Qui a dit quoi de Qui ? (Cinquième République de Mitterrand à Macron) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

 

Un personnage parle d’un autre personnage.
Exemple type : « Un fou a dit « Moi, la France » et personne n’a ri parce que c’était vrai. » François Mauriac évoquant de Gaulle en juin 1940.

Le premier « qui » est quelquefois le peuple (acteur anonyme) s’exprimant en chanson, pamphlet, slogan, épitaphe. Le second « qui » peut être un groupe, une assemblée, une armée à qui le discours est destiné.
Si les deux « qui » sont identiques, c’est un autoportrait, une profession de foi politique, parfois une devise.
Les lettres (Correspondance) et Mémoires (sous diverses formes) sont des sources précieuses, les « mots de la fin » livrent une ultime vérité sur l’auteur.

Dans ce défilé de Noms plus ou moins connus ou célèbres, le ton passe de l’humour à la cruauté avec ces citations référentielles ou anecdotiques, mais historiquement toujours significatives.
« Qui a dit quoi de Qui » est une version résumée en 12 éditos de notre Histoire en citations – « quand, comment et pourquoi » donnant l’indispensable contexte.

Ça peut aussi devenir un jeu : « Qui a dit quoi de Qui ». À vous de voir.

Retrouvez tous les épisodes du « Qui a dit quoi de qui », classés par période :

12. Cinquième République de Mitterrand à Macron.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

Les années Mitterrand (1981-1995)

« Regarde : Quelque chose a changé. / L’air semble plus léger.  / C’est indéfinissable.
Regarde : Sous ce ciel déchiré, / Tout s’est ensoleillé. / C’est indéfinissable.
Un homme, Une rose à la main, / A ouvert le chemin, / Vers un autre demain… »3209

BARBARA (1930-1997), Regarde. Chanson dédiée à François Mitterrand et ovationnée en novembre 1981 à l’hippodrome de Pantin, emplacement actuel du Zénith de Paris

Beaucoup d’artistes ont accompagné le président en campagne, puis au lendemain de sa victoire. Les mots, la musique, la voix, l’émotion de Barbara étonnent toujours et résonnent encore (sur You Tube, Daily Motion). On en oublie la raison politique…

21 mai, 11 jours après l’élection, Mitterrand prend ses fonctions de président de la République : journée ponctuée par des cérémonies officielles et des manifestations publiques. Presque trop bien mis en scène, le président remonte la rue Soufflot au milieu de la foule et se retrouve seul, franchit la porte du Panthéon pour se rendre dans la crypte et déposer une rose sur les tombes de Jean Jaurès, Victor Schœlcher et Jean Moulin… La rose, symbole du PS, est naturellement présente dans Regarde : « Et l’homme, Une rose à la main, / Étoile à son destin, / Continue son chemin. / Seul, Il est devenu des milliers, / Qui marchent, émerveillés, Dans la lumière éclatée… »

Par sa place dans l’histoire et sa complexité, le personnage de Mitterrand mérite ces quatre citations originales, dont trois autoportraits.

« Qu’appelez-vous pouvoir ? Un logement dans un palais ? Le grand cordon de la Légion d’honneur ? Le droit de grâce régalien ? La curiosité des foules ? La maîtrise des décrets ? Les hommes qui se courbent ? Les hommes qui se couchent ? La télévision à la botte ? La chasse au lièvre, au tigre, au pauvre ? Le doigt sur le bouton de la guerre atomique ? Un Président qui règne, qui gouverne, qui juge, qui légifère, qui commente lui-même les nouvelles qu’il inspire, monarque souverain d’un pouvoir absolu ? J’ai prononcé le mot qu’il fallait taire, l’absolu. »3102

François MITTERRAND (1916-1996), Ici et maintenant (1980)

Trois ans après la rupture de l’Union de la gauche et dans la perspective d’une troisième élection présidentielle (ayant perdu contre de Gaulle en 1965 et Giscard en 1974), il fournit ses clés pour (se) comprendre, savoir où il en est et où il veut aller. « Je fais partie du paysage de la France. » Il n’a pas l’intention d’en sortir. Un an plus tard, il a ce pouvoir « absolu », lui imprimant une marque personnelle qui l’oppose au giscardisme plus qu’au gaullisme.

Remarquons au passage le style Mitterrand, dernier de nos présidents appartenant à cette tradition littéraire.

« Je dissimule, je biaise, j’adoucis, j’accommode tout autant qu’il est possible. »3104

François MITTERRAND (1916-1996). Les Années Mitterrand (1986), Serge July

Autoportrait du président, lors de l’affaire du Rainbow Warrior en 1985 : un piège pour la DGSE (nos « services secrets ») qui a coulé le bateau, tuant un photographe portugais qui travaillait pour Greenpeace, organisation écologiste militant contre les essais nucléaires français en Nouvelle-Zélande. Mais cette stratégie mitterrandienne dépasse l’événement.

Qualité ou défaut, le trait de caractère a frappé tous les observateurs. Pour July, homme de gauche et directeur de Libération, « il fallait un homme à l’âme particulièrement enchevêtrée, un chef d’État suffisamment baroque pour accueillir les tempêtes qu’il allait provoquer et en faire les leviers d’une politique apaisante ». Cet opportunisme mitterrandien n’exclut pas des convictions fortes et des positions rigides, sur quelques thèmes : l’Europe, la peine de mort, la politique culturelle et certaines valeurs de la gauche.

« Vous êtes purs, parce que vous n’avez pas eu l’occasion de ne pas l’être. »3107

François MITTERRAND (1916-1996), au Congrès des Jeunesses Socialistes (JS), Pau, 1975

Étrange aveu, face aux jeunes socialistes qui vont devoir l’aider dans la course au pouvoir ! Premier secrétaire du PS, il vient de perdre la présidentielle face à Giscard d’Estaing et il opère une « refondation », le Mouvement de la jeunesse socialiste (MJS) devenant une simple courroie de transmission du PS.

À 59 ans, Mitterrand avait déjà un long parcours politique. Pour avoir été député, sénateur et onze fois ministre sous la Quatrième République, que de compromis, que d’accommodements, que d’opportunisme !

Ce qui lui sera surtout reproché, c’est une jeunesse liée à l’extrême droite : en 1934, à 18 ans, il adhère au mouvement de jeunes des Croix-de-Feu et devient volontaire dans la droite nationaliste du colonel de La Rocque. Il manifeste contre « l’invasion métèque » en février 1935. Il se lie avec des membres de La Cagoule. Il écrit dans le quotidien L’Écho de Paris d’Henry de Kérillis, proche du Parti social français. Au printemps 1943, il est décoré de l’ordre de la Francisque. Après quoi, il deviendra un authentique résistant.

De toute manière, le mot « pureté » sied mal à Mitterrand. Il gardera toujours des amitiés douteuses (Bousquet), des liaisons dangereuses (avec les puissances d’argent), des pratiques plus que contestables (écoutes téléphoniques, financement occulte du PS, réseaux maintenus en « Françafrique »…) et une double vie privée, tenue secrète, mais financée sur fonds publics. Est-ce pour cela qu’il admirait des « purs » comme Jaurès, Blum, Mendès France ?

« Détenir à la fois les clefs du pouvoir présidentiel et donc du long terme sans pour autant avoir la responsabilité de la gestion gouvernementale directe, tout en ayant un pied dans l’opposition par l’intermédiaire du PS, c’est vraisemblablement pour lui la forme la plus achevée du bonheur politique, celle qui, de toute évidence, convient le mieux à son mode de pensée. » 3103

Serge JULY (né en 1942), Sofres, Opinion publique 1986, Revue française de science politique, volume XXXVI, n° 2 (1986)

Le patron de Libération décrit cet équilibre instable que serait la cohabitation, héritage de la Constitution voulue par de Gaulle, une épreuve dont Mitterrand se tire mieux que son partenaire et Premier ministre, Jacques Chirac (mars 1986 à mai 1988). Au lieu de démissionner comme ses proches le lui conseillent, il assumera la situation. Le compromis, l’arrangement sont dans sa nature. La seconde fois, avec Édouard Balladur (mars 1993 à mai 1995), ce sera la « cohabitation de velours », plus consensuelle vu la courtoisie du Premier ministre qui y perd quand même ses chances à la présidentielle, d’où la victoire de Chirac.

Pour l’heure, après l’élection de mai 1981, la gauche socialiste n’a pas le triomphe modeste.

« La peine de mort est contraire à ce que l’humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêvé de plus noble. Elle est contraire à la fois à l’esprit du christianisme et à l’esprit de la Révolution. »3217

Robert BADINTER (né en 1928), garde des Sceaux, citant mot pour mot Jean JAURÈS (1859-1914), et plaidant pour l’abolition, Assemblée nationale, 17 septembre 1981

C’est l’un des moments clés de la présidence socialiste. La peine de mort n’était pratiquement plus appliquée en France, mais le symbole est très fort. Allant à l’encontre de l’opinion publique, l’abolition est la 17e des « 110 propositions pour la France » du candidat Mitterrand et Badinter sera toujours l’avocat des grandes causes.

Jacques Chirac devenu président donnera en 2007 valeur constitutionnelle à l’abolition de la peine de mort.

« Vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaire. »3219

André LAIGNEL (né en 1942), à Jean Foyer, Assemblée nationale, 13 octobre 1981. Crises et alternances, 1974-2000 (2002), Jean Jacques Becker, Pascal Ory

Foyer, grand juriste, vient simplement d’affirmer : « La seule nécessité qui exige la nationalisation est que celle-ci soit inscrite dans le Programme commun. » La « petite phrase » de Laignel, restée célèbre, a fâcheusement poursuivi son auteur.

