Le CV des acteurs de l’Histoire (de Chirac à Macron) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

Cet édito conclut notre série sur le CV des acteurs de l’Histoire, en sept épisodes classés par périodes historiques. Nous vous invitons à les découvrir !

Le CV est l’acronyme du latin « curriculum vitae », déroulement de la vie. Mot courant et commode, il est parfaitement applicable aux personnages de l’Histoire en citations.

Vocation de jeunesse (dans l’armée ou le clergé, les arts ou la politique), petits boulots alimentaires, premiers ou seconds métiers (avocat, médecin, enseignant, historien, journaliste…), galères dorées ou de misère, ambition déclarée ou hasard d’une rencontre, carrière classique ou chaotique, célébrité précoce ou tardive, fin de vie brutale ou confortable, tous les cas existent ! Le destin décide souvent, c’est aussi affaire de caractère. Mais le contexte historique reste le facteur déterminant : guerres de Religion, Fronde, Révolution(s), Commune, Guerres mondiales, Mai 68.

VII. De Chirac à Macron : la politique est devenue un métier avec un personnel politique décrié à tort et à raison.

Histoire contemporaine ou actualité historique ? Oxymore et exercice difficile, mais dans un climat de flou politique, des évolutions se dégagent. Les politiciens de métier n’ont plus la cote, trop semblables dans leur CV, formatés dans leurs discours, impliqués dans des affaires, suspects de mêler intérêts publics et privés, quittant la vie politique pour se reconvertir dans le privé avec profit. De  nombreux énarques sont accusés de technocratie et d’élitisme - l’ENA supprimée en 2021 étant remplacée en 2022 par l’Institut national du service public (INSP). Après la guerre des extrêmes, c’est le déclin des syndicats, la remise en question des partis et de l’Europe, la désaffection publique et l’abstention citoyenne, la France ingouvernable et déchirée, le jeu pervers des fake-news et des réseaux sociaux. Les femmes sont plus nombreuses, un incontestable progrès qui ne relève pas vraiment le niveau. Des exceptions existent naturellement et l’Histoire est toujours à suivre.

37 NOMS : Jacques Chirac – Charles Pasqua – Alain Juppé – Michel Noir – Lionel Jospin – Claude Allègre – Roselyne Bachelot – Jean-Pierre Raffarin – Dominique de Villepin – Nicolas Sarkozy – François Fillon – Christine Lagarde – Michèle Alliot-Marie – Corinne Lepage – Rachida Dati – Bertrand Delanoë – Dominique Strauss-Kahn –  Ségolène Royal – Éva Joly – Arnaud Montebourg – Martine Aubry  - Hollande –  Marine Le Pen – Éric Zemmour – Anne Hidalgo – Valérie Pécresse – François Bayrou – Jean-Luc Mélenchon  - Emmanuel Macron – Édouard Philipe – Nicolas Hulot – Cédric Villani – Bruno Le Maire – Gérald Darmanin – Éric Dupont-Moretti – Jean Castex –  Élisabeth Borne.

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Jacques Chirac : énarque, député, ministre, maire de Paris, président de la République, membre de droit du Conseil constitutionnel.

« Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. »3273

Jacques CHIRAC (1932-2019), Le Monde, 22 février 1988

Formule empruntée à Henri Queuille (radical-socialiste), 21 fois ministre sous la Troisième et la Quatrième République, « petit père Queuille » très populaire. Ce cynisme déclaré permet quand même de dire à peu près n’importe quoi.

« Chaque pas doit être un but. » Mémoires, tome I (2009). Jacques Chirac s’est voué tout entier à la politique et rend compte de son long parcours. Compromis dans diverses « affaires »,  il est passé par des hauts et des bas de popularité. Reste une personnalité malgré tout attachante et très franco-française avec ses défauts qu’il confesse aisément : « Que voulez-vous, je suis Français, et j’adore aller expliquer aux autres ce que je suis infoutu de faire chez moi. » Il se définit d’ailleurs avec une liberté de ton étonnante, chez un professionnel de la politique à ce niveau.

« Lorsque j’engage un combat, il ne me vient pas à l’idée que je puisse le perdre. » L’Express (13 février 1978). On reconnaît l’homme d’action. Pompidou qui lui a donné sa première chance au gouvernement l’appelait « mon bulldozer ». Le 25 mars 1977, à 45 ans, il remporte sa première grande victoire à une élection : la mairie de Paris.

« Un chef, c’est fait pour cheffer. » Le Figaro Magazine, 20 juin 1992. L’autorité est une vertu première, il le fera savoir, et de quelle manière ! Devant la visible impatience de Sarkozy, ministre trop impatient de lui succéder, le président déclare qu’il ne peut y avoir de différend entre eux, pour une raison simple : « Je décide et il exécute. » (interview du 14 juillet 2004). Bernadette Chirac confirme : « Je suis mariée à un homme qui n’est pas corrézien pour rien. Il a un sens de l’autorité bien affirmé. Sa femme doit l’accompagner, le suivre, et ne pas prendre position à tout bout de champ » (Paris Match, juillet 2005). Malgré son autorité de chef proclamée, Chirac complète son autoportrait en montrant, non sans modestie, qu’il sait déléguer : « Si on a pris le soin de bien s’entourer, le collaborateur responsable prend 99 fois sur 100 la décision que vous auriez souhaitée, voire, de temps à autre, une décision meilleure. » D’autres aveux sont plus compromettants…

« Les feux rouges, je les ai grillés toute ma vie, tu crois peut-être qu’on en arrive là en auto-stop ? » Une manière quelque peu cynique d’avouer ses écarts de conduite politique. Même Sarkozy qui a pris modèle sur lui n’aurait pas osé. Quant à son attitude cavalière vis-à-vis des femmes, elle ne passerait sans doute plus après le mouvement #MeToo : « Buvons à nos femmes, à nos chevaux, et à ceux qui les montent. » cité dans Marianne n° 184 (mars 2012). C’est vraiment l’homme d’une autre époque - et une tête d’affiche incontestable.

Charles Pasqua : agent commercial (Ricard), gaulliste, service d’ordre du SAC (Service d’action civique), député français et européen, ministre de l’Intérieur, sénateur.

« Nous allons terroriser les terroristes. »3262

Charles PASQUA (1927-2015), ministre de l’Intérieur du gouvernement Chirac, mars 1986. Citations historiques expliquées : des origines à nos jours (2011), Jean-Paul Roig

Climat de terreur à Paris : les attentats se multiplient et Pasqua répète cette formule qui plaît à l’opinion publique comme à la presse. Au JT d’Antenne 2, le 12 avril, il en donnera une version light ou soft : « L’insécurité doit changer de camp et entre nous et les terroristes, la guerre est engagée. »

Le 7 août, l’Assemblée vote les lois Pasqua, très répressives, justifiées par le ministre : « La démocratie s’arrête là où commence la raison d’État. » Mais à la rentrée, la vague terroriste recommence. L’attentat le plus meurtrier, rue de Rennes, devant le magasin Tati, fait 7 morts, 51 blessés. Entre le terrorisme anarchiste des années 1892-1894 en France, le terrorisme politique du FLN et de l’OAS, en Algérie comme en métropole, et le terrorisme islamiste qui culminera, le 11 septembre 2001, aux États-Unis, la violence prend toutes les formes : attentats, assassinats, enlèvements. Il y a des pays plus ou moins exposés, mais aucun n’est épargné. Il y a des époques plus ou moins violentes, mais au-delà des chiffres, la médiatisation augmente naturellement le « climat d’insécurité ».

Le ministère de l’Intérieur est un poste stratégique et Pasqua l’occupera à deux reprises avec autorité. Il sera lui-même mis en cause dans plusieurs affaires politico-financières, relaxé à quatre reprises et condamné deux fois à de la prison avec sursis. L’impunité n’est plus assurée aux têtes d’affiche – c’est un incontestable progrès dans l’Histoire. Dans l’entourage de Chirac, Alain Juppé et Michel Noir sont d’autres exemples. 

Alain Juppé : diplomate, professeur d’économie à l’IUT de Sceaux, fidèle adjoint de Chirac à la mairie de Paris, maire de Bordeaux, député français et européen, ministre, Premier ministre, impopulaire et compromis dans diverses affaires.

« Un Premier ministre, on le lèche, on le lâche, on le lynche ! »3383

Alain JUPPÉ (né en 1945). La Malédiction Matignon (2006), Bruno Dive, Françoise Fressoz

Il a vécu un court état de grâce, devenu Premier ministre (1995-1997) et maire de Bordeaux. Reconnu par Chirac comme « le meilleur d’entre les hommes de droite », il se rend vite impopulaire par le projet de réforme des retraites, le gel des salaires des fonctionnaires, la déroute des Jupettes (huit femmes débarquées du gouvernement après quelques mois d’exercice) et cette raideur de l’homme qui se dit lui-même « droit dans ses bottes. » Mais le pire est à venir.

En 1998, il est mis en examen pour « abus de confiance, recel d’abus de biens sociaux, et prise illégale d’intérêt » – pour des faits commis en tant que secrétaire général du RPR et maire adjoint de Paris aux finances, de 1983 à 1995. Le 30 janvier 2004, le tribunal correctionnel de Nanterre le condamne lourdement : dix-huit mois de prison avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris et dix ans d’inéligibilité ! L’appel interjeté suspend l’application de la peine, jusqu’à l’arrêt de la cour d’appel. Le 1er décembre 2004, condamnation réduite à quatorze mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité. Juppé vit une traversée du désert qui passe par le Canada… Nombre de commentateurs estiment qu’il paie pour Chirac, reconnu comme responsable moralement.

Michel Noir : député, ministre, maire de Lyon, condamné dans l’affaire Botton, reconverti dans l’entreprise privée.

« Mieux vaut perdre des élections que perdre son âme. »3270

Michel NOIR (né en 1944), Le Monde, 18 mai 1987

Face à la montée du Front national, Chirac Premier ministre a un gros problème et deux conseillers de poids, Édouard Balladur et Charles Pasqua. Le premier, prudent, prône le silence : « Chaque fois que l’on parle de Le Pen, on lui donne de l’importance. » Le second est convaincu que la droite a vocation à s’ouvrir jusqu’au FN.

Et voilà que son ministre du Commerce extérieur, Michel Noir, fait sensation avec cette affirmation stratégique, partout reprise et promue au rang de citation politique ! Un conseil de cabinet est convoqué pour sermonner l’impertinent et les ministres sont priés d’éviter toute polémique, s’ils veulent rester en fonction.

