longtemps désiré, et dont il n’a jamais voulu. Elle n’a jamais caché ses « pensées noires, suicidaires » et ses amis se font du souci…On ignore dans quelle ambiance ils survivent, retirés dans leur beau chalet montagnard de Saint-Martin-le-Vinoux, mais Jeannie continue à y savourer son amour pour la nature : « Je suis en compagnie des rouges-gorges qui cognent au carreau, des mésanges huppées qui s’étirent sur le bord de la fenêtre, avec mes copines les trois chèvres Binette, Binet, et Diabolo ! »

Et le vélo ? « Je n’ai toujours pas l’impression d’être une adulte… Vieillir, c’est une injustice, mais je ne cours pas après une éternelle jeunesse ! » À presque 63 ans, elle vient quand même d’ajouter une victoire à son palmarès. Aux championnats du monde Granfondo à Sarajevo, les 8 et 9 octobre 2021, elle a décroché un nouveau maillot arc-en-ciel, dans sa catégorie d’âge (60-64 ans) : « Elle a écrasé la concurrence », écrit Le Dauphiné.

6. Marie-José Pérec (née en 1968), Guadeloupéenne, sprinteuse charismatique, triple championne olympique, elle réussit même sa sortie ratée, s’engageant pour la promotion des prochains JO de 2024 en France.   

« Quand j’étais athlète, je voulais marquer l’histoire par mes performances sur plusieurs épreuves, je n’ai sans doute pas mesuré ce que ça voulait dire… (un sourire). Jamais je n’ai pensé que ça prendrait une telle ampleur… »

Marie-José PÉREC (née en 1968), Le Parisien, 10 août 2018

Seule athlète française triple championne olympique : en 1992 aux Jeux de Barcelone sur 400 m et deux fois aux Jeux d’Atlanta en 1996 sur 200 et 400 m. C’est aussi la deuxième à avoir réalisé le doublé aux JO sur 200 et 400 m et la première, hommes et femmes confondus, à avoir remporté le titre sur 400 m lors de deux JO  consécutifs.

Elle détient également le record de France du 200 m (21 s 99, 1993), du 400 m (48 s 25, 1996), du 400 m haies (53 s 21, 1995) et du relais 4 × 400 mètres (3 min 22 s 34, 1994).

Au total, ce palmarès en fait la plus brillante athlète française d’après-guerre.

« Il n’y a pas un jour où quelqu’un ne me parle pas de Barcelone ou d’Atlanta, les gens se souviennent de l’endroit où ils étaient. C’était il y a pourtant plus de vingt ans, c’est dingue ! »

Marie-José PÉREC (née en 1968), Le Parisien, 10 août 2018

Ayant raccroché les crampons à 36 ans, la toujours jeune et souriante quinquagénaire n’a pas la moindre nostalgie apparente - tout le contraire d’une Jeannie Longo accro au vélo, catégorie séniors. L’ex athlète est comme une enfant qui s’émerveille en se souvenant : « C’est étonnant, les émotions que le sport procure. Personnellement, je suis exigeante. Pour qu’une performance me touche, elle doit être extraordinaire, quelque chose du niveau d’Usain Bolt (athlète jamaïcain plus grand sprinter de tous les temps, seul à avoir conservé deux titres individuels sur trois olympiades consécutives, 2008, 2012, 2016). Et l’équipe de France de football en juillet (2018, contre la Croatie), pour moi, c’était ça, c’était wouah ! C’est extraordinaire ce qui s’est passé dans les rues, seul le sport peut faire vivre ça. La France a la chance d’organiser beaucoup d’événements, à nous d’être au rendez-vous pour que tout le monde fasse la fête et s’en souvienne. »

« Désormais, je vis comme tout le monde, et c’est trop bien ! »

Marie-José PÉREC (née en 1968),  Le Parisien, 10 août 2018

Icone du sport français, la Guadeloupéenne a intégré avec enthousiasme le comité d’organisation des Championnats d’Europe à Paris en 2020. « Mon rôle me tient vraiment à cœur. Jusque-là, j’étais ambassadrice de la Fédération, mais j’avais besoin de quelque chose de concret, de palpable. À 50 ans, je prends mon petit cartable pour aller travailler. Pour la première fois de ma vie, je suis dans un bureau (rires). Vous n’imaginez pas le bien que ça me fait de ne plus être seulement dans l’image. Pendant ma carrière, j’ai eu la chance de vivre des choses exceptionnelles… Désormais, je vis comme tout le monde et c’est trop bien. » Également impliquée dans l’organisation des JO de 2024, la triple championne olympique voit grand… pour les autres.

