Découvrez notre histoire de France en chansons, classée par périodes :
- De la Gaule à Louis XIII
- De la Fronde au Siècle des Lumières
- La Révolution et le Directoire
- De Napoléon à la Monarchie de Juillet
- Deuxième République et Second Empire
- Troisième République et Seconde Guerre Mondiale
- De 1945 à 1970
Dans l’immense répertoire musical contemporain diffusé à profusion, la chanson « à message » ou chanson engagée se taille une place littéralement historique et contredit souvent la formule d’Aristote : « La musique adoucit les mœurs » !
« Je ne chante pas pour passer le temps » (1965), titre, refrain et profession de foi de Jean Ferrat qui pourrait être celle de toutes les voix citées de 1945 à nos jours, d’Aznavour à Vian (Boris), en passant par Balavoine, Barbara, Ferrat, Ferré, Gainsbourg, Goldman (les Restos du cœur), Lavilliers, Montand, Moustaki, Nougaro, Perret, Renaud, Sardou, Anne Sylvestre… et Johnny Halliday en invité surprise.
Sans oublier les « standards » anglo-saxons entre autres protestsongs, avec les incontournables Joan Baez, Bob Dylan, John Lennon et autres Rolling Stones.
Même si l’amour demeure le thème le plus chanté (et le plus commercial), toutes les questions politiques et sociétales se retrouvent : l’anarchie (de droite ou de gauche) et l’antimilitarisme, l’écologie, le féminisme, l’homophobie, le racisme, l’émigration, mais aussi la résistance, l’appel à s’engager.
En plein âge d’or de la chanson française et jusque dans les années 70, l’omniprésence de la censure étonne, entre l’interdiction (rare) et l’entrave à la diffusion (radio et télé).
On a parlé des années de rêve qui mènent à Mai 68, opposé aux années de plomb avec un regain de brutalité à partir de 1970. La nouvelle vague du rap déferle au XXIe siècle, NTM côtoyant Diam’s.
Faut-il en déduire une politisation de la société, une plus grande violence dans ses manifestations ? Cet effet de loupe sur l’actualité peut être trompeur. Restent tous ces témoignages chantés, étonnants à divers titres.
Imagine, John Lennon (1971) - Here’s to you, Joan Baez (1971) – Comme ils disent, Charles Aznavour (1972) - Les Émigrants, Charles Aznavour (1975) – Hexagone, Renaud (1975) - Une sorcière comme les autres, Anne Sylvestre (1975) - Je suis pour, Michel Sardou (1976) – Lily, Pierre Perret (1977) - Aux armes et cætera, Serge Gainsbourg (1979) – Résiste, Michel Berger pour France Gall (1981) – Regarde, Barbara (1981) - L’Aziza, Daniel Balavoine (1985) – La Chanson des restos du cœur, Jean-Jacques Goldman pour Les Enfoirés (1986) - Pass pass le oinj, NTM (1995) - Pose ton gun, NTM (1998) – Les Mains d’or, Bernard Lavilliers (2001) - Respire, Mickey 3D (2003) - Ma France à moi, Diam’s (2006) - Balance ton quoi, Angèle (2018)
Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.
Imagine (1971)
« Imagine there’s no heaven
It’s easy if you try
No hell below us
Above us, only sky
Imagine all the people
Livin› for today…
Imagine there’s no countries
It isn’t hard to do
Nothing to kill or die for
And no religion, too
Imagine all the people
Livin› life in peace…”
(“Imagine qu’il n’y a aucun paradis,
C’est facile si tu essaies,
Aucun enfer en-dessous de nous,
Au-dessus de nous, seulement le ciel,
Imagine tous les gens,
Vivant dans le présent…
Imagine qu’il n’y ait pas de pays,
Ce n’est pas dur à faire,
Rien à tuer ou pour lequel mourir,
Pas de religion non plus,
Imagine tous les gens,
Vivant leur vie en paix »)1John LENON (1940-1980), auteur, compositeur, interprète
C’est LA chanson pacifiste par excellence.
Au début des années 1960 naît un groupe de rock britannique originaire de Liverpool, avec ses quatre garçons dans le vent (de l’Histoire) : John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr. La Beattlemania gagne l’Europe et l’Amérique, innovant dans tous les genres, rock ‹n› roll, beat, rhythm and blues, pop, rock, rock psychédélique, musique expérimentale… Considéré aujourd’hui comme le groupe le plus populaire et influent de l’histoire du rock, les Beatles ont enregistré en dix ans 12 albums originaux avec quelque 200 titres majoritairement signés du tandem Lennon / McCartney. Un milliard de disques vendus – ils égalent le record de leur première idole, Elvis Presley. Chiffre doublé de nos jours, avec les titres des Beatles toujours repris dans le monde et leurs mélodies adaptées à d’autres genres musicaux - le jazz, la salsa, le reggae ou la musique classique.
Le quatuor se sépare en 1970 et chacun poursuit une carrière solo, à commencer par John Lenon qui triomphe avec Imagine. Cet hymne placé sous le signe de l’utopie nous invite à imaginer un monde sans frontière, sans pays, sans religion, sans conflit, sans raison de tuer ou de mourir pour une cause, idéalement uni dans une grande fraternité humaine. Idée simple, musique planante, succès fulgurant à divers titres. La chanson devient numéro un des ventes au Royaume-Uni en janvier 1981 - le mois suivant l’assassinat de John Lennon à New York.
e magazine « Rolling Stone » en fera la troisième plus grande chanson de tous les temps, avec en 1999 un « Grammy Awards » pour « sa signification historique ou qualitative », remis à John Lenon à titre posthume. Le 14 juin 2017, la National Music Publishers Association (États-Unis) lui décerne le prix de la « Chanson du siècle » et Yoko Ono devient officiellement co-auteur - épouse très (trop ?) influente de John Lenon, présente à ses côtés à la fin du clip.
Here’s to you (1971)
« Here’s to you, Nicola and Bart,
Rest forever here in our hearts,
The last and final moment is yours,
That agony is your triumph.”
(Voici pour vous, Nicola et Bart
Reposez pour toujours en nos cœurs
Vous étiez seuls dans la mort
Cette agonie est votre triomphe.)2Joan BAEZ (née en 1941), interprète et parolière, musique d’Ennio MORRICONE (1928-2020)
Écoutez Here’s to you sur Youtube.
Les paroles sont constituées de ces quatre vers, repris sept fois en boucle durant toute la montée émotionnelle de cette chanson simplissime.
C’est un hommage aux deux anarchistes d’origine italienne, Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, victimes d’un scandale judiciaire dans les années 1920 aux États-Unis : l’affaire Sacco et Vanzetti. Malgré la mobilisation internationale et le report répété de l’exécution, ils sont exécutés sur la chaise électrique la nuit du 22 au 23 août 1927, à la prison de Charlestown (banlieue de Boston). Cette affaire historique continue de faire débat pour diverses raisons.
En 1971, Giuliano Montaldo tourne Sacco et Vanzetti. La chanson sert de bande originale et contribue au succès du film. Elle triomphe de son côté, grâce au charme et à la voix de sa parolière Joan Baez, surnommée « la reine du folk » ou « la madone des pauvres gens », authentique pasionaria et belle octogénaire qui n’en finit pas aujourd’hui encore de faire ses adieux à des fans de tous âges et tous pays.