Quant à Michel Noir, c’est une autre histoire. Député du Rhône et maire de Lyon, ministre remarqué, jeune loup politique ambitieux et séduisant promis à un bel avenir national, il jongle avec les millions pour séduire les électeurs et vivre très au-dessus de ses moyens, lié à son gendre et directeur de campagne Pierre Botton, homme d’affaires atteint par la folie des grandeurs et sûr de son impunité. Condamné dans « l’affaire Botton » qui révèle les liaisons dangereuses entre trois mondes, entreprise-presse-politique, Michel Noir doit finalement quitter la vie politique, après condamnation en appel à dix-huit mois de prison avec sursis et cinq ans d’inéligibilité pour recel d’abus de biens sociaux (10 janvier 1996).

En 1998, il reprend ses études et prépare un doctorat de sciences de l’éducation. En 2000, il crée une entreprise située à Villeurbanne avec un neurologue et un informaticien, Scientific Brain Training, spécialisée dans les produits innovants destinés à entraîner et optimiser la mémoire. En 2005, le chiffre d’affaires de SBT atteint 1,8 million d’euros dont 60 % à l’export. Elle entre en bourse l’année suivante. Reconversion réussie dans les affaires – comme avant lui Attali et Tapie, plus tard Raffarin, Villepin, Sarkozy, Fillon, Corinne Lepage, Strauss-Kahn, Montebourg,.

Lionel Jospin : professeur, énarque, diplomate, premier secrétaire du PS, député français et européen, ministre, Premier ministre de cohabitation.

« J’assume pleinement la responsabilité de cet échec et j’en tire les conclusions, en me retirant de la vie politique. »3373

Lionel JOSPIN (né en 1937), Déclaration du Premier ministre, 21 avril 2002

La gauche est hors-jeu et KO, la présidentielle va se jouer à droite toute. Jospin se présente à la télévision et devant ses troupes, visage défait, voix blanche. « Le résultat du premier tour de l’élection présidentielle vient de tomber comme un coup de tonnerre. Voir l’extrême droite représenter 20 % des voix dans notre pays et son principal candidat affronter celui de la droite au second tour est un signe très inquiétant pour la France et pour notre démocratie. Ce résultat, après cinq années de travail gouvernemental entièrement voué au service de notre pays, est profondément décevant pour moi et ceux qui m’ont accompagné dans cette action. Je reste fier du travail accompli… »

Ce 21 avril est l’une des dates chocs des années 1990-2010, avec le non à venir au référendum sur l’Europe et le ressenti émotionnel des attentats du 11 septembre aux USA.

Issu d’une famille protestante qui milite à gauche, Jospin s’est engagé dans le mouvement trotskiste qui attire nombre de jeunes ayant naturellement le cœur à gauche. En 1971, il rejoint le parti socialiste et accompagne les années Mitterrand, député en 1981, premier secrétaire du PS, ministre de l’Éducation nationale dans les gouvernements Rocard et Édith Cresson. Désigné candidat à la présidentielle par la primaire du PS et battu au second tour par Chirac en 1995, il revient au premier plan de la scène politique aux législatives de 1997, avec la victoire de la « gauche plurielle », devenant Premier ministre de la troisième (et plus longue) cohabitation, une originalité constitutionnelle qui étonne le monde, mais enchante les Français à la fois de gauche et de droite.

Il forme un gouvernement d’union, centré sur quelques proches : Martine Aubry, Claude Allègre, Dominique Strauss-Kahn. Principale promesse de campagne : les 35 heures (payées 39), pour favoriser le partage du travail. C’est la mesure la plus populaire, la plus contestée aussi. Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, reste à jamais la « Dame des 35 heures », même si Strauss-Kahn fut le premier à préconiser la réduction du temps de travail (RTT). Il met aussi en place les « emplois jeunes » (contrats aidés). Ancien professeur, Jospin affirme que « l’école est le berceau de la République » et son ami Allègre s’attelle à la réforme.

Claude Allègre : chercheur, ministre de l’Éducation nationale et de la recherche.

« Il faut dégraisser le mammouth. »3344

Claude ALLÈGRE (né en 1937), ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie, 24 juin 1997

Géochimiste de formation et universitaire, chercheur reconnu, médaillé et primé par ses confrères, même si ses prises de position écologiques sur le climat se révéleront « politiquement incorrectes », il a démarré une carrière politique en 1973 en prenant sa carte d’adhérent au Parti socialiste. De 1988 à 1992, il est le conseiller spécial de Lionel Jospin qui le nomme ministre de l’Éducation. Il veut réformer l’enseignement supérieur, en privilégiant les échanges universitaires. Il prévoit aussi une réforme des lycées pour « l’égalité dans la diversité » des filières. Il veut aussi changer les horaires, développer des « activités culturelles et citoyennes ». Projets trop nombreux, mal reçus, mais c’est surtout son langage qui choque le milieu enseignant volontiers susceptible. L’image du « mammouth » fait mouche et devient l’emblème de la contestation. On réfute ses chiffres (sur l’absentéisme des professeurs, la durée de leurs congés) et ses jugements tranchés sur diverses matières (les maths dévaluées par les machines à calculer, l’anglais qui ne doit plus être une langue étrangère pour les Français).

Le mammouth est quand même la plus grosse erreur, le ministre revient sur sa petite phrase, précisant d’ailleurs qu’elle visait l’administration centrale et non les professeurs. Il va ajouter 70 000 emplois au million existant. Mais en mars 2000, Jospin devra sacrifier son camarade d’adolescence et rappeler à l’Éducation le très consensuel et populaire Jack Lang.

En 2008, Claude Allègre décide de ne pas reprendre sa carte du PS et annonce en 2009 son intention de voter pour la liste UMP aux européennes de 2009. Il a également annoncé voter pour Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle de 2012. L’année suivante, il a pris ses distances avec la politique, pour raison de santé.

Roselyne Bachelot : docteure en pharmacie, ministre (Écologie, Santé, Culture sous Chirac, Sarkozy, Macron), animatrice et chroniqueuse télé, personnage médiatique.

« La moitié du nuage d’ozone qui sévit dans la région parisienne est d’importation anglaise et allemande. »3379

Roselyne BACHELOT (née en 1946), ministre de l’Écologie et du Développement durable, Le Parisien, 20 septembre 2003

Citation nommée en 2004, pour le prix de l’humour politique, décerné annuellement par le Press Club. Le plus « drôle », c’est que c’est vrai.

Un mois après la canicule meurtrière d’août 2003 (record non battu en 2022), un rapport du ministère dresse le bilan : « Les durées de vie des composés impliqués dans la pollution photochimique obligent à considérer le problème sur une grande échelle de temps (plusieurs jours) et d’espace (sur des distances de plusieurs milliers de kilomètres). La pollution par l’ozone peut ainsi affecter des territoires éloignés des sources : les émissions de polluants émis en Allemagne ou en Grande-Bretagne peuvent venir affecter la qualité de l’air en Alsace ou en Île-de-France ; la réciproque est vraie. Cet impact à longue distance dépend des conditions météorologiques et géographiques : alors qu’il n’y a pas d’obstacle naturel au transfert de pollution entre la France, l’Allemagne et l’Angleterre, la barrière que constituent les Alpes isole l’Italie du Nord. »

Après 40 ans de vie politique, Roselyne Bachelot quitte l’arène en 2012, oublie son doctorat de pharmacie et ses débuts de praticienne et de conseil, pour se lancer dans une carrière médiatique. Avec son franc-parler et son exubérance, elle rejoint « Le Grand 8 » présenté par Laurence Ferrari, passe de chronique en chronique jusqu’à animer en 2018 « L’Heure de Bachelot » où elle décrypte avec ses invités les grands sujets de l’actualité du jour. Bref retour à la vie politique, appelée par Macron à la Culture  en 2020 : terrain de jeu irrésistible où cette femme très cultivée ne prendra pas trop de risques ni de coups… avant de redevenir chroniqueuse sur BFM-TV et invitée des Grosses têtes de RTL.

Jean-Pierre Raffarin : député européen, sénateur, Premier ministre, vice-président du Sénat, éphémère chroniqueur télé, reconverti dans les affaires avec la Chine.

« La route est droite, mais la pente est forte. »3376

Jean-Pierre RAFFARIN (né en 1948), nouveau Premier ministre à l’Assemblée, 3 juillet 2002

Au lendemain des législatives gagnées dans la foulée de la présidentielle, Chirac réélu par défaut (face à Le Pen au second tour) surprend en choisissant un Premier ministre giscardien, plutôt centriste : « La politique, ce n´est pas un sport, ce n´est pas une équipe contre une autre : on est tous l´équipe de France. » Malgré tout, Raffarin a le cœur à droite : « La France n’est encore, dans son chemin du paradis, qu’au purgatoire puisqu’il reste des socialistes. »

L’homme affiche sa modestie : « Les têtes qui gonflent sont celles qui éclatent. » Il se décrit lui-même : « J´ai mes rondeurs, mais j´ai mon énergie. » Il a un physique et une mentalité de sénateur – il est d’ailleurs sénateur de la Vienne, élu et réélu, et retournera au Sénat, après trois années passées à Matignon, trois fois renouvelé pour trois gouvernements successifs : « Je suis le pilote de l´Airbus gouvernemental. »

Populaire au début, dans « la France d’en bas » comme dans « la France d’en haut », réformateur – « Il faut mettre en place la République du bon sens » –, il se montre ferme face aux grèves et aux manifestants – retraite, décentralisation, assurance-maladie. Face aux éternels chantiers, aux problèmes récurrents : « La route est droite, mais la pente est forte », autrement dit, on voit bien ce qu’il faut faire, mais ce ne sera pas facile. Sarkozy, ministre de l’Intérieur en 2002, va le gêner plus encore aux Finances, en 2004. Le non au référendum sera le coup de grâce en 2005, pour ce député européen qui a dit aussi : « Mon oui est plus qu´un non au non. »

En trois ans, Raffarin s’est fait remarquer par toutes les formules dont il émaille ses discours. Citons encore : « Les jeunes sont destinés à devenir des adultes » ; « Les veuves vivent plus longtemps que leur conjoint » ; « La France est forte, quand c´est une force qui va et qui sait où elle va » ; « À force de penser au pluriel la politique, certains ont oublié le singulier de la France » ; « L´Europe à laquelle nous devons penser demain, ce n´est pas l´Europe d´hier. »

En juin 2017, il annonce son retrait de la vie politique pour se consacrer à Leaders for Peace, une ONG qui alerte sur les risques de guerre. Attiré par le monde médiatique, il tente une carrière de chroniqueur auprès de Laurent Delahousse. Suite à cet échec, il devient le représentant spécial du ministère des Affaires étrangères pour la Chine et siège au sein de diverses entreprises chinoises. Il n’est pas le seul des Premiers ministres ainsi reconvertis…

Dominique de Villepin : diplomate, écrivain, avocat, ministre (Affaires étrangères et Intérieur), Premier ministre, impliqué dans l’affaire Clearstream, reconverti avec succès dans des activités financières.