« Tout est culture. »2960

Jack LANG (né en 1939), ministre de la Culture, Assemblée nationale, 17 novembre 1981. Demain comme hier (2009), Jack Lang

Présentant son budget, il défend une notion à la fois sociale et socialiste, opposée à la culture réputée élitiste et bourgeoise. « Culturelle, l’abolition de la peine de mort que vous avez décidée ! Culturelle, la réduction du temps de travail ! Culturel, le respect des pays du tiers-monde ! Culturelle, la reconnaissance des droits des travailleurs ! Culturelle, l’affirmation des droits de la femme ! »

À chacun sa définition de la culture, l’une des plus célèbres restant celle de l’écrivain et critique Émile Henriot, collaborateur au Temps (à partir de 1919), puis au Monde : « La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié. » À la réflexion, ce paradoxe semble très juste.

« Premièrement, peut-on rire de tout ?
À la première question, je répondrai oui sans hésiter […]
Deuxièmement, peut-on rire avec tout le monde ?
C’est dur. »3232

Pierre DESPROGES (1939-1988), réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen, 28 septembre 1982. Les Réquisitoires du Tribunal des Flagrants Délires, tome I, Seuil-France-Inter (2003)

Cette émission quotidienne s’inscrit dans la tradition des tribunaux comiques. Le juge, Claude Villers, présente le prévenu (c’est-à-dire l’invité) et l’interroge. L’avocat, Luis Rego, le défend à sa manière. Entre les deux, Pierre Desproges le procureur se lance dans un réquisitoire qui tourne souvent au morceau de bravoure. Face à Le Pen présent sur le plateau (et filmé), Desproges s’est surpassé : « Françaises, Français, Belges, Belges, Extrémistes, Extrémistes, Mon président français de souche, Mon émigré préféré, Mesdames et Messieurs les jurés, Mademoiselle Le Pen, Mademoiselle Le Pen, Madame Le Pen, Public chéri, mon amour… »

Il aligne tous les clichés les plus bêtes et méchants qu’il a pu entendre ou imaginer contre les arabes et les juifs. Les réseaux sociaux s’en font aujourd’hui encore l’écho. Le plus étonnant, c’est qu’à cette date Le Pen est au tout début de sa carrière : jeune député (élu à 27 ans), décoré de la Croix de la valeur militaire, il préside le Front national depuis 1972, mais le score aux élections est quasi nul (jusqu’en 1983), les dérapages verbaux sont rares et peu remarqués. Et pourtant, Desproges a flairé le péril frontiste !

« Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démissionne. »3234

Jean-Pierre CHEVÈNEMENT (né en 1939), ministre de la Recherche et de l’Industrie, qui démissionne le 22 mars 1983

Dirigeant du CERES (Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste), il représente l’aile gauche du PS. Il a favorisé le rapprochement avec le PC, concrétisé par la signature du Programme commun de gouvernement en 1972. Son discours trop radical et l’arrivée de Rocard auquel il s’oppose ont entraîné sa mise à l’écart. Mais ayant soutenu Mitterrand contre Rocard et rédigé le programme socialiste en vue de la présidentielle., il est présent au gouvernement, dès le 22 mai 1981.

Minoritaire face au changement de politique, il va renoncer à son poste et retrouver sa liberté de parole. Il va récidiver deux fois. Au total, trois démissions, c’est beaucoup pour un ministre. C’est même un record (de France).

« La France est une jeune garce que vous avez séduite, mais qui ne veut plus coucher avec vous. Il faut vous résigner. Pensez donc à un divorce à l’amiable. »3245

Edgar FAURE (1908-1988), au président François Mitterrand. Les Religions d’un président (1988), Jean Daniel

Jolie métaphore d’un radical qui occupa tous les postes politiques sous la Quatrième et la Cinquième (hormis la présidence de la République). Le Monde titre plus sérieusement sur le « grave échec de la gauche française aux élections européennes ». Érosion certaine pour le PS, débâcle pour le PC, total : 42 % des suffrages exprimés pour la gauche contre 58 % pour les listes de droite (et d’extrême droite) au scrutin du 17 juin 1984. Ainsi va la vie politique en régime démocratique – la dictature est plus « simple », mais pose d’autres problèmes.

« Lui, c’est lui, et moi, c’est moi. »3247

Laurent FABIUS (né en 1946), émission « L’Heure de vérité », Antenne 2, 5 septembre 1984

Nouveau Premier ministre, homme du président Mitterrand se situant par rapport à lui et se démarquant de Mauroy l’homme du Parti, il affiche un socialisme moins traditionnel : « On ne peut pas préparer la France à affronter la fin du XXe siècle avec un esprit d’intolérance et des idées d’avant-guerre. » Incarnant la nouvelle génération du PS, il saura évoluer avec le temps, « rouge vif en 1981, rose en 1983, modéré en 1985 » (Philippe Bauchard).

L’« effet Fabius » joue : jeune (38 ans), surdoué (ENS, agrégation, ENA), de bonne famille, parfois surnommé le « Giscard de gauche », ambitieux mais prudent. Un nouvel état de grâce va durer un an, la cote du Premier ministre dépassant de beaucoup celle du président – phénomène assez rare.

« L’emmerdant, c’est la rose. »3251

Thierry LE LURON (1952-1986), en direct sur le plateau de « Champs-Élysées », 10 novembre 1984, chanson

Parodie de la chanson de Gilbert Bécaud : « L’important, c’est la rose » – la rose dressée dans un poing serré demeure l’emblème du PS, mais on est loin du symbole chanté par Barbara, en 1981.

Connu d’abord pour ses imitations de Giscard président de la République, Le Luron se lance cette fois en solo dans un pastiche joliment chanté, mais cruellement « rewrité » lors de l’émission de variétés présentée par Michel Drucker. Il fait reprendre le refrain par le public et dédie sa chanson au président Mitterrand : devant des millions de téléspectateurs et le présentateur-producteur qui a tremblé pour son avenir sur la chaîne publique… Mais cela faisait partie du jeu et Drucker aime rappeler ses heures héroïques qui repassent en bouclent dans les best of !

« J’ai été avocat pendant 28 ans et garde des Sceaux pendant 28 jours. Si je suis le seul ministre de la Justice à ne pas avoir commis d’erreur, c’est parce que je n’ai pas eu le temps. »3257

Michel CRÉPEAU (1930-1999), succédant à Robert Badinter, le 19 février 1986. Palmarès du prix Press Club, humour et politique, 1998

Badinter, avocat lui aussi, est très connu par les affaires qu’il a plaidées, la plus illustre étant l’abolition de la peine de mort au début du septennat de Mitterrand. Il est nommé président du Conseil constitutionnel et Crépeau qui prend sa place au gouvernement fait cette déclaration : « On ne remplace pas Robert Badinter, on lui succède. » Il ne restera toutefois qu’un peu moins d’un mois, d’où ce mot de rare modestie. Dans la même veine, il avouera en décembre 1997 : « Je n’ai jamais siégé dans l’Hémicycle après minuit. Car, après minuit, on vote des conneries. À minuit, un radical dort ou baise. »

« Vous y perdrez votre âme, donc votre gloire. »3260

Jacques ATTALI (né en 1943), à Mitterrand, après les législatives perdues de mars 1986. Les Sept Mitterrand (1988), Catherine Nay

Conseiller personnel du président, Attali l’incite à démissionner au lendemain des législatives gagnées par la droite : « Ils vont défaire tout ce que vous aurez construit. Votre maintien à l’Élysée sera interprété comme une caution donnée à l’adversaire. » Mais Mitterrand reste à l’Élysée, comme annoncé à plusieurs reprises.

Pour Premier ministre, il peut choisir Simone Veil l’européenne, moins engagée dans les luttes franco-françaises ; Giscard d’Estaing l’apôtre de l’union et prêt à symboliser « 2 Français sur 3 » ; Chaban-Delmas, ex-prophète d’une « nouvelle société » pouvant être enfin synonyme de réconciliation. En prenant son adversaire le plus direct, Jacques Chirac, président du RPR, le président opte clairement pour une cohabitation de combat.

« Contrairement à ce qui se passe dans les westerns, c’est le premier qui dégaine qui est mort. »3267

Édouard BALLADUR (né en 1929), parlant de la cohabitation Mitterrand-Chirac en 1986. Manager en toutes lettres (2011), François Aelion. Cité aussi dans Le Nouvel Observateur, 7 janvier 1999, à propos d’une cohabitation inverse, entre Chirac (président) et Jospin (Premier ministre)

Métaphore cinématographique faisant image aux yeux du (grand) public ! Contrairement à ce qui se passe dans les westerns, attaquer serait donc une stratégie suicidaire. Le Premier ministre qui gouverne est logiquement le plus exposé aux critiques et aux sondages. Mais les Français apprécient la cohabitation, rêvant même (par sondages) d’un gouvernement dirigé par Michel Rocard et composé pour moitié de leaders PS et RPR-UDF. C’est de la pure politique fiction.

Pour l’heure et dans la réalité, les deux cohabitants au sommet, Mitterrand et Chirac, doivent éviter de s’affronter ouvertement. Vu les tempéraments, les situations et les âges respectifs, le « supplice » vaut surtout pour Chirac.

Tonton, laisse pas béton.3274

RENAUD (né en 1952), slogan lancé par le chanteur, présidentielles du printemps 1988. Pour une histoire culturelle (1997), Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli

En verlan, « béton » signifie tomber. Et dans une société surmédiatisée, l’engagement des artistes compte - on parlera plus tard des people, avant la déferlante des réseaux sociaux et la mode des influenceurs. Les noms les plus connus sont donc très courtisés, dans cette campagne présidentielle.