Rappelons la fin de sa carrière aux JO de Sydney (Australie), très médiatisée et dramatisée. Marie-Jo ne loge pas au village olympique, mais dans un hôtel plus propice au calme - découvert par les journalistes, elle doit se cloîtrer. Se sentant traquée et victime de menaces, elle décide de quitter l’Australie juste avant les premières séries du 400 m : elle apparaitra sur le tableau des résultats avec un « DNS » (did not start). Malgré toutes les tentatives de son compagnon (l’athlète américain Anthuan Maybank) et des représentants de son équipementier (publicité déjà omniprésente dans le sport de hait niveau), elle quitte le pays. Lors d’une escale à Singapour, le couple est traqué par une bande de journalistes, l’altercation éclate. L’affaire se règle au poste de police, mais fait la une des journaux, l’ambassade de France s’en mêle… et Pérec rentre en France. Sa fuite fut considérée comme un refus de la défaite, un signe qu’elle se sentait incapable de l’emporter sous trop de pressions diverses.

Au printemps 2001 à Paris, elle doit renoncer à la compétition suite à une série de blessures au tendon du pied droit.  En 2003, elle doit participer au championnat du monde à Saint-Denis : une irritation du nerf sciatique l’en empêche. En juin 2004, elle annonce sa retraite sportive - décision prise l’an dernier, mais qu’elle n’arrivait pas à exprimer. Les failles d’une star, sportive ou artiste, fascinent autant que ses forces. En politique, ce n’est pas vraiment le cas.

7. Anne Hidalgo (née en 1959), première maire de Paris succédant au socialiste Bertrand Delanoë, elle a imposé sa loi aux automobilistes, mais « perdu le PS » aux présidentielles de 2022.

« Je n’ai pas de mot assez fort pour exprimer la douleur que je ressens face à Notre-Dame ravagée par les flammes. Ce soir, tous les Parisiens et Français pleurent cet emblème de notre Histoire commune. De notre devise, nous tirerons la force de nous relever. Fluctuat nec mergitur. »

Anne HIDALGO (née en 1959), devant l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019

« Fluctuat nec mergitur », locution latine signifiant « battu par les flots, mais ne sombre pas », devise officielle de la ville de Paris depuis le 24 novembre 1853, par décision du baron Haussmann, préfet de la Seine. C’est rappeler le risque d’inondations auquel la capitale est régulièrement confrontée, hors catastrophe. Janvier 1910, la crue de la Seine inonde la moitié de Paris et transforme les rues en rivières, d’où quelque 200 000 Parisiens sinistrés : les photos en témoignent.

L’eau et le feu, deux périls récurrents. L’incendie de la cathédrale de Paris la nuit du 15 au 16 avril 2019 fait déjà date dans l’histoire. C’est assurément la pire épreuve pour la maire, « grand spectacle » en rouge et noir, médiatisé en direct dans le monde entier. Notre-Dame devrait ressusciter de ses cendres en 2024 – l’année des JO.

Trois ans après le drame, c’est la politique qui va infliger la plus humiliante des défaites à cette socialiste qui succédait à Bertrand Delanoë, maire de Paris de 2001 à 2014, populaire pour sa politique de la ville (espaces verts, tramway, pistes cyclables, Velib et Autolib, crèches, Paris Plages et Nuit Blanche, etc.), sans parler de son coming-out homosexuel et d’un attentat visant sa personne, retiré de la vie politique et laissant place à sa première adjointe, Anne Hidalgo.

« La politique, c’est faire des choses pour que les gens vivent mieux. »

Anne HIDALGO, déclaration au micro d’Europe 1, 19 mai 2021

Déjà en 1954Vision pragmatique, sens du concret, voilà ce qu’elle affiche comme nombre de femmes (politiques et autres).

Au titre de maire, elle a rendu Paris aux piétons et naturellement mécontenté les automobilistes – quelque 12 millions de Franciliens. Les embouteillages ne diminuent pas, la pollution stagne, la dette municipale augmente, les Parisiens émigrent en banlieue ou en province. L’attractivité de la capitale souffre du bruit, de la saleté, des chantiers interminables.

Une campagne de dénigrement vise clairement sa personne (« reine des bobos », trop autoritaire), tandis que son bilan parisien plombe sa campagne présidentielle. Son prédécesseur Bertrand Delanoë sortira de sa retraite politique pour apporter son appui à Macron qui sait se rallier les Noms pouvant servir – c’est de bonne guerre ou pas.