« Et c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent comme le mien, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie. Un pays qui n’oublie pas et qui sait tout ce qu’il doit aux combattants de la liberté venus d’Amérique et d’ailleurs et qui pourtant n’a jamais cessé de se tenir debout face à l’Histoire et devant les hommes. Fidèle à ses valeurs, il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur. »3378

Dominique de VILLEPIN (né en 1953), Discours au Conseil de Sécurité à l’ONU, 14 février 2003

On se rappelle la situation historique, beaucoup approuvent ce beau et juste discours, mais personne ne peut se rappeler une phrase aussi alambiquée. En bref, la France refuse la guerre d’Irak et se désolidarise des États-Unis. Jacques Chirac s’opposant ainsi à Georges W. Bush acquiert une notoriété internationale. Mais les relations de la France avec les États-Unis deviennent détestables… avant de se normaliser à la commémoration du débarquement en Normandie.

Ministre des Affaires étrangères (2002-2004), puis de l’Intérieur (2004-2005), Villepin est nommé Premier ministre le 31 mai 2005. Avec Pompidou et Barre, c’est la troisième personnalité sous la Cinquième à devenir chef de gouvernement sans avoir brigué un mandat électif au suffrage universel avant son entrée en fonction - et le seul à ne s’être jamais présenté par la suite à une élection au suffrage universel.

Durant sa fonction, la France connaît une forte croissance, le chômage baisse continuellement, l’endettement public est contenu, la charge de la dette publique réduite. Il quitte la tête du gouvernement le 17 mai 2007, quand Sarkozy (son pire ennemi) devient président. Entre temps, l’affaire Clearstream née en 2004 va faire la une des médias, Sarkozy ayant annoncé : « Un jour, je finirai par retrouver le salopard qui a monté cette affaire et il finira sur un croc de boucher. » Au terme d’un feuilleton de sept ans, le procès se tient devant la cour d’appel de Paris en mai 2011. Le parquet requiert 15 mois de prison contre Dominique de Villepin, finalement relaxé le 14 septembre 2011.

Entre temps, en janvier 2008, Villepin est devenu avocat au barreau de Paris sur dossier (licencié en droit, diplômé de l’IEP de Paris, énarque, haut fonctionnaire public). Il ouvre son cabinet : « Villepin International » devient bientôt une société commerciale pratiquant le lobbying international : « conseil en management et en stratégie, analyse des risques politiques et des enjeux économiques, réalisation d’études, d’audits et de préconisations, tenue de conférences et de forums, intermédiation en vue de rapprochements, présentation et publication d’exposés ou d’analyses ». Son réseau en Iran, au Venezuela ou au Qatar lui permet d’intervenir dans le flux d’affaires entre pays émergents. Mais comme son prédécesseur Raffarin, il s’investit surtout dans les relations franco-chinoises, considéré comme « très proche du président chinois Xi Jinping », créant aussi deux sociétés à Hong Kong, paradis fiscal et porte des transferts financiers avec la Chine. Selon le journaliste Clément Fayol, il « aiderait des entreprises chinoises à se développer en Afrique et en Europe dans l’aéronautique, les infrastructures, les assurances, parfois en concurrence avec des entreprises françaises. » (Ces Français au service de l’étranger). Ministre médiatique, Villepin est un entrepreneur discret dans cette seconde vie.

Nicolas Sarkozy : avocat d’affaires, maire de Neuilly-sur-Seine, député, ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, président du RPR, ministre de l’Intérieur, ministre de l’Économie et des Finances, président du conseil général des Hauts-de-Seine, président de l’UMP, président de la République, administrateur de sociétés et positions internationales.

« La croissance, j’irai la chercher avec les dents. »3415

Nicolas SARKOZY (né en 1955), en campagne présidentielle, mars 2007. Le Spectacle du monde, nos 536 à 540 (2007)

Expression carnassière du candidat, répétée avec des variantes présidentielles et inspirée par Chirac, son père en politique. Ce volontarisme affiché aboutira à quatre lois pour plus de liberté et de concurrence, au prix d’une déréglementation de l’économie trop corsetée : loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat de l’été 2007, surnommée « paquet fiscal », destinée à accroître l’activité économique et donc l’emploi ; loi pour le développement de la concurrence en automne ; loi pour le pouvoir d’achat, en janvier 2008 ; loi de modernisation de l’économie en août 2008, inspirée du rapport Attali. La crise financière (mondiale) en décidera autrement. L’échec n’est donc pas imputable au président.

« Ceux qui ne peuvent supporter d’être haïs ne doivent pas faire de la politique. Il n’y a pas de destin sans haine. » Phrase prémonitoire de 2007, d’un animal politique ayant déjà connu une traversée du désert. Éloigné du pouvoir par Chirac (qu’il a trahi pour Balladur), il reviendra au gouvernement, plus que jamais détesté par les chiraquiens. Aucun président n’aura atteint si vite une telle cote d’impopularité, quand Fillon Premier ministre se maintient au-dessus de la moyenne.

Forme agressive, mouvement perpétuel, hyperactivité, omniprésidentialité, avec des maladresses ou des  provocations, des actes démagogiques et des volte-face fréquentes. Cela masque les éléments positifs du bilan, le courage de faire passer des réformes impopulaires (retraite, service minimum, sécurité routière), utiles (autonomie des universités, révision générale des politiques publiques)… Mais la seconde campagne présidentielle tournera au référendum « antisarkozy ».

Suite à de nombreux échecs politiques et impliqué dans une série d’affaires judiciaires (relations financières avec Kadhafi, financement illégal de campagne, corruption et trafic d’influence…), Sarkozy s’est mis en retrait de la vie politique en 2016, même s’il garde une influence à droite et soutient personnellement Macron. Il rejoint le conseil d’administration du géant hôtelier AccorHotels et intègre le conseil d’administration du groupe des casinos Barrière en 2019. Rappelons la longue liste des hommes politiques reconvertis dans les affaires, le plus souvent avec profit et discrétion : Attali, Tapie, Noir, Raffarin, Villepin, Sarkozy, Fillon, Corinne Lepage, Strauss-Kahn, Montebourg.

François Fillon : député, maire, président du conseil général de la Sarthe, ministre, Premier Ministre, retiré de la vie politique suite à sa condamnation, reconverti en homme d’affaires.

« Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite, je suis à la tête d’un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique, je suis à la tête d’un État qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. »

François FILLON (né en 1954), 21 septembre 2007, Calvi, Le Monde

Homme discret (à l’excès ?), il s’est rarement lâché comme dans cette citation. Entré en politique comme assistant parlementaire, puis conseiller ministériel de Joël Le Theule, député-maire RPR de la Sarthe dont il devient l’ami très proche, lui-même extrêmement discret sur sa vie privée de célibataire présumé homosexuel et mort d’une crise cardiaque à 50 ans. Fillon reprendra ses mandats locaux. Proche du gaullisme social de Philippe Seguin, il multiplie ensuite les postes ministériels et concourt chaque fois à diverses réformes structurelles.

Premier ministre durant tout le quinquennat de Sarkozy, il endure cette charge et forme trois gouvernements successifs en cinq ans. Sarkozy prend les coups et la lumière des projecteurs, Fillon restant le plus populaire dans le couple (fait inhabituel). Ses ennuis commencent après 2012.
Élu député à Paris, candidat à la présidence de l’UMP (place idéale pour un futur candidat aux présidentielles de 2017), il s’oppose à Jean-François Copé dans une guerre des chefs fratricide, tradition de droite dont la presse se fait l’écho. Les deux hommes finissent par conclure un accord et Fillon l’emporte en 2016 contre les favoris Juppé et Sarkozy dans la primaire présidentielle de la droite et du centre, avec un programme qualifié de « libéral-conservateur » et des petites phrases qui visent naturellement ses concurrents : « Il ne sert à rien de parler d’autorité quand on n’est pas soi-même irréprochable !… Qui imagine un seul instant le Général de Gaulle mis en examen ? » (28 août 2016, à Sablé-sur-Sarthe).

C’est alors qu’éclate « l’affaire Fillon » : des révélations remettent en cause sa probité, impliquant sa très discrète épouse Pénélope. Fillon dément, résiste et maintient sa candidature, arrivant troisième avec 20 % des voix. La justice suivant son cours, il sera condamné en mai 2022 et en appel : quatre ans de prison dont un an ferme, dix ans d’inéligibilité, une amende pour complicité de détournement de fonds publics - emploi fictif de son épouse, elle aussi condamnée.

Fillon se retire de la vie politique et devient membre du conseil d’administration de deux sociétés russes (exploitation des gisements d’hydrocarbures et pétrochimie). En février 2022, la guerre en Ukraine rend ses affaires suspectes d’une forme  de complicité avec Vladimir Poutine.

Christine Lagarde : avocate d’affaires, ministre de droite parfois maladroite, promue directrice du FMI, puis présidente de la BCE.

« Travaillez plus, vous multiplierez l’emploi; dépensez plus, vous participerez à la croissance; gagnez plus, vous augmenterez le pouvoir d’achat ! »

Christine LAGARDE (née en 1956), Discours à l’Assemblée nationale, 10 juillet 2007

Son passage au gouvernement Fillon s’inscrit dans son parcours politique. Elle poursuit en économiste convaincue dans la droite ligne du « Travailler plus pour gagner plus » cher au président Sarkozy. Pragmatique, elle ajoute : « C’est une vieille habitude nationale : la France est un pays qui pense. Il n’est guère d’idéologie dont nous n’ayons fait la théorie, et nous possédons probablement dans nos bibliothèques de quoi discuter pour les siècles à venir. C’est pourquoi j’aimerais vous dire : assez pensé, assez tergiversé, retroussons tout simplement nos manches ! »

Christine Lagarde, née Lalouette dans une famille d’enseignants, passe son bac au Havre avant de partir aux États-Unis -  sa pratique de l’anglais se révèlera un atout essentiel. Diplômée, après un stage au Capitole, elle poursuit ses études à Nanterre et à la faculté de droit de Paris X, obtient deux masters (anglais et droit social). Bref, une bonne élève, avec un échec : elle rate deux fois le concours d’entrée à l’ENA, sésame pour la haute fonction publique. Sans regret ? « Il vaut mieux faire face au risque de l’échec plutôt que de vivre avec le regret de ne pas y être allée. »

En 1981, elle s’inscrit au barreau et devient avocate chez Baker McKenzie, un des premiers cabinets d’avocats au monde (4 600 collaborateurs dans 35 pays). Elle gravit les échelons en 25 ans de carrière. Au passage, elle se marie, a deux enfants, puis divorce. En 2005, elle entre en politique dans le gouvernement Villepin. Deux jours après sa nomination de ministre déléguée au Commerce extérieur, elle parle de réformer le Code du travail français « compliqué, lourd et constituant un frein à l’embauche », d’où rappel à l’ordre du Premier ministre. Mais elle se basait sur son expérience d’avocate et sera bientôt ministre à part entière. « Dress, adress, redress ». Telle est sa devise et en anglais, sa première langue de travail, ça sonne mieux qu’en français : « Soigner son look, être percutante, décider quand il faut ».