Ne citons pas les prises de position majuscules et définitives, cruellement recensées par Catherine Nay (Les Sept Mitterrand). La plus pudique étant le titre de Globe, le plus branché des mensuels : « Ne nous quitte pas. »

Après avoir longtemps hésité à se représenter (problèmes de santé demeurés secret d’État), Mitterrand se déclare enfin candidat, le 22 mars. Au soir du premier tour, il arrive en tête avec 34 % des voix devant Chirac, près de 20 %. Suivent Raymond Barre (UDF), 16,54 % ; Jean-Marie Le Pen (FN), 11,46 %. Suivis d’André Lajoinie (PC), 6,76 % ; Antoine Waechter (Verts), 3,78 % ; Pierre Juquin (PSU et LCR, gauche), 1,67 % ; Arlette Laguiller (Lutte ouvrière), 1,99 % ; Pierre Boussel (Parti des travailleurs), 0,31 %.

« Je préfère mes filles à mes nièces, mes nièces à mes cousines, mes cousines à mes voisines, mes voisines à des inconnus et des inconnus à mes ennemis. »3287

Jean-Marie Le PEN (né en 1928), émission « Le Divan » d’Henry Chapier, France 3, 9 décembre 1989

Une phrase partout répétée et toujours revendiquée par son auteur. Qui persiste, signe et « récidive » avec sa fille Marine, laquelle apprend le métier auprès de lui et prendra sa place à la tête du FN, se démarquant quand même des postures extrême-droitières du père et créant le nouveau RN (Rassemblement national). Sa petite-fille Marion Le Pen entre à son tour dans la carrière, candidate aux législatives de juin 2012 à Carpentras (Vaucluse), élue à 22 ans et plus jeune députée de l’histoire de la République française. La suite de son parcours semble confuse…

La phrase de Le Pen apparaît dans l’ordre naturel des choses de la vie, mais Michel Sparagano, professeur de philosophie, met en garde contre ce raisonnement simpliste : « Bien sûr, nous avons tous des cousines qui nous font préférer nos voisines et mêmes des voisines qui nous feraient préférer n’importe quel inconnu, mais la remarque est anecdotique. Ce qui ne l’est pas, en revanche, c’est qu’à force de préférer ses filles, ses nièces ou ses cousines, on finit par se marier entre cousins. L’extrême droite va parfois faire les poubelles de l’Action française, mais il ne faut pas oublier que l’endogamie de l’aristocratie de l’Ancien Régime a fourni plus de crétins congénitaux que tous nos villages alpins réunis ! Le programme du Front national, par sa méfiance de l’inconnu, ignore cette règle que tout anthropologue connaît : c’est par l’exogamie que les espèces progressent […] L’extrême droite sait-elle ce que nos mathématiques doivent aux Arabes, notre médecine aux Juifs, notre philosophie aux Grecs, nos arts à la Renaissance italienne, etc. ? » Conclusion, la xénophobie est une impasse biologique, historique et philosophique.

« Si ça vous amuse… »3293

François MITTERRAND (1916-1996), accueillant avec un mépris agacé les propositions du Premier ministre, jusqu’au jour où il lui demande sa démission, 15 mai 1991. C’est aussi le titre des Mémoires de Michel Rocard (1930-2016)

Comme si, vingt ans après, il s’amusait lui-même du cynisme destructeur dont il fut victime !

Ces relations conflictuelles ont gêné l’action du Premier ministre, au bilan certes positif mais incomplet. Rocard incarne la « deuxième gauche, décentralisatrice, régionaliste, héritière de la tradition autogestionnaire, qui prend en compte les démarches participatives des citoyens, en opposition à une première gauche, jacobine, centralisatrice et étatique » (les mots de Rocard en 1977, au congrès de Nantes du Parti socialiste).

C’est un rendez-vous raté avec l’histoire, pour la gauche et le socialisme, pour Rocard et pour la France. Malgré sa popularité, les jeux politiciens l’empêcheront de se présenter aux prochaines présidentielles, comme si l’ombre de Mitterrand planait toujours. Thomas Legrand lui rend hommage, dans sa chronique sur France Inter (1er novembre 2010), saluant « son parcours, des constances, des évolutions, mais une cohérence […] la volonté de promouvoir un pragmatisme jamais dénué d’une once d’utopie, un combat pour une société du contrat et de la négociation plutôt qu’une société de l’affrontement et du rapport de force […] cette mouvance souvent caricaturée à gauche, souvent taxée de centriste (suprême insulte). Une gauche qui place l’éthique et la transparence dans la façon de gouverner au même rang que le programme politique lui-même. »

« Je suis responsable, mais pas coupable. »3296

Georgina DUFOIX (née en 1943), résumant sa position de ministre des Affaires sociales dans l’affaire du sang contaminé, TF1, 4 novembre 1991

Plus de 6 000 hémophiles ont été contaminés par le virus du sida, entre 1982 et 1985. Le scandale éclate en avril 1991 : un article dans L’Événement du jeudi incrimine le CNTS (Centre national de transfusion sanguine) qui savait le danger, dès 1984. Le dernier procès des trois anciens ministres impliqués date de 1999. Affaire complexe et tragique. L’opinion publique, sensible aux problèmes de santé, est choquée par ce long feuilleton.

La « petite phrase » résumant le système de défense de la ministre suscita nombre de réactions : incompréhension, indignation, injures et diffamation. Pourtant, il peut y avoir responsabilité sans culpabilité, droit civil et droit pénal ne devant pas être confondus.

« Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme et, finalement, sa vie. »3306

François MITTERRAND (1916-1996), Discours aux funérailles de Pierre Bérégovoy, 4 mai 1993

Le président défend la mémoire de son ex-Premier ministre et ami qui s’est tiré une balle dans la tête le 1er mai, après un acharnement médiatique injuste. La presse (Canard enchaîné en tête) reprochait à cet homme honnête, luttant contre la corruption et les corrompus, un prêt sans intérêt pour une somme relativement modeste (un million de francs). Cet ancien militant, fidèle à ses convictions comme à ses amis, mais attaqué, puis lâché par les siens et notoirement déprimé, se reprochait surtout la défaite de la gauche aux législatives de mars 1993.

La véhémence de Mitterrand a une autre raison : il est lui-même très attaqué sur son passé d’ex-vichyste, devenu résistant. La politique est un métier dur, qui peut devenir cruel. Son successeur vivra cette tragédie, le temps venu. Moins d’un an plus tard, le suicide de François de Grosrouvre dans son bureau à l’Élysée affectera son vieil ami Mitterrand et suscitera des rumeurs quasi inévitables.

« Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas. »3310

François MITTERRAND (1916-1996) à la télévision, 31 décembre 1994

Le président adresse pour la dernière fois ses vœux à la nation, au terme de son second septennat. « L’an prochain, ce sera mon successeur qui vous exprimera ses vœux. Là où je serai, je l’écouterai, le cœur plein de reconnaissance pour le peuple français qui m’aura si longtemps confié son destin, et plein d’espoir en vous. Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas. »

Sa maladie (cancer) de notoriété publique dramatise ce rendez-vous annuel et convenu d’un président avec un peuple.

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Les années Chirac (1995-2007)

« Les feux rouges, je les ai grillés toute ma vie, tu crois peut-être qu’on en arrive là en auto-stop ? »3316

Jacques CHIRAC (1932-2019), Dans la peau de Jacques Chirac (2006), Karl Zéro et Michel Royer

Le film retrace sa carrière, depuis son entrée au gouvernement Pompidou sous de Gaulle. Ce « documarrant » a remporté le César du meilleur documentaire, gage d’un certain sérieux. Présenté comme « un hommage à notre plus grand acteur français », il retrace à travers quarante années d’archives audiovisuelles la « geste chiraquienne », cette quête éperdue du pouvoir. Avec ce personnage ambitieux et roublard, coléreux et comique, la réalité dépasse la fiction et le sens du dialogue offre des citations à foison…

« Comme on dit en Corrèze, qui s’est frotté à l’ail ne peut sentir la giroflée. » Fatalement, il y a les mauvaises rencontres et les « affaires » accumulées : cité dans neuf affaires judiciaires, Chirac sera protégé par son immunité présidentielle. Mais Alain Juppé (« le meilleur d’entre nous » dit-il) paiera pour cette République qui n’est pas « irréprochable ». Charles Pasqua (conseiller, ministre de l’Intérieur), impliqué dans neuf affaires politico-financières, sera condamné trois fois. Sans parler des « seconds couteaux » survivants… Ces écarts de conduite sont l’une des zones d’ombre de la chiraquie.

« Un chef, c’est fait pour cheffer. »3317

Jacques CHIRAC (1932-2019), Le Figaro Magazine, 20 juin 1992

Autoportrait dans l’action ! L’autorité est une vertu première, il le fera savoir et de quelle manière ! Le mot le plus dur visera le ministre le plus populaire du gouvernement Raffarin, Nicolas Sarkozy qu’il a été obligé d’accepter au poste le plus important – ministre d’État, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie en mars 2004. « Je décide, il exécute »… Nous y reviendrons. En attendant, Chirac installe son ami Juppé à Matignon.

« Je suis droit dans mes bottes et je crois en la France. »3336

Alain JUPPÉ (né en 1945), Premier ministre, TF1, 6 juillet 1995

Un mois après son entrée en fonction, le plus fidèle compagnon de Chirac doit répondre sur le loyer de son appartement parisien, trop bas pour être honnête, et la baisse de loyer demandée pour l’appartement de son fils Laurent.

Affaire dérisoire, mais symbolique. Juppé devient vite impopulaire : sa « cote d’avenir » passe de 63 % en juin à 37 % en novembre (baromètre TNS Sofres pour Le Figaro Magazine). Sa défense paraît rigide, illustrée par l’expression qui le poursuivra (empruntée à la cavalerie militaire) : « Je suis droit dans mes bottes. » Autrement dit, je ne plie pas, j’ai ma conscience pour moi.