Un an avant les présidentielles, Anne Hidalgo se bat et croit à ses chances. En femme de gauche, elle juge et condamne le président d’« extrême-centre » qui penche malgré tout vers la droite : « Emmanuel Macron est l’incarnation de la reproduction sociale des élites. Il porte une vision très autocentrée, jacobine, colbertiste. Je n’ai perçu dans son travail quotidien ni une modernité qui m’aurait éblouie, ni un rapport à la démocratie qui me donnerait confiance. Le réveil risque d’être difficile pour ceux qui y croient ! » 12 janvier 2017, au micro d’Europe I.
Elle dénonce aussi l›« immense gâchis du quinquennat » de François Hollande. Fin mars 2022, elle recevra quand même son soutien, avec celui de l’ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin. Mais leur poids est quasi-nul.

10 avril 2022, au premier tour des présidentielles, elle obtient 1,7 % des suffrages exprimés, le pire score pour son parti,  trois fois inférieur à celui, déjà très bas, de Benoît Hamon en 2017. Elle recueille 22 936 voix dans la capitale, soit 2,17 % des suffrages. Les socialistes se sont ralliés à Macron ou au panache rouge de Mélenchon et de sa Nupes (Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale). La « rentrée » politique à la mairie est délicate. De retour au Conseil de Paris le  31 mai, Rachida Dati, l’ex-ministre de la justice, sarkozyste et sa rivale de droite, a dégainé la sulfateuse et fustigé son échec à la présidentielle : « 1,7 %, ça fait mal ».

Quant à son destin national, il est évidemment compromis. Sa consœur de droite est également victime de ces élections.

8. Valérie Pécresse (née en 1967), autre perdante du jeu politique, bonne présidente de région (Île de Frannce), elle ne réussit pas à imposer une image crédible de la droite au niveau national.

« Lutter contre la loi du plus fort est mon fil rouge en politique. Et la loi du plus fort, c’est souvent celle des hommes. »

Valérie PECRESSE (née en 1967), Closer en 2015.

C’est une vraie femme politique (de droite), avec un CV classique : ENA et HEC, députée, plusieurs fois ministre, conseillère municipale puis régionale, finalement présidente la région Île de France. Elle a même créé son parti, « Soyons libres », en rupture avec le sien (UMP devenu LR).

Elle a des convictions qu’elle affirme au risque de perdre des électeurs, tout en sachant qu’elle en attire d’autres : « La non-porosité avec le FN et ses affidés est pour moi un marqueur fort de l’identité de la droite et une ligne rouge à ne pas franchir. » Entretien accordé au Journal du Dimanche, décembre 2017. Éternel cas de conscience de la droite. Mais le FN est remplacé par le RN de Marine Le Pen qui ne fait plus peur à la droite classique.

« Aujourd’hui le sujet, c’est la propreté. Moi je veux une région propre. Et rien de tel qu’une femme pour faire le ménage. »

Valérie PECRESSE (née en 1967), Le Petit Journal, Canal Plus, mai 2015

Son bilan à la tête de la région Île de France est jugé raisonnablement bon, même si toutes les innovations pratiques annoncées ne sont pas toujours appliquées, parfois trop coûteuses et même pas de son initiative.

La propreté associée à l’idée de la femme (« de ménage ») n’est heureusement pas l’essentiel : « Ma droite, c’est une droite d’ordre mais aussi d’espoir : comment faire fonctionner l’ascenseur social ? Comment parler à ceux qui n’ont plus de raison de se lever le matin ? La réponse aux problèmes de la France ne peut pas se limiter à la question de notre identité. Il faudra apporter une réponse économique et sociale, qui passe évidemment par la création d’emplois et la libre entreprise », entretien accordé au Journal du Dimanche en décembre 2017.

Autre déclaration (même source) qui annonce la future candidate présidentielle et doit normalement rassembler le maximum de convaincus à la cause européenne : « Je suis eurolucide, mais je ne suis pas eurosceptique. Je ne suis pas d’accord pour un grand chamboule-tout européen qui casserait la source de notre prospérité et notre meilleure protection, même si, évidemment, il faut que l’Europe fonctionne mieux. »

« Je vais ressortir le Karcher de la cave. Cela fait dix ans qu’il y est et il est temps de l’utiliser. Il s’agit de remettre de l’ordre dans la rue. »

Valérie PECRESSE (née en 1967), Entretien accordé à La Provence, 5 janvier 2022 de Valérie Pécresse