Ministre de l’Économie en 2008, elle est compromise dans l’arbitrage privé censé solder l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais vieille de plus de 25 ans pour en finir avec les « années fric » : 405 millions d’euros d’argent public attribués à l’homme d’affaires, c’est quand même excessif. Interrogée en direct le 28 juillet sur France 3, elle se justifie devant quelques millions de téléspectateurs stupéfaits, avec un argument peu juridique pour une avocate : « Est-ce que j’ai une tête à être copine avec Bernard Tapie ? » Elle était en mauvaise posture quand son amie Angela Merkel la propose au poste envié de directrice du FMI. Taxée de « négligence », jugée coupable en décembre 2016 par la Cour de justice de la République, elle sera dispensée de peine (Tapie étant définitivement condamné en cassation à rembourser la somme, en mai 2017).
Même chance, quand Christine Lagarde se retrouve à la tête de la Banque centrale européenne en 2019. Et nouvelle occasion d’appliquer sa devise : « Dress, adress, redress ».

Michèle Alliot-Marie : assistante et maître de conférences à l’Université, avocate, maire, députée, ministre (Justice et Défense).

« Les voix, nous irons les chercher avec les dents ! »3471

Michèle ALLIOT-MARIE (née en 1946), à Pau, Sud-Ouest, 3 mars 2012

Retour de MAM devant les militants UMP des Pyrénées-Atlantiques. Profitant de l’inauguration d’une permanence rénovée avant de se rendre au meeting de Sarkozy à Bordeaux, elle se lance dans un discours combatif et reprend la formule carnassière du président, d’ailleurs empruntée à son ex mentor en politique, Chirac.

Ministre dans les gouvernement Chirac (1986-1988) et Balladur (1993-1995), sa carrière politique culmine en 2002-2011. Elle enchaîne les quatre ministères régaliens (Défense, Intérieur, Justice et Affaires étrangères), record national tous sexes confondus. Toujours députée UMP des Pyrénées-Atlantiques, maire de Saint-Jean-de-Luz, elle reste une personnalité de la droite gaulliste. Elle doit démissionner en 2011, déconsidérée par son attitude dans la révolution tunisienne, mais avec « le sentiment de n’avoir commis aucun manquement. » Si « droit dans ses bottes » peut se conjuguer au féminin, l’expression de Juppé est faite pour elle.

Toujours active en politique, elle parraine Laurent Wauquiez en vue du congrès des Républicains de 2017 et entre ensuite au bureau politique de LR. Mais elle sera mise en examen en février 2019 pour « prise illégale d’intérêt », comme beaucoup de personnalités politiques dans l’entourage de Sarkozy.

Corinne Lepage : avocate, écologiste, (première) ministre de l’Environnement, créatrice de Cap 21.

« On ne peut rien faire, Madame le ministre… »

Corinne Le PAGE (née en 1951) Titre de son livre (1998)

Combien de fois cette phrase n’a-t-elle pas été prononcée pour justifier l’immobilisme que Corinne Lepage, ministre de l’Environnement du gouvernement Juppé de 1995 à 1997, cherchait à combattre ? C’est parce qu’elle croyait possible une révolution dans ce pays qu’elle a choisi de décrire la réalité du terrain : les ministres sont sous haute surveillance, les grands corps de l’État font leur propre politique sans rendre de comptes à personne, les lobbies exercent par personnes interposées un pouvoir de blocage absolu. La loi n’est pas la même pour tous, le secret, l’opacité, le mensonge constituent la règle. Plus frustrant et injuste, l’Environnement est détesté par les autres ministères prêts à torpiller toutes ses initiatives. Ce constat n’est pas désespéré. Les solutions existent, à la portée de citoyens soucieux de relégitimer la politique. Mais depuis plus de vingt ans, au-delà des beaux discours, malgré les marées noires, les catastrophes écologiques et le réchauffement climatique, rien n’a concrètement changé, ou si peu…

CAP21 (pour « Citoyenneté, action, participation pour le XXIe siècle ») est initialement un club de réflexion politique français, créé en 1996 par Corinne Lepage, et une association tendant à porter sur le terrain juridique des questions environnementales. Il se transforme en parti politique en 2000.

Reste une victoire à son actif : 12 décembre 1999, en pleine tempête sur le Finistère, l’Erika, pétrolier battant pavillon maltais, coule. 31 000 tonnes de fuel dérivent et vont polluer 400 kilomètres de côtes, tuant plus de 150 000 oiseaux… Après sept ans d’enquête, le procès de l’Erika commence le 12 février 2007 : quatre mois d’audience, quinze inculpés, quarante-neuf témoins et experts, une cinquantaine d’avocats. Le tribunal correctionnel de Paris rend son jugement le 16 janvier 2008 : 300 pages retracent l’historique et les fautes commises, le groupe Total étant reconnu coupable de pollution maritime et condamné à verser 192 millions d’euros. L’armateur, le gestionnaire et l’organisme de certification du navire sont déclarés coupables de faute caractérisée. Le principe du « pollueur payeur » est clairement validé et, pour la première fois, le droit reconnaît le préjudice écologique en tant que tel. Le 25 septembre 2012, la Cour de cassation confirme toutes les condamnations déjà prononcées depuis treize ans et ajoute à la responsabilité pénale une responsabilité civile pour le groupe Total. Pour Corinne Lepage, avocate de dix communes du littoral, « c’est un très grand jour pour tous les défenseurs de l’environnement. »

Rachida Dati : carrière chaotique et contestée de ministre de la Justice, députée européenne, maire du 7e arrondissement de Paris.

« Voilà une drôle de personnalité qui va d’échec en échec, de parachutage en parachutage, de trahison en trahison. »

Rachida DATI (née en 1965), Le Parisien, 19 janvier 2017

Elle-même très attaquée (sur sa présence au Parlement, ses dépenses, ses états de service… et surtout les moyens pour arriver à ses fins), elle riposte, attaque et dézingue tous azimuts Nathalie Kosciusko-Morizet (sa rivale finalement retirée de la vie politique) et Brice Hortefeux (« porte-flingue » de Sarkozy, mis en examen comme nombre de ses collaborateurs zélés), mais aussi Sarkozy lui-même et Juppé. Mise elle-même en examen pour « corruption passive », « trafic d’influence passif » et « recel d’abus de pouvoir » en 2021, elle dénonce une instrumentalisation de la justice, nie toute irrégularité et fait appel de cette décision

Rachida Dati fait partie de cette nouvelle génération de femmes politiques qui « assure » sans complexe et qui encaisse à tous les sens du mot. C’est aussi le symbole de la « diversité » : première femme maghrébine à la tête d’un ministère régalien, même si elle évite d’avancer cet argument à son actif.

Bertrand Delanoë : député, sénateur, maire de Paris, retiré de la vie politique.

« Le vrai changement au PS, ce serait de gagner. »3439

Bertrand Delanoë (né en 1950), maire de Paris, et socialiste, prix Press Club, humour et politique, en 2009

Delanoë a mal accepté le choix de Ségolène Royal pour représenter son parti en 2007, il augure mal de la bataille des primaires socialistes avec Dominique Strauss-Kahn, alias DSK en favori, cependant que le parti semble endormi, malgré les efforts du Premier secrétaire, Hollande à partir de 1997, remplacé par Martine Aubry en 2008. Alors, il dit ce qu’il pense. Et les militants désespèrent, les sympathisants sympathisent de moins en moins. La droite n’est pas plus adroite pour autant et les extrêmes pourraient en profiter. Là est le risque.

Delanoë a souvent fait bande à part au Parti socialiste : élu maire de Paris en 2001 (avec l’appui des Verts), réélu en 2008, assuré de son poste jusqu’en 2015, il mène sa politique de la ville, accusé de « clientélisme », reproche plus souvent fait à la droite. Contestée par les uns, populaire auprès des autres - les piétons de Paris qui retrouvent leur espace, les « vélolibistes » qui roulent tranquille et pas cher, les « plagistes sur Seine » qui profitent de l’été, les fans de la Nuit blanche annuelle… et tous les « bobos », nouvelle catégorie sociale des bourgeois bohèmes, privilégiés originaux. Les homosexuels (parisiens) en font souvent partie et le coming out du sénateur Delanoë marque les esprits, le 22 novembre 1998, dans l’émission « Zone Interdite » sur M6 : peu de politiciens parlent de leur homosexualité.

Il s’est retiré de la vie politique en 2014, laissant place à sa première adjointe, Anne Hidalgo. Vivant désormais à Tunis (sa ville de naissance), il se fait discret. Il a quand même soutenu la candidature de Macron en 2017 et 2022.

Dominique Strauss-Kahn : professeur, avocat d’affaires, député, ministre, « personnalité politique préférée des Français » (en 2009, ex-æquo avec Chirac), président du FMI, arrêté dans sa course à la présidence par une série d’affaires (sexe et argent).

« L’argent, les femmes, ma judéité. »3452

Dominique STRAUSS-KAHN (né en 1949), propos d’avril 2011. Édition française du Jerusalem Post, 19 mai 2011

Alors que certains soutiens de DSK émettent l’hypothèse d’un complot ou d’un piège dans l’affaire du Sofitel de New York, Strauss-Kahn lui-même, devant un journaliste de Libération, avait énoncé les trois points faibles pouvant lui porter préjudice dans sa course de favori à la présidence, peu avant que l’affaire éclate le 14 mai 2011.

C’est d’abord une affaire judiciaire de droit commun : DSK, président médiatique du Fonds monétaire international, est accusé par Nafissatou Diallo, 32 ans, guinéenne employée comme femme de chambre, d’agression sexuelle, tentative de viol et séquestration. La juridiction de l’État de New York le met en détention provisoire et engage une procédure pénale. Il nie les accusations et fait savoir qu’il plaidera « non coupable ». Il bénéficiera finalement d’un non-lieu au pénal, avant qu’un accord financier impliquant le versement de plus d’un million de dollars à la plaignante ne mette fin l’année suivante à la procédure civile. Cette saga médiatico-judiciaire aura duré plus de 18 mois et fait le tour du monde. DSK  sera mis en cause dans d’autres affaires de mœurs qui se soldent par un classement sans suite ou une relaxe.