Artiste engagée sur tous les fronts, notamment contre la guerre et l’injustice sociale, elle fit couple (passionnel et professionnel) avec Bob Dylan et contribua à sa carrière. Elle fut aussi l’amie et le soutien du pasteur Martin Luther King, multipliant les apparitions lors de manifestations aux revendications sociales ou pacifistes : marches pour les droits civiques sur Washington, manifestations antiségrégationnistes de l’Alabama, visites de camp de prisonniers de guerre américains pendant la guerre du Viêt Nam… Elle traverse l’Histoire et s’engage dans toutes les causes avec une sincérité qui n’a d’égale que sa simplicité – deux qualités rares dans le show-biz.
Aux États-Unis, Here’s to you devint l’hymne du mouvement pour les droits civiques des années 1970. Mais en Europe, toute une génération danse sur cette chanson reprise en 1971 par Georges Moustaki sous le titre La Marche de Sacco et Vanzetti. Les Compagnons de la chanson la reprennent aussi en 1971, Tino Rossi en 1972, Mireille Mathieu en 1974, Nana Mouskouri en 1977… Tube international sur un thème politique, judiciaire et humain, c’est une réussite exemplaire à tout point de vue. À écouter sans modération.
Comme ils disent (1972)
« J’habite seul avec maman
Dans un très vieil appartement
Rue Sarasate
J’ai pour me tenir compagnie
Une tortue, deux canaris
Et une chatte
Pour laisser maman reposer
Très souvent, je fais le marché
Et la cuisine
Je range, je lave, j’essuie
À l’occasion, je pique aussi
À la machine
Le travail ne me fait pas peur
Je suis un peu décorateur
Un peu styliste
Mais mon vrai métier
C’est la nuit
Que je l’exerce travesti
Je suis artiste (…)
Nul n’a le droit en vérité
De me blâmer, de me juger
Et je précise
Que c’est bien la nature qui
Est seule responsable si
Je suis un homme, oh
Comme ils disent. »3Charles AZNAVOUR (1924-2018), auteur, compositeur, interprète
Écoutez Comme ils disent sur Youtube.
En chantant à la première personne le quotidien et la condition d’un travesti d’un cabaret parisien, Aznavour rompt avec un silence pesant depuis Vichy. L’homosexualité s’exprime ainsi par la voix d’un artiste sensible à ce problème qui ne le concerne vraiment pas… se révélant aussi un grand acteur : « Je me couche mais ne dors pas / Je pense à mes amours sans joie / Si dérisoires / À ce garçon beau comme un dieu / Qui sans rien faire a mis le feu / À ma mémoire / Ma bouche n’osera jamais / Lui avouer mon doux secret » chante Aznavour, simplement bouleversant pour évoquer le tabou de l’époque autour de l’homosexualité.
Rappelons qu’en 1972, l’homosexualité est toujours sanctionnée en France. Il faut attendre 1982 pour sa dépénalisation… et l’homophobie est encore d’actualité – sans parler d’une dizaine de pays arabes où cela reste un crime passible de la peine de mort.
Le temps d’une chanson, Aznavour se met ainsi à la place de ceux qui sont moqués et discriminés à cause de leur orientation sexuelle. Il l’interprète pour la première fois devant un cercle d’amis homosexuels étonnés par son audace. Il témoigne dans le Figaro en 2011 : « Ça a jeté un froid. Puis on m’a demandé qui allait chanter ça. J’ai répondu : « moi ». Nouveau silence. Puis quelqu’un s’est inquiété de savoir si je ferais une annonce. Vous m’imaginez annonçant sur scène que je vais me mettre à la place d’un homosexuel, alors que je ne le suis pas ? Il n’était pas question de reculer ! »
Le clip de l’INA (archives de 1974) montre la pudeur, la simplicité d’Aznavour qui fut aussi à l’occasion un grand acteur à la filmographie impressionnante, trouvant dès 1960 un de ses plus beaux rôles dans Tirez sur le pianiste, sous la direction de François Truffaut
Les Émigrants (1975)
« Comment crois-tu qu’ils sont venus?
Ils sont venus, les poches vides et les mains nues
Pour travailler à tours de bras
Et défricher un sol ingrat
Comment crois-tu qu’ils sont restés?
Ils sont restés, en trimant comme des damnés
Sans avoir à lever les yeux
Pour se sentir tout près de Dieu
Ils ont vois-tu, plein de ferveur et de vertu
Bâti un temple à temps perdu
Comment crois-tu qu’ils ont tenu?
Ils ont tenu, en étant croyants et têtus
Déterminés pour leurs enfants
À faire un monde différent
Les émigrants
Comment crois-tu qu’ils ont mangé?
Ils ont mangé, cette sacré vache enragée
Qui vous achève ou vous rend fort
Soit qu’on en crève ou qu’on s’en sort
Comment crois-tu qu’ils ont aimé?
Ils ont aimé, en bénissant leur premier né
En qui se mélangeait leurs sangs
Leurs traditions et leurs accents. »4Charles AZNAVOUR (1924-2018), auteur, compositeur, interprète
Écoutez Les Émigrants sur Youtube.
Des paroles qui résonnent encore aujourd’hui avec l’actualité brûlante, la question récurrente des migrations et des réfugiés en Europe. Cette chanson reste un hommage à toutes les personnes obligées de fuir leur pays en guerre. Une musique engagée, une situation intemporelle. Mais à l’inverse de « Comme ils disent », ce n’est pas un rôle de composition ! Charles Aznavour est né Shahnourh Aznavourian, fils d’Arméniens qui chanta sa terre d’accueil comme personne. Aussi vrai que les immigrés parlent parfois mieux que personne de la France.
Reste l’immense talent d’un interprète qui s’est imposé, unique en son genre et à contre-courant des modes, à force de travail comme tous les émigrants, et avec bien des handicaps : sa voix, sa petite taille, son physique ingrat aux antipodes des modes qu’il a traversées, au fil d’une étonnante carrière internationale.
Débutant dans les années 1940, il galère et connaît ses premiers succès lors d’une tournée au Maroc en 1953. Travailleur surdoué et forcené, il enregistre quelque 1 200 titres en français, anglais, italien, espagnol, allemand, arménien, napolitain, russe. Il écrit ou coécrit plus de mille chansons, pour lui ou pour des vedettes du show-biz, y compris Sylvie Vartan et Mireille Mathieu. Mais aussi pour Placido Domingo, star lyrique devenu son ami. C’est l’un des chanteurs français les plus célèbre en dehors de la francophonie, décrit comme « la divinité de la pop française » par le critique musical américain Stephen Holden (né en 1941, écrivain, poète, critique de cinéma et de musique américain).
Parallèlement à sa carrière musicale qui fait de lui l’ambassadeur de la chanson française, Aznavour qui tourne dans plus de 60 films prend encore le temps de s’engager politiquement, humainement, inlassablement. Il se bat pour les enfants de la guerre, dénonce le génocide arménien en chanteur engagé, obtient la nationalité arménienne en 2008. Il meurt à 94 ans, alors que sa tournée d’adieux n’était pas encore achevée.
Hexagone (1975)
« Ils s’embrassent au mois de Janvier
Car une nouvelle année commence
Mais depuis des éternités
L’a pas tell’ment changé la France
Passent les jours et les semaines
Y a qu’le décor qui évolue
La mentalité est la même
Tous des tocards, tous des faux culs
Ils sont pas lourds, en février
À se souvenir de Charonne
Des matraqueurs assermentés
Qui fignolèrent leur besogne
La France est un pays de flics
À tous les coins d’rue y’en a 100
Pour faire régner l’ordre public
Ils assassinent impunément (…)
En décembre c’est l’apothéose,
La grande bouffe et les p’tits cadeaux,
Ils sont toujours aussi moroses,
Mais y a d’la joie dans les ghettos,
La Terre peut s’arrêter d’tourner,
Ils rat’ront pas leur réveillon;
Moi j’voudrais tous les voir crever,
Étouffés de dinde aux marrons.