C’est une maladresse de sa campagne. Allusion inutile au Karcher sarkozyste, Sarkozy ne la soutiendra pas, ce qui revient à la désavouer aux yeux de sa droite. Cela pouvait aussi éloigner la majorité des citoyens qui ne regrettent pas cette façon de gouverner. Et le Karcher est si peu féminin…
Autre faiblesse de Valérie Pécresse : un manque de présence à la tribune, flagrant dans son grand meeting à Paris, le 13 février 2022, sitôt moqué et critiqué par ses propres alliés politiques parlant de « naufrage ». Les micros étaient malencontreusement coupés, d’où une impression catastrophique à l’image, cependant que l’oratrice parlait dans le vide et perdait ses moyens oratoires (limités).

Au-delà de la forme, il lui est reproché d’avoir utilisé d’entrée de jeu la phraséologie d’extrême droite, avec les mots « grand remplacement » et « français de papier ».

Résultat ? Elle échoue au premier tour avec 4,78 % des suffrages exprimés, arrivant en cinquième position avec moins du quart du score réalisé par François Fillon en 2017. C’est la candidate de la droite de gouvernement ayant obtenu le pire résultat de l’histoire de la Cinquième République lors d’une élection présidentielle. Et avec moins de 5 % des suffrages, l’État ne rembourse les frais de campagne qu’à hauteur de 800 000 €.

« Je remercie les Français. »

Valérie PECRESSE (née en 1967), 31 mai 2022

Les frais de campagne s’élevaient en tout à 7 millions d’euros, dont 2 épongés par LR (redevenu son parti) qui a « la capacité de faire face ». Elle s’était s’est endettée personnellement avec son mari à hauteur de 5 millions d’euros, d’où un appel aux dons pour rembourser les 4,2 millions restant. Elle annonce que l›« objectif est atteint, l’appel aux dons est bouclé et le remboursement des frais de campagne aussi. » Est-ce un signe que tout peut recommencer avec elle comme si rien ne s’était passé ? « Vous m’avez vu gagner. Vous m’avez vu trébucher. Vous m’avez vu me relever. Vous avez découvert ma résistance. Ma vérité. Je ne lâche rien. Ce courage, je veux le mettre à votre service. » Elle reste présidente de région jusqu’en 2028 et « la région capitale » est un tremplin, comme la mairie de Paris…

9. Marine Le Pen (née en 1968), fille de son père en moins extrême (au RN), trois fois candidate à la présidence, elle réussit habilement à changer l’image du parti familial, mais perd ses deux débats d’entre-deux tours face à Macron.

« La mondialisation consiste à faire fabriquer par des esclaves pour vendre à des chômeurs. »

Marine LE PEN (née en 1968), 5 novembre 2010. Site du journal Marianne, « Quand Paris Match remaquille Marine Le Pen »

Marine (pour ses partisans) ou Madame Le Pen (pour ses adversaires) a le sens de la formule et des vérités passe-partout : le bon sens populaire peut approuver et l’extrême gauche pourrait parfois signer. Elle reste malgré tout la fille de son père et la famille Le Pen est marquée par ce gène politique, jusqu’à Marion Maréchal sa jeune nièce (députée à 22 ans, record républicain en France).

Après des études de droit, elle est avocate avant de rejoindre le service juridique du FN (Front national), parti d’extrême droite créé par Jean-Marie Le Pen. Sa vocation politique naît à cette époque et elle décide de s’investir pleinement, élue conseillère régionale, puis députée européenne, en même temps qu’elle acquiert de nouvelles responsabilités au sein du parti et fourbit ses armes de futur animal politique. En janvier 2011, elle prend les commandes du parti et succède à son père, malgré les contestations internes (et masculines) contre ce privilège familial. Elle se présentera trois fois à l’élection présidentielle– et vivra deux débats perdants face à Macron. Elle fait partie du paysage politique français, défendant toujours la souveraineté nationale, assimilant souvent l’Islam à l’islamisme, faisant parfois erreur sur l’Union européenne, sur la vraie nature de Vladimir Poutine… mais elle n’est pas la seule.

« Heureusement qu’elle est mauvaise comme un cochon, qu’elle n’a ni le sens politique ni la culture de son père, sinon je serais très mal. Là, elle nous ouvre un espace… »

Nicolas SARKOZY (né en 1955) à ses collaborateurs, à propos de Marine Le Pen, campagne des élections présidentielles de 2012. La Cause du peuple (2016), Patrick Buisson

À l’époque, Sarkozy était conseillé par Patrick Buisson, son « hémisphère droit » d’ailleurs issu de l’extrême droite. Mais en mai 2012, Sarkozy débattra avec le socialiste Hollande… et il perdra la présidence.