La médiatisation et le scandale mettent fin à sa carrière politique (sa cote de popularité s’est effondrée en un mois) et brise à terme son mariage avec la journaliste Anne Sinclair, remarquable de dignité dans cette histoire. Il reprend ensuite des activités dans le secteur privé, domicilié au Maroc et conseillant des gouvernements sur leurs dettes souveraines. DSK rejoint la longue liste des hommes politiques reconverti dans les affaires financières avec plus ou moins de profit et beaucoup de discrétion : Attali, Tapie, Noir, Corinne Lepage, Raffarin, Villepin, Montebourg, Sarkozy, Fillon.

Ségolène Royal : énarque, députée, ministre, candidate socialiste à la présidentielle (première femme accédant au second tour), présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, contestée pour ses bévues.

« J’ai mis en place et beaucoup défendu l’idée de démocratie participative, c’est-à-dire qu’on considère que les citoyens sont les meilleurs experts de ce qui les concerne. »3402

Ségolène ROYAL (née en 1953), lors de son voyage en Chine, début janvier 2007

La « démocratie participative » est l’une des idées originales de la candidate. Mais est-ce réalisable, dans un pays aussi ingouvernable que la France ? Le site Internet de Ségolène Royal, « Désirs d’avenir », lancé dès février 2006, mise sur le concept du « forum participatif ». Elle multiplie les « débats participatifs », avant de proposer son pacte présidentiel, le 11 février à Villepinte. L’« ordre juste » est aussi un vrai thème de campagne.

Les premiers sondages lui sont favorables. On parlera bientôt d’une campagne esthétique et mystique. La rigueur manque souvent et l’incantation qui peut séduire sur l’instant peine à convaincre dans la durée. Ses perles sont collectionnées par les médias, même loin de France. Critiquée, elle a toujours une réponse originale : « C’est moi qui maîtrise la rareté de ma parole politique, pour dire des choses intelligentes quand j’ai besoin de les dire. » Cette phrase sera nommée pour le prix de l’humour politique 2010. Mais pour la dernière gaffe datée de fin août 2022, elle doit présenter ses excuses le lendemain, ayant relativisé les massacres russes en Ukraine et déclenché une série de réactions indignées.

Personnalité souvent contestée, voire clivante, bilan régional ou ministériel défendu avec plus de passion que de raison, elle incarne avec quelques autres consœurs le handicap d’être femme en politique, tout en jouant de cet atout évident dans son cas ! Rappelons le mot de Raffarin, Premier ministre connu pour ses raffarinades : « Ségolène, elle séduit au loin et irrite au près. » Prix de l’humour politique 2006.

Éva Joly : magistrate franco-norvégienne, députée européenne, candidate d’Europe Écologie Les Verts à l’élection présidentielle de 2012, réélue au Parlement européen en 2014. avocate au barreau de Paris.

« Je suis coincée entre la gauche molle qui ne promet rien et la gauche folle qui promet tout. »3482

Éva JOLY (née en 1943), émission « Des paroles et des actes », France 2, 11 avril 2012

Elle se pose en référence, et s’oppose ici aux deux grands candidats de gauche, Hollande au PS et Mélenchon du Front de gauche. Créditée de 1 % à 3 % dans les sondages d’opinion, la candidate d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) reconnaît l’évidence : « Cette campagne est difficile. » Mais elle s’obstine : « Mon parcours professionnel est un parcours de combattante et j’ai l’habitude de me battre pour mes idées » a-t-elle reconnu, évoquant le peu d’espace laissé aux « petits candidats » et le fait que « l’écologie demande des efforts aux citoyens ».

Elle dit représenter « la gauche raisonnable, l’écologie qui essaie de voir le monde tel qu’il est et qui ne raconte pas de baratin… Évidemment c’est un message difficile ». Elle se bat jusqu’au bout, sa campagne sera courageuse et maladroite, mais surtout hors sujet : « L’écologie a besoin d’un avocat, pas d’un juge. » Parole de Corinne Le Page, avocate et écologiste, ex-ministre de l’Environnement sous Chirac. Ne pouvant réunir les 500 signatures pour se présenter, elle choisit de soutenir Hollande, avec l’argument qui tue Éva Joly… Gaby Cohn-Bendit, frère de Dany, l’avait prédit en 2011 : « Les écolos sont capables du meilleur comme du pire ; mais c’est dans le pire qu’ils sont les meilleurs. »

Arnaud Montebourg : avocat, député, ministre, entrepreneur.

« Le parti est tombé dans le formol depuis sept ans. Dernière station-service avant le désert. »3438

Arnaud MONTEBOURG (né en 1962), à son arrivée rue de Solférino, au siège du Parti socialiste, 9 juin 2009

Deux jours après la défaite des socialistes aux européennes, le 7 juin. Partout, la droite conservatrice conserve le pouvoir ou l’emporte. C’est miracle si les députés Verts (majoritairement à gauche) parviennent à trouver leur place au Parlement européen, tandis que Daniel Cohn-Bendit, éloquent « libéral-libertaire », a pris la tête de liste des Verts en France.

Quant au PS qui n’arrête pas de perdre les élections depuis le séisme de 2002 et son absence au second tour, il lave son linge sale en famille, lors d’un conseil national tenu à huis clos. Martine Aubry a remplacé Hollande qu’elle n’aime guère et, sommée par ses pairs d’annoncer rapidement des transformations, elle se donne « six mois pour changer de cap ». La patronne du PS détaille sa feuille de route, promet une « nouvelle gouvernance » et l’engagement de « discussions avec l’ensemble de la gauche ». Mais on ne change pas une équipe qui perd.

Ex-avocat, député fringant et piaffant, Montebourg le « jeune lion » ne peut rien faire contre les « éléphants révolus » et la force d’inertie d’un grand parti. Il va quand même se faire connaître deux ans plus tard à l’occasion des « primaires citoyennes ». Arrivé en troisième position du premier tour en 2011, il est nommé en 2012 ministre du Redressement productif dans les gouvernements Ayrault, puis ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique dans le premier gouvernement de Manuel Valls, en  2014. Critique envers l’action du gouvernement et allergique à François Hollande, il quitte ses fonctions lors de la formation du gouvernement Valls II. Candidat à la primaire citoyenne de 2017 où il termine troisième au premier tour, il se retire de la vie politique, crée plusieurs entreprises dans l’agro-alimentaire, annonce en 2021 sa candidature à la présidentielle de 2022, pour se retirer trois mois avant le scrutin.

Martine Aubry : énarque, députée, première secrétaire du PS, ministre, maire de Lille.

« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. »3460

Martine AUBRY (née en 1950), citant sa grand-mère, pour critiquer François Hollande, son principal concurrent dans les primaires socialistes, 13 septembre 2011 sur RTL

Candidate à la primaire socialiste, elle répond aux questions de Jean-Michel Aphatie. Elle a trouvé du « flou » chez François Hollande, lors du débat télévisé qui les opposait la veille. « J’ai bien compris qu’il essayait de passer entre les gouttes quand je lui posais un certain nombre de questions… Ma grand-mère disait : ‘Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup’. J’ai essayé de mettre le doigt sur certains de ses loups. » Elle l’accuse aussi d’avoir employé « des mots de droite ». En tout cas, le dicton de la grand-mère court les médias et pimente les discours d’un brin de bon sens populaire. C’est ainsi que naît une vraie citation.

« Quand je suis arrivée à la tête du parti, on nous expliquait que le PS était un ‘cadavre à la renverse’ et qu’il faisait pitié. Ce n’était pas faux. Depuis, nous avons réussi à travailler collectivement et je suis très fière de ce travail. » Le Parisien, 25 août 2011. Sans le nommer, la vanne vise naturellement son prédécesseur à la tête du PS, Hollande.

Fille de son père (Jacques Delors), femme de caractère, professionnelle de la politique, maire de Lille, députée du Nord, ministre du Travail et de l’Emploi des gouvernements Édith Cresson et Jospin, elle n’« enchante pas » comme Ségolène, l’autre femme du PS et son ennemie intime, mais elle assure, elle rassure, même si elle irrite aussi. Surnommée « Titine de fer », « Miss Pétard », la « Mèremptoire » (ou « Mairemptoire » dans son fief lillois), jugée colérique, autoritaire, insultante, elle multiplie les coups de gueule dans le rôle de patronne du PS : « Vous m’avez voulue, vous m’avez ! » dit-elle aux mécontents, plus habitués au très consensuel Hollande. « Elle est trop méchante pour réussir », aurait dit Mitterrand (cité par Franz-Olivier Giesbert dans La Tragédie du président, consacré surtout à Chirac).

Première secrétaire du parti depuis novembre 2008, elle se présente contre l’ex-Premier secrétaire François Hollande, dans la primaire organisée par les socialistes. En l’absence de l’ex-favori, DSK compromis dans les affaires de mœurs et totalement déconsidéré, elle y va donc et ce seront les deux finalistes. Elle sera la « gauche forte », opposée à la « gauche molle » – dernière flèche dans le dernier débat de l’entre-deux-tours. Ce coup-ci, Hollande réagira.

François Hollande : énarque, haut fonctionnaire, maire, député, premier secrétaire du PS, président de la République.

« Sommes-nous capables d’écrire ensemble une nouvelle page de notre histoire ? Je le crois. Je le souhaite. Je le veux. Rien ne se construit dans la dissimulation, dans l’oubli et encore moins dans le déni »3500

François HOLLANDE (né en 1954), 20 décembre 2012, à la tribune du Parlement algérien, cinquante ans après l’indépendance de l’Algérie

Hollande fait son métier de président, dans cet exercice incontestablement délicat et obligatoirement consensuel. Pas question de repentance, pour éviter la polémique à son retour en France. Mais il y a publiquement reconnaissance des crimes coloniaux : « Pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal. Ce système a un nom : c’est la colonisation. Et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien. » C’est un discours sur l’histoire, un discours pour l’histoire, dans le but de solder le passé compliqué de la France et de l’Algérie, avec un appel au devoir de vérité qui pêche par un certain anachronisme, inévitable sur ce thème de la colonisation.

Difficile de dire ce que l’histoire retiendra de ce quinquennat socialiste. Désigné candidat du PS dans la présidentielle de 2012, à l’issue d’une primaire à gauche et à défaut de Strauss-Kahn ex-favori empêtré dans l’affaire du Sofitel, dénigré par son propre camp qui se moque du personnage ô combien intelligent, mais trop « normal » pour être convaincant, il est élu chef de l’État face au président sortant avec 51,6 % des suffrages exprimés au second tour. Son « Moi, président » énoncé à 15 reprises occulte les arguments de campagne et sidère Sarkozy lui-même !