« Il faut dégraisser le mammouth. »3344

Claude ALLÈGRE (né en 1937), ministre de l’Éducation nationale, 24 juin 1997

Suite à la malencontreuse dissolution de l’Assemblée nationale, le président Chirac est contraint à la cohabitation avec un gouvernement socialiste et Jospin, Premier ministre.

Claude Allègre est un chercheur reconnu, médaillé et primé par ses confrères, même si ses prises de position écologiques sur le climat apparaitront bientôt « politiquement incorrectes ». Il hérite d’un ministère important, mais difficile. Il prévoit une réforme des lycées pour « l’égalité dans la diversité » des filières. Il veut changer les horaires, développer des « activités culturelles et citoyennes ». Projets mal reçus, mais c’est surtout son langage qui choque le milieu enseignant. L’image fait mouche et le mammouth devient l’emblème de la contestation. On réfute ses chiffres (sur l’absentéisme des professeurs, la durée de leurs congés) et ses jugements tranchés sur diverses matières (les maths dévaluées par les machines à calculer, l’anglais qui ne doit plus être une langue étrangère pour les Français).

Le mammouth qui fait image est quand même la plus grosse erreur de langage. Le ministre revient sur sa petite phrase, précisant qu’elle visait l’administration centrale et non les professeurs. Il va d’ailleurs ajouter 70 000 emplois au million existant. Mais en mars 2000, Lionel Jospin devra sacrifier son ami Allègre et rappeler à l’Éducation nationale le très consensuel et populaire Jack Lang.

« Ma mission à moi était de conduire la gauche à la victoire présidentielle. Et là, on pourrait dire que l’équipage de la gauche a abandonné son capitaine. »3375

Lionel JOSPIN (né en 1937), à propos du 21 avril 2002. Lionel raconte Jospin (2010), Lionel Jospin

Séisme politique : aux élections présidentielles d’avril 2002, la gauche est éliminée au premier tour par l’extrême-droite de Le Pen. Le bilan du parti socialiste était honorable, mais son programme désespérément vide : aucune proposition propre à faire rêver les classes populaires déboussolées ou les jeunes avides d’idéal. La campagne, mal conduite, devint une foire d’empoigne entre les 16 candidats, huit à gauche, huit à droite, chacun s’efforçant d’engranger un maximum de voix en prévision des élections législatives de juin. Le 21 avril fut parfois analysé comme une nouvelle poussée d’extrême-droite, et surtout ressenti tel quel par la jeunesse qui manifestait en masse, vent debout. C’est davantage une démobilisation de la droite traditionnelle et plus encore de la gauche socialiste.

« La route est droite, mais la pente est forte. »3376

Jean-Pierre RAFFARIN (né en 1948), nouveau Premier ministre à l’Assemblée, 3 juillet 2002. La Route est droite, mais la pente est forte : un an déjà (2003), Marie-Noëlle Lienemann

Au lendemain des législatives gagnées dans la foulée de l’élection présidentielle, le choix du Premier ministre surprend. C’est un giscardien, donc plutôt centriste, l’un des rares « chiraco-compatibles ». Cela peut se résumer ainsi : « La politique, ce n´est pas un sport, ce n´est pas une équipe contre une autre : on est tous l´équipe de France. » Malgré tout, Raffarin a le cœur à droite : « La France n’est encore, dans son chemin du paradis, qu’au purgatoire puisqu’il reste des socialistes. »

L’homme affiche sa modestie : « Les têtes qui gonflent sont celles qui éclatent. » Il se décrit lui-même : « J´ai mes rondeurs, mais j´ai mon énergie. » Il a un physique et une mentalité de sénateur – il est d’ailleurs sénateur de la Vienne, élu et réélu, et il retournera au Sénat, après trois années passées à Matignon, trois fois renouvelé pour trois gouvernements successifs : « Je suis le pilote de l´Airbus gouvernemental. » Dès 2003, le Premier ministre obtient le prix spécial du (nouveau) Press Club de France, humour et politique, pour un an de raffarinades.

« Au regard de l’histoire de la vie sur Terre, celle de l’humanité commence à peine. Et pourtant, la voici déjà, par la faute de l’homme, menaçante pour la nature et donc elle-même menacée. »2961

Jacques CHIRAC (1932-2019), président de la République, Discours au Sommet mondial de Johannesburg (Afrique du Sud), 2 septembre 2002

Premier président écolo ? Prendre de la distance avec la politique et les affaires intérieures est aussi vital.

Plus de 100 chefs d’État (et quelque 60 000 participants) font le bilan du « Sommet de la Terre » tenu à Rio de Janeiro en 1992 et du Protocole de Kyoto (Japon) en 1997, les États signataires s’engageant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, dioxyde de carbone en tête (le fameux CO2).

La prise de conscience d’un tel enjeu est une première étape essentielle et la France est représentée par Chirac, sensible à l’écologie – ce sera son dernier combat politique et la raison d’être de sa fondation privée (créée en 2008). Le discours de 2002 est bien écrit, la menace clairement exprimée : « L’Homme, pointe avancée de l’évolution, peut-il devenir l’ennemi de la Vie ? Et c’est le risque qu’aujourd’hui nous courons par égoïsme ou par aveuglement. »

Le XXIe siècle voit naître l’écologie politique – « la seule idée nouvelle depuis 1945 » (Yves Frémion, Libération, 2 juin 2007). C’est aussi le siècle de la (nouvelle) mondialisation – phénomène tout à la fois politique, économique, culturel, social, voire sociétal.

« Que voulez-vous, je suis Français, et j’adore aller expliquer aux autres ce que je suis infoutu de faire chez moi. »3320

Jacques CHIRAC (1932-2019), Dans la peau de Jacques Chirac (2006), Karl Zéro et Michel Royer

Le président complète son autoportrait avec une sincérité désarmante ! Ce côté donneur de leçon remonte au siècle des Lumières et à la Révolution. Peu d’hommes publics confessent que c’est parfois un travers ridicule. Chirac note d’ailleurs : « En matière de politique internationale, on ne retient mes propos que si je dis une connerie. »

L’écologie, dossier idéal ! Il va récidiver en 2006. Mais ce que retiendra l’Histoire, c’est surtout l’opposition de la France à la (seconde) guerre du Golfe, voulue par Georges Bush (junior) contre l’Irak.

« Et c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent comme le mien, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie. Un pays qui n’oublie pas et qui sait tout ce qu’il doit aux combattants de la liberté venus d’Amérique et d’ailleurs et qui pourtant n’a jamais cessé de se tenir debout face à l’Histoire et devant les hommes. Fidèle à ses valeurs, il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur. »3378

Dominique de VILLEPIN (né en 1953), Discours au Conseil de Sécurité à l’ONU, 14 février 2003. La Chute de Bagdad : chronique d’une guerre controversée (2003), Alain Fillion

Paradoxe de cette citation : tout le monde se rappelle la situation, beaucoup approuvent ce beau et juste discours, mais personne ne peut retenir une phrase aussi alambiquée. En bref, la France refuse la guerre d’Irak et se désolidarise des États-Unis.

Plus précisément, pour intervenir militairement contre Saddam Hussein suspecté de développer des « armes de destruction massive », mais président d’un État souverain, il faut l’accord du Conseil de sécurité et la France mettra son veto. Le ministre des Affaires étrangères est ovationné par une majorité des pays membres de l’ONU non représentés au Conseil : ce sont les « applaudissements du monde » selon le commentateur de la NBC (National Broadcasting Corporation). Chirac s’opposant ainsi à Georges W. Bush acquiert une notoriété internationale.

« Je décide, il exécute. »3382

Jacques CHIRAC (1932-2019) parlant de son ministre des Finances, Nicolas Sarkozy, 14 juillet 2004. Un pouvoir nommé désir (2007), Catherine Nay

Cet été 2004, les deux hommes s’affrontent en Conseil de défense sur les crédits militaires. Faute impardonnable aux yeux du président qui le tacle sèchement à la télévision, lors de la traditionnelle interview d’après défilé militaire. Pour contrer les trop visibles ambitions de Sarkozy, il fixe une règle ad hoc, l’interdiction du cumul d’un portefeuille ministériel et de la présidence de l’UMP créée pour soutenir la candidature de Chirac à sa réélection.

Sarkozy choisit l’UMP, le parti du président conquis au nez des chiraquiens. Il a besoin de cette machine de guerre pour gagner la prochaine bataille présidentielle. Il sera bientôt rappelé au sein du gouvernement et le duel fratricide continuera jusqu’en 2007. Fin 2008, il reprendra la formule de Chirac à peine modifiée : « Je décide et ils exécutent. » Cette fois, ce sera l’omni président qui gouverne à la tête de l’État et les ministres n’ont qu’à suivre.

« Un Premier ministre, on le lèche, on le lâche, on le lynche ! »3383

Alain JUPPÉ (né en 1945). La Malédiction Matignon (2006), Bruno Dive, Françoise Fressoz

Il a vécu un court état de grâce, devenu Premier ministre (1995-1997) et maire de Bordeaux. Reconnu par Chirac comme « le meilleur d’entre les hommes de droite », il se rend vite impopulaire : projet de réforme des retraites, gel des salaires des fonctionnaires, déroute des Jupettes (huit femmes débarquées du gouvernement après quelques mois d’exercice). Et cette raideur de l’homme qui se dit lui-même « droit dans ses bottes. » Mais le pire est à venir.

En 1998, il est mis en examen pour « abus de confiance, recel d’abus de biens sociaux et prise illégale d’intérêt » – pour des faits commis en tant que secrétaire général du RPR et maire adjoint de Paris aux finances, de 1983 à 1995. Le 30 janvier 2004, le tribunal correctionnel de Nanterre le condamne lourdement. Le 1er décembre, condamnation réduite à quatorze mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité. Juppé vit une traversée du désert qui passe par le Canada… Nombre de commentateurs estiment qu’il paie pour Chirac, reconnu comme responsable moralement.