Être né sous l’signe de l’hexagone,
On peut pas dire qu’ca soit bandant
Si l’roi des cons perdait son trône,
Y aurait 50 millions de prétendants. »5RENAUD (né en 1952) auteur, compositeur, interprète
Douze témoignages à charge égrenés mois par mois au fil de l’année, pour un réquisitoire impitoyable contre les Français de l’Hexagone. « Les chansons politiques, quand elles ne sont pas réussies ont l’air de tracts » disait Jean Vasca, auteur, compositeur et interprète saluant la réussite de Ma France (signée Jean Ferrat) : « Quand elles sont réussies, comme celle-là, elles sont pleines de vérité humaine ». C’est le même sujet inépuisable, mais Renaud l’a traité de manière absolument opposée, fidèle à son personnage jusqu’à la caricature.
Il critique les dictons populaires et le côté conservateur des Français toujours pour l’ordre et la sécurité, mettant en parallèle deux évènements de l’histoire de France ayant tous deux échoué : la Commune de Paris et la guerre d’Algérie (avec l’affaire de la station du métro Charonne à Paris). Il dénonce l’hypocrisie des Français qui s’insurgent face à la barbarie du franquisme en Espagne, oubliant que la peine de mort est (était) toujours d’actualité en France. Il s’en prend au mythe de la Résistance né dès la Libération de Paris, de Gaulle et les autres Français réfugiés à Londres n’étant selon lui que des « planqués » ! La Révolution française s’est faite au profit au profit de la bourgeoisie et non du prolétariat – c’est une évidence reconnue. Mais les bals, les feux d’artifices, les flonflons, la bière, c’est « du pain et des jeux » comme chez les Romains, histoire de détourner le peuple de l’action politique. Les « congés payés » du Front populaire permettent aux Français d’accepter leur situation d’ouvriers exploités, d’où le tourisme de masse avec ses conséquences négatives. Le manque d’ouverture d’esprit des Français fait que seuls le vin et le fromage constituent un élément de fierté nationale ! Etc., etc., etc.
Renaud est sans conteste un chanteur engagé, défendant l’écologisme, l’antimilitarisme, les droits de l’homme, la lutte contre le fascisme. Mais il en devient excessif au point d’être insignifiant, ou tout simplement lassant. Bien torchée, interprétée avec toute la hargne requise, la chanson fut l’une des moins vendue et rarement reprise par d’autres interprètes, mais Renaud l’a gardée à son répertoire, corrigée pour quelques « détails de mise à jour historique » (par exemple, quand la peine de mort fut abolie en 1981).
Dans un autre d’engagement politique et un tout autre style artistique, en duo avec Axelle Red et sur une musique pop rock de Jean-Pierre Bucolo, Renaud touchera un grand public (et la critique au niveau international) avec Manhattan-Kaboul (2002), chanson écrite après les attentats du 11 septembre 2001 à New-York et la seconde guerre d’Afghanistan.
Une sorcière comme les autres (1975)
« Je vous ai portés vivants
Je vous ai porté enfants
Vous m’avez aimée servante
M’avez voulu ignorante […]
Vous m’avez aimée putain
Et couverte de satin
Vous m’avez faite statue
Et toujours je me suis tue. »6Anne SYLVESTRE (1934-2020), auteur, compositeur, interprète
Écoutez Une sorcière comme les autres sur Youtube.
La jeune artiste native de Lyon apprend son métier à la rude école des cabarets parisiens (La Colombe, La Contrescarpe, les Trois Baudets). Elle se fait remarquer à la radio, bientôt comparée à Brassens pour la qualité de ses textes et sa guitare. De la belle ouvrage et soixante ans de carrière vont suivre. Avec son franc-parler, son humour et sa tendresse, elle dégage une sympathie infiniment touchante pour son public de fidèles – y compris les enfants qu’elle enchante littéralement avec ses Fabulettes, autre partie de son répertoire qui fit de l’ombre aux chansons combattantes sur le viol (Douce maison), l’avortement (Non, tu n’as pas de nom), la misère et les sans-abris (Pas difficile), l’homosexualité (Xavier), le mariage pour tous (Gay, marions-nous).
Si Anne Sylvestre refuse le qualificatif de chanteuse engagée (avec sa Chanson dégagée), elle revendique quand même son féminisme qu’elle décline sur tous les tons, de la tendresse à la dureté ou la causticité, son humour gravement souriant faisant d’autant mieux passer le message. Elle chantera ainsi jusqu’à 84 ans, morte d’un AVC… et du chagrin d’avoir perdu son petit-fils, Baptiste Chevreau, 24 ans, chanteur passionné de guitare, une des 90 victimes de l’attentat du Bataclan à Paris (13 novembre 2015).
Une sorcière comme les autres se veut un rappel aux hommes d’une condition féminine présupposée à travers les âges. Le refrain (dont le dernier vers sert de titre) montre la communauté de destin de toutes les femmes. L’image de la sorcière souligne les pouvoirs que demande le rôle de mère, en même temps que le sort obscur dans lequel elles restent.
Je suis pour (1976)
« Tu as volé mon enfant,
Versé le sang de mon sang.
Aucun Dieu ne m’apaisera.
J’aurai ta peau, tu périras.
Tu m’as retiré du cœur
Et la pitié et la peur.
Tu n’as plus besoin d’avocat.
J’aurai ta peau, tu périras.
Tu as tué l’enfant d’un amour.
Je veux ta mort.
Je suis pour.
Les bons jurés qui s’accommodent
Des règles prévues par le code
Ne pourront jamais t’écouter,
Pas même un christ à tes côtés.
Les philosophes, les imbéciles,
Parce que ton père était débile,
Te pardonneront mais pas moi.
J’aurai ta tête en haut d’un mât.
Tu as tué l’enfant d’un amour.
Je veux ta mort.
Je suis pour. »7Michel SARDOU (né en 1947), auteur, compositeur, interprète
Écoutez Je suis pour sur Youtube.
Dans la chanson engagée, les idées exprimées font souvent débat et parfois polémique. C’est le cas de Michel Sardou qui en a souvent profité – rappelons Les Ricains (1967) qui a lancé sa carrière, malgré la censure sur les médias et les critiques contradictoires. Cette fois, le cas est différent. Cette nouvelle chanson va suivre l’artiste toute sa vie, alors même qu’il décida de l’exclure de ses récitals après son passage à l’Olympia en 1976 et la tournée qui suivit.
Rappelons le contexte historique. 30 janvier 1976, Philippe Bertrand, 7 ans, est enlevé à la sortie de son école. Son ravisseur, Patrick Henry, 22 ans, avoue le meurtre. Le procès commence un an après. Ses avocats, Maitres Badinter et Bocquillon, vont tout faire pour lui éviter la guillotine.
Sardou (lui-même jeune père d’un premier fils de deux ans) s’inspire aussitôt du fait divers, incarnant sans mal le père de l’enfant assassiné pour réclamer justice. S’il ne l’obtient pas des jurés, il appliquera lui-même la loi du talion, vieille comme le monde, œil pour œil, dent pour dent. Se mettant hors la loi en toute conscience pour faire justice, il s’exposera lui-même à la justice.