Sa présidence est marquée par une augmentation de la fiscalité, suivie d’un virage social-libéral (« pacte de responsabilité »), par la loi sur le mariage homosexuel, la Conférence de Paris sur le climat, des interventions militaires (au Mali ce dont il est le plus fier, mais qui se terminera par un échec, en Centrafrique et au Moyen-Orient), la crise migratoire en Europe et une vague d’attentats islamistes en France : contre Charlie-Hebdo et le Bataclan à Paris, la promenade des Anglais à Nice… d’où déchéance de nationalité, état d’urgence et autres mesures qui se révèlent autant de pièges pour le chef de l’État. Hollande privé du fameux état de grâce au début de son quinquennat connaît une fin de règne crépusculaire.

Confronté à de très faibles intentions de vote et à un risque d’échec en cas de primaire à gauche, le président renonce à se porter candidat à un second mandat - une première sous la Cinquième. En retrait lors de l’élection de 2017, il ne soutient pas le candidat du PS, Benoît Hamon. Il ne siège pas au Conseil constitutionnel (dont il est membre de droit et à vie) et n’occupe pas de mandat ou fonction de premier plan, mais il reste présent dans le débat public et la vie politique.

Marine Le Pen : avocate, conseillère régionale, députée française et européenne, candidate à l’élection présidentielle et deux fois finaliste, bénéficiaire autant que tributaire de l’héritage familial.

« [La mondialisation] consiste à faire fabriquer par des esclaves pour vendre à des chômeurs. »

Marine LE PEN (née en 1968), 5 novembre 2010, Internet, site du journal Marianne, dans « Quand Paris Match remaquille Marine Le Pen »

Après une maîtrise de droit, Marine Le Pen obtient son diplôme d’avocat en 1992 et rejoint le service juridique du FN (Front national) en 1998. Sa vocation politique naît à cette époque et elle décide de s’investir pleinement en briguant le siège de conseiller régional du Nord–Pas-de-Calais. Elle réitère l’expérience en 2004 en Île-de-France et rejoint le Parlement européen lors des élections européennes. Acquérant de nouvelles responsabilités au sein du parti, elle fait l’apprentissage du métier politique, se voyant confier la direction stratégique de la campagne de Jean-Marie Le Pen aux élections aux présidentielles de 2007 - des voix s’élevant au sein du parti pour dénoncer cette préférence familiale.

En 2011, elle prend les commandes et succède à son père. Elle se présente à l’élection présidentielle de 2012, puis de 2017 où elle se qualifie pour le second tour. Emmanuel Macron l’emporte avec plus de 66 % des suffrages, au terme d’un débat qu’elle avoue avoir raté. En 2022, Macron est réélu, mais perd la majorité absolue à l’Assemblée nationale, alors que Marine Le Pen fait une percée historique pour l’extrême-droite, plaçant 89 députés, avant d’être élue par acclamation présidente du groupe RN (Rassemblement national, son nouveau parti).
Héritière du nom et de la pensée de son père, elle négocie cet héritage aussi précieux qu’encombrant, les conflits affectifs se multipliant entre le père et la fille, compliqués par les ambitions de ses proches à l’horizon 2027.

Dans la famille Le Pen, signalons aussi Marion Maréchal Le Pen (née en 1989), petite-fille de l’ancêtre et nièce de Marine. Signe particulier, dès 2013, Marion annonçait la couleur : elle ne fera pas de politique toute sa vie. Élue en 2012 (à 22 ans, plus jeune députée de notre histoire républicaine), elle déclare déjà se retirer de la carrière politique en 2017 pour travailler dans le privé. Recrutée par Eduniversel, elle fonde une école, l’Institut des sciences sociales, économiques et politiques (ISSEP). Mais en 2022, elle soutient Éric Zemmour, candidat d’extrême-droite rival de Marine Le Pen. Très entourée, mais bien ou mal, ses risques de faire carrière sont aussi nombreux que ses chances d’héritière.

Éric Zemmour : auteur, journaliste, éditorialiste, polémiste d’extrême-droite, créateur d’un parti et  candidat à la présidentielle de 2022.

« La nation française se dissout dans l’Europe, la mondialisation, l’immigration et le multiculturalisme. »

Éric ZEMMOUR (né en 1958), « L’Essence d’une nation », Le Spectacle du Monde, 6 décembre 2009

Il se présente comme « juif berbère » dans une famille née en Algérie. Diplômé de Sciences Po, mais recalé de l’ENA, il écrit dans la presse de droite (Quotidien de Paris, Figaro) et d’autres titres, mais se fait surtout remarquer dans des émissions de débats à la télévision (On n’est pas couché, en duo-duel avec son ami Éric Naulleau), puis sur RTL, BFM-TV, CNews. Il fait monter l’audience et crée le buzz, ses provocations faisant de plus en plus polémique.

Sa candidature à la présidentielle de 2022 change la donne tout à la fois politique et médiatique. Il divise plus que jamais et s’épanouit dans ce nouveau rôle, créant son parti, « Reconquête ». Marion Maréchal devient vice-présidente, des ralliements plus ou moins importants font croire à une victoire possible quand il culmine à 18 % des intentions de vote. Il en obtiendra 7 % et invite à voter pour Marine Le Pen qu’il a surtout contribué à dédiaboliser… Ayant pris goût au combat politique et à l’arène publique, fort d’un réseau d’amis puissants, il reprendra sans doute le combat.

Anne Hidalgo : inspectrice du travail, adjointe au maire de Paris, conseillère régionale en Île de France,  première femme maire de Paris, candidate malheureuse du PS à la présidentielle  de 2022.

« Je n’ai pas de mot assez fort pour exprimer la douleur que je ressens face à Notre-Dame ravagée par les flammes. Ce soir, tous les Parisiens et Français pleurent cet emblème de notre Histoire commune. De notre devise, nous tirerons la force de nous relever. Fluctuat nec mergitur. »

Anne HIDALGO (née en 1959), 15 avril 2019, devant l’incendie qui a touché la cathédrale Notre-Dame de Paris

Née en Andalousie, elle possède la double nationalité française et espagnole. Le soir où le monde entier s’émeut en direct devant cette tragédie spectaculaire, impossible de mettre en doute la sincérité de Madame la Maire de Paris ! Reste que le personnage divise, plus difficile à cerner que la plupart des acteurs politiques, avec un bilan qui exaspère les automobilistes et comble les « bobos » de la capitale : « Les berges sont à vous ». Tel était le slogan utilisé par la Mairie de Paris lors de l’ouverture des voies sur berge aux piétons en 2016. Mais tout est toujours remis en question, ne serait-ce que la qualité de l’air parisien, plus ou moins pollué qu’avant, mais dans quelle mesure et pour quelle raison !?

Première femme maire de Paris, socialiste succédant à Bertrand Delanoë lui-même cas très particulier, approuvé d’une certaine clientèle et faisant souvent bande à part au PS qu’il critiquait ouvertement, elle est réélue aux élections municipales de 2020. Elle dénonce l›« immense gâchis du quinquennat » en des termes sans appel : « Emmanuel Macron est l’incarnation de la reproduction sociale des élites. Il porte une vision très autocentrée, jacobine, colbertiste. Je n’ai perçu dans son travail quotidien ni une modernité qui m’aurait éblouie, ni un rapport à la démocratie qui me donnerait confiance. Le réveil risque d’être difficile pour ceux qui y croient ! »

Candidate du PS à l’élection présidentielle de 2022, elle obtient 1,74 % des suffrages, le score le plus bas depuis la création du parti. C’est aussi la réussite d’un président qui souhaitait en finir avec les partis de l’ancien monde. Il y a naturellement d’autres victimes dans cette guerre politique.

Valérie Pécresse : énarque, maître de conférences en droit public, députée, ministre, présidente du conseil régional d’Île-de-France, porte-parole du gouvernement Fillon, candidate LR à la présidentielle de 2022.

« Je vais ressortir le Kärcher de la cave. Cela fait dix ans qu’il y est et il est temps de l’utiliser. Il s’agit de remettre de l’ordre dans la rue » et « nettoyer les quartiers » car « on ne donne plus de réponse face à la violence des nouveaux barbares. »

Valérie PÉCRESSE (née en 1967), Interview à La Provence, 6 janvier 2022

Son CV est classique, son bilan de gestionnaire attentive à sa région ne fait pas vraiment débat au niveau national, le personnage n’est pas clivant et ne cherche pas à provoquer pour gagner, moins encore à tuer (comme Rachida Dati). Mais c’est une médiocre oratrice à la tribune et sa dernière campagne aux présidentielles de 2022 fut plus que maladroite, à l’image de cette citation où elle va « ressortir le Kärcher » tant reproché à Sarkozy (hormis à l’extrême droite), pour s’attirer le soutien de l’ex président qui demeure une référence, mais ne lui manifestera rien d’autre que son indifférence, préférant soutenir le président sortant avec qui les relations se révèlent bonnes – pour diverses raisons politiciennes et partisanes qui font partie du jeu électoral. Résultat, son échec au premier tour, arrivant en cinquième position avec 4,78 % des suffrages exprimés, pire résultat de la droite lors d’une élection présidentielle sous la Cinquième République

Le détail des frais de campagne est anecdotique, mais la presse en a beaucoup parlé ! Relativement modestes, 7 millions d’euros, dont 2 remboursés par le parti LR et 800 000 € par l’État (au-dessous du seuil fatidique des 5% de suffrages).  Valérie Pécresse s’est endettée personnellement avec son mari à hauteur de 5 millions, elle lance un appel aux dons pour rembourser les 4,2 millions d’euros restant. Le 31 mai 2022, l›« objectif est atteint, l’appel aux dons est bouclé et le remboursement des frais de campagne aussi ». Ce sera la seule réussite de la candidate.

Être une femme politique… c’est pas si facile ! titre de son premier essai en 2007. Le Temps est venu sort en 2022. Elle reste présidente du conseil régional d’Île de France. Et après ?

François Bayrou : professeur de français, essayiste, centriste créateur de divers partis, maire de Pau, député français et européen, ministre, Haut-commissaire au Plan.

« L’élection présidentielle, c’est la rencontre d’un homme et d’un pays, d’un homme et d’un peuple. »3410

François BAYROU (né en 1951), Meeting de Caen, 1er mars 2007

Il reprend le mythe gaullien avec une ambition personnelle. Mais de Gaulle est un personnage unique dans l’Histoire et en état de paix, ça ne fonctionne pas si bien. Sans un parti puissant pour le porter et le supporter (au sens sportif du mot), il a peu de chance d’aller au bout. Bayrou le sait, c’est même son problème (avec le bégaiement dont il a triomphé).