« Si vous saviez le plaisir que j’ai pu éprouver à passer pour un blaireau, surtout au milieu de corniauds. »3321

Jacques CHIRAC (1932-2019), Dans la peau de Jacques Chirac (2006), Karl Zéro et Michel Royer

Finissons les années Chirac par la suite de son autoportrait – ce qui restera finalement de lui dans l’Histoire qui, à tort ou à raison, retient souvent les personnages plus que les idées et les faits.

Cette métaphore animale est encore un trait de caractère original : aucun président de la République n’a pu tenir ce genre de propos à l’humour assumé, rigolard et franchouillard. Il y en a d’autres du même genre : « Moi, vous savez, je n’aime que deux choses : la trompette de cavalerie et les romans policiers. » Il cultive ce personnage populaire, ça l’amuse et ça plaît, c’est bon pour sa cote de popularité… Mais Chirac est plus cultivé qu’il ne veut paraître, contrairement à tous ceux qui pratiquent la méthode inverse.

Les années Sarkozy (2007-2012)

« Nerveux, impétueux, ne doutant de rien et surtout pas de lui-même… »3325

Jacques CHIRAC (1932-2019), Mémoires, tome II, Le Temps présidentiel (2011)

Dans ce testament politique, l’ancien président juge celui en qui il plaçait tant d’espoir et qui lui succède à la tête de l’État en 2007. Leur antagonisme est un fait politique de notoriété publique. Thème théâtral digne de Shakespeare ou Hugo, il inspire journalistes et biographes. « Le monde politique est une jungle » affirme Chirac et Sarkozy, enfant terrible de la chiraquie, a retenu la leçon du maître.

« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu agir. Transformer le quotidien, rendre l’impossible envisageable. »3326

Nicolas SARKOZY (né en 1955), Témoignage (2006)

Autoportrait publié, un an avant l’élection présidentielle… autant dire avant-propos de campagne. Et profession de foi – pourquoi ne serait-elle pas sincère ? Au passage, notons la parenté avec « Soyez réaliste, demandez l’impossible », ce slogan d’un Mai 68 qu’il n’aime guère.

« La politique a cet intérêt unique et tellement exigeant de se faire avec les Français, pas contre eux, ni sans eux. J’aime l’idée d’une action commune, vers un même objectif, pour donner un espoir à des millions de gens […] J’aime construire, agir, résoudre les problèmes. Je crois que tout se mérite et qu’au final, l’effort est toujours payant. Voilà mes valeurs. Voilà pourquoi je fais de la politique. »

Avocat, maire de Neuilly à 28 ans, plusieurs fois ministre et président de l’UMP, Sarkozy est élu président contre Ségolène Royal, le 6 mai 2007. À 52 ans, il réalise l’ambition de sa vie.

« J’ai changé […] J’ai changé parce que l’élection présidentielle est une épreuve de vérité à laquelle nul ne peut se soustraire. Parce que cette vérité je vous la dois […] Je la dois aux Français. »3330

Nicolas SARKOZY (né en 1955), au Congrès de l’UMP, 14 janvier 2007

La thématique du « changement » scande ses propos dès qu’il entre en campagne : « J’ai changé parce qu’à l’instant même où vous m’avez désigné, j’ai cessé d’être l’homme d’un seul parti, fût-il le premier de France… » Et l’éternel battant fend déjà l’armure : « J’ai changé parce que les épreuves de la vie m’ont changé. On ne peut pas partager la souffrance de celui qui connaît un échec professionnel ou une déchirure personnelle, si on n’a pas souffert soi-même. J’ai connu l’échec, et j’ai dû le surmonter. »

À peine élu, la cote de popularité du « président bling-bling » s’effondre : il doit faire savoir qu’il a changé. L’exercice du pouvoir l’a rendu meilleur, il a pris la pleine mesure de sa fonction. Son entourage passe le message. En décembre 2008, après sa présidence de l’Union européenne et le déclenchement d’une crise mondiale, il confie aux députés européens : « J’ai essayé de bouger l’Europe, mais l’Europe m’a changé. Lorsqu’on a la chance pendant six mois de connaître et d’avoir à trancher des problèmes de 27 pays, on gagne en tolérance, on gagne en ouverture d’esprit. »

Le président des riches et du bouclier fiscal se posera en « candidat du peuple contre l’entre-soi des élites » politiques, économiques, administratives et syndicales (Annecy, 16 février 2012). Cependant que l’homme agité se calme, se concentre sur ses responsabilités, désapprend la haine, affiche plus discrètement son bonheur personnel, se veut à l’écoute des autres, s’intéresse à la culture - et la voix devient plus grave, le débit plus lent, les tempes grisonnent… « Le pouvoir l’a transformé », assure sa ministre de l’Écologie et désormais porte-parole de campagne, Nathalie Kosciusko-Morizet.

Posture ou réalité ? On s’interroge, sur cet animal politique et médiatique d’un style nouveau.

« Fascination, défiance, répulsion… l’omniprésent président de la République nourrit depuis longtemps un lien puissant, passionné, quasi obsessionnel, au monde médiatique. Bête de scène, il est né et a grandi avec la télé, qu’il aime et qu’il regarde. Il en connaît les codes par cœur. »3333

Emmanuelle ANIZON (née en1968), Télérama, 12 mars 2012

Ce show-man virtuose, doué d’une vitalité à toute épreuve, avec le bagou et le charisme canaille d’un Bernard Tapie, fait comme lui exploser l’audimat et s’en vante. Télérama en témoigne : « Direct, vivant, faussement spontané, Nicolas Sarkozy est un bon client. Pour la télé, comme pour la presse écrite qui s’est laissé prendre à ses off, son tutoiement, sa familiarité, ses confidences, main sur l’épaule. À son agenda frénétique aussi. « Comment ne pas parler de Sarko ? » se demandaient les rédactions, prises en otage par les déplacements/événements quotidiens de l’infatigable ministre de l’Intérieur, devenu candidat en 2006. »

Cela fait partie d’un « plan de com » pour créer du buzz et capter l’attention du public en « enfumant » la presse. Et ça passe, ou ça casse : « Aller au bout de soi-même, c’est toujours ce que j’ai voulu. »

« Un jour, je finirai par retrouver le salopard qui a monté cette affaire et il finira sur un croc de boucher. »3398

Nicolas SARKOZY (né en 1955), ministre de l’Intérieur, citation authentifiée par « le salopard » visé, Dominique de Villepin. La Tragédie du Président (2006), Franz-Olivier Giesbert

Dans la série « duels fratricides », voici la séquence Villepin-Sarkozy et l’affaire Clearstream, sombre histoire de corbeaux et de manipulations, feuilleton financier, politique et judiciaire qui commence en 2004 et trouve son épilogue juridique en 2010.

Un petit groupe de politiciens et d’industriels tente de manipuler la justice pour évincer des concurrents, en les impliquant dans le scandale des frégates de Taïwan. Ils auraient touché des commissions sur la vente de ces navires de guerre et l’argent se trouverait sur des comptes occultes. Parmi les dizaines de noms cités, Sarkozy, alors ministre de l’Économie, mais aussi Chevènement, Strauss-Kahn, Madelin.

La presse dévoile l’existence d’un rapport de la DST sur l’affaire et ces listings falsifiés. Une rumeur peut toujours nuire et Sarkozy accuse Villepin de dissimuler à la justice les conclusions de l’enquête qui l’innocenterait. Il se constitue partie civile. Villepin mis en examen le 27 juillet 2007 pour « complicité de dénonciation calomnieuse, recel de vol et d’abus de confiance, complicité d’usage de faux » sera finalement relaxé le 28 janvier 2010.

« Qui gardera les enfants ? »3399

Laurent FABIUS (né en 1946), apprenant la déclaration de candidature de Ségolène Royal. Le Féminisme à l’épreuve des mutations géopolitiques : Congrès international (2012), Françoise Picq, Martine Storti

Le 29 septembre 2006 à Vitrolles (Bouches-du-Rhône), celle qu’on appelle simplement Ségolène se présente à l’investiture socialiste en vue des présidentielles. Fabius est également candidat et son humour pèche un peu par sexisme, mais à l’époque, ça passe. Rappelons qu’avec son compagnon François Hollande, Premier secrétaire du parti socialiste, elle a quatre enfants, dont la dernière a 13 ans.

Cela n’a pas empêché Ségolène Royal d’être quatre fois ministre, entre 1992 et 2002, députée en 1988, réélue deux fois (au total 13 ans) et seule femme à présider un conseil régional.

« Pour être président de la République, il faut être calme, et utiliser des mots qui ne sont pas des mots qui blessent, parce que quand on emploie des mots qui blessent, on divise son peuple alors qu’il faut le rassembler… »3419

Nicolas SARKOZY (né en 1955), débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, TF1 - France 2, 2 mai 2007

C’est un jeu théâtral parfaitement réglé, avec un enjeu considérable : le pouvoir pour cinq ans. Chacun, dans son dialogue, doit placer ses « petites phrases » et se montrer ferme, sans avoir l’air de mépriser ou d’écraser l’autre.

Cette fois, sur le thème du handicap, Ségolène Royal perd son sourire et sa sérénité « naturelle » – chose somme toute normale : « Je ne suis pas énervée. Je suis en colère. Il y a des colères que j’aurai encore quand je serai présidente. » Son adversaire, connu pour son tempérament qui est tout sauf calme, ne va pas rater l’occasion de décocher sa flèche avec un calme souriant.