Au prochain tour, en mai 2017, Marine Le Pen se présentera contre Macron… et sera réellement « mauvaise comme un cochon ». Elle le reconnaît elle-même en d’autres termes, malgré un complexe de supériorité affiché au moment du débat.

« Vous savez quoi, Monsieur Macron ? Vous avez un talent fou : vous arrivez à parler sept minutes, je suis incapable de résumer votre pensée ! vous n’avez rien dit ! Rien dit ! C’est le vide absolu, sidéral ! J’attire l’attention des Français : je voudrais quand même qu’ils s’attachent à vérifier que, à chaque fois que vous prenez la parole, vous dites un petit peu de ceci, un petit peu de cela et jamais vous ne tranchez ! On ne sait pas ce que vous voulez […], et honnêtement je trouve ça très inquiétant. Très inquiétant. »

Marine LE PEN (née en 1968), Présidentielle : Le Grand Débat, TF1, 20 mars 2017

Elle décrit déjà le « en même temps » qui restera sur le fond la marque de fabrique du macronisme, tout en pointant le vice de forme du discours de son adversaire dont l’éloquence peut fasciner ou irriter, mais dont le « vide sidéral » (mot repris par Libération) est également dénoncé.

Cela dit, Marine Le Pen a complètement raté son examen de passage médiatique : manque de préparation, méconnaissance des dossiers économiques, lecture brouillonne des fiches, fin d’une campagne épuisante et baptême du feu éprouvant. Au final, elle obtient 33,94 % des voix. Au prochain tour, elle aura fait des progrès.

« Il y a 400 000 pauvres supplémentaires sous votre quinquennat. »

Marine LE PEN (née en 1968), Présidentielle : Le Grand Débat, TF1, 20 avril 2022

Chiffre contesté par l’adversaire, mais c’est vrai, sauf à interpréter les statistiques à sens unique. Sur la plupart des autres thèmes, dans un débat très (trop) balisé pour éviter les dérapages, c’est sa mauvaise foi qui prime. La  question climatique est naturellement abordée, sinon traitée. Mais c’est la règle du jeu dans ce genre de débat.

« Votre programme n’a ni queue ni tête… Vous êtes climatosceptique. »
« Je ne suis pas climatosceptique, en aucun cas, mais vous, vous êtes un peu climato-hypocrite. »

Marine LE PEN (née en 1968) répondant à Emmanuel MACRON (né en 1977), Présidentielle : Le Grand Débat, TF1, 20 avril 2022

Au-delà du néologisme qui pourrait s’appliquer à la majorité des débatteurs sur ce thème « archi-débattu » et si complexe que les spécialistes ne sont naturellement pas d’accord, la candidate du RN a jugé que le candidat LREM représentait « le pire de l’écologie punitive » - autre mot devenu mode, pour tacler les « vrais écolos purs et durs », les intégristes et les adeptes de Greta Thunberg – à venir.

Reste un certain malaise de la candidate censée « incarner l’attitude du pouvoir » selon ses conseillers. Elle est restée sur la défensive, s’efforçant de parler lentement, souriant à tout rompre, sans prendre la main sur le débat face à un adversaire rompu à ce genre d’exercice, quelque peu condescendant et professoral, d’où un certain ennui.

Au final, score perdant de 41,46 %, qualifié d’« éclatante victoire » par Marine Le Pen. Tout est relatif. Elle a quand même réussi la dédiabolisation du lepénisme, si l’on se réfère au score de son père le 21 avril 2002 face à Chirac : 17,79 % des voix.

Il est presque sûr qu’elle ne se représentera pas à la prochaine présidentielle, « sauf événement exceptionnel » dit-elle. Il est tout aussi évident qu’elle restera présente dans la vie politique, sauf si la tentation de la retraite et la passion des chats l’emporte.

10. Diams (née en 1980), rappeuse star dans un créneau très viril, convertie à l’Islam, au voile et à la vie de famille, sa difficulté d’être fait partie de son talent très original.

« Par le passé, j’ai connu la prison des codes de l’apparence et de la beauté. »

Mélanie Georgiades, dite DIAM’S (née en1980) Elle, mai 2015, à la sortie de son second livre autobiographique

Née à Chypre d’un père chypriote grec et d’une mère française, elle arrive en France avec elle à trois ans, après la séparation de ses parents. Naturalisée française, la jeune artiste va se lancer dans le créneau le plus populaire, mais aussi le plus masculin : le rap. Elle se choisit un nom de scène – ou de combat : « Je tombe sur la définition du mot diamant et j’apprends qu’un diamant ne peut être brisé que par un autre diamant et qu’il n’est fait que d’éléments naturels. » (sur Zicline, radio musicale, 2006).