Jeune professeur, il travaille en parallèle dans l’exploitation agricole familiale du Béarn. À 30 ans, il devient  conseiller général des Pyrénées-Atlantiques et se lance dans la vie politique. Depuis sa première tentative présidentielle en 2002, il tente d’installer au centre de l’échiquier politique l’UDF (Union pour la démocratie française), créée en 1978 par Giscard d’Estaing, seul président centriste de la Cinquième République (avant Macron qui se plaît à brouiller toutes les pistes). Viscéralement centriste, Bayrou préside ce parti depuis 1998, à mi-chemin entre la gauche et la droite. Il profita de la droitisation de l’UMP dont Sarkozy devient le président en 2004 et des déboires du PS qui peine à tirer les leçons de son échec de 2002. La bipolarisation de la France rend la manœuvre difficile. Malgré tout, Bayrou bénéficie toujours d’une cote de vraie sympathie. Il le sait, il en joue : « Moi et mes amis, on n’est pas la jet-society, on est la tractor-society. » Le Point, 8 mars 2007. Il pense même, au vu des sondages, qu’il peut se qualifier au second tour, ce qui entraînerait automatiquement sa victoire. Mais on ne vote pas pour le candidat le plus « sympa ».

Autre problème récurrent, inhérent au centrisme qu’il incarne : « Rassembler les centristes, c’est comme conduire une brouette pleine de grenouilles : elles sautent dans tous les sens » déclara-t-il en mars 2011, avant de déclarer sa candidature à la présidentielle. Il crée le Modem (Mouvement démocrate) face à l’UMP, après la présidentielle de 2007. Vocation de troisième homme ou malédiction ? En 2012, il n’arrive que cinquième au premier tour, hésitant avant de se prononcer pour Hollande (contre Sarkozy).

Sa rencontre avec Macron est le dernier épisode marquant de sa trajectoire politique. Depuis février 2017, on peut parler d’un compagnonnage politique. Le président y a gagné un allié fidèle, fort d’une longue expérience, d’un ancrage régional et d’une popularité nationale, cependant que le maire de Pau se retrouve ministre de la Justice en mai-juin 2017. Malheureusement impliqué dans une affaire politico-judiciaire (emplois fictifs de députés Modem au Parlement européen), il quitte le gouvernement, mais se retrouve promu à deux postes très (trop ?) liés au passé : Haut-commissaire au Plan en 2020 (sans aucun pouvoir et à l’utilité discutée) et président du CNR (Conseil national de la refondation) en 2022, sigle évoquant le Conseil national de la Résistance qui remonte à de Gaulle et à la Seconde guerre. On ignore encore l’avenir de cette institution… et de Bayrou, réformateur prudent accusé de gouverner « avec le sondoscope en bandoulière » (selon Roger Fauroux, haut fonctionnaire qui a travaillé pour Bayrou à l’Éducation, en 1995). Mélenchon qui a le même âge et une ambition également têtue se situe à l’opposé en terme de politique et de caractère.

Jean-Luc Mélenchon : professeur de français, journaliste, conseiller général, député français et européen, sénateur, ministre, créateur de partis à la gauche de la gauche (trotskiste, Insoumis), initiateur de la NUPES.

« Qu’ils s’en aillent tous ! Vite, la Révolution citoyenne. »3442

Jean-Luc MÉLENCHON (né en 1951), titre et sous-titre de son essai (Flammarion, 2010)

Le tribun de la gauche fourbit ses arguments pour la présidentielle de 2012. Il sait que l’écrit deviendra parole :  « La consigne, ‘Qu’ils s’en aillent tous’, ne visera pas seulement ce président (Sarkozy), roi des accointances, et ses ministres, ce conseil d’administration gouvernemental de la clique du Fouquet’s ! Elle concernera toute l’oligarchie bénéficiaire du gâchis actuel. ‘Qu’ils s’en aillent tous !’ les patrons hors de prix, les sorciers du fric qui transforment tout ce qui est humain en marchandise, les émigrés fiscaux, les financiers dont les exigences cancérisent les entreprises… ‘Qu’ils s’en aillent tous’ aussi ces antihéros du sport, gorgés d’argent, planqués du fisc, blindés d’ingratitude. Du balai ! Ouste ! De l’air ! » C’est la définition du dégagisme, né en République du Congo cette année 2010 et réaffirmé au Printemps arabe de 2011, dans les manifestations contre le président Ben Ali en Tunisie, aux cris de « Dégage ». C’est aussi une forme de populisme de gauche qu’il revendique.

Dans ce livre et dans les discours à venir, on voit clairement la haine des riches, finalement aussi violente et dangereuse que la haine des noirs, des juifs, des émigrés, des étrangers, tout ce qu’il reproche au Front national, son ennemi numéro un. Il va se référer à Robespierre et Saint-Just, symboles de la Terreur révolutionnaire, et ce sont toujours des liaisons dangereuses, voire vertigineuses. Mais Mélenchon, féru d’histoire, se complaît dans ce rôle.

« Génie de la Bastille qui culmine sur cette place, nous voici de retour, le peuple des révolutions et des rébellions en France. Nous sommes le drapeau rouge ! » Dimanche 18 mars 2012 à la Bastille, le tribun fait place comble et défie le temps à la pluie. Plus de 120 000 personnes ont défilé, entre Nation et Bastille, dans la symbolique rue du Faubourg-Saint-Antoine. Porté par la vague rouge des drapeaux et l’enthousiasme de la foule, il dynamise une campagne sans thème majeur, plombée par le non-dit sur la crise et la perte de confiance dans le pouvoir du politique. Il appelle à prendre le pouvoir et donc à reprendre la Bastille. Ce jour doit marquer le début de « l’insurrection civique » et populariser sa « VIe République sociale, laïque et écologique » avec le slogan : « Le vote Mélenchon, c’est le vote utile. » Il s’imagine en « dernier président de la Ve » et la communiste Marie-George Buffet fait chorus, au nom du PCF moribond.

CV politique classique pour un personnage hors norme : professeur de français dans un lycée technique, passionné d’écriture, journaliste, il s’engage politiquement en Mai 68, fait partie de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), rejoint l’Organisation communiste internationaliste (OCI) de tendance trotskiste, avant d’adhérer au PS en 1976, devenant conseiller général de l’Essonne, ministre délégué à l’Enseignement professionnel du gouvernement Jospin, député européen depuis 2009, sénateur. Ayant quitté le PS avec fracas, il crée et préside le Parti de gauche qui fait partie du Front de gauche dont il porte la candidature à la présidentielle de 2012. En 2015, il annonce sa candidature pour 2017, fondant le nouveau parti de La France Insoumise. Éliminé au premier tour avec 19,6 % des voix, il se rêve en deuxième homme et repart dans la course présidentielle en 2022, sous la bannière de L’Union populaire, arrivant troisième avec 22 % des voix (son meilleur score) derrière Macron et Marine Le Pen.

Il renonce à tout mandat électif, mais plus combatif que jamais, il invite les Français à « l’élire Premier ministre » dans le cadre de la NUPES, alliance électorale qui rassemble la gauche et les Verts. Faute de majorité absolue nécessaire pour imposer une cohabitation et sa nomination à la tête du gouvernement, il va tout faire pour entraver la politique de Macron, bloquer les institutions, aboutir à la Sixième République citoyenne… Il use des médias en professionnel de la politique. Bernard Cazeneuve (ancien Premier ministre socialiste) l’accuse de « toutouiser » le PS. Et pourquoi pas cannibaliser ?

Emmanuel Macron : énarque, inspecteur des finances, ministre (sous Hollande), banquier d’affaires, président de la République, créateur du mouvement LaREM et du parti Renaissance.

« Je sens bien qu’il y a eu un décalage entre le renouvellement politique que j’ai incarné et le classicisme de l’exercice de la fonction. »

Emmanuel MACRON (né en 1977), 22 avril 2022, Le Figaro

C’est un procès que lui ont régulièrement fait ses adversaires durant la campagne : ne pas être descendu dans l’arène assez tôt, ne pas avoir accepté de se confronter aux Français ou aux journalistes après un quinquennat marqué par une crise sociale (les Gilets jaunes), mais aussi la crise sanitaire (Covid) et la guerre aux portes de l’Europe. Il assure désormais vouloir « réformer en profondeur la manière d’exercer la fonction présidentielle ». Mais peut-on se réformer soi-même, dans le feu de l’action et sous les projecteurs médiatiques ?

Emmanuel Macron, sorti de l’ENA, a commencé un cursus de haut fonctionnaire comme inspecteur des finances, avant de devenir banquier d’affaires chez Rothschild & Cie en 2008, pour revenir aux affaires publiques comme secrétaire général adjoint au cabinet du président Hollande en 2012, puis ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique en 2014. Il fonde en 2016 le mouvement En marche ! et démissionne de ses fonctions de ministre, pour être élu Président de la République en 2017. Un parcours de surdoué, soutenu par sa femme Brigitte (son professeur de lettres classiques et son aînée de vingt-quatre ans) à la fois très présente et discrète – un des mystères Macron qui se protège à tous les niveaux.

Seule énigme qu’il faudra un jour résoudre : sa ligne politique, son ambition pour la France. 

Édouard Philipe : énarque, conseiller d’État, avocat, maire, député, Premier Ministre.

« Le découragement ne fait pas partie de la gamme d’émotion que je m’autorise. »

Édouard PHILIPE (né en 1970), 28 mars 2020, Conférence de presse télévisé lors de la crise du covid-19, réponse à un journaliste de l’AFP : « Est-ce que vous n’êtes pas saisi par une forme de découragement ? »

Beau parcours à suivre pour un ambitieux intelligent et raisonnablement arriviste. Fils de professeurs, il se présente comme le pur produit de la « méritocratie républicaine », grâce à un arrière-grand-père docker au Havre (et membre de la CGT). Brillant élève, il milite d’emblée pour le Parti socialiste. Attiré par la fonction publique, il entre quand même en politique, allant du PS (rocardien) à la droite (ami d’Alain Juppé). Il passe par la case avocat et grande entreprise privée (on y gagne des relations, de l’argent, une connaissance des rouages économiques du pays réel). L’ancrage provincial se confirme (conseiller général de la Seine maritime, président de l’agglomération havraise, maire du Havre, député).

Premier Ministre du président Macron qu’il a soutenu en 2017, il reste parfaitement loyal et crédible dans ce rôle ingrat, fait du sport (boxe) pour garder la forme physique et mentale, se retirant au bout de trois ans pour laisser place à Jean Castex qui n’aura sans doute pas d’avenir national… Édouard Philipe, de retour dans sa Normandie, crée son propre parti (Horizon) et attend la fin du second quinquennat Macron, avec beaucoup d’atouts dans son jeu, une cote de popularité personnelle, la connaissance des acteurs de la vie politique… et la conscience du destin qui frappe les plus doués (cf. Rocard et Juppé).