L’artiste sera désormais accusé de faire l’apologie de la peine de mort. Il s’en défend, il ne fait que soutenir la loi du talion, mais sans parvenir à convaincre ses détracteurs. N’oublions pourtant pas qu’à l’époque, la France était majoritairement pour la peine de mort… et saluons le courage de la gauche au pouvoir d’avoir fait voter l’abolition prévue dans « les 110 propositions de la gauche », désormais inscrite dans la Constitution en 2007 et donc intouchable.
Même année 1976, Sardou trouve un autre sujet d’indignation politique plus consensuel avec Le France et le sort fait au paquebot, authentique fleuron national : « Ne m’appelez plus jamais « France » / La France elle m’a laissé tomber / Ne m’appelez plus jamais « France » / C’est ma dernière volonté. » Pour l’Histoire, le paquebot, symbole d’une grandeur nationale déchue, est à quai depuis un an au Havre. Ses pertes ont eu raison de l’aventure. « On ne marchande pas la grandeur » disait de Gaulle qui lança le projet en 1960 pour assurer la liaison Le Havre-New York. Après quelques glorieuses et fastueuses années, l’affaire se révèle un gouffre financier, sans parler du scandale écologique. Le président Giscard d’Estaing valide le désarmement du France et propose de le vendre. D’où l’indignation de Sardou, sur un texte coécrit avec Pierre Delanoë, musique de Jacques Revaux. Le paquebot connaîtra plusieurs transformations et changements de propriétaires, avant d’être démantelé à la fin des années 2000.
Lily (1977)
« On la trouvait plutôt jolie, Lily
Elle arrivait des Somalies, Lily
Dans un bateau plein d’émigrés
Qui venaient tous de leur plein gré
Vider les poubelles à Paris
Elle croyait qu’on était égaux, Lily
Au pays d’Voltaire et d’Hugo, Lily
Mais, pour Debussy, en revanche
Il faut deux noires pour une blanche
Ça fait un sacré distinguo
Elle aimait tant la liberté, Lily
Elle rêvait de fraternité, Lily
Un hôtelier, rue Secrétan
Lui a précisé, en arrivant
Qu’on ne recevait que des Blancs… »8Pierre PERRET (né en 1934), auteur, compositeur, interprète
Le gentil Pierre Perret est avant tout l’artiste heureux et souriant de refrains bien troussés, mais innocents et légers : Le Zizi, Les Jolies colonies de vacances, La Cage aux oiseaux… Il tend soudain au pays le miroir de ses mauvaises pensées et de ses gestes mesquins. C’est un tournant dans sa carrière, l’une des plus belles et des plus populaires chansons de l’artiste, sur le thème récurrent et (re)devenu très politique de l’immigration et du racisme.
Il conte simplement l’histoire d’une jeune Somalienne dont le prénom évoque le lys, symbole de la France, et dont la vie sera faite de désillusions et d’exclusions. Elle essaiera aussi de s’intégrer à l’Amérique d’Angela Davis, mais la couleur noire ne porte pas non plus bonheur là-bas. Son histoire finit malgré tout par une note d’espoir : « Mais dans ton combat quotidien Lily / Tu connaîtras un type bien Lily / Et l’enfant qui naîtra un jour / Aura la couleur de l’amour / Contre laquelle on ne peut rien. »
Preuve qu’on peut faire une bonne chanson avec de bons sentiments, sans bruit et sans fureur, le destin de cette Lily nous change de tous les textes engagés dans le bruit et la fureur.
Aux armes et cætera (1979)
« Allons enfants de la Patrie
Le jour de gloire est arrivé
Contre nous, de la tyrannie
L’étendard sanglant est levé
Aux armes et caetera
Aux armes et caetera
Aux armes et caetera
Aux armes et caetera »9Serge GAINSBOURG, auteur, compositeur, interprète
Écoutez Aux armes et cætera sur Youtube.
Parti en Jamaïque pour enregistrer un album avec de grands musiciens de reggae, le chanteur français en rapporte un scandale fondateur qui fait danser la Marseillaise.
Gainsbourg est considéré comme l’un des plus grands auteurs de chansons à texte, malgré son côté sombre, plus provocateur et arrogant. Certains épisodes de sa vie restent d’ailleurs controversés. Mais cette chanson, c’est une tout autre histoire.
La Marseillaise est notre premier tube national, paroles et musique de Rouget de l’Isle, chant composé dans la nuit du 25 avril 1792 à la requête du maire de Strasbourg, joué pour la première fois par la musique de la garde nationale de cette ville, le 29 avril. Les fédérés marseillais, appelés à la suite de la déclaration de guerre, l’adoptent pour son incontestable talent, traversent la France et défilent dans la capitale, avec ce Chant de guerre pour l’armée du Rhin le 30 juillet 1792 (ou le 10 août selon d’autres sources). Connu de tout Paris en un jour, rebaptisé Marseillaise par les Parisiens, diffusé à 100 000 exemplaires par la Convention fin septembre, ce chant entre dans l’histoire de France. Promue hymne national une première fois en 1795, abandonnée en 1804 sous l’Empire, au profit du Chant du départ, La Marseillaise redevient définitivement hymne national en 1880, sous la Troisième République. Bref, Gainsbourg s’attaque à un monument historique… Sur un air reggae, il compose le titre Aux armes et cætera, à partir des paroles de l’hymne.
S’ensuivent des années de polémiques, entre les vives réactions de militaires et d’anciens combattants. Une séance de dédicace est annulée à Marseille en septembre 1979. Janvier 1980, une alerte à la bombe précède un de ses concerts à Strasbourg… qui n’aura pas lieu. L’artiste sait jusqu’où ne pas aller trop loin, quand il y a vraiment danger. 14 décembre 1981, il achète l’un des deux manuscrits originaux de La Marseillaise de Rouget de Lisle à la salle des ventes de Versailles, pour 135 000 francs (plus de 20 000 euros). Une façon pour lui d’en finir avec la controverse. Mais le public en redemande. L’album éponyme devient le premier disque d’or de la carrière de Serge Gainsbourg. Le scandale paie, le talent aussi.
Résiste (1981)
« Si on t’organise une vie bien dirigée
Où tu t’oublieras vite
Si on te fait danser sur une musique sans âme
Comme un amour qu’on quitte
Si tu réalises que la vie n’est pas là
Que le matin tu te lèves
Sans savoir où tu vas
Résiste
Prouve que tu existes
Cherche ton bonheur partout, va
Refuse ce monde égoïste
Résiste
Suis ton cœur qui insiste
Ce monde n’est pas le tien, viens
Bats-toi, signe et persiste
Résiste »10Michel BERGER (1947-1992), auteur et compositeur pour France GALL (1947-2018), sa femme et interprète
Chanson qui se veut intemporelle et universelle, ses paroles appellent les femmes, les hommes, les jeunes à s’engager et à résister contre la « tyrannie » et « l’infamie ». Elle crie haut et fort « Danse pour le début du monde / Danse pour tous ceux qui ont peur / Danse pour les milliers de cœurs / Qui ont droit au bonheur / Résiste. » Chanson engagée par excellence et faussement légère.
Elle fait date, mais elle date aussi. La composition, l’interprétation ? À vous de juger. Mais l’intention est juste et une génération l’a adoptée. Elle a donc sa place dans notre Histoire en chantant.