Sur les deux heures de débat prévu et un dépassement de 39 minutes, le duel s’est joué à contre-emploi. Le lendemain, Sarkozy sort gagnant, considéré comme « le plus convaincant ». Il gagnera la présidentielle avec plus de 53 % des voix. Reste l’évidence : ce débat ne restera pas dans les annales du genre, comparé aux deux grands classiques, les duels entre Giscard d’Estaing et Mitterrand (1974 et 1981).

« Je ne suis pas un expert du 12e arrondissement, mais je l’ai traversé quand j’ai couru le marathon de Paris. »3422

Arno KLARSFELD (né en 1965), à la veille des élections législatives des 10 et 17 juin 2007

Pour cette déclaration qui ne vaut pas vraiment programme politique, le fringant avocat concourt au prix Press Club, humour et politique.

Après la victoire de Sarkozy à la présidentielle du 6 mai, la commission d’investiture de l’UMP le désigne comme candidat aux législatives dans la huitième circonscription de Paris (12eme arrondissement) pour succéder au député Jean de Gaulle (petit-fils du Général). Peu à l’aise dans ce rôle de candidat parachuté, accusé par ses adversaires de ne pas habiter dans le secteur (natif et habitant du 16eme), il arrive en ballottage favorable au soir du premier tour, perdant finalement le second contre la candidate socialiste Sandrine Mazetier (près de 56 % des voix). Le marathonien sera occasionnellement conseiller du président, avant d’être nommé au Conseil d’État.

« Tout est complexe entre un homme et une femme, mais quand tout est public, alors les petits événements de la vie quotidienne deviennent des monuments. »3429

Nicolas SARKOZY (né en 1955), Témoignage (2006)

Conscient du drame à venir, il témoignait de cette faiblesse d’homme fort. Il expose sa vie privée, les rumeurs courent, quand le couple élyséen explose.

18 octobre 2007, premier communiqué de l’Élysée : « Cécilia et Nicolas Sarkozy annoncent leur séparation par consentement mutuel. Ils ne feront aucun commentaire. » Un second communiqué, deux heures plus tard, précise que le couple a divorcé. Très médiatisés, les Sarkozy furent comparés aux Kennedy dans le style glamour et people. Cécilia, 49 ans, ancien mannequin, divorcée de l’animateur Jacques Martin, se veut femme libre : la vie de Première dame, « ça me rase » a-t-elle dit avant la présidentielle. Alors que lui avoue ne penser qu’à ça (« pas seulement quand je me rase »).

C’est la première fois qu’un couple présidentiel divorce et qu’un président se laisse aller à ce genre de confidence. La vie privée de Mitterrand était tenue secrète, la pudeur de Chirac est un trait de caractère qu’il partage avec Giscard d’Estaing, quant à de Gaulle, n’en parlons pas… Seul Pompidou, profondément épris de sa femme, a visiblement souffert des rumeurs qui l’atteignaient. La nouvelle vie avec Carla Bruni-Sarkozy (ex-mannequin et chanteuse) sera également mise en scène à partir de 2008.

« Casse-toi, pauv’ con ! »3433

Nicolas SARKOZY (né en 1955), au Salon de l’Agriculture, 23 février 2008

Scène de la vie quotidienne. Le président répond à un visiteur refusant sa poignée de main et lui ayant déclaré : « Ah non, touche-moi pas ! Tu me salis ! » Petite phrase popularisée par la diffusion sur Internet et surmédiatisée par la captation vidéo. Mise en situation, la réaction peut s’expliquer, mais ce genre de mot nuit à l’image présidentielle. Il reconnaîtra son erreur en 2012, l’année du mea culpa.

« Indignez-vous ! »3443

Stéphane HESSEL (1917-2013), titre de son essai (Indigène éditions, 2010)

Parole d’un jeune homme en colère de 92 ans. Ce livre de 32 pages, publié par un petit éditeur de Montpellier, vendu 3 euros sans promotion médiatique, tourne au phénomène d’édition : 950 000 exemplaires en 10 semaines. Traduit en 34 langues, le livre se vendra à 4 millions d’exemplaires.

L’auteur, né en Allemagne d’un père juif, naturalisé français en 1937, résistant face au nazisme et déporté à Buchenwald, participe à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Diplomate de métier, européen de gauche, proche de Mendès France et Michel Rocard, il reprend les idées du CNR (Conseil national de la Résistance) : engagement politique de la société civile, primauté de l’intérêt général sur l’intérêt financier, solidarité entre les générations. Il les confronte aux sujets d’indignation actuels : existence des sans-papiers, planète maltraitée, écart des richesses dans le monde.

Le mouvement des Indignés, soutenu par les réseaux sociaux et associé au Printemps arabe, va essaimer dans le monde et manifester un peu partout en 2011 (comme en Mai 68) : plus de 70 pays, Espagne en tête.

« S’il veut être candidat, il faudra quand même qu’il se batte un peu. Il n’y a pas de raison que l’on gratte la terre avec nos ongles et que lui arrive en voiturette de golf à l’Élysée. »3444

Henri EMMANUELLI (1945-2017), parlant de Dominique Strauss-Kahn, Le Parisien, 25 novembre 2010

Député des Landes, mitterrandien depuis toujours, il se situe résolument et parfois bruyamment à l’aile gauche du PS, contre l’Europe (au référendum) et contre la tendance socio libérale incarnée par DSK, actuel patron du FMI (Fonds monétaire international), candidat non encore déclaré, porté par l’opinion publique et soutenu par les « éléphants » du parti. Mais la tactique du « j’y vais ou j’y vais pas » du présumé candidat finit par irriter. Quant éclate l’affaire du Sofitel de New York.

« L’argent, les femmes, ma judéité. »3452

Dominique STRAUSS-KAHN (né en 1949), propos d’avril 2011. Édition française du Jerusalem Post, 19 mai 2011

Il avait lui-même énoncé devant un journaliste de Libération les trois points faibles pouvant lui porter préjudice dans la course à la présidence, peu avant que l’affaire éclate, le 14 mai 2011.

C’est d’abord une affaire judiciaire de droit commun : le patron du FMI est accusé pour agression sexuelle, tentative de viol et séquestration. Nafissatou Diallo, employée comme femme de chambre depuis trois ans, affirme qu’il a commis ces actes dans une suite de l’hôtel Sofitel de New York. Compte tenu de la gravité des faits, la juridiction de l’État de New York procède à la mise en détention provisoire de Dominique Strauss-Kahn et engage une procédure pénale. Il nie les accusations et fait savoir qu’il plaidera « non coupable ».

« Cet homme a visiblement une maladie mentale… des difficultés à maîtriser ses pulsions. C’est dommage, il avait un vrai talent, c’est vrai. »

Michel ROCARD (1930-2016), 30 août 2011. Le Grand Journal de Canal+

La classe politique est gênée, surtout qu’on était plus ou moins au courant – mais qui, on ? et plus ou moins ? et de quoi au juste !?

Martine Aubry est la plus embarrassée par son ancien allié – elle a conclu un pacte, si l’un se présente à la présidence, l’autre se retire. Revenant sur la présomption d’innocence dans cette affaire, elle ajoutera quand même sur Canal Plus, fin août : « Je pense la même chose que beaucoup de femmes sur l’attitude de Dominique Strauss-Kahn vis-à-vis des femmes. » Parole de femme.

Quelques indulgences masculines se manifestent. Bernard-Henri Lévy, doutant du témoignage de la victime présumée, défend l’homme : « Le Strauss-Kahn dont je suis l’ami depuis vingt-cinq ans et dont je resterai l’ami, ne ressemble pas au monstre, à la bête insatiable et maléfique, à l’homme des cavernes, que l’on nous décrit désormais un peu partout : séducteur, sûrement ; charmeur, ami des femmes et, d’abord, de la sienne, naturellement ; mais ce personnage brutal et violent, cet animal sauvage, ce primate, bien évidemment non, c’est absurde. »

Quant à Jack Lang, très solidaire et agrégé de droit public : « Quand on connaît un tout petit peu le système américain… alors qu’il n’y a pas mort d’homme, ne pas libérer quelqu’un qui verse une caution importante, ça ne se fait pratiquement jamais. »

« C’est un homme ; il est riche, puissant et connu, face à une femme faible, pauvre et inconnue : il a perdu ! »3456

Éva JOLY (née en 1943), Le Point, 16 juin 2011

Témoignage de femme et parole de magistrate. En prime, elle connaît l’homme : elle l’a mis en examen, onze ans plus tôt, dans l’affaire Elf.

Blanchi au pénal à New York, ce qui va perdre DSK, c’est la suite, d’autres affaires de mœurs, d’autres témoignages et une certaine lassitude, voire un rejet d’une opinion publique qui attendait tant de lui, de ses compétences économiques et politiques. Bref, un immense gâchis.

Quant à Éva Joly, à peine entrée en politique, déjà très connue, députée au Parlement européen en 2009 sur la liste Europe Écologie, la voilà tentée par la présidentielle – sa double nationalité lui permet de se présenter en France, même cas que Daniel Cohn-Bendit, député Vert européen. De manière inattendue, elle est investie comme candidate d’Europe Écologie-les Verts le 12 juillet 2011, contre le très médiatique Nicolas Hulot. Malgré ses qualités, courage, ténacité, intégrité, on parlera d’« erreur de casting ».

« Un président qui donne aux Français confiance, respect et espoir, qui a donc la hauteur nécessaire pour incarner la France et l’humilité indispensable pour être au plus près des citoyens. »3458

François HOLLANDE (né en 1954), AFP, 16 juillet 2011

Le futur candidat fait son autoportrait, s’opposant naturellement à Sarkozy le président en place et espérant aller au-devant du désir des Français. Il se positionne aussi parmi les autres prétendants, en vue des primaires socialistes.