Diam’s monte un groupe avec un ami qui l’initie à la composition. En 2003, elle est disque d’or avec son deuxième album, Brut de femme, et remporte une Victoire de la musique pour le meilleur album rap de l’année 2004. C’est très vite la gloire : disque d’or, de platine, de diamant en 2007. Son quatrième album SOS, sort en 2009.

« Ma France à moi elle parle fort, elle vit à bout de rêves
Elle vit en groupe, parle de bled et déteste les règles
Elle sèche les cours, le plus souvent pour ne rien foutre
Elle joue au foot sous le soleil, souvent du Coca dans la gourde…. »

Mélanie Georgiades, dite DIAM’S (née en1980), Ma France à moi, chanson plusieurs fois reprise en album et en tournée jusqu’en 2009

Politiquement très engagée, elle impose un style personnel, plus scandé que martelé, sur une mélodie envoûtante : « C’est pas ma France à moi cette France profonde / Celle qui nous fout la honte et aimerait que l’on plonge / Ma France à moi ne vit pas dans le mensonge / Avec le cœur et la rage, à la lumière, pas dans l’ombre / Ma France à moi, c’est pas la leur, celle qui vote extrême / Celle qui bannit les jeunes, anti-rap sur la FM / Celle qui s’croit au Texas, celle qui à peur de nos bandes / Celle qui vénère Sarko, intolérante et gênante… »

Marine (Le Pen) aura aussi droit à une chanson moins percutante que bouleversante : « Marine / T’as un prénom si tendre / Un vrai prénom d’ange / Mais dis-moi c’qui te prend / Marine / On ne sera jamais amies / Parce que ma mère est française / Mais qu’je ne suis pas née ici / Marine / Regarde-nous /On est beau / On vient des 4 coins du monde / Mais pour toi on est trop / Ma haine est immense quand je pense à ton père / Il prône la guerre quand nous voulons la paix… » Marine (2004).

Mais en 2010, Diam’s, convertie à l’Islam depuis deux ans, renonce à sa carrière et s’affiche avec le jilbab. Elle publie Autobiographie (2012), puis Mélanie, française et musulmane (2015). En mai 2022, son documentaire Salam (Paix, en arabe) présenté à Cannes en son absence (pour se protéger) donne à voir l’ex Diam’s qui vit aux Émirats arabes unis, remariée (avec un ex-rappeur tunisien) après un divorce, voilée, mère de trois enfants à qui elle dédie ces vers.

« Ils te diront que dans le business seuls les requins survivent
Que la femme est une faiblesse, utile tant qu’elle est furtive… »

Mélanie Georgiades, dite Diam’s (née en 1980), poème en rimes dédié à ses enfants, Mélanie, Française et musulmane (2015)

Féminisme d’écorchée vive, refus de la société de consommation et rejet des médias de masse se mêlent. Diam’s est redevenue Mélanie, toujours engagée, mais par livre interposé : « L’Islam fait partie de la France car il vit dans le cœur de nombreux Français aujourd’hui. Il nous faut accepter cette réalité, non pas comme un échec, ni une capitulation devant un ennemi étranger qui aurait pris nos enfants, mais comme une source d’épanouissement véritable pour moi comme pour des millions de personnes qui ne veulent ni guerre ni conflit, qui n’aspirent qu’à vivre dans la paix et qu’à adorer Dieu. Avoir le droit d’exister, être considérés et respectés, n’être pas rabaissés au rang d’extrémistes ou de radicaux. » Mélanie, française et musulmane.

« Il faut comprendre que j’ai touché la folie du doigt. J’ai été folle. J’ai perdu la raison. J’ai été shootée par des médicaments qui m’éteignaient puis me désinhibaient. »

Mélanie Georgiades, dite Diam’s (née en 1980), interview à l’occasion de son documentaire Salam à Cannes, Le Point, 27 mai 2022

Elle a fait plusieurs tentatives de suicide – la première à quinze ans. En 2003, elle raconte son passé de fille battue par son compagnon dans une chanson, Ma souffrance. Vitaa, artiste qui fit ses premières parties, décrit les pleurs de Diam’s en coulisses après des concerts triomphaux - « la tête vide devant des salles pleines » disait-elle. Son ancienne manageuse relate les scarifications aux bras et visage.