Regarde (1981)
« Regarde : Quelque chose a changé.
L’air semble plus léger.
C’est indéfinissable.
Regarde : Sous ce ciel déchiré,
Tout s’est ensoleillé.
C’est indéfinissable.
Un homme, Une rose à la main,
A ouvert le chemin,
Vers un autre demain… »11BARBARA (1930-1997), Regarde. Chanson dédiée à François Mitterrand et ovationnée en novembre 1981 à l’hippodrome de Pantin, emplacement actuel du Zénith de Paris
Pas d’image d’une Barbara déjà malade, malgré tout elle était bien là au rendez-vous de l’Histoire, prête à croire aux lendemains qui chantent.
Beaucoup d’artistes ont accompagné le président en campagne, plus nombreux encore au lendemain de sa victoire. Malgré tout, les mots, la musique, la voix, l’émotion de Barbara étonnent toujours et résonnent encore : « Regarde : C’est fanfare et musique, / Tintamarre et magique, / Féerie féerique. / Regarde : Moins chagrins, moins voûtés, / Tous, ils semblent danser, / Leur vie recommencée. / Regarde : On pourrait encore y croire. / Il suffit de le vouloir, / Avant qu’il ne soit trop tard. / Regarde : On en a tellement rêvé, / Que sur les murs bétonnés, / Poussent des fleurs de papier […] Regarde : Au ciel de notre histoire, / Une rose, à nos mémoires, / Dessine le mot espoir ! »
Le 21 mai, 11 jours après l’élection, François Mitterrand prend officiellement ses fonctions de président de la République. Journée ponctuée par des cérémonies officielles et des manifestations publiques. Presque trop bien mis en scène et filmé, le président remonte la rue Soufflot au milieu de la foule et se retrouve seul, franchit la porte du Panthéon, pour se rendre dans la crypte et déposer une rose sur les tombes de Jean Jaurès, Victor Schœlcher et Jean Moulin…
La rose, symbole du PS, est naturellement présente dans Regarde : « Et l’homme, Une rose à la main, / Étoile à son destin, / Continue son chemin. / Seul, Il est devenu des milliers, / Qui marchent, émerveillés, Dans la lumière éclatée… »
Cette chanson eut un grand retentissement à l’époque, si bien sentie, si bien écrite, idéalement représentative d’un état d’esprit et d’un espoir, pour plus de la moitié des Français électeurs et pour le monde de la culture qui se déclare toujours résolument de gauche. Pourtant, c’est aujourd’hui l’une des moins connues du répertoire iconique de Barbara.
L’Aziza (1985)
« Petite rue de Casbah
Au milieu de Casa
Petite brune enroulée d’un drap
Court autour de moi
Ses yeux remplis de « pourquoi ? »
Cherchent une réponse en moi
Elle veut vraiment que rien ne soit sûr
Dans tout ce qu’elle croit
Ta couleur et tes mots, tout me va
Que tu vives ici ou là-bas
Danse avec moi (Danse avec moi)
Si tu crois que ta vie est là
Ce n’est pas un problème pour moi
L’Aziza
Je te veux si tu veux de moi. »12Daniel BALAVOINE (1952-1986), auteur, compositeur, interprète
Daniel Balavoine reste un des chanteurs les plus engagés de son époque. Sa mort à 33 ans, dans un accident d’hélicoptère lors d’une opération humanitaire en Afrique, a naturellement frappé l’opinion publique et ses nombreux amis dans le show-biz.
Copain de Coluche et parrain médiatique de ses Restos du cœur, artiste non conformiste déjà multirécompensé en dix ans de carrière et huit albums, pop-rocker expérimental qui osait tout dans les vocalises de sa voix haut-perché, c’était en même temps un irrésistible batailleur pour toutes les bonnes causes à défendre, polémiste attendu pour ses coups de gueule à la télé. L’une des raisons de sa colère, le racisme de la société française particulièrement choquant dans les années 1980. Il en fait le thème d’une de ses plus belles chansons, L’Aziza lancé un mois avant sa mort sur le plateau du « Grand échiquier » de Jacques Chancel, émission culte de variétés sur Antenne 2.
Hymne à l’amour destiné à sa femme d’origine juive marocaine, ce titre symbolise aussi ses convictions politiques. À travers ses paroles, Balavoine lançait un message à celles et ceux qui se laissaient déjà séduire par les idées d’un Front national sur la question de l’immigration. Au lendemain de la victoire de son parti aux élections européennes du 17 juin 1984, Jean-Marie Le Pen affirmait : « La victoire du Front national est une percée politique comme il n’y en a jamais eu. Tout commence aujourd’hui. Le destin de l’Europe et même du monde est en train de changer. » Avec 10,95 % des suffrages exprimés (2,2 millions de voix), il se trouve presque à égalité avec le PC et devient président du groupe des droites européennes au Parlement européen. On connaît la suite avec sa fille Marine Le Pen dont le nouveau RN (Rassemblement national) rassure et fait presque jeu égal avec le parti présidentiel de Macron, deux fois présent au second tour.
L’Aziza, ce chant d’amour et de fraternité transraciale, a toujours ra raison d’être.
Chanson des restos du cœur (1986)
« Moi, je file un rancard
A ceux qui n’ont plus rien
Sans idéologie, discours ou baratin
On vous promettra pas
Les toujours du grand soir
Mais juste pour l’hiver
A manger et à boire
A tous les recalés de l’âge et du chômage
Les privés du gâteau, les exclus du partage
Si nous pensons à vous, c’est en fait égoïste
Demain, nos noms, peut-être grossiront la liste
Aujourd’hui, on n’a plus le droit
Ni d’avoir faim, ni d’avoir froid
Dépassé le chacun pour soi
Quand je pense à toi, je pense à moi.
Je te promets pas le grand soir
Mais juste à manger et à boire
Un peu de pain et de chaleur
Dans les restos, les restos du cœur.
Aujourd’hui, on n’a plus le droit
Ni d’avoir faim, ni d’avoir froid. »13Jean-Jacques GOLDMAN (né en 1951), auteur, compositeur et interprète… avec d’innombrables voix célèbres et inconnues
Écoutez la Chanson des restos du cœur sur Youtube.
Appelé par son pote Coluche qui veut donner à manger à ceux qui ont faim, Goldman écrit un des hymnes les plus efficaces et généreux des années 80 et les Français vont prendre l’habitude de soutenir eux aussi les Restos du cœur.
La solidarité des artistes a elle aussi survécu à la mort accidentelle de son fondateur, 19 juin 1986, renversé par un camion alors qu’il se trouvait à moto (une Honda 11 VFC noire et rouge) à Opio, près de Grasse, dans les Alpes-Maritimes. Il avait 41 ans.
Le concert des Enfoirés du 3 mars 2023 affichait 47 artistes sur scène, dont Jane Birkin et Elie Semoun (nouveaux venus), à côté des habitués, tels que Jean-Louis Aubert, Amel Bent, Patrick Bruel, Carla Bruni, Nicolas Canteloup, Claudio Capéo, Julien Clerc, Patrick Fiori, Garou, Marie-Agnès Gillot, Jenifer, Michèle Laroque, Nolwenn Leroy, Christophe Maé, Mimie Mathy, Kad Merad, Isabelle Nanty, Thomas Pesquet, Lorie Pester, Slimane, Soprano, Vianney, Christophe Willem, Zaz et Zazie.