Nicolas Hulot : journaliste, reporter, animateur et producteur de télévision, écrivain, militant écologiste, homme d’affaires, ministre.

« L’écologie est aussi et surtout un problème culturel. Le respect de l’environnement passe par un grand nombre de changements comportementaux. »

Nicolas HULOT (né en 1955)

Producteur heureux et médiatique de « Ushuaïa », chargé de la « Transition écologiste et solidaire », c’est l’un des ministres dont l’on attendait beaucoup et qui démissionnera un an après sa nomination (en direct dans la matinale de France Inter), conscient de son impuissance à réaliser ce qu’il était venu faire dans cette galère. Il résumait clairement la situation dix ans avant : « Dans cette société du théâtre des apparences, le paraître prime sur l’être. Chacun le sait, mais tout le monde y cède. La débauche de communication masque l’ignorance, l’incompétence ou le manque de pouvoir. On donne l’illusion de traiter des choses. Mais la désillusion est totale, et le discrédit des politiques s’accroît. » (L’An I de l’ère écologique, dialogue avec Edgar Morin).

Cédric Villani : mathématicien, professeur, député, écologiste.

« Pour faire des choses importantes, il faut se mettre en position de vulnérabilité : c’est ça l’audace. Un bon chercheur ne se contente pas d’approfondir ce qui existe. Il invente, crée de nouvelles théories et doit apprendre à s’exposer. Ce qui est vrai professionnellement l’est aussi affectivement. »

Cédric VILLANI (né en 1973) Interview Madame Figaro 21057-21058

Surdoué intellectuel et personnage atypique, il joue brillamment de sa différence : « Le talent de la transmission ne vient pas forcément de la connaissance, mais du charisme. » Si on l’a vu une fois, qu’on l’apprécie ou pas, il sait qu’on ne l’oublie pas et c’est un atout majeur dans un monde où presque tout passe par la communication.

Son parcours scientifique est déjà une réussite (lauréat de la médaille Fields en 2010, équivalent du prix Nobel absent en mathématiques), sa vie politique est peut-être à suivre, dans la majorité ou ailleurs, en marge, mais de quoi, avec qui et  pourquoi ? Il a une obsession : « Plus que jamais, l’école doit ouvrir au monde, inviter les jeunes à se frotter à des projets divers, à voyager. Il faudrait généraliser les initiatives de type Erasmus, envoyer systématiquement les étudiants suivre des stages ou des cours dans des environnements différents de ceux auxquels ils sont accoutumés. » (Le Monde, propos recueillis par Laure Belot, 3 janvier 2017).

Bruno Le Maire : agrégé de lettres, professeur, énarque, conseiller politique, député, ministre, écrivain.

« La France est droguée à la dépense publique. »

Bruno LE MAIRE (né en 1969), Invité du JT de TF1, 27 juin 2017

C’est l’un des collaborateurs indispensables au président Macron, dans un domaine dont il sait l’importance : ministre de l’Économie et des Finances, reconduit à son poste pour le second quinquennat. Compétent et rassurant, catholique (et contre le mariage pour tous), père de quatre fils, il affiche une éthique politique très stricte (contre le cumul des mandats, la logique de caste, les cadeaux excessifs des monarques du Golfe…) avec déjà un long parcours.

Né dans la bonne bourgeoisie, brillant élève, il fait « la totale » : École Normale Supérieure (lettres modernes), Sciences Po Paris, ENA. Il entre en politique aux côtés du ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin dont il écrit certains discours – dans Quai d’Orsay, film de Tavernier, il tient son propre rôle. Il suit Villepin à l’Intérieur, à Matignon en 2005, devenant son conseiller politique. Élu député UMP en Normandie, on le retrouve dans le gouvernement Fillon, mais il échoue dans la primaire de la droite en vue de la  présidentielle de mai 2017.

Gérald Darmanin : militant RPR, maire, député UMP, ministre.

« Les gendarmes, les policiers et les sapeurs-pompiers nous protègent au quotidien avec un engagement exemplaire. En tant que ministre de l’Intérieur, je serai celui qui protège ceux qui nous protègent. »

Gérald DARMANIN (né en 1982), RTL Matin, 9 juillet 2020

Autre collaborateur indispensable au président, dans un autre genre que Le Maire. Plus jeune, plus arriviste (ou plus pressé), il naît dans un milieu populaire, père tenancier de bar et mère femme de ménage à la Banque de France. Descendant de harki, juriste diplômé de Sciences Po Lille, il milite au RPR dès 16 ans. Député du Nord en 2012, l’un des six parlementaires les plus jeunes de la législature, il s’impose à l’UMP rebaptisé LR, coordinateur de Xavier Bertrand en 2012, soutien de François Fillon et porte-parole de Nicolas Sarkozy en 2014. Même année, élu maire de Tourcoing, conservateur convaincu, il refuse de célébrer des mariages entre couples du même sexe.

Spécialiste de sociologie électorale, il se situe en marge du libéralisme défendu par le parti de droite. Quand la menace d’une candidature de Macron se précise, il publie une tribune dans L’Opinion (25 janvier 2017) sur « Le bobopopulisme de Monsieur Macron », accusant l’ex-ministre « pur produit du système : beaux quartiers, belles études, belle fortune, belles relations » et prédisant que « Loin d’être le remède d’un pays malade, il sera au contraire son poison définitif ». Quand Fillon est mis en examen pour emploi fictif en pleine campagne présidentielle, Darmanin quitte son poste de secrétaire général adjoint du parti et renonce à soutenir le candidat. En mai 2017 et malgré tout le mal qu’il pensait de Macron, il se retrouve ministre de l’Action et des Comptes publics au sein du gouvernement Édouard Philippe - c’est avec Bruno Le Maire l’un des deux membres LR enlevés à la droite. Dans le gouvernement Castex, il obtient l’Intérieur.

En mai 2022, il garde dans le gouvernement d’Élisabeth Borne le poste qui semble lui convenir parfaitement. Est-ce un nouveau Sarkozy ? « Politique du chiffre » dans la police nationale, expulsions d’imans jugés indésirables, lutte contre « l’ensauvagement », cela passe mal et ses méthodes expéditives sont impopulaires, voire suspectes à ses collègues, comme Dupont-Moretti ministre de la Justice. Mais la discipline ministérielle finit par s’imposer… Jusqu’à quand ?

Éric Dupont-Moretti : avocat, ministre de la Justice.

« Moi ministre, ça serait le bordel. »

Éric DUPONT-MORETTI (né en 1961)

On surnomme l’avocat : « Acquittator, l’Ogre du nord ». La nomination de cette « personnalité clivante » provoque « un très vif émoi dans la magistrature » et l’Union syndicale des magistrats y voit une « déclaration de guerre à la magistrature ». Il connaît le milieu judiciaire, c’est un atout qui le dispense d’un apprentissage toujours complexe. Mais on peut le soupçonner de parti pris et il est déjà accusé de prises illégales d’intérêts. Nul doute qu’il saura se défendre, entre deux provocations : « J’ai plus confiance en la cuisine de mon pays qu’en sa justice. »… Et dans un tout autre ordre d’idées : « À mon époque, quand une fille refusait vos avances, on appelait ça un râteau, de nos jours on appelle ça un délit. » Un ministre à suivre…

Jean Castex : énarque, haut fonctionnaire, maire, Premier ministre.

« Vous savez, on ne vous propose pas souvent, surtout quelqu’un comme moi, le fils d’une institutrice du département du Gers, issu de l’école républicaine… On ne vous propose pas souvent de telles fonctions, donc j’ai ressenti cela avec une forte émotion. Avec beaucoup d’humilité, beaucoup d’humilité. »

Jean CASTEX (né en 1965), interview du Premier ministre au 20H de TF1, 3 juillet 2020

L’homme affiche d’emblée la couleur : locale et modeste, avec un accent du Sud-Ouest bêtement moqué, mais bon pour sa cote de popularité. En réalité, c’est un haut fonctionnaire sorti de l’ENA comme la plupart. Fils et petit-fils d’instituteurs, solidement ancré dans le Gers, élu maire de Prades, mais pas député des Pyrénées-Orientales (battu par la candidate PS en 2012), ce républicain de droite fait d’abord carrière à la Cour des comptes. Il se rapproche peu à peu du pouvoir, chargé de superviser l’organisation des JO de Paris 2024 en tant que délégué interministériel, nommé ensuite président de la nouvelle Agence nationale du sport.

En avril 2020, le Premier ministre Édouard Philippe le charge de « coordonner le travail de réflexion du gouvernement sur les stratégies de sortie progressive du confinement de la population française » dû à la pandémie de Covid. D’où ses  surnoms : « Monsieur Déconfinement » ou « couteau suisse » du gouvernement. Mission somme toute bien accomplie, il se retrouve Premier ministre : une nomination qui ne se refuse pas. Il quitte le parti de droite, LR (les Républicains), mais sans rejoindre LREM (la République en marche) – même stratégie que son prédécesseur. Il reste un an, 10 mois et 13 jours à l’Élysée, il a « fait le job » et part repeindre les volets et la rambarde de sa maison dans les Pyrénées. On ne lui prédit pas un destin national, vue la concurrence. Il a le profil des présidents de la Troisième République - ce n’est pas lui faire injure, c’est simplement une uchronie.

Élisabeth Borne : ingénieure des ponts et chaussées, préfète, directrice de cabinet au ministère de l’Écologie, présidente de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), ministre, Première ministre.

« Notre pays a su m’apporter beaucoup, je considère donc que je lui dois beaucoup. »

Élisabeth BORNE (née en 1961), Interview Le JDD, 21 mai 2022

Même humilité affichée que son prédécesseur Jean Castex. Elle met en avant ses origines populaires : « Je suis peut-être le prototype de la méritocratie républicaine. » Elle annonce ses intentions démocratiques, « profondément convaincue que les bonnes réformes se bâtissent dans le dialogue avec tous les acteurs et en proximité. » Et elle joue de son atout femme, à l’époque où la parité s’affiche en théorie (sinon dans la réalité) : « Je voudrai dédier cette nomination à toutes les petites filles en leur disant allez au bout de vos rêves et rien ne doit freiner le combat des femmes dans notre société. », avec une allusion de rigueur pour celle qui l’a précédée à ce poste : « Je suis évidemment très émue ce soir et je ne peux pas m’empêcher d’avoir une pensée pour la première femme qui a occupé ces fonctions, Édith Cresson. » La féminisation de la vie politique est en progrès et le mot de Françoise Giroud date d’une autre époque : « La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où à un poste important on désignera une femme incompétente. »

Reste le CV de la Première ministre : indiscutablement une professionnelle de la politique, prête à être la porte-parole fidèle du président de la République, ce qui semble être la vocation présente de ce métier difficile.

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