En 2007, elle souffre d’une dépression due à des problèmes personnels - Si c’était le dernier : « J’écris ce titre comme une fin de carrière / Je suis venue j’ai vu j’ai vaincu puis j’ai fait marche arrière / S’il était mon dernier morceau j’aimerais qu’on se souvienne / Que derrière mes balafres ce cachait une reine. »

Diagnostiquée bipolaire, elle alterne entre séjours en hôpital psychiatrique (Vésinet et Sainte-Anne) et carrière d’artiste. Elle décide d’arrêter son traitement : tentative de suicide aux somnifères. Décembre 2008, elle se convertit à l’Islam : cette religion l’a libérée. Elle a trouvé « un sens à [sa] vie » en lisant le Coran un soir à l’île Maurice. Dans un long entretien au Parisien, elle revient sur la question du voile, car on l’attaque encore : « Belphégore, rentre chez toi ! » Elle s’étonne de cette attitude. « Je vois aussi les difficultés d’une femme non voilée, la pression, les jugements, le culte de la beauté dont elle peut souffrir. Moi, j’ai oublié tout ça. Ma beauté, elle est pour moi, mon mari, ma famille. » Elle peut enfin vivre heureuse et cachée, « la tête pleine devant des salles ».

11. Greta Thunberg (née en 2003), très jeune militante écolo, personnalité clivante et culottée.

« Comment osez-vous ? » en VO « How dare you ? »

Greta THUNBERG (née en 2003), Sommet sur le climat, ONU, 23 septembre 2019 à New York

C’est la benjamine de l’histoire - et la Suédoise de 16 ans fait encore plus gamine que son âge, avec sa ou ses longues nattes, son petit visage rond, ses larmes au bord des yeux et sa voix étranglée de fureur. Elle a sidéré le monde en trois mots et un discours haletant (présent sur You Tube). À la tête du mouvement des jeunes pour le climat, elle avait déjà mobilisé sa génération dans la grève du vendredi hebdomadaire.

« Je ne devrais pas être là, je devrais être à l’école, de l’autre côté de l’océan. Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses ! Je fais pourtant partie de ceux qui ont de la chance. Les gens souffrent, ils meurent. Des écosystèmes entiers s’effondrent, nous sommes au début d’une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez, c’est d’argent, et des contes de fées de croissance économique éternelle ? Comment osez-vous ! »

L’adolescente à la tribune fait la leçon aux chefs d’État de la planète, à l’ouverture du Sommet sur le climat. Dans la foulée de ce discours, avec quinze autres jeunes d’Afrique du Sud, des États-Unis, d’Argentine et de France, elle va déposer plainte contre cinq États au nom de la Convention des Nations unies sur les droits des enfants. L’action juridique ne donnera pas lieu à procès, mais le combat continue…

Tout a commencé il y a moins d’un an. Été 2018, à 15 ans, elle proteste à la porte du Parlement suédois contre l’inaction politique face au changement climatique. En novembre, elle lance la grève scolaire pour le climat (Skolstrejk för klimatet). Le mouvement se propage dans le monde après son discours à la conférence de Katowice (Pologne) en décembre 2018 sur les changements climatiques (COP24).

« On n’est jamais trop petit pour faire une différence. »

Greta THUNBERG (née en 2003), décembre 2018 à la COP 24

La 24e COP (Conference of parties) réunit les “parties” signataires de la Convention sur le climat, les États signataires (195 pays + l’Union européenne) s’étant engagés depuis 1992 pour lutter contre les changements climatiques.

Ce sommet sur le changement climatique est la tribune idéale pour la jeune combattante qui fourbit ses arguments. Elle prendra la parole à deux reprises, 4 et 14 décembre, son âge étant son atout et devenant son arme : « Si quelques enfants peuvent faire la une des journaux du monde entier rien qu’en ne fréquentant pas l’école, imaginez ce que nous pourrions tous faire ensemble si nous le voulions vraiment… En 2078, je célébrerai mon 75e anniversaire. Si j’ai des enfants, ils passeront peut-être cette journée avec moi. Peut-être qu’ils m’interrogeront sur vous. Ils vous demanderont peut-être pourquoi vous n’avez rien fait pendant qu’il était encore temps d’agir. Vous dites que vous aimez vos enfants par-dessus tout, et pourtant vous volez leur avenir sous leurs yeux. »

« Nous ne pouvons pas sauver le monde en respectant les règles. Car les règles ont besoin d’être changées. Tout doit changer et cela doit démarrer aujourd’hui. »