Quant à Jean-Jacques Goldman, il s’est vite imposé parmi les chanteurs comme l’un des chanteurs les plus populaires de sa génération, avec des titres comme Il suffira d’un signe (1981), Quand la musique est bonne (1982), Je te donne (1985), son plus gros succès commercial, certifié disque de platine (plus d’un million d’exemplaires vendus). En plus de ses propres chansons, il a écrit et composé pour de nombreux autres artistes, dont Johnny Hallyday et Céline Dion, mais aussi des musiques de films et des génériques d’émissions télévisées.
C’est aussi un artiste toujours engagé auprès d’œuvres humanitaires ou caritatives, notamment Les Restos du cœur, via Les Enfoirés dont il est l’un des fondateurs, membre de la troupe jusqu’en 2016. Il est régulièrement élu personnalité préférée des Français malgré une carrière musicale interrompue depuis 2004 (hormis quelques rares collaborations) et une discrétion médiatique délibérée.
Moins connu, quoique très médiatisé dans les « années de plomb », son demi-frère Pierre Goldman, militant d’extrême gauche soutenu par Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Simone Signoret, auteur de trois braquages qu’il a reconnus et pour lesquels il a été condamné, condamné ensuite à perpétuité en 1974 pour l’affaire de la pharmacie du boulevard Richard-Lenoir et acquitté en 1976 pour les mêmes faits, assassiné en 1979. Le crime, revendiqué par Honneur de la Police, un mystérieux groupe clandestin d’extrême droite, demeure à ce jour non élucidé.
Pass pass le oinj (1995)
« Toujours prêt quand faut rouler un spliff
Ouai mais tel est là mon kiff
Ça me rend plus expressif, ouai exclamatif
Hum, pass pass le oinj, j’active mes méninges,
Mec ça y est je l’ai, ouai
Les jeux sont faits
Mais mais je ne comprends pas pourquoi
Tout le monde me mate comme ça,
Alors (Refrain)
Pass pass le oinj
Y’a du monde sur la corde à linge
Pass pass le oinj, pass pass le oinj
Pass le oinj… »Suprême NTM, ou simplement NTM (Nique ta mère). Pass pass le oinj, Live au Zénith de Paris, 1995.
Écoutez Pass le oinj sur Youtube.
Pass le oinj : « Passe le joint » (en verlan). Quant au rap, ce mot anglais vient de l’argot noir américain « to rap », bavarder sur un fond rythmique.
Ce groupe de rap français originaire de la Seine-Saint-Denis (93) est composé de deux rappeurs aux tempéraments complémentaires, Joey Starr (né Didier Morville en 1967) le brutal et Kool Shen (né Bruno Lopes en 1966) plus cartésien. Il marque les débuts du rap des années 1990 en France. Phénomène sociétal et commercial, cette déferlante reflète la brutalité d’une jeunesse qui ne trouve pas d’autres moyens pour exprimer sa colère et la partager avec ses pairs. La provoc’ s’inscrit aussi dans le nom du groupe NTM, acronyme de « Nique ta mère ».
Selon les spécialistes de la chose et les professionnels de la profession (pour reprendre le langage « nouvelle vague » de Jean-Luc Godard lui-même transgressif dans le genre cinéma), « leur style va évoluer entre rap hardcore et rap conscient, tout en passant par le rap ‘festif’ dans Pass pass le oinj » qui lance NTM – mais pas la « locution phrastique » et plaisamment imagée : « Y’a du monde sur la corde à linge ».
Il existe des variantes au texte, selon les impros des chanteurs et les sites qui donnent les paroles, néologismes et onomatopées comprises. Quelle que soit la version, elle affole la boussole numérique de la correction automatique appelée au secours en dernier recours. La bande-son étant quasi impossible à comprendre sur You Tube, voici la suite, méticuleusement et intégralement retranscrite pour les amateurs et les non-initiés :
« L’ami kool shen et un x point, hey, / Se languissent pendant que je prends / Tout mon temps /
Hey hey hey hey, pourtant ça n’est ni l’heure ni le moment / Pourtant j’aurai pas la paix un instant /
Pourtant ils ont déjà beaucoup d’avance au score / Tout ça a déjà fait partie de notre folklore alors, /
Pass le spliff / Vas-y fais tourner, tu vas encore t’étouffer avec.
Refrain : Pass pass le oinj, pass pass le oinj / Y a du monde sur la corde à linge
Pass pass le oinj, pass pass le oinj / Pass le oinj.
Nierda, que tout simplement il ne fume pas de hash ni de ganja / De toute façon avec mes potes a hace mucha /
Tout ça explique pourquoi, t’es si pressé tu sais / Que tu es prêt à tout / Et est jeune perdant /
Attends calmement que kool shen daigne décoller de sa bouche / Sans prendre la haine /
Mais hey ouai quand tu (es) là ne m’envoie pas / La fumée en pleine face, tu sais je ne supporte pas /
Je me fâche, le prends et l’écrase cash.
Refrain Pass pass le oinj, pass pass le oinj / Y a du monde sur la corde à linge
Pass pass le oinj, pass pass le oinj / Pass le oinj
Alors que c’est sympa merci j’en attendais pas tant / C’est gentil, j’apprécie / Mais là mais là mais là je suis /
Sincèrement parti pour laisser passer mon tour / Un stick de plus et mon cerveau finit dans l’arrière-cour /
Je suis fraca, la sgong / A eu raison de moi je suis / Dans un état, comment dire, très proche du coma /
Cependant j’avoue que c’est bandant / Ces moments où je suis le plus créatif sûrement /
Dans ce cas-là j’augmente le volume / Me rallume un spliff et fume /
Pour pas qu’il se consume seul / C’est une coutume mais / Pass le spliff… »
Phénomène de société qui touche particulièrement la jeunesse, la drogue sous toutes ses formes reste un mal récurrent (et galopant ?) contre lequel il faut naturellement lutter. Pas certain que Passe le oinj (le joint) ait jamais eu ce but, dans l’esprit de ses pratiquants. Mais l’ambiguïté ne date pas de NTM !
Baudelaire qui vantait les Paradis artificiels (1860) en poète inspiré et consommateur éclairé avertissait le lecteur qu’« un boucher drogué ne fera jamais que des rêves de boucher ». Un site bien informé (« Sens critique ») recense 23 chansons sur la drogue, la plus connue (vécue et inspirée) étant Sister Morphine (2009) des Rolling Stones, experts reconnus en la matière. Citons aussi Cocaine (1976) de J.J.Cale (chanteur et guitariste rock, blues, americana), reprise entre autres par Éric Clapton, chanson antidrogue d’un ex-drogué des années 70, quoique… le message n’est finalement pas clair.