L’exercice n’est pas simple, les petites phrases assassines courent les salles de rédaction, les médias et les blogs. « Hollande, c’est le principal défaut du Parti socialiste » selon Arnaud Montebourg (Canal Plus, le 8 juin 2010). « François Hollande président de la République ? On rêve ! » s’exclame Fabius, en avril 2011, et deux mois plus tard : « Une fraise des bois peut-elle cacher un éléphant ? » Martine Aubry, connue pour ses flèches visant son entourage : « Arrêtez de dire qu’il travaille ! François n’a jamais travaillé ! Il ne fout rien ! » (Journal du Dimanche, 30 avril 2011), « Il n’a aucune épine dorsale. Il manque de caractère » (Le Nouvel Observateur, 30 juin 2011). Son ex-compagne, Ségolène Royal, sera pour une fois d’accord avec elle : « Le point faible de François Hollande, c’est l’inaction. Est-ce que les Français peuvent citer une seule chose qu’il aurait réalisée en trente ans de vie politique ? » (Le Figaro, 8 novembre 2011).

Hollande, apparemment insensible aux blessures d’amour-propre, se prépare à « changer de destin » (titre de son prochain livre) et peaufine son image mitterrandienne : « Un président qui doit redonner de la fierté aux Français par son action internationale et par la considération qu’il porte aux grandes questions planétaires qui sont celles de l’humanité tout entière. »

« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. »3460

Martine AUBRY (née en 1950), citant sa grand-mère, pour critiquer François Hollande, son principal concurrent dans les primaires socialistes, 13 septembre 2011 sur RTL

La candidate à la primaire socialiste répond aux questions de Jean-Michel Aphatie. Elle a trouvé du « flou » chez François Hollande, son principal concurrent lors du débat télévisé qui les opposait la veille. « J’ai bien compris qu’il essayait de passer entre les gouttes quand je lui posais un certain nombre de questions… Ma grand-mère disait : « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » », a-t-elle poursuivi. « J’ai essayé de mettre le doigt sur certains de ses loups. » Elle l’accuse aussi d’avoir employé « des mots de droite ».

En tout cas, le dicton de la grand-mère court les médias et pimente les discours d’un brin de bon sens populaire. C’est ainsi que naît une vraie citation.

« Génie de la Bastille qui culmine sur cette place, nous voici de retour, le peuple des révolutions et des rébellions en France. Nous sommes le drapeau rouge ! »3474

Jean-Luc MÉLENCHON (né en 1951), Discours du 18 mars 2012 à Paris

À la Bastille, le tribun fait place comble ce dimanche et défie le temps à la pluie. Plus de 120 000 personnes ont défilé entre Nation et Bastille dans le symbolique Faubourg-St-Antoine, avant d’écouter le candidat du Front de gauche. Porté par la vague rouge des drapeaux et l’enthousiasme de la foule, il dynamise soudain une campagne sans thème majeur, plombée par le non-dit sur la crise et la perte de confiance dans le pouvoir du politique.

Il appelle à prendre le pouvoir et donc à reprendre la Bastille. Ce jour doit marquer le début de « l’insurrection civique » et populariser sa « VIe République sociale, laïque et écologique » avec le slogan : « Le vote Mélenchon, c’est le vote utile. » Autrement dit, il s’imagine en « dernier président de la Ve » et Marie-George Buffet fait chorus au nom du PCF moribond. Mélenchon va renouveler son exploit à Toulouse et à Marseille, le 14 avril, rassemblant 100 000 fans sur la plage du Prado, avec des accents lyriques à la Hugo. Il redonne ce goût de la fête, ce bonheur d’être ensemble, unis par la même cause.

Le dimanche précédant le premier tour, Sarkozy, place de la Concorde, et Hollande, face au Château de Vincennes, rassembleront un nombre de manifestants non chiffré, mais inférieur.

« Ceux qui ne peuvent supporter d’être haïs ne doivent pas faire de la politique. Il n’y a pas de destin sans haine. »3470

Nicolas SARKOZY (né en 1955), sur son site : Présidentielle 2012

Phrase prémonitoire écrite en 2007, d’un animal politique ayant déjà connu une première traversée du désert très jeune – avant 40 ans. Éloigné du pouvoir par Chirac (qu’il a trahi pour Balladur), il reviendra au gouvernement, plus que jamais détesté par les chiraquiens.

En un quinquennat, aucun président n’aura atteint si vite une telle cote d’impopularité. La seconde campagne présidentielle tourne au référendum « antisarkozy ». Bonaparte, porté au pouvoir dans l’enthousiasme populaire, finit en Napoléon Ier haï. Chirac passa par des hauts et des bas comme les autres présidents. « Mitterrand est aujourd’hui adulé, mais il a été l’homme le plus détesté de France. Ce qui laisse pas mal d’espoir pour beaucoup d’entre nous. » Laurent Fabius, qui parle en connaissance de cause, remporte le prix Press Club, humour et politique en 2011.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

Les années Hollande (2012-2017)

« Il fait partie de ces élèves qui n’ont pas rendu une bonne première copie et qui demandent maintenant une correction. Eh bien, il va l’avoir, la correction ! »

François HOLLANDE (né en 1954), 23 avril 2012, après le premier tour de l’élection présidentielle

Nicolas Sarkozy devant affronter le candidat socialiste au second tour le 6 mai avait proposé de tenir trois débats entre les deux tours – il refuse. On s’en tiendra au rendez-vous classique, unique et ultra-médiatique. Hollande n’usera pas de son humour – un de ses talents assumés -, mais jouera d’une anaphore (répétition) devenue célèbre.

« Moi président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à l’Élysée. Moi président de la République, je ne traiterai pas mon Premier ministre de collaborateur. Moi président de la République, je ne participerai pas à des collectes de fonds pour mon propre parti, dans un hôtel parisien… »

François HOLLANDE (né en 1954), débat de l’entre-deux-tours

Il répond à la dernière (bonne) question posée par la journaliste Laurence Ferrari : « Quel président comptez-vous être ? —  Un président qui d’abord respecte les Français, qui les considère. Un président qui ne veut pas être président de tout, chef de tout et en définitive responsable de rien. » Puis, il enchaîne : « Moi président de la République » prononcés à quinze reprises et s’opposant chaque fois à l’ex-Président.

Face à lui, Sarkozy ne peut, ne veut pas l’interrompre, au risque d’être trop fidèle à son image, « nerveux, impétueux », etc.

« La présidence normale, c’est une présidence qui doit être ambitieuse pour son pays et humble pour celui qui le représente. Elle doit être à la fois haute, c’est-à-dire digne, et proche, c’est-à-dire respectueuse. »3485

François HOLLANDE (né en 1954), Le Point, 26 mai 2011

En cas de victoire espérée, le candidat socialiste répondait par avance, tenant à afficher sa différence face à l’omniprésident en place. Sa tactique, devenue stratégie payante, repose de la surchauffe médiatique des deux dernières campagnes électorales. De là à qualifier Hollande d’« endormeur », voire d’« hypnotiseur »… (dans L’Express).

« Le président normal ne le sera pas longtemps. Parce que la fonction ne l’est pas. »3486

François FILLON (né en 1954), dépêche AFP, 29 mai 2012

Prédiction de l’ex-Premier ministre du précédent quinquennat, lancée sans grand risque d’erreur. Une situation économique et financière anormalement grave (depuis quatre ans déjà) rend la fonction plus périlleuse et le rôle plus ingrat, face à une opinion publique prompte à critiquer et une opposition politique systématique de la droite et des extrêmes. Autre évidence, le président de la République, surtout sous la Cinquième et avec les responsabilités qui sont les siennes, est condamné à devenir un personnage de premier plan, surexposé face aux médias et aux citoyens.

François Hollande, homme de parti, habitué aux synthèses entre courants socialistes et adepte de la gentillesse en politique (ce qui lui vaudra le premier prix du genre, décerné par le très sérieux magazine Psychologie en novembre 2012), sera tôt ou tard forcé de trancher et de se battre en tête de ses troupes. Quant à prendre l’avion, le train ou la voiture comme tout le monde, c’est un critère peu signifiant - disons, anecdotique.

« J’essaie de montrer une force tranquille. Les Français ont besoin que leurs dirigeants ne soient pas fébriles. »3490

Jean-Marc AYRAULT (né en 1950), Paris Match, 21 novembre 2012

Le Premier ministre emprunte l’expression « force tranquille » à la campagne présidentielle gagnante de Mitterrand en 1981 et se montre à l’image du nouveau président qui se veut « normal ». L’interview dans cet hebdomadaire populaire est faite pour rectifier l’image trop floue du chef de gouvernement : « Sous vos airs bonhommes, n’êtes-vous pas une main de fer dans un gant de velours ? _ Je ne suis pas quelqu’un de faible. Je ne serais pas arrivé là, si je n’avais pas fait preuve de fermeté. Mais, en même temps, j’ai de la bienveillance pour les gens. Je ne confonds pas l’autorité et la brutalité ou le caporalisme. J’estime que tout le monde a droit à une deuxième chance. - Vous cachez bien votre jeu ! - J’essaie de montrer une force tranquille. »

« Il est tellement loyal qu’il est inaudible. »

François HOLLANDE (né en 1954), à propos d’Ayrault, Premier ministre. Un président ne devrait pas dire ça ! Les secrets d’un quinquennat (2016) Gérard Davet et Fabrice Lhomme

Hollande précisera, dans ce témoignage par ailleurs très contesté : « Il est fort, il a de la constance, même du courage. Il lui manque la part de rondeur, de légèreté, au sens de la capacité à faire un compliment, entraîner l’autre. Mais s’il avait tout ça, il serait président, il ne serait pas Premier ministre ! Si un Premier ministre est meilleur que le président, c’est un problème ! »

« Moi, président de la République, je n’ai jamais été mis en examen. […] Je n’ai jamais espionné un juge, je n’ai jamais rien demandé à un juge, je n’ai jamais été financé par la Libye. »

François HOLLANDE (né en 1954), se comparant à Nicolas Sarkozy. Un président ne devrait pas dire ça ! Les secrets d’un quinquennat (2016) Gérard Davet et Fabrice Lhomme

Dans ce livre-entretien qui fit événement, le président se lâche, livrant des réflexions extrêmement personnelles sur les sujets chauds de son mandat.

Sur les Verts et les frondeurs : Les premiers sont « des cyniques et des emmerdeurs », les seconds, la preuve qu’une « agrégation de gens intelligents peut faire une foule idiote ». L’équipe de France de foot ? « Ils sont passés de gosses mal éduqués à vedettes richissimes, sans préparation ». Certains joueurs mériteraient des leçons de « musculation du cerveau ». Il revient sur Merci pour ce moment ? (2014), essai autobiographique de Valérie Trierweiler, son ex-compagne pendant neuf ans qui fit polémique : « Ce livre n’était pas un acte malveillant, mais l’acte d’une femme malheureuse. » Il n’a pas supporté l’expression « sans-dents » sortie de son contexte et citée à charge contre lui : « Je lui ai dit : Je vois les gens qui viennent vers moi dans les manifestations, ce sont des pauvres, ils sont sans dents. C’est odieux, c’est une trahison. Quand je dis : J’aime les gens, c’est vrai. »

De toute manière, on n’est jamais trahi que par les siens… et la fin du quinquennat sera difficile pour un président qui n’a pas cru longtemps à son destin.

« Je lui dois de m’avoir fait confiance et de m’avoir nommé au gouvernement. En même temps, lorsqu’un président nomme quelqu’un ministre, il le fait parce qu’il pense que c’est bon pour son pays, pas pour en faire son obligé. »

Emmanuel MACRON (né en 1977) Cité dans En marche vers l’Élysée (2016), Nicolas Prissette

Macron d’adresse ici au Président : « J’ai une loyauté personnelle envers François Hollande. Je lui dois… »  Ministre de l’Économie en 2014, il démissionne en 2016 et crée son propre mouvement politique à ses initiales : « En Marche ».

Confronté à une forte impopularité et à des divisions au sein du PS, François Hollande renonce à briguer un second mandat - une première sous la Cinquième République. La présidentielle se jouera entre Marine Le Pen et Macron qui l’emporte sans avoir besoin de forcer son talent (avec 66 % des voix). Élu à 39 ans, le plus jeune président de l’histoire gère l’entreprise France, voit déferler les Gilets jaunes et affronte une crise sanitaire hors norme (pandémie de la COVID), dans un « paysage politique » indéchiffrable.

Les années Macron (depuis 2017)

C’est encore l’actualité. Donc, pas de commentaire dans cette chronique qui se veut historique, à l’image de notre site ! Mais on peut quand même se demander ce que retiendra l’Histoire ? Thème de réflexion et de débat, voici le Top 20 des citations signées du président, sourcées et brièvement contextualisées au fil de ce dernier épisode du « Qui a dit quoi de qui ».

« Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien, parce que c’est un lieu où on passe, un lieu que l’on partage. »

2 juillet 2017, à l’inauguration de la Station F, campus géant dédié aux start-up et initié par Xavier Niel

« La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues. »

27 juillet 2017, sur Twitter, à propos des SDF

« Les forces du monde ancien sont toujours là, bien présentes, et toujours engagées dans la bataille pour faire échouer la France. »

30 août 2017, interview à l’hebdomadaire Le Point

« La France n’est pas un pays réformable. Beaucoup ont essayé et n’y ont pas réussi, car les Français détestent les réformes. »2858

24 août 2017, devant la communauté française de Bucarest (Roumanie)

« En tant que président, vous ne pouvez pas avoir le désir d’être aimé. Ce qui est, bien sûr, difficile parce que tout le monde veut être aimé. Mais à la fin, ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est servir le pays et le faire avancer. »

13 octobre 2017, entretien au journal allemand Der Spiegel

« Pour que notre société aille mieux, il faut des gens qui réussissent ! […] Je ne crois pas au ruissellement, mais je crois à la cordée. […] Si l’on commence à jeter des cailloux sur les premiers de cordée, c’est toute la cordée qui dégringole. »

15 octobre 2017 à l’Élysée, première interview télévisée du quinquennat sur TF1 et LCI

« L’audiovisuel public, c’est une honte pour nos concitoyens. »

6 décembre 2017, réunion à l’Élysée, résumé d’un long discours en forme de réquisitoire.

« La politique sociale, regardez : on met un pognon de dingue dans des minima sociaux, les gens ils sont quand même pauvres. On n’en sort pas. Les gens qui naissent pauvres, ils restent pauvres. Ceux qui tombent pauvres, ils restent pauvres. On doit avoir un truc qui permette aux gens de s’en sortir. »

12 juin 2018, entretien « informel » à l’Élysée avec ses conseillers, publié sur Twitter le même jour.

« S’ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ils viennent le chercher ! »

25 juillet 2018, devant la Maison de l’Amérique latine et face aux députés de la majorité, référence à l’affaire Benalla.

« Il faut prendre un peu de distance avec la polémique et les réseaux sociaux. J’aime la France et les Français, n’en déplaise, et je l’aime dans toutes ses composantes. Je les aime, ces tribus gauloises, j’aime ce que nous sommes. »

30 août 2018, conférence de presse à Helsinki, pour éteindre la controverse déclenchée sur les Français, ces « Gaulois réfractaires au changement ».

« Dans l’hôtellerie, les cafés et la restauration, dans le bâtiment, il n’y a pas un endroit où je vais où ils ne me disent pas qu’ils cherchent des gens. Pas un ! Hôtels, cafés, restaurants, je traverse la rue, je vous en trouve ! »

16 septembre 2018 à l’Élysée, devant les visiteurs visitant le Palais, il répond à un jeune chômeur.

« Je n’ai pas réussi à réconcilier les Français avec leurs dirigeants. »

14 novembre 2018, interview en direct sur TF1 depuis le porte-avions Charles de Gaulle, mea culpa présidentiel.

« Quand vous avez ensemble des gens qui veulent plus d’emplois publics et des gens qui veulent moins d’impôts, je dis juste aux Français : on est en train de vous mentir et de vous manipuler. »

14 novembre 2018, interview en direct sur TF1 depuis le porte-avions Charles de Gaulle, pédagogie face aux Gilets jaunes.

« Il y a beaucoup de gens qui sont dans l’addition des colères et l’addition des blocages, ça ne fait pas un projet pour le pays. »

14 novembre 2018, interview en direct sur TF1 depuis le porte-avions Charles de Gaulle, mise en garde des Français face aux contestations.

« Tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et nos entreprises. Quoi qu’il en coûte. »

12 mars 2020, adresse aux Français relative à la Covid-19, reprenant les mots de l’ex-président de la BCE Mario Draghi (« whatever it takes ») crédité du sauvetage de la zone euro en 2012.

« Nous sommes en guerre. »

16 mars 2020, seconde allocution télévisée en six jours, expression répétée six fois en annonçant aux Français le confinement pour juguler la propagation de l’épidémie de coronavirus.

« Il fallait créer un électrochoc pour sauver des vies. »

16 décembre 2020, interview au Point pour justifier huit mois après le « Nous sommes en guerre » destiné à provoquer un électrochoc nécessaire.

« La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire, ni aucune statue déboulonnée. »

14 juin 2020 à l’Élysée, adresse aux Français pour dénoncer la réécriture de l’Histoire de France.

« Pourquoi ai-je un jour voulu devenir Président ? Pour faire en sorte que quel que soit votre prénom, votre religion ou votre couleur de peau, il y ait un chemin qui vous permette d’arriver à l’excellence. »

14 juillet 2020 sur Twitter.

« J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas que le modèle Amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine. »

14 septembre 2020, discours sur l’innovation et la 5G avec référence au «  modèle amish  », contre-exemple face aux défis de l’écologie contemporaine.

« Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français, je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder ! Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie. »

Entretien avec des lecteurs du Parisien, mardi 4 janvier 2022.

« Face à ceux qui tentent de semer le poison de la division, de fragmenter, de fracturer les hommes, il n’y a pas plus puissant que la force tranquille de la fraternité. »

Meeting à La Défense Arena, 2 avril 2022.

« Nul ne sera laissé au bord du chemin […] Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève. »

Après sa réélection, Discours de victoire au Champ de Mars, 24 avril 2022.

« Je pense aussi à nos compatriotes qui ont voté pour Madame Le Pen. Je ne suis plus le candidat d’un camp, mais le président de toutes et tous. Je sais que pour nombre de nos compatriotes qui ont choisi l’extrême droite, la colère et les désaccords qui les ont conduits à voter pour ce projet doit aussi trouver une réponse. Ce sera ma responsabilité et celle de ceux qui m’entourent. »

Discours de victoire au Champ de Mars, le 24 avril 2022.

« L’émeute ne l’emporte pas sur les représentants du peuple. »

Devant des parlementaires de la majorité, 21 mars 2023.

« La foule n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime à travers ses élus. »

22 mars 2023, au 13 heures de France 2.

« Les œufs et les casseroles, c’est pour faire la cuisine chez moi ! »

20 avril 2023 dans l’Hérault.

« Et en même temps… »

Le psychanalyste Roland Gori s’interroge : « Paradoxe permanent ou imposture ? Emmanuel Macron a fait de cette expression sa marque de fabrique. » Ses partisans en font le signe d’une pensée de la « complexité » qui dépasse les anciens clivages, ses opposants y voient surtout une ambiguïté typique du « centrisme social-libéral ». Pour le psy, cette formule révèle l’ontologie de cet homme politique et de son courant de pensée, voulant « concilier Ricœur et le CAC 40 ».

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