Greta THUNBERG (née en 2003), Rejoignez-nous #grevepourleclimat (2019)

« Rien qu’aujourd’hui, nous utilisons 100 millions de barils de pétrole par jour. Il n’y a aucun parti, aucun programme politique pour changer cela. Il n’y a pas de législation pour maintenir ce pétrole dans le sol. Nous ne pouvons donc pas sauver le monde en respectant les règles… »

Le message est clair et le verdict implacable : « Votre inaction détruit notre futur. » Greta Thunberg n’est pas une rêveuse ! « C’est une jeune femme dramatiquement réaliste. Si sa grève scolaire essaime, c’est aussi parce qu’elle arrive à un moment où s’accumulent les prises de conscience… Indispensable sursaut des jeunes pour le climat. » Le Temps, 11 janvier 2019

« Notre maison brûle […] Je veux que chaque jour vous ayez peur comme moi. Et je veux que vous agissiez. Je veux que vous agissiez comme si vous étiez en crise. Je veux que vous agissiez comme si notre maison était en feu. Parce qu’elle l’est. »

Greta THUNBERG (née en 2003), Forum économique mondial (janvier 2019) et Rejoignez-nous (2019), recueil de six discours

Elle rappelle naturellement la métaphore climatique devenue célèbre du président Chirac, au Sommet mondial de Johannesburg en Afrique du Sud, 2 septembre 2002.

Elle reçoit plusieurs prix et distinctions pour son militantisme. En mai 2019, elle fait la couverture du Time qui lui décerne le titre de personnalité de l’année. Classée dans la liste Forbes des 100 femmes les plus influentes au monde, The Guardian et d’autres médias parlent de l›« effet Greta Thunberg ». Cela ne va pas sans réactions contraires et hostiles.

« Beaucoup de gens aiment répandre des rumeurs disant que j’ai des gens ‘derrière moi’ ou que je suis ‘payée’ ou ‘utilisée’ pour faire ce que je fais. Mais il n’y a personne ‘derrière’ moi, sauf moi-même. »

Greta THUNBERG (née en 2003), Libération, 7 mars 2019

Son discours radical et sa renommée mondiale ont fait d’elle la cible de nombreuses critiques et réactions, parfois violentes. On la dit surtout manipulée par son entourage, mais elle se défend avec sa belle énergie.

Elle a des avocats éclairés : « Elle est extrêmement rationnelle, elle ne se base que sur des arguments scientifiques et, comme Spinoza, elle se met à dos tous les hommes politiques du monde : la véracité de ses propos et le courage dont elle fait preuve la rapprochent de Spinoza. Et elle s’exprime publiquement très jeune, comme lui. Elle a une force et une lucidité exceptionnelles. D’ailleurs, elle se prend dans la figure le même genre de critiques que Spinoza qu’on attaquait aussi ad hominem : Greta Thunberg, on l’attaque sur son physique ou sa jeunesse, parce que son discours est factuellement irréprochable. » Frédéric Lenoir. Le Temps, 12 octobre 2019.

Elle a aussi des avocats plus équivoques : « Il n’y a rien à reprocher à une enfant qui veut voir jusqu’où va son pouvoir d’agenouiller les adultes, c’est dans l’ordre des choses. Le pire n’est donc pas chez elle, mais il se trouve chez ces adultes qui jouissent de se faire humilier par l’une de leur créature : un enfant qui fait la leçon aux adultes qui ne mouftent pas et jubilent même de recevoir des coups de leur progéniture, voilà sans conteste matière à conjecturer que nous entrons dans le stade suprême du nihilisme. » « Greta la science », Michel Onfray.com, 23 juillet 2019.

Reste le problème de sa maladie : « Greta Thunberg affiche son Asperger comme un titre de noblesse » déclare Pascal Bruckner dans Le Figaro. « En révélant qu’elle est atteinte d’un autisme Asperger, ses parents en ont fait un bouclier humain inattaquable… » selon Laurent Alexandre dans L’Express, concluant qu’elle aurait plutôt besoin d’un stress minimum et devrait être « retirée des projecteurs ».

Laissons-lui le dernier mot à ce sujet : ce trouble neuro développemental est un « super pouvoir » qui l’a poussée à s’engager : « Si j’avais été ‘normale’ et sociable, j’aurais intégré une association, ou j’en aurais fondé une moi-même. Mais comme je ne suis pas très sociable, j’ai fait la grève de l’école à la place. »

C’est décidément une femme très forte à tout point de vue.

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