Wikipédia noie le poisson en consacrant un article très documenté aux « chansons ayant trait aux psychotropes ». Les boissons avec l’alcool arrivent largement en tête – dont Amsterdam et La Bière de Jacques Brel, Cigarettes, whisky et p’tites pépées, un tube repris par Philippe Clay, Annie Cordy, Guy Marchand, Eddie Constantine, Lucky Blondo, Le Diable dans la bouteille de Juliette – cru 2013 à déguster sans modération –, L’Ivrogne de Jacques Brel (décidément omniprésent), Jef (idem), Je bois de Boris Vian, Je suis sous de Claude Nougaro, Pochtron de Renaud, Le Vin de Georges Brassens, Le Vin de l’assassin (Charles Baudelaire et Léo Ferré)…
Restent les amphétamines, le cannabis, la cocaïne, le crack, l’ecstasy, les hallucinogènes, les opiacées (héroïne et opium). Sujets d’inspiration inépuisables. À croire que c’est le phénomène de société le plus traité par les ACI (auteurs, compositeurs, interprètes)…
Pose ton gun (1998)
« Boom boom bang bad boy pose ton gun
Boom boom bang avant qu’il y ait maldonne
Boom boom bang bad boy pose ton gun
Boom boom bang bad boy
Fixe, fixe l’avenir auquel tu te risques
Fixe, fixe tous les noms sur la liste
De ceux qui sont tombés avant leur vingtième année
N’ayant su gérer ce que la vie leur a donné
Trop immature, ça, sound boy tu l’es, c’est sûr
Trop immature tu gères pas quand t’es biture (put down)
Put down di gun now (put down)
Put down di gun now (put down)
Put down di gun say Jaguar Gorgone
Boom boom bang bad boy pose ton gun
Boom boom bang avant qu’il y ait maldonne
Boom boom bang bad boy pose ton gun
Boom boom bang bad boy… »14Suprême NTM, ou simplement NTM (Nique ta mère). Pose ton gun, Live au Zénith de Paris, 24 et 25 novembre 1998
Écoutez Pose ton gun sur Youtube.
Pour la forme (musique et paroles, rythme et onomatopées), c’est de la même veine que Pass pass le oinj. Pour le fond, Pose ton gun tranche sur le répertoire « classique » de NTM (de même que Laisse pas traîner ton fils). Faisant preuve d’une nouvelle prise de conscience et d’une certaine maturité du groupe, le titre porte un message de paix. À l’intention des malentendants résolument allergiques au répertoire du rap, disons en résumé que cette chanson se veut une leçon de vie, voire de morale : en forme de refrain répété ad libitum en fonction de la réaction du public ou de l’inspiration des artistes, le titre en témoigne clairement : Pose ton gun signifie « Pose ton fusil, Bas les armes. » Autrement dit : Stop à la violence.
Les premières phrases posent l’atmosphère et le thème de ce manifeste musical et martelé : « Fixe fixe l’avenir auquel tu te risques / Fixe fixe tous les noms sur la liste / De ceux qui sont tombés avant leur 20ème année. »
Est-il besoin d’expliquer que dans tout ce premier couplet, Joey Starr avertit les jeunes (de banlieue) des risques courus en jouant aux caïds !? Il veut leur faire comprendre que la mort les attend souvent au tournant. Au refrain, un seul conseil, martelé obsessionnellement : « Pose ton gun ».
Dans le second couplet, Kool Shen ne se contente plus de donner des conseils aux jeunes, il raisonne et commence par dire l’importance des problèmes dans les banlieues : « Les problèmes sont en effet de taille… » Thème récurrent bien avant Sarkozy, ministre de l’Intérieur à partir de 2002 : « Vous en avez assez, hein, vous avez assez de cette bande de racailles ? Eh bien on va vous en débarrasser ». Le partenaire de Joey Starr joue ensuite sur les valeurs, les sentiments : « Joue pas les champions, non ! Joue pas les champions / Y’a pas de surhomme, et surtout personne n’a de sérum / Contre la mort, alors / Alors prends soin des tiens d’abord / Et si tu biz, mec j’t’assure, ne t’éloignes pas du bord / C’est respecte les gens, pas leur gent-ar / Qu’ils pèsent ou non, qu’ils viennent ou non du tier-quar, car / C’est fini le temps où, mon gars, tu pouvais tout / Contrôler, tout a changé surtout / Pose ton gun, mec, sinon c’est dix ans / Plus la mort d’un homme sur la conscience, c’est pesant / Et puis si t’as les couilles de tirer, va tirer sur des fourgons blindés / Prends de l’oseille au lieu de jouer / Avec la vie de familles entières / Fatiguées d’aller fleurir les tombes de nos frères / Tombés sous des rafales de balles, (Refrain) Boom boom bang bad boy pose ton gun…
Reste une question à poser : un message de paix signé NTM, c’est quand même suspect ou pour le moins ambigu de la part de Joey Starr condamné à la prison ferme 14 fois pour violences volontaires, entre 1995 et 2003. Le groupe NTM s’est séparé pour diverses raisons à la fin des années 90
Les Mains d’or (2001)
« J’voudrais travailler encore, travailler encore
Forger l’acier rouge avec mes mains d’or
Travailler encore, travailler encore
Acier rouge et mains d’or. »15Bernard LAVILLIERS (né en 1946), auteur et interprète, sur une musique de Pascal ARROYO (né en 1946)
Écoutez Les Mains d’or sur Youtube.
Superbe image ! Les « mains d’or » sont celles des ouvriers de la sidérurgie, illuminées par les éclats du métal en fusion, travaillant l’acier devenu doré et éclatant comme le métal le plus précieux, du fait de sa chaleur. C’est un hommage au travail des ouvriers de la sidérurgie, comme l’indique le refrain qui évoque « l’acier rouge et les mains d’or ».
La chanson se situe dans un contexte historique particulier. En 2001, la sidérurgie française est en crise depuis plusieurs années et de nombreux sites ont déjà fermé. En 2011, Bernard Lavilliers afin de soutenir les « métallos » de l’usine Arcelor Mittal à Florange leur dédiera cette chanson qu’il interprète avec une chorale.
Saluons l’authenticité et la crédibilité de l’artiste qui à 16 ans commença à travailler comme tourneur-fraiseur à la Manufacture d’armes de Saint-Etienne. Il témoigne en avril 2020 sur Arte, dans un documentaire historique en quatre épisodes, « Le Temps des ouvriers » : « À l’époque, les travailleurs étaient extrêmement contrôlés, obligés de passer par la pointeuse, une machine qui enregistrait les heures de présence. Finalement, l’ouvrier donnait sa peau, ses bras contre du temps de travail. Il ne lui restait que quelques heures pour dormir, se reconstituer et retourner le lendemain au boulot. Les syndicats sont nés à cause de cette exploitation. »
Sa réussite originale dans le show-biz et sa longévité sont d’autant plus exemplaires, dans un registre très personnel. C’est même l’un des derniers représentants d’un âge d’or de la chanson française devenu mythique. Mais Lavilliers, très souvent auteur, compositeur, interprète, reste un authentique baroudeur, reconnu pour son mélange de chanson française, rock, reggae et bossa nova. Son parcours musical est marqué par des voyages à travers le monde, notamment en Amérique latine, qui ont influencé son style et ses textes.
Au-delà de sa carrière musicale, Lavilliers également acteur à ses heures fut associé à divers mouvements politiques et sociaux tout au long de sa vie. Il a notamment soutenu les ouvriers en lutte, les sidérurgistes lorrains et s’est engagé contre le barrage de Belo Monte en faveur des Amérindiens.
Respire (2003)
« Approche-toi petit, écoute-moi gamin
Je vais te raconter l’histoire de l’être humain
Au début y avait rien, au début c’était bien
La nature avançait, y avait pas de chemin
Puis l’homme a débarqué avec ses gros souliers
Des coups de pieds dans la gueule pour se faire respecter
Des routes à sens unique il s’est mis à tracer
Les flèches dans la plaine se sont multipliées
Et tous les éléments se sont vus maîtrisés
En deux temps trois mouvements l’histoire était pliée
C’est pas demain la veille qu’on fera marche arrière
On a même commencé à polluer les déserts
Il faut que tu respires, et ça c’est rien de le dire
Tu vas pas mourir de rire, et c’est pas rien de le dire. »16Mickael FURNON (né en 1970), chanteur du groupe de rock français MICKEY 3D (né en 1996)
Comme si de rien n’était, le trio stéphanois balança cette petite bombe écolo-apocalyptique qui va tourner en boucle sur les ondes radio et séduire le grand public. Ce tube écologiste est son plus grand succès, avec deux Victoires de la Musique en 2004 : Chanson de l’année et Clip vidéo.
Il s’adresse ici à un enfant et lui raconte l’histoire humaine, avant de l’alerter sur l’état du monde actuel et ce qu’il risque de devenir si les humains continuent de détruire égoïstement la nature. Impossible de ne pas rappeler le film du réalisateur américain Richard Fleischer en 1973, Soleil vert (Soylent Green), inspiré du roman d’anticipation Make Room (1966) de Harry Harrison.
Ma France à moi (2006)
« Ma France à moi elle parle fort, elle vit à bout de rêves
Elle vit en groupe, parle de bled et déteste les règles
Elle sèche les cours, le plus souvent pour ne rien foutre
Elle joue au foot sous le soleil, souvent du Coca dans la gourde (…)
Non, ma France à moi c’est pas la leur qui fête le Beaujolais
Et qui prétend s’être fait baiser par l’arrivée des immigrés
Celle qui pue l’racisme mais qui fait semblant d’être ouverte
Cette France hypocrite qui est peut-être sous ma fenêtre
Celle qui pense que la police a toujours bien fait son travail
Celle qui se gratte les couilles à table en regardant Laurent Gerra
Non, c’est pas ma France à moi, cette France profonde
Alors peut être qu’on dérange mais nos valeurs vaincront
Et si on est des citoyens, alors aux armes la jeunesse
Ma France à moi leur tiendra tête, jusqu’à ce qu’ils nous respectent. »17Mélanie Georgiades, dite DIAM’S (née en 1980)
Écoutez Ma France à moi sur Youtube.
Née à Chypre d’un père chypriote grec et d’une mère française, elle arrive en France avec elle à trois ans, après la séparation de ses parents. Naturalisée française, la jeune artiste va se lancer dans le créneau le plus populaire, mais aussi le plus masculin : le rap. Elle se choisit un nom de scène – ou de combat : « Je tombe sur la définition du mot diamant et j’apprends qu’un diamant ne peut être brisé que par un autre diamant et qu’il n’est fait que d’éléments naturels. » (sur Zicline, radio musicale, 2006).
Diam’s monte un groupe avec un ami qui l’initie à la composition. En 2003, elle est disque d’or avec son deuxième album, Brut de femme, et remporte une Victoire de la musique pour le meilleur album rap de l’année 2004. C’est très vite la gloire : disque d’or, de platine, de diamant en 2007. Son quatrième album SOS, sort en 2009.
Politiquement très engagée, elle impose un style personnel, plus scandé que martelé, sur une mélodie envoûtante : « C’est pas ma France à moi cette France profonde / Celle qui nous fout la honte et aimerait que l’on plonge / Ma France à moi ne vit pas dans le mensonge / Avec le cœur et la rage, à la lumière, pas dans l’ombre / Ma France à moi, c’est pas la leur, celle qui vote extrême / Celle qui bannit les jeunes, anti-rap sur la FM / Celle qui s’croit au Texas, celle qui a peur de nos bandes / Celle qui vénère Sarko, intolérante et gênante… »
Marine (Le Pen) aura aussi droit à une chanson moins percutante que bouleversante : « Marine / T’as un prénom si tendre / Un vrai prénom d’ange / Mais dis-moi c’qui te prend / Marine / On ne sera jamais amies / Parce que ma mère est française / Mais qu’je ne suis pas née ici / Marine / Regarde-nous / On est beau / On vient des 4 coins du monde / Mais pour toi on est trop / Ma haine est immense quand je pense à ton père / Il prône la guerre quand nous voulons la paix… » Marine (2004).
Choc dans le show-biz, en 2010, Diam’s, convertie à l’Islam depuis deux ans renonce à sa carrière et s’affiche avec le jilbab. Elle publie Autobiographie (2012), puis Mélanie, française et musulmane (2015). « Par le passé, j’ai connu la prison des codes de l’apparence et de la beauté. »
Mai 2022, son documentaire Salam (Paix, en arabe) présenté à Cannes en son absence (pour se protéger) donne à voir l’ex Diam’s qui vit aux Émirats arabes unis, remariée (avec un ex-rappeur tunisien) après un divorce, voilée, mère de trois enfants à qui elle dédie ces vers : « Ils te diront que dans le business seuls les requins survivent / Que la femme est une faiblesse, utile tant qu’elle est furtive… »
Féminisme d’écorchée vive, refus de la société de consommation et rejet des médias de masse se mêlent. Diam’s est redevenue Mélanie, toujours engagée, mais par livre interposé : « L’Islam fait partie de la France car il vit dans le cœur de nombreux Français aujourd’hui. Il nous faut accepter cette réalité, non pas comme un échec, ni une capitulation devant un ennemi étranger qui aurait pris nos enfants, mais comme une source d’épanouissement véritable pour moi comme pour des millions de personnes qui ne veulent ni guerre ni conflit, qui n’aspirent qu’à vivre dans la paix et qu’à adorer Dieu. Avoir le droit d’exister, être considérés et respectés, n’être pas rabaissés au rang d’extrémistes ou de radicaux. » Parole de l’ex-rappeuse, Mélanie, française et musulmane.
Balance ton quoi (2018)
De toutes les chattes ça parle mal
2018, j’sais pas c’qui t’faut
Mais je suis plus qu’un animal
J’ai vu qu’le rap est à la mode
Et qu’il marche mieux quand il est sale
Bah, faudrait p’t’être casser les codes
Une fille qui l’ouvre, ça serait normal
Balance ton quoi
Même si tu parles mal des filles
Je sais qu’au fond, t’as compris
Balance ton quoi
Un jour peut-être ça changera
Balance ton quoi… »18ANGÈLE (née en 1995), autrice-compositrice-interprète, musicienne, productrice belge
Écoutez Balance ton quoi sur Youtube.
Pour ce qui est du féminisme francophone, voici l’un des nouveaux visages de la chanson en faveur des femmes et de l’égalité, en écho à #Metoo et contre le sexisme. Chanson certifiée triple disque de platine en Belgique et de diamant en France.
La locution « balance ton porc » fut inventée par Sandra Muller, journaliste française née en 1971. Balance est l’impératif du verbe balancer signifiant au sens argotique « dénoncer », et porc est au sens d›« homme ne pouvant réprimer ses instincts sexuels ». Utilisée comme mot-clé dans les réseaux sociaux, elle dénonce l’homme qui s’est comporté comme un porc envers toi.
Sur les réseaux sociaux, au-delà des sphères féministes, un appel autour des mots-clés #balancetonporc et #metoo brise l’omerta et rapporte des témoignages allant du sexisme quotidien et du harcèlement de rue aux agressions sexuelles. Le milieu du cinéma répondra plus tardivement présent, parce que balancer son porc, c’est courir le risque de ruiner sa carrière. Le milieu sportif se mobilise à son tour et a minima pour les mêmes raisons. On peut quand même parler d’un phénomène de société sans doute irréversible, que la chanson précède ou accompagne. Telle est aussi sa vocation